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REVUE
DES
DEUX MONDES.
QUATRIÈME SÉRIE.
I
TOU m.— ï^ lUILLBT 1836,
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IMPaiMERIE DE H. FOUHNIEE ET G*»
AVI Ds tioni» 14^ m.
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REVUE
DES
DEUX MONDES.
TOME SEPTIÈME.
QUATRIÈMB S^RIB.
I PARIS,
I
AU BUREAU DE LA REVUE DES DEUX MONDES ,
RDE SES BEAUX-ARTS, 10.
1836.
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9Mi
LES EXHIBITIONS
DE PEINTURE
ET
DE SCULPTURE
A LONDRES EN 1856.
I.
Vn critiqae consciencieux, mais pressé, qui viendrait à Londres
du continent avec mission d'examiner à la hftte la peinture et la
sculpture anglaises de la saison, courrait le risque de ne rapporter
i ses commettans que des notions fort incomplètes.
A moins, en effet, qu'il n'arrive bien informé d'avance et sufB-
samment introduit, peut-être se contentera-t41 de suivre la foule
qui se presse à Somersel-House. Cependant, tandis que l'exhibi-
tion principale de l'Académie a les deux battans de sa porte ouverts,
en des lieux de la ville différens, trois autres exhibitions impor-
tantes, mais moins populaires, convient simultanément le public à
les visiter. On ne se ferait donc qu'une idée très imparfaite tou-
chant Fœuvre annuelle de l'art en Angleterre (et, une fois pour
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O .,•.•.,-; ,
.•..--.--- •
toutes, qu'il soit bien entendu que Yart signifie uniquement ici Tart
de peindre et de sculpter] , si Ton n'avait pas étudié les quatre
collections.
Mais il ne sera pas inutile de dire comment et pourquoi elles sont
ainsi séparées.
Nous n'avons ^ la volonté ni le loisir de ^^osmrer T Académie
royale. Fondée en 1768, et composée de quarante académiciens,
sans compter les associés, use- 1- elle ou abuse- 1- elle, depuis
soixante ans, des privUéges de sa charte, toujours est^l qu'elle
emplit kaQDuellQment Somerget-Home des peintures et dee sculp-
tures de ses membres et de leurs élèves, au détriment des concur-
rens étrangers qu'il lui platt d'exclure.
Eût-elle voulu libéralement exercer son autorité, la chose n'eût
pas été facile. Son local resserré ne lui permet pas d'exposer à la
fois pl)is de rniUe à douze eests owrages*
Or, devenus dans l'art mie vraie puissance, les peintres d'aqua-
relle estiment, en 1804, que l'Académie ne leur fait point, à ses
solennités, une place suffisante. Us marcheront seuls désormais.
Unissant leurs forces, ils établissent la société qui convoque Lon-
dres, cette année, à sa trente-deuxième exhibition.
Cet exemple d'indépendance , que le succès couronne , n'est pas
pour rester sans imitateurs. Divers artistes éminens se sont lassés .
enfin de solliciter vainement les fauteuils et les médailles d'or de
l'Académie. Une société nouvelle est fondée, qui accueillera les
toiles et les marbres quels qu'il» soient, repoussés ou non de
Somerset'House. Cette association des artistes britanniques se
recommande aujourd'hui par sa treizième exhibition, covposée de
pr^s de mille ouvrages.
n n'y a rien qui gâte com«ie la fortune. Oublieux de leur com-
mencement, les petMres d'aquareUe, associés en 1804, s'étaient
inseasiblement meatrés plus exclusifs et jaloux dea débutans que
ne l'avaient été jamab les académiciens eux-mêmes. Heureusemeiit
la ressource des associations est inépwsable. Les méconlens se
réunissent; ils invoquent la protection puUiiiue; leur appel est
encouragé, et une nouvelle société de peintres d'aquareUe affiche
présentement dans la ville sa cinquième exhiUtion.
Voilà donc quatre exhibitions distinctes, qm réclament l'auno**
tioa etla faveur à des titres inégaux.^ maïs dont aucune n'est k
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LÀ PEINTURS «r %A'9CeummS Efr ANGLETERRE, T
dédaigner. Si nous additionnons les chiffres de leurs quatre livrets,
Doas trouvons qu*elles produisent, en 1836, deux mille six cent
soixante-treize ouvrages de dessin, de sculpture et de peinture (1).
Il serait plus simple et jusqu*à un certain point plus convenable
^e tout cela fô€ rassemblé , oemmeaif Louvrev •» ua sem\ bâiliiiient
comiaft. Toutefois, je n*alfimerat fMmt q»e kt dfroioa n*aU pas
ftsavMitages. Sm» ^vte VémaMtêo. naîtra parfont dv ccmiact
'wmiéad, des ctwnpm ; mam um concuvrenee décidée et presque
hostile nexcite-t-ettB pas^ mieux le pvogrè» de Vartt
E& ce qui regarde^la eemmoéilé du euriei^x et de T^mateiir, la
Mgère peioe* de vtsilief qvatre expontictts dïfférenles, est bîea
OMifeasée, y imagine, par le sodagemenC de n'en avoir poifit sur
hsbns^nne seule générale, qui vovs écrase et vous fait stnpide.
k reproclieraia plmèt à ces «xkibitions anglaisée de ne point être
gratuites. Le tort est parFéoimaMa* au» moins à celles qpii ne se sup-
perteat qaî'k lears propres frais. Mats qiM rAcadéaaie royale,
logée spltiidideraenl aux fraés du publie, le frappe encore d'un
impdtà la porte, e'esif un abus inexcusable. Ce shelKng exigé n'est
pas me forte somme ; it ne pèse guère au riche désœuvré qui vient
«oe fois ; il grève rhooMne de goât pauvre, q«i vient chaque jour;
il eichit absolument le peuple, qui n'échangera jamais contre son
dlier Je droit d'entrer. Et il y a là une double faute : cotte consigne
iwai» au seuil dasanctaaive est illibérale ; en outre, l'artiste n'est
passaasy perdre d'aliles leçons. Je veux bien que l'avis du cor«-
émmm ne vaille rien a»-dessus de la jambe ; mais n'est-il pas
conpéten t -aundessons?
Vous ièles donc avertts^ que nous n'avons pas moins de qnatre
exhibit'refie à voir. La besogne est rade ; c'est pourquoi nous les
tiaiKerseroBs rapidement l'une après l'autre, nous bornant à ob-
atrver le caraetère général et les <Bfivres sadlantes de chacune.
Moue eaeaierons eneoite d'apprécier la valeur de rensemble.
ftj Wà^imn ekiq «antl de pi«» que TeipesMon de Paris , cette année.
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UTUB DBS DEI2X MOIOIES.
n.
Montons d*abord au troisième étage de Somerset-House, et
faisons le tour de ses trois salons. Si nous ne voyons pas aussi
impartialement que nous le souhaitons » ce sera peut-être un peu la
faute du mois de mai, qui ne se presse pas d'ouvrir la petite ses-
sion de soleil qu'il accorde d'ordinaire à Londres.
Au premier aspect , ce qui h-appe surtout , c'est l'excessive quan-
tité des portraiu de toute taille. Sauf une ou deux exceptions, tou-
tes les grandes toiles sont des portraits. C'est une foule éblouissante
de pairs et de pairesses, de juges, de shériffs, d'aldermen, de
lords-maires, d'amiraux, de généraux, de maréchaux, qui se
pressent et se coudoient, traînant à lenvi les robes de satin et de
velours, les manteaux de pourpre et d'écarlate. Je voudrais avoir
à louer davantage daps cette cohue de hauts dignitaires, d'autant
plus que le meilleur nombre s'est fait peindre par des académiciens.
Mais, hélas I des sept portraits qu'expose sir Martin Shee, président
actuel de l'Académie, en est-il un qui témoigne autre chose qu'un
savoir-faire matériel et vulgaire? Je ne connais point M. Chantrey,
mais je doute fort que cet admirable sculpteur ait littéralement
répaisse expression de marguillier que lui attribue son collègue.
Sir Martin Shee a succédé à sir Thomas Lawrence, msâs ne l'a
guère remplacé. U a deux cordes à son arc : il s'adonne à la poésie
didactique en même temps qu'à la peinture à l'huile, et se croit
pour cela, dit-on, une moitié de Michel- Ange. Il s'en faut du tout.
C'est un échec académique plus solennel que le portrait de lord
Ly ndhurst, par M. Phillips.Vainement cherchez-vous la physionomie
rusée, méchante, colère, méphistophélique de ce pair sans con-
science, qui se venge des whigs, coûte que coûte, dût-il se perdre
lui et les tories de la chambre haute, aveugles instrumens entre ses
mains. Au lieu de cet homme d'état rongé de mauvaises passions
éloquentes, vous avez une vieille figure grimacière, avec la perru-
que, le sac et la robe d'un chancelier. Mais ces détails de costume,
dites-vous, sont très adroitement rendus. Et qu'ûnporte? N'étaitrce
pas le factieux politique qu'il fallait donner, plutôt que sa togeT
J'adresserab bien des reproches analogues à M. Briggs, à
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LÀ PETirrURE ET LA SCULPTURE EN ANGLETERRE. 9
M. Pickersgilly à M. Reinagle, si je prenais un à un leurs nombreux
portraits. Ce n'est pas la peine. Au moins une sorte de lueur poé-
tique éclaire les traits rêveurs de miss Beresford et de miss Wood»
peintes Tune et Fautre par sir William Beechey. Le lord Montagu
de M. Wilkie rayonne de coloris sinon d'expression.
Le tort de messieurs les académiciens peintres de portra'ts
semble uniforme et systématique. Us ont un procédé et le plus
grossier de tous. Hs peignent soigneusement les habits et les corps;
ils négligent l'esprit et le caractère. Ce n*est pas à des professeurs
qu*il sied de conseiHer Tétude des maîtres. L* Académie estime sans
doute que le Titien a été indiscret, qu*il a montré trop à nu les
âmes; mais Van-Dyck y a mis plus de ménagement. C'était aussi un
peintre fashionaUe, un peintre de cour, et pourtant il a laissé au-
tre chose que des fourreaux de satin et des pourpoints de velours.
En fait de portraits, les élèves, les débutans, les étrangers, pa-
raissent avoir décidément le pas , cette année , sur les académi-
deos.
Je m*arrète tout ému, devant une douce figure élégante et gra-
cieuse. Comment 1 cette femme fut autrefois Ada, la fille tant
aimée de lord Byron I c'est à elle que le poète disait :
Slcep on, my child; the slumber brief
Too soonshall meit away to grief,
Toosoon the dawa ofwoshail break
And bring rills bedew tbat cheek;
Too $ooQ sball sadness quench tbosB eycs,
Tbat breast be agonised with sigbs !
Aujourd'hui, c'est lady Kong, une grande damel l'Age des dou-
leurs lui est venu , et elle est restée l'enfant paisible et souriant
qu'efle était au berceau. Remercions mistress Carpenter, son pin-
ceau a été bien inspiré. Ada est heureuse. N'eût été cette toile
'Vivante, nous n'aurions pas osé croire que les craintes paternelles
«'étaient trompées.
Je n'ai que des éloges à domier au duc de Wellington en pied,
de M. Simpson. Voilà bien le soldat énergique, raide, opiniâtre ;
Toîlà bien le favori de la fortune. L'artiste a dégagé et saisi le bon
c*té de son modèle. Peut-être l'a-t-il beaucoup idéalisé et grandi ;
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ID RBVCE «ES 9MM% HONBBS.
je œ (Éoi'cii jiamB pas. fit pmat» rn^ett pout le ebef «imMe d*me op-
position impopidaire qui émm est représeMié: c'est le général
prédestiné «t trkmpbHit ; or jimugine^iiie Sa tiraee pertak la tète
d'un autre tir à WateHoo qn'è la cbambre des krds.
Le maréchal Beresford , du même peintre, se distingue par une
vigueur d'exécutîcm semHaHe et une particiriarité de costumey
digne d*étre signalée. Debout sur le chamf» de bataffle, un canon é
sa droite, ce noble lord, avec Thabit de combat du général, a la co-
lotte, les bas de soie, et les escarpins de bal. Je ne rendrai pas
M. Simpson responsable de cette étrange toilette. Apparemment,
l'îllustre pair, en se faisant peindre, aura été possédé d'une double
vanité. 11 aura voulu paraître sous Ttiabit le plus guerrier pos-
sible, tout en montrant sa belle jambe à son meilleur avantage.
Cette fantaisie suffirait pour immortaliser le maréchal Beresford,
quand même il n'aurait pas Hvré cette singulière bataSle d'iJbu-
hera, qui n'eut tii vainqueur ni vaincu.
Un dernier portrait, qui n'est pas à négliger, c'est celui de
lord Brougliara. Ici Tex-chancelier whig n'a pas été, comme
lord Lyndhurst , mal à propos affublé de son ci-devant costume
ofOciel. Il est en noir, dans son cabinet, les jambes croisées, an
livre fermé à la main. Il est au repos ; il est calme, aussi calme que
peut l'être lord Brougham ; car toute l'ardente inquiétude de cet
indomptable esprit s'agite dans la convulsion de ses traits et de
son regard. Prenez garde, imprudens tories, que son absence ras-
sure; prenez garde, whigs ingrats qui l'avez renié. Cette puissante
peinture de M. Morton vous avertit que le redoutable orateur est
plein de vie encore. Prenez garde, il va se lever et parler.
D y a un certain nombre de larges toiles qu'on devrait à la ri-
gueur ranger parmi les portraits, mais qui veulent évidemment é tr^
classées à part.
Tel est preiriéreroent le MacreaAy de M. MacKse, dans 10-
première, seèile dn qnatrièMe acte de Mackelk, Cepeadant celt^
apparition échevelée n'est pas Macready ; ce n'est pas Mad3etl^
davantage. On dirait plutôt l^nntks Cuntèmes-roîs que vont évo^
quer tes sorcières. Mais ces sordères eHes-raéines, -aocrovpiee aii^
tour du chaudron, n'ont rien des veti-d «isier/c de Sbakspeare. Ce n^
60Bt pas les êtres atBasffueax q« fienbleprâftt dee feounes^
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LÀ PBINTU1UB SV LA flOOLPtOtiBi EN^ ANGLETERRE. 1t
nfétnart lems btrkes. Ainsi faitiste it-a rendu ni Taclteiir ni le
poète. Qu!»^^4oiic pritondn? De quelle fomilte est son ouvrage?
Voici de hifpdntiireiaoad6niiqiie, phis difOcile encore à earac-
tériser. De jolis eiiAiiis couchés sur là soie et sur rédredon^ paraii
des cbieQsdo tonte ^andem*; de jeunes lords enpromenade arec
leurs gens ei; feur bécaiL Partom, au milfeu du parc on dans te
aùtm, partont la nature animale et la. nature humaine sur un même
pied d'intimité. M. Landseer ne laisse jamais aller seules ses créa-
ture» raisonnables; il feut inévitablement qu'il leur donne une es-
corte de quadrupèdes^ Je ne contesterai jamais la fantaisie d'un
artiste supérieur. Certes tous ces doguessont d'admirables bétes.
Us sautent, ils courent, ils lèchent, ils aboient. You^ avancez la
nain afin de les caresser, ou vous la retirez de peur qu'ils ne mor-
dent. M. Landseer a bien le droit de leur attribuer le principal
v61b. Je voudrais seulement qu'ils l'eussent plus décidément. Je
Tondrais qu'à voir les tableaux de cet excellent artiste, on ne fftt
pas contraint à se demander lequel des deux, de Thomme ou du
dnett,.y est Taecessoire.
Deux autres académiciens distingués excellent pareillement à
peindre la vie animale. Comme ils en renferment la représentation
dans des cadres plus étroits, peut-être leurs compositions convien-
nent-elles mieux.^ Je dois citer l* Aigle blessé de M. Ward. L'oiseau
royal reconnaît que ses propres plumes ont conduit à son cœur la
flèche qui le perce. Il se raidit contre la mort, et jette au soleil un
dernier regard. C'est là une illustration de huit beaux vers de
lord Byron. Cette petite toile est elle-même une noble strophe
auee.
M. Abraham Cooper pousse ses meutes en plaine , et met le cerf
aux aÉK)is. il nous mène au chenil, au haras et à Técurie. Il donne
aussi parfois, à ses chevaux, de hardis cavaliers, et les envoie bra^
vement l'un portant l'autre à la mêlée. Sa Bataille d'Uastings est
use jolie page de chevalerie.
D faut que je m'approche beaucoup d'ime autre bataille plus
moderne, si je veux distinguer l'engagement des troupes anglaises
el françaises, et le général sir John Moore étendu mourant. Ce ta-
UeavdeM. George Jones vaut la peine qu'on lexamine. Ses armées
fiSpmieanes sont charmantes. Pourtant ce bijou historique a failli
WÊLèàofç^. Eûtrce été marfaute? Pourquoi, tandis que les portraits
Google
12 RBTDB DES DBDX IKHOIBS.
s'étalent partout et se pavanent si démesurés , les batailles se ré-
duisent-elles aux proportions d*un devant de cheminée?
Les portraits, quand cesseront-ils de nous poursuivre? N*est-ce
pas encore un double portrait que cette soi-disant Entrevue de
Pie VII et de Napoléon à FontainebleauY De signification politique,
ce nuageux ouvrage n*en a aucune. Mais comme il traduit infidè-
lement la grande figure de Tempereur! Napoléon a-t-O été jamais
cet adolescent bouffi et vaporeux?
Est-ce un système chez M. Wilkie que de rajeunir et de gonfler
ses héros. Ce gros général écrivant à Louis XVIII la veille de War
terloo, a-t-il rien en lui du duc de Wellington? Sa Grâce n*était
déjà plus un jeune homme il y a vingt ans; mais je m*assure qu*à
vingt ans même elle n'avait pas davantage cet.air bien portant et
sentimental.
Dans Tinsignifiante esquisse qui montre une jeune fille que le
poinçon d*or enrichit douloureusement de ses premiers pendans d'o-
reille, je ne reconnais guère Tauteur ingénieux du Aféné/rierarcti^/e.
L'Intérieur d'une chaumière irlandaise suffit cependant à soutenir
cette année le renom de M. Wilkie. Cest une page énergique d'his-
toire contemporaine. Un jeune paysan, poussé par le besoin au
vol et au meurtre, est rentré dans sa hutte les mains teintes de
sang. Sans doute, afin de s'étourdir, il aura vidé la fiole de whis-
key pendue aujnur, car il s'est jeté à terre et caresse insoucieuse-
ment son enfant nu. Mais sa femme et sa sœur ne partagent point
cette effrayante tranquillité. Les soldats viennent; on les entend;
elles écoutent, penchées à la porte, pâles et transies. Cette scène
est fortement dramatique. Elle raconte et résume pathétiquement
les intolérables misères de tout un grand peuple opprimé.
On n'a pas le courage de relever particulièrement les fautes de
cette œuvre touchante, mais elles suggèrent quelques remarques
{générales sur le talent de M. Wilkie. Quiconque ne le connaîtrait
que par ses peintures d'autrefois n'aurait de lui nulle idée correae.
Il n'est plus, en effet, le môme qui écrivait si soigneusement de pe-
tits drames de la vie rustique et ouvrière; il n'est plus celui que
Tadmiration de ses compatriotes couronnait du double génie d'Uo-
{jarth et de Teniers : il est bien davantage, au dire des admirateurs.
A dater de son retour d'Espagne, c'est un homme renouvelé. Il a
pris le large volj i| Ç9t entré en pleine poésie. De fait, la trans-»
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LA FBniTimB BT LA SCCLPTUM Slf ANGLETERRE. 13
fonnatioii lui a-t-elle aussi glorieusement réuss- qu*à Rembrandt,
que nous voyons substituer à son premier faire , si fini, cette se-
conde manière, négligente des détails, qui ne demande ses sublimes
effets qu*à la distribution idéale de Tombre et de la clarté? Nous
sommes loin de le croire. L*artiste a gagné quelque chose en variété;
il a perdu beaucoup en finesse et en perfection. Il n*est pas jusqu'à
son séduisant coloris, siTprincipale originalité, qui ne se soit terni
et enveloppé d*un voile grisâtre, d*un brouillard à peine péné-
trable. Pour ce qu'il a rapporté du dehors, vraiment M. Wilkie
eût mieux feit de ne jamais sortir de son pays.
M. Eastlake semble avoir profité plus franchement de ses excur-
sions sous le ciel méridional. Sa nature italienne n*a presque plus
rien d^anglais. On ne saurait dire, par exemple, que cet artiste soit
doué de fécondité. Il se borne à exposer une réduction de sa toile
principale de l'an passé. Nous ne nous plaignons pas de revoir un
sujet qui nous avait plu ; mais pourquoi la copie reproduit-elle toutes
les taches de l'original? Ces pèlerins qui se prosternent à l'aspect
de la ville éternelle sont toujours plus exténués que dévots et con-
trits. Ils sont moins ravis d'approcher de la source céleste où s'a-
breuvent les âmes, quede la terrestre fontainequi désaltère les corps.
n serait impardonnable de ne pas recommander les compositions
mythologiques de M. Etty. L'art actuel ne veut pas tant de mal
qu'on dit à cette douce poésie de la foble. Les esprits grossiers
ont prostitué long-temps et avili ses grâces : honorons les esprits
délicats qui tentent présentement de la réhabiliter. M. Etty est du
petit nombre de ceux qui mèneront à bon port cette restauration.
Il a rendu à Vénus la magie de sa ceinture, et à l'aveugle-dieu l'in-
faillibilité de ses flèches. Ajoutons que ce rénovateur n'a pas eu le
mauvais goût de ressusciter les Psychés colossales du siècle der-
nier; c'est l'ame antique, ailée, transparente, et pourtant, palpable
qu'il a ranimée. Et puis il a eu la discrétion d'encadrer étroite-
ment ses élégantes scènes de paganisme. On les dirait autant d'idylles
d'André Chénier.
Voici bien des années que le vieux M. Westall ne se lasse point
de renouveler les éditions de ses folles à genoux sur la grève, re-
gardant les flots soulevés, et de ses petites filles, debout, pieds nus,
au seuil d'une chaumière. Il rapporte aujourd'hui les mêmes éter-
nels échantillous. Je l'avoue, enjolivées par un burin coquet, ces
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14 lUITVK fiC» MIOi HttffOVa.
sortdsdeohoses sMt «(préaUet dteis^ u» Ivnre d'étrew»» relié en
S0Î8 et doré sur traadie; mais qqeUe eréaiure caisoiuiabW 8*cst
prise jaMsifl à sonhailer do Toir les vigneites* d*uii keepsaks par le
verre grossîBsaBt d'un télescopa? Or c*est jmtement cet effet d*il-
lustralioiis d'âdmanaeb' déniesiuréroent grossiee que vous font à
r<mC na les larges petftiiuree de SL Westatt. Ne vdlàH-îl pas du
geniH bîtn gi^^tefaque?
M. Hvhready et AL LesHe m'out envoyé que deux esquisses, mais
chacune est un petit chefkl*e&uvre. Amusons^ious d'abord ée celui
de M. MuIready.Une belle poire mûre a été trouvée par un jeune
paysan* -— Part à noi seuil — Part à nous deux, crie son eama-
radew — Peu s*en est falhi que la quereUe ne se déddàt selon la
raison- dn plus fort, liais un compromis intervient : le trouveur
gardera sa poire, qiiaod le réclamant aura mordu ime bouchée.
Uexécution du pacte est le momeot représentée Le possesseur n*a
pas eo riknprudenee de se dessaisir du frtiit en litige; il le tient vi-
goureûsenieBi empoigné, tandis que le prétendant ouvre une bou-
che capable d*englMrtir touC ensemble et la poire et les dix doigts
qui la défendent. Le triomphe de cette charmante comédie rustique,
c*est qu'il est impossible de dire laquelle des deux physionomies
aux prises montre le plu» d'avidité gourmande.
ÎJAulolicr.8 de M. Leelie n'a pas moins de finesse et de verve
divertissantes, âiakspeatre a été rendu ici avec autant de fidélité que
de bonheur, ce q«i est rare. La scène choisie est l'une des plus pi-
quantes de Wimer's Taie. Le malin pUkpockti transformé en colpor-
teur éteile sa ftinsse marchandise devant les fiHettes ébahies. Comme
Tadroit fripon a bien Toeil et la main a« guet, tout en amusant son
crédule aodifoîre, toot en dtsaint : — Voici une autre ballade d*un
poisson qui a paru sur là e6te mercredi, le quatre-vingtième jour
d'avril, àqnarante railles brasses de hauteur au^lessus du niveau
de la mer, d'oà il «hanta la susdite ballade contre la dureté de
cœur des jeunes filles I — Nulle part le pinceau n'avait si spirituel-
lement traduit la gaieté de Shakspeare, ce caprice, léger, mo-
queur, inatteadti, — déficieux sourire que le divin poète fait sou-
dain éclore sur les lèvres de sa muse , tout-à-l*heure sublime de
tristesse , échevelée et en pleurs.
Laisse-t-on un moment les académiciens , on a peu de chose à
dire ici des autres artistes. Je vous avais avertis. Qu'elle ait tort
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LA PEINTURE ET LA 80fnLf>Tim£ fiN AT(GLETERRE. JS
(m matm , r:A«adëfme selUSî surtout -à elto»inême les honneurs de
8er«des. O qu'elle ttceueine tl*écrançer ii^est d'ordinaire ni bien
nombreux ni bien hors de ligne.
Fanm les ourrages non académiques > fl oonyient cependant de
Boomer les Condouieri de M. Hefbert, qui vaudraient davan-
tage si la vigueur et Taudace de quelques-unes de leurs figures n'é-
tuent pas trop nettement empruntées deVan-Dyck ; — les tragédies
et les élégies romaines de M. Uwins, dont la poésie réelle est sou-
vent gâtée par Vexagération mélodramatique, et enfin V Arrivée à
[école et la Sortie de cUuse de M. Webster, deux aimables croquis
(f écoliers espiègles et d*enfans mutins que ne désavouerait pas
Charlet.
Rentrons en pleine académie. Abordons ses paysagistes, sa
^ioire la plas incontestable et aussi bien celle de la présente exhi-
bition de Somersel'House.
Tai regret que M. Stanfield ait laissé sa barque dériver si
loin cette année, et qu'il ait perdu de vue la côte que nul ne savait
mieux reconnaître et peindre. Sa mêlée navale contentera, j'espère,
le &ntor united service club , qui Ta commandée ; je doute qu'elle
satisfasse Yartiste lui-même. Quoi! ce groupe si calme de gros na-
vires paisiblement désemparés et démfttés, c est la triple armée de
Trafalgarî Le livret me dit bien : à votre gauche, vous avez le
vice-amiral ColKngwood sur le Souverain Roijai avec sa prise, la
Santa Anna. A votre droite , sont le Bucentaure et la Santissima Tri-
nkiady criblés sous le feu du Neptune et du Lcviathan. Au centre,
c'est la Fïcroîre, abord de laquelle lord Nelson vient de mourir.
C'est au mieux. Je sais à merveille Tordre du combat. Mais où est
Tame, où est la pensée, où est l'horreur de cette terrible action?
Quoi! sous tant de vaisseaux déchirés, sous tant de débris en
flamme et croulans, sous cette ruine immense, rien que de belles
vagues paisibles et transparentes I Pas un flot frémissant et irrité!
Oh! cette mer n'a pas le sentiment de la grande bataille qu'elle
porte! EQene serait ni phis calme ni plus indifférente, menant vers
le port une flotte joyeuse et pavoisée. Je ne prétends pas que cet
essai soit concluant contre M. Stanfield ; pourtant qu'il y regarde
désonnais à deux fois avant de reporter la guerre sur le capricieux
élément. Ces combats de mer veulent une autre chaleur d'ame,
une autre force de bras, un pmceau trempé en d'autres couleurs
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16 REVUE DES DEUX XONBES.
que ne le demandent le golfe riant où glissent les vofles pacifiques,
et la falaise pittoresque > tantôt souriante et splendide au soleH, taih
tôt éplorée et en deuil sous l'orage.
La critique anglaise y quand elle daigne critiquer Fart , a parfois
des blâmes et des éloges singuliers. Voici comme elle traitait, Tautre.
jour, la nature indienne toute $péciale de M. Daniell.
cf Nous aimons Tétrangeté des sujets de cet artiste, disait un
indulgent aristarque; elle attire malgré qu'on en ait; elle procure
des contrastes piquans et une agréable variété dans Texhibition. »
Au contraire, le journaliste mécontent, s*écriait :
c( Où avez-vous pris, M. Daniell, les serpens démesurés que vous
dévidez? Rapportez-vous un certificat de leur longueur? Nous ne
savons pas de famille d arbres orientaux qu*on puisse dire pa-
rente même éloignée des vôtres, ni de pagode le mcnns du monde
affiliée à votre architecture, d
n y a de part et d'autre une. sorte de vérité dans cette (double
critique d'humoristes.
La bizarrerie des effets vous arrête et vous retient devant ces
compositions provoquantes de M. Daniell, mais vous ne les exa-
minez guère que comme la fantasque combinaison des figures d'un
casse-téte. C'est que l'ardente atmosphère de Tlnde n'est point
là ; c'est que cette froide peinture vous transporte mal dans le cli-
mat étouffant qui a nourri le choléra. Alors vous devenez défiant
et injuste. Vous contestez sans droit de la localité que vous ne con-
naissez pas. Vous pousseriez presque la mauvaise humeur jusqu'à
préférer aux estimables et curieux tableaux de M. Daniell , les pi-
quans, mais impossibles caprices d'un paravent de laque.
Ce nous est toute joie présentement d'en être venus à ces quatre
illustres artistes qui ne nous laissent plus d'embarras que celui de
les louer dignement. Ce n'est pas entre de pareils hommes qu'il
convient d'assigner des rangs. Rechercher et marquer les diffé-
rences de leurs talens est l'unique tâche imposée ici.
M. Callcott se plait surtout à baigner de ruisseaux, de larges
rivières, les rives fleuries de ses campagnes, les quais brillans et
animés de ses villes. Jamais son ciel n'est tout-à-fait pur; toujours
vous le voyez un peu nuageux; l'horizon est humide, limpide et ar-
genté. Il semble qu'il ait toujours plu la veille sur les paysages de
ce peintre, tant Tair y est frais, vivifiant, embaumé.
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LA PEINTURE BT LA SCULPTURE EN ANGLETERRE. 17
M. ColKns DOQs conduira plus rarement au bord des eaux; ou
si\ nous. mène près d*un étang, le flot est si tiède, qu il ne nous ra-
fraîchit pas; nous voudrions nous baigner. Il y a une chaleur d'été
et une force de soleil jusque sous ses plus épais feuillages qui ou-
yrent les pores, et dilt^tent tout votre être, qui vous emplissent de
toute la vie feconde de juillet et d*août.
Mais quelle est cette tombe au fond d*une double rangée de peu-
pliers maigres et couronnés? Des gouttes brillantes scintillent aux
feuilles maladives qui tremblent. Une biche craintive traverse
Favenue et se dérobe. D*où vient que cette composition si simple
TOUS remue si profondément? Ce n*est certes pas parce que, sur la
pierre du monument, vous lisez le nom célèbre de sir Joshua Rey-
nolds. Tout le secret de votre impression est entre votre ame et
celle du peintre. Cest que M. Constable est maître parmi les maî-
tres du domaine idéal. Aussi, n'est-il pas intelligible à tous, ni
même aux élus à toute heure. Vous-même qui pleurez maintenant,
vousn*avez pas toujours vu la nature telle que cette toile passion-
née vous la montre; mais vous Tavez aperçue ainsi soit un matin,
soit un soir, quand vous alliez aux champs, le cœur palpitant et
gonflé, regardant vaguement à travers vos pleurs, sans savoir,
sans vous demander s'ils étaient de joie ou de soufFrance.
Votre regard recule ébloui. Voici une ville d'or et d'argent dans
une nuit d'azur, une ville en fête, une ville inondée de masques,
embrasée de feux d'artifice, confuse, folle, enivrée, pleine de
flambeaux sur la rivière et dans les rues; — et puis, là -bas c'est
une autre vile, rayonnante, enflammée aussi, mais d'une autre
flamme, de la flamme du ciel : c'est Rome, la ville éternelle, tout
allumée sous les rayons d'un soleil en feu qui se couche ; — plus
loin, c'est un coin du monde inconnu, que la seconde vue seule de
M. Turner a découvert. Une montagne à votre droite a pour dia-
dème de sublimes palais radieux , qui semblent une cité du ciel ;
Uen loin au-dessous serpentent, dans la plaine, des ruisseaux
d opale liquide, et se dressent les collines tapissées d'émeraudes,
jonchées de rubis,, de turquoises, de topazes, d'améthistes, où les
chèvres et les génisses blanches passent, en se jouant, la tête à tra-
vers les touffes de ces fleurs étincelantes. Une lumière impossible
à soutenir submerge toute cette fantastique perspective. — Com-
bien d'hommes ont vu ces choses ailleurs que sur les toiles de
TOME VII. . ^
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18 ftCVUE SCS »CVX HCmDBS.
M. Tumer? dkes-^roufl, surpris et incrédrie. — Veits avez r^isott :
bÎMi peu toi tut vues; et o&ax «pii les Toient, ce^sonc les iwpfarée
OH les naïades, les artistes duoisis, les poètes.
il ne fiMt pas s'itomwr qoe des étrangers ii*adinetteat pas
doublée tocKe {a puissanee et tome Torigiiialité de ce ténéraire
génie. A peine est-il bien reccNma ehez les siens. D n*a même là
qa'iin nombre fort Unité de Téritables admirateurs. Au moins
ceax-là «mt^ dévoués et fanatiques. On émett»t derast Yma
d'evx le doute qne le ciel eût jamais eu la ooulear janne d*ocre que
M. Tvmer iai«vait damnée dans Ymn de ee» plus féeriques paysa-
ges:— ^Tant ptsponr le ciel, s*éeria le croyant; sHl a*a pas pris en-
core cette couleur, il.a eu grand tort, et il la prendra certamenest
quelque joor.
Redescendons vite au second étage ; les petits ca ires et les petits
portraits ne nous retiendront guère, nalgré leur respectable
quantité.
J*e^iine fort, imds Toilà tout, les aombreiises aqnarelles*por-
traits de M. Ghalon, Tacadémicien.
Deni: copies sxr émail, de M. Bone, diaprés Van-Dyek, sont
d'iiabiles et faenrouses reproductions de lenrs glorieux modèles.
n y aurait beaucoup à louer de détails, dans la foule serrée des
nniatnres, beaucoup de soin, de déiteatesse, de sayoir-4aire et
de fini. B conviendrait de recommander prindpalemeot M. Bar-
day, M. Denning, M. Roberston, M. Ross, M. Booth, M. Rocbard
et AL Newton. Paormi tous les petits chefs-d'œuvre de grâce exté-
rieure et d'exécution matérielle qu'ont exposés ces artistes divers,
je confesse toutefois avoir cherché vainement im visage qui me
nontrÀt son ame et m*y laissât lire, comme la moins achevée des
figures de M"^ de Mirbel.
Nous sommes au rez-de-chaussée , où nous attendaient les sculp-
tures, et dans une obscurité presque complète, grâce à la proxî-
nité du sol et aux ténèbres qoe continue de nous faire le mois de
mai. N'mporte; la blancheur des marbres percera bienlAtceito
wât malencontreuse.
C eât été un beau sujet, placé à la porte de la salle où nous en-
trons, que la Sculpture pleurant le repos de M. Chantrey. M. Cha»-
trey ne se lasse pas de son inaction; il n'a rien produit encore
cette année* Ce n'est pas Ykg^ pourtant qui lui a engounfi la i
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LA PEINTURE BV LA SGULtTUSB BM ANGLETERRE. 19
etefi a bk tomber to cbeair.Seiaîthce xfm, eouromiè d» laurier
académique , satisfait de <e qa 3 » obteunds gloir» méritée , H juge
son œuvre accomplie, et ne plus rien devoir au présent ni à 1 ave-
nir? n se U'omperait faialement albra^ ShakBpeaore ne \m a-trit pas
dit quel grand calomntat^r est le Temps, et comme il obscurcit
promptement les noms- les plus iUusttes, qui ne se rappellent pas
eux-mêmes à leurs contemporains par une action de ehaque jour?
M. Baily est le seul des académiciens sculpteurs qui ne se soit
point profondément endormi dans son CauteuiL Malheureusement,
tout ce qu'il a produit est lois d*ôtre parfait. Sa Mijmphe asëoupie,
son morceau pr'ncipal, me choque surtout et me mécontente. Est-
ce lA nno nymphe d*abord? Cette fille bouffie, aux membres ro-
bustes, a-t-elle été jamais de ces légères et sveltes beautés qui sui-
yaient Diane à la chasse et devançaient les biches à la course? £t
puis, à ne la prendre que pour une très réeUe et saisissable mor-
telle d'aujourd'hui, cette femme ne dort pas; jamais vous ne la
verrez s'éveiller. £lle est ensevelie dans son 1 1 de marbre; elle est
morte.
Au méini&VÉvêffue de Limerick^ du même artiste, ofiïre-C*tt une
belle attitude pensive et un fidèle ressouvenir de eeile profonde
expression recueillie qui rendait si frappanl»^ la physionomie du
savant prélat.
Cesi une ingrate et nutile besogne que à» critiquer de laborieux
efforts auxquels le succès n a point répondu. Je passe devant nom-
bre de figures et de groupes mythologiques sass signification, sans
caractère , et je m'approche de la feule des bustes.
Je regrette d'abord de trouver parmi eux, les dépaesant à
peine de la tète, une petite statue de lord John Russell, drapée en
sénateur romain. Lord John liUissell sculpté de cette taille et sous
ce costume, voilà une idée doublement malheureuse I £ût-il voulu
grossir sacoliectioode caricalfures anglaises, M. Dantan ne s y fût
pas pris autrement. Rien de moins noble, rien de moins grandiose,
que 1 air et les attitudes du noble lord, et par conséquent rien de
moins propre à la toge antique. En outre, la stature de ce ministre
est si exiguë,, si chétive; lavez-vous vu une fo s, vous avez gardé
de sa personne un si imperceptible souvenir, que vous avez bonne
eavie de le croire représenté ici de grandeur naturelle. Il se peut
que le célèbre fils du duc de Bedford ait eu la faiblesse de se com-
2.
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20 RBVUB DES DBOX MONDBS.
mander ainsi lui-même, afin d*avoir place plus aisément sur les
cheminées; sinon, c'est M. Francis lutméme qui Ta rendu méchain-
ment bien ridicule.
M. Francis a fait meilleure justice à lord Melbourne. H Ta saisi
où il le fallait saisir, eii un de ses magnifiques mouvemens de colère
éloquente; il a bien irrité s jn marbre, il lui a bien dressé la tête, gon-
flé les artères, ouvert la narine, enflammé Tœil. Oui, c*est là le chef
du cabinet whig à la chambre des pairs, lorsque provoqué, poussé
à bout par Timprudente opposition des tories , il s*élance enfin ,
éclate et les foudroie de sa tonnante parole.
la tôte colossale de Charles Kemble est une étude pleine de sin-
cérité : de grands traits inertes, des muscles, de la force , nulle
expression, pas un souffle d*ame, pas une lueur au front 1 C'est
celai Mais le buste était facile. Ce comédien était déjà de marbre
avant d*étre sculpté.
Deux petits bas-reliefs sollicitent de nous un dernier regard à
la sortie de la salle.
L'un prétend figurer la chute de trois mauvais anges. J'en de-
mande pardon à M. Archer, mais jamais ces trois grimaciers con-
vulsionnaires qu'il précipite, n'ont eu d'auréole au front, dans le
ciel. Si c'était de la lucarne d*une maison de fous furieux qu'il les
fit tomber, à la bonne heure.
L'ange gardien d'une clochette bleue, légère sylphide qui se ba-
lance, blottie au fond de la fleur dont elle est lame, caractérise
bien le jeune talent délicat et gracieux de M. R. Westmacott, et
nous laisse quitter Somerset-Uouse un sourire, satisfait sur les
lèvres.
m.
C'est l'association des artistes anglais que nous visitons, ce matin,
Suffulk Street. Ici nous avons toute notre exhibition de plain-pied, en
un seul vaste appartement de cinq pièces. Nul comfort n'a été mé-
nagé. De joyeuses cheminées oii brillent d'excellens feux de char-
bon de terre, nous réjouissent la vue dès l'entrée, car le mois de
mai continue d*étre aussi glacé qu'il est sombre.
Je vous ai dit que cette exhibition était l'exhibition libérale et
hospitalière, le palais public et commun élevé contre le palais
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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE Elf ANGLETERRE. 2f
exdusif et privilégié de Somerset-Houêe. Conséqueifkinent se sont
étabKes en ces salles, et ont pris possession du terrain, trou*
vant les deux battans ouverts, des légions de peintures qu*on eût
sagement consignées à la porte, partout où la police de Fart aurak
eu on (actionnaire. Mais ce ne sera pas moi qui condamnerai jamaîa
Tabus même de la liberté. Seulement je profiterai de mon droit
d'abréger notre visite et de ne vous présenter que le nombre fort
restreint des artistes dignes de Tintroduction.
Et d*abord détournons avec soin le regard de quatre ou cinq
immenses toiles effroyables, et de je ne sais combien de portraits
en pied, qui ont accaparé une bonne partie du salon principal. Les
portraits, je vous en avertis, ne sont pas en moindre force à ce
bout du Sirand qu'à Fautre. Prenez garde surtout aux iheriffs et
à leurs robes rouges. Ne laissez pas imprudemment errer votre
œil de leur côté.
Allons droit vers le patron de céans, M. Haydon, le robuste et
courageux Atlas qu' porte presque à lui seul toute Tassociation $ur
ses épaules, bien qu*il n*en soit pas lui-même membre officiel.
M. Haydon est le grand antagoniste de TAcadémie royale qu'il
bat en brèche incessamment dans ses lectures publiques ; il Taccuse
d'avoir dégradé Fart : elle a , déclare-t-il ( et c'est le crime irré-
missible ), elle a intronisé le portrait et le paysage, et chassé l'his*
toiredu temple. En homme consistant, M. Haydon soutient son
dire de son pinceau; il peint de l'histoire tant qu'il peut.
Or, void, de sa foçon, un sujet historique, ou plutôt religieux :
le Christ reuw ciantle fils de la veuve,
L*école anglaise a sobrement exploité le pieux domame de l'Écri-
ture. Lai jBison en est simple. Le protestantisme fermant son église
aux peintures sacrées, quel sanctuaire les accueillerait? Toutefois
le défunt président West a tenté la représentation de quelques
scènes du Nouveau-Testament ; mais, quoiqu'il les ait tenues lui-
même de son vivant pour chefs-d'œuvre, elles sont demeurées
aossi chefs-d'œuvre que ses autres ouvrages profanes.
Son précédesseur au fauteuil le plus justement célèbre, sîr Jos-
hna Reynolds, eut un jour la mauvaise pensée de créer aussi sa
Saitue Famille. On la peut voir maintenant dans la Galerie natlonaU
de Londres; et Dieu sa't, à la honte ineffable de l'illustre baro-^
net, cfuelrôle joue là ce croupe hébété de flçures anglaises ^rqiiv
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J
s ESne MB8 DIUX MoraiEs.
1^ de grog^, en la c«iii]^agiiie des fsunîiies yradmenl gtintes d'Aw-
dvé del Sarto et du TiJ^en t
M. HaydoD, ce terrible poorfettdear d'académiciens, a-t-^Iinievi
interprélé FËcriture que ces deux présidens d'Académie? A
peine, hélas 1 Son Christ n'a rien du Christ. Ce n*est pas le Sauveur
qui rappelle une ame; c'est un homme vulgaire qui regarde stupi^
dément se ranimer un corps. La face convulsive du ils n*est pas
celle d'un mort réveillé se levant du tombeau, mais bien d'ua
vivant désespéré qui veut y descendre. Pourtant, malgré son atti-
tude pénible et mal précipitée, elle est belle cette mère tenant en»-
brassé so» enfont, rassurée d^, calme et souriante. Elle ne craint
plus, elle se confie ; car ce cœur, hier insensible sous sa main ,
revit à présent, la repousse et palpite. Certes le sien lui bat aussi et
£luMidemeiit la poitriae, à Tartiste qm a senti cette sublime joie
maternelle, et Fa exprimée avec ce bonheur. Quelle pitié qu'une
pareiUe puissance d'ame s'étouffe elle^m^me sous tant d'énormes
défauts et soit si souvent insuffisante à les racheter 1
. Le respect de au méril» fourvoyé me fait éviter uneautre large
toile historique de M; Uaydon, où je blâmerais tout inhumainement,
jusqu'à un bout de cM du Tinteret, que j'admire fort chez le maf-
tte auqnel il est dérobé, mais qo*il n est plus permis d'approuver
ailleurs*
Deux esquisses, cPune dimeosian fort restreinte, nous vont mon^
trer une nouvelle face du talent de M. Haydon.
. La première est empruntée du grand préteur des peintres an-
glais, de Shakspeare. C'est après la fameuse aventure de Gadsh 11,
daas la preMère partie de Ifenrt tV. Le prince a bien son air per-
fsitemeni raalideux, moqueur et méprisant. Mais c'est le gros
diavalisr surtool q«ïl faut adtairer :
a D*ye thiok I dîd oot know ye. Hall ? »
Et, en aventurant son insidieuse question, il, traverse du regard
Henry tout entier. L'expression complexe de sa physionomie est
incomparable; la curiosité, l'inquiétude, l'effronterie, l'astuce,
Findifférence, rien ne manque; chaque passion a son muscle mis
en mouvement. Oh I voilà le vrai Falstaff , l'unique que nous ayons
f encontre parmi les milliers d'usurpateurs de son nom. Le peintre a
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LÀ PEINTURE ET t.A SOCIU»TinSE Elf ANGLETERRE. SS
«Nopris que cet immertel Mros de trois drames immortels était
Mt antre chose qu'im ignoble bonffim empêtré de graisse et
rameau ventre.
Joim Bull à déjeuner, John Bull inondé d'embonpoint, goutteux,
inpotent, John BuU entouré de monoeaux de rotM-beef ei de jara-
bon, qui s*écrie mélancoliquement : — Nois êomme^ une nation rut-*
ûe! — ce John BuH-là est une âéiiciefise personnification de Yé-
goisme britannique, — plaisanterie d'autant plus exquise qu'elle est
grave et triste comme le peuple qu'elle in lividualise.
Possesseur de si éminentes qualités, de qualités si voisines dm
génie, malheureusement M. Haydon ies obscurdt par trop de fautes
inexcusables. C*est un hasard qu'il prenne la peine ou le temps de
composer ; il est plus rare encore qu il veuille dessiner et peindre.
Ses cBuvres ne sont guère que des ébauches d'une exécution hâtive
ei grossière. Mais ces torts, la plupart volontaires, ne sonirils pas
doublement inconséquens et makulroits chez un homme qui pré-
tend fonder une école, restaurer lart soi^iisant détrôné, enfin dé-
molir une académie très digne encore et très capable de défendre
son rempart?
M. Huristone n'^^st pas uniquement «m peintre de portraits con«
sciencieux et habile; ses baronets, ses hoiiorables ladies, ses
membres du parlement sont bien Anglais jusqù*au bout des doigts.
D a fait pleine justice à Tauguste gravité de ses fiers compa*
triotes. Du reste il ne s'est point abstenu daller chercher ailleurs
la vraie beauté, Texpression naïve et la poésie. Sa Paijsunne de
FroAcati et ses Jemea muleliers des Abrazzex vous invitent de l'air,
du sour're, de la parole, et vous emmènent tout d'abord sous leur
ciel béni.
Rien de séduisant comme le coloris des tableaux de M. Huri-
stone. Néanmoins je n*ose Fapprouver absolument. J'ai peur qu*il
ne soit une certaine combinaison d'emprunts déguisés. On dirait
un coloris de coalition ; notre artiste n'aurait-il pas, par exemple,
ion du sur sa palette et m^lé quelques-uns des tons vaporeux de sir
Joshua Reynolds et de Murillo?
n y a de l'air, du soleil, de Tanimation; il y a de l'Italie dans la
plupart des paysagrs italiens de M. Linton, quoiqu'il faille leur
reprocher un peu de confusion et l'abus des teintes dorées. Je
■l'aflligeée me pocvoir accorder aucun de ces éloges restrictifs
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24 REVUE DBS DEUX MONDES.
à rimmense toile sur laquelle M. Lînton avait fondé sans doute
Fespoir principal de son année. Servile imitation d*un style interdit
surtout aux imitateurs, sa Jérusalem sous les ténèbre.^ pendant la mise
en croix rappelle uniquement Tabsence de M. Martin. Où se dé-
robe-t-il, ce grand poète biblique qui s'est trompé d'instrument et
a pris un pinceau au lieu d'une harpe? Exclu si durement des bon-
neurâ académiques, qu'il briguait, ne se console-t-il pas de cette
injure? N'a-t-il plus seulement le courage de^protester Su f folk-
Street contre les préventions de Sonierset-Honsc? Ou bien serait-
ce qu'il a épuisé sa puissante , mais stérile antithèse de lumière et
d'obscurité, d'architecture colossale et d'imperceptibles humains?
Serait-ce qu'il ne lui reste rien à dire?
M. Davis est l'Abraham Cooper de l'association des artistes bri-
tanniques. Ses portraits de chevaux sont frappans, affirment tous
ceux qui connaissent les modèles. On admire fort aussi l'ardeur et
là fougue de ses courses. Ses chasses ne sont pas moins populaires.
La foule ébahie se presse autour de ses rubans encadrés où les es-
cadrons de cavaliers et la longue traînée des chiens sillonent la
plaine, haletans, ventre à terre. Pour moi, je reconnais volontiers
la valeur de ces chaudes peintures des joies nationales anglaises ;
mais je me confesse incapable de me pâmer long-temps devant elles.
Je n'ai pas cité les vastes intérieurs d'églises espagnoles que
M. Roberts a produits à Somerset-Uoitsc; je ne crois point de-
voir citer davantage les vastes intérieurs d'églises françaises qu'il
expose à Suffolk - Siree!. Ce dessinateur n'est à son aise et ne
triomphe que dans le petit. Ses illustrations des keepmkcs de Gre-
nade et d'An jalousie sont de jolies vignettes. Elles traduisent
d'ailleurs l'Espagne comme on a traduit jusqu'à présent Don Qui-
chotte.
El quand je parle ainsi dédaigneusement du petit, observez que
je ne traite point de petite toute œuvre d'une dimension étroite et
réduite. Eussé-je cette impertinence, en la salle même où nous
sommes, les délicieux paysages-miniatures de M. Creswick me
donneraient un démenti bien formel et fondé.
Des sculptures de Suffolk-Street, nous aurons la générosité de
n'en point parler, ou du moins d*en très peu parler.
Sur trente bustes environ , à peine cinq ou six accusen^ils ua
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Uk PEIirrURB BT LA SCULPTURE Elf ANGLETERRE. 26
certain savoir-faire et quelque facilité de ciseau; aucun ne nous
montre de physionomie vivante et qu'éclaire un rayon d*anie.
,Ce qui vaut mieux que tout le reste, c*est un petit nombre d'es-
quisses en glaise et en cire, et de bas-reliefis ébauchés. Sérieuse-
ment repris et développés dans le marbre, ces essais se pourraient
transformer un jour en œuvres véritables; jusqu'à présent il n*est
permis de les considérer que comme des indications heureuses»
IV.
Si nous consultions uniquement la somme de .mérite que produit
cette année la société des peintres d*aquarelle, nous nous arrête-
rions longuement dans la jolie salle fashionable de PallrMalU
East; mais nous n*y avons à étudier qu*un seul genre de peinture*
Nous irons donc encore plus vite à travers cette brillante exhibi-
tion.
Parmi les féconds artbtes associés qui Tenrichissent péridioque-
ment, M. G)pley Fielding est sans contredit le plus fécond et Tuii
aussi des plus méritans. Prendre une à une toutes ses aquarelles,
ce serait impossible. Il n'en expose guère cette fois que quarante;
mais c*est de sa part discrétion inaccoutumée : d'ordinaire il va
au-delà des cinquante. Et qu*on ne lui reproche pas la monotonie
des sujets : il se varie et se renouvelle incessamment. Vous ne le
voyez pas, il est vrai, s'éloigner beaucoup de ses Iles britanniques;
mais quelle falaise de leurs cAtes, quelle de leurs montagnes ou de
leurs plaines, quel lac perdu de rEcosse,.quel antique manoir an-
glais enseveli sous son parc ombreux, quel recoin du pays ne
fouiOe-t-il pas et laisse-t-il inexploré? Ce n*est pas même pourtant
l'exigence de son art qui le pousse à parcourir ainsi les trois
royaumes. Vous renfermeriez dans le seul comté de Hiddlesex
qu'il ne serait pas plus empêché de fournir à Pail-Mall son conti»-
gent annuel. De fait, quand on po'ssède ce sentiment de la nature
qu'il a si profond et intense, en quel lieu pauvre et stérile n'est-elle
point sufisante? Donnez-lui ce matin pour prison de sa journée
quelque pelouse chauve et maladive, qui n'ait pas une cabane, pas
on arbre, pas une fleur, pourvu qu'il garde la vue libre, pourvu
qa'fl puisse suivre le soleil de son aurore à son coucher, traversant
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iM ^el fmr ou sonbre; demain, s'il lui platt» il toos
quatre pages Bierveilleaae»» où trÛMMplMBnMi.IepfiftaeBps^fiM^
raiilOBMOy rhiver, — les ^pialre saisons do jour.
, IL Gopley Fieldiiig, ee graml aocafareur des paimeaiiai de
P^U^nuM^ ne s'y est cependant pas établi lesetd paysagisto. Qiioi^
9i*il soit incoDtesublemeal le premier, phtsieuKs après M scnmt
très dignes d'é4re nonmés.
Je mentionnerai seulement la fraternité singulière de deux ar-
tistes très capables de voler chacun de leurs propres ailes , mais
qui préfèrent souvent associer leurs mérites distincts : je veux
parler de M. Tayler, que vous voyez menant ses troupeaux et ses
kergers par les diamps et les pâturages de M. Bàrret.
M. Prout semble avoir bériié de quekfues-oaes des toodies
du pinceau de BoningtiMi. Ses vieilles r«e» et ses intérieurs nous
arradicot de la solitude des chanps, et nous repiongent dans h
foule des bameanr et des viUes.
John Bull, cet infatigable touriste, qui c^nna'l si parfaitement
les moindres peuplades des quatre parties du monde, ne sait rien
et rif lande, sa s<£«r, si ce n*esl q«'elle awurt de faim à la porté
de l'An^eterrec M. Evans svpplée aujourd'hui, par sa pemcore',
à cette ignorance. Il montre la nobWsse affable de ces Iriaih
dais que le terisme transfemoit en savrages, la grâce touchante,
la a«a.ve beauté de lears feMmes; ec> aSn que John BuB, qui est
eonuneTboottSyne domte poûv, ille mène partout dans leors cités,
dans. leurs villages, dans lears marchés, dans leurs cabanes» Il ne
cnobe pan levff misère,^ loin de là; nais il la représente digne et
flére dofatenrson droit, ioba Bull profilera sans doute de Pin-
nlrnction» Elte fortiiera la bonne întenlîoa qn il a présentement de
iûre justice k sa seetir, et de Ini jeter qu^qnes nnettes de sa tabld
nplendtde.
Bu reste, les scènee irlandaises de M. Evans portent av«e dhn
nn oarastère auquel il n'est pa9 permis de se méprendre. Tons
nfaren pas vimté le beavpays malheureux qu^efles ont réi^.é, et
f oii»^ètes eercain pourtant de l'avoir vu en elles. Combien ne pré-
ftrei<^vo« pas Véloge mmp]B et vrai qu'elles lui décernent, à h
frq)erie poétique dont O'Connel} habiRç sa verte Erin, an beat
ide toutes ees harangues, étemellenwit les mémee?
Un antre nrtisie, pkis bviHant, non pas snpérienr, se necofli'
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LA PEINTURE fiT hk SCULPTeUS . Sfl MCGLETERRE. WF
muÈÛe haÊÊ%mKntHi YeHu d'im titre pareil à celw éé M. Era»;
Ha su découvrir également une mine vierge e€ en dégager auas'tèt
]e fikm d*or. Le bonheur de H. Lewis a été grand. Il est le pr»-
nier de tous les peintres qni ait compris les mœurs du peuple es*
pagnol el su extraire leur poésie.
Void déjà plusieurs^années que H.Lewis expkMie abondanneni
ce riche terrain qu*il s'est appn^é. Jusqu'à présent, il s'était
borné à nous conduire par les rues defiéville ei de Grenade, daas
leurs couvens et dans leurs églises ; cette fois il varie son spectacle»
Nous somvues introduits à lan^bithéAtre; nous allons voir les
taureaux courir.
Les deux coursesqu'expose M. Lewis ne sont point des morceaux
achevés, mais elles offrent un nombre infini d'admirables détaQs.
Le tatxe de costume ées urervs amassés aux barrières, leur ex*
pression» leur air, leurs attitudes, l'empressement et la cobue aux
portes, tout cela est dit merveilleusement et d'uae saisissante vé*
riié. A pénétrer plus avant «dans l'arène, nous sommes moins sa-
tisfaits. L'action est surchargée de trop d'incidens. Or, la tragédie
de la place des taureaux est la plus simple de toutes, en mémo
temps que la plus terrible. Jamais l'intérêt ne s'y divise; jamais
deux points divers qui l'attirent et se le disputent. Un seul, un
point unique absorbe et retient rivées les dix mille âmes humaines
entassées là, regardant, palpitantes, la vie d'une de leurs scsurs,
pendue à unlU. Nous ferons à notre artiste une autre chicane :
curieux et sagace obs^vateur comme il est des choses et des figu*
res locales, nous trouvons qu'il n'a pas suffisamment étudié tous
ses personnages. Ces pauvres chevaux des courses, tout invalides
et squelettesqn ils paraissent, ne sont pas de purs rossiuantes; ils-
témoignent Jusqu'à la fin de leur sang andidou. Mous les voyons,
anx trois quarts éventrés, courir encore bravement à la charge,
etis tète haute, olfrir fe poitrail au coup mortel. Le peintre n'a
pas traité beaucoup plus fidèlement ses taureaux; il a fait de très
Ttyectafales taureaux ordinaires ,. non pas des taureaux espagnols,
ce qui est tout autre «iiose. Ces torts, véniels pour nous, senaient
inémissibles aux yeux d'un ofunonodo véritable. C'«at qu'au cirque
Ii>cbevjd et le taitfeau ne sont p#int de singles comparses. L'ac-*
tcar principal est le taureau peut-être.
Hais où H. Lewis triomphe surtout, • c'est dans son troisièma
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2B AETUB BBS DEUX MONDES.
tableau y qui montre Textérieur d*une taverne de Grenade un jour
de course. Et ne blâmez pas le choix de ce troisième sujet , si ana-
logue aux autres. L*art peut puiser sans crainte à toute source où
bouillonne une forte passion populaire; l'onde fécondante y est
inépuisable. Ici rien qui ne «oit irréprochable et excellent. Le
désordre est l'action ; la confusion , le mouvement. La foule aedane
et bat des mains aux toreros qui passent. Pour elle, le spectacle a
commencé déjà. Deux picadors à cheval vident le dernier verre de
manumitla, le coup de l'ètrier. Ils s'étourdissent, ils boivent Toii-
bli du danger. Un matador, plus raffiné, s'enivre de pure galan-
terie, n part, deux adorables majas aux bras; Tune, sa maîtresse,
vivra ce soir, s'il est vivant. A la porte du cabaret s*est arrêté on
calcHn, qu'emplit largement la rotondité d'un dominicain. Le boa
père vient confesser les monrans. On lui apporte en bouteflle le
courage dont aura besoin son pieux ministère. Cependant on frère
quêteur va fort activement de groupe en groupe; l'habile homme
n'ignore pas que l'émotion et la joie font la charité plus abondante.
Enfin, partout c'est loriginalité des scènes, la naïve barbarie des
mœurs, la rudesse des contrastes, épiées Aprement et prises sur le
fait; c'est toute cette neuve poésie du terroir ramassée à pleines
mains et mise ardemment en œuvre. Une page semblable en conte
plus à elle seule de l'Andalousie, que tous les milliers de voyages
accumulés depuis vingt ans par les touristes.
Un ouvrage de M. Cattermole conunande une double attention,
et par son importance etpar la juste célébrité de l'artiste. Autant
M. Copley-Fielding est en avant des paysagistes de Patl-Mall, autant
M. Cattermole précède les peintres du style gothique. Examiaer
l'œuvre de ce dernier, c'est choisir le meilleur échantillon pour juger
le moyen-âge de l'exhibition.
M. Cattermole avait exposé, l'an passé, une cellule d*abbé, selon'-
nous admirée fort au-delà de ses mérites. Certes, c'était une bril-
lante fantaisie. Toutes les richesses y ruisselaient dans les flots
d'un éblouissant coloris. Hais ce n'était pas là vraiment qu'il fallait
vider la corne d'abondance. Ce n'était pas là le lien de tant de gwr-
landes, de tant de fruits, de fleurs, et de cassolettes. Le luxe des
nioines n a jamais été si délicat. Bref, à notre avis, Tartiste avait
peint un rêve, non point restitué une scène des vieux temps. Il n'a-
vait point paré la vérité; il l'avait travestie et fardée.
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LA PEINTURE ET LA SCCLPTCmE EN ANGLETEMlfl. 29
Cette fois, M. Catlermoie 8*en prend à on sujet tout sanglant et
terrible. Cest le meurtre de l'évéque de Liège, la grande scène du
roBMin de Walter Scott qu*il représente. Beaucoup de parties de
cette vaste composition sont di^s d'un haut éloge. Le contraste
surtout est magnifique entre la vèfiérable et paisible figure de la
Ticthne sous le sabre du bourreau et la hideuse convulsion des
. traits de Fassassin. Rarement on avait mieux mis le crime et la
rertu fece à foce. Toutefois, si la verve abonde dans Vexécution,
l'énergie déborde peut-être. Le peintre semble manquer un peu
démesure et de discrétion. J'ai peur qu*il n*ait ici abusé de i'hor-
ribte, comme, dans la cellule de Tabbé, il avait fait des lys et des
roses. Je sais quelle méchante et sauvage compagnie était celle du
SangHerdes Ardetmes, mais je ne crois pas qu*il n'eât de convives à
sa table que les bétes fauves qui hurlent à Tépouvantablé festin où
nous convie l'artiste.
Une dernière observation qui s'adresse, non pas seulement à
M. Cattennole, quoiqu'il la provoque principalement, mais à plu-
sieurs autres notables peintres de Pall-ilall et même légèrement
à M. Lewis.
Une idée téméraire préoccupe évidemment ces artistes estima-
bles. Os jugent l'aquarelle omnipotente et capable de rivaliser en
tout point avec la peinture à l'huile. Bien mieux, hommes consé-
qnens qu'ils sont, ils essaient de fortifier leur dire par leurs œu-
vres; nous ne sommes point accoutumés à décourager les tenta-
tives difficiles et hardies; pourtant nous confessons n'avoir en
celle-là qu'une médiocre confiance. Il se conçoit qu'en dé certaines
occasions l'aquarelle emprunte le secours d'une force et d'une
énergie de moyens qui ne sont pas de son essence ; — il ne se con-
çoit point qu'elle se veuille faire absolument énergique et forte
eontre sa nature. Du reste, elle peut, ail lui plah, étaler un pa-
pier égal en dimension aux plus larges toiles ; elle peut le noircir à
son aise et le charger de gomme; mais je tremble cpi'elle n'ait le
sert de la grenouille envieuse du bœuf. A cet effort immodéré, sans
acquérir la puissance de sa rivale, ne perdra-t-elle pas la légèreté,
la morbidesse, la transparence, ses qualités principales et essen-
tiettes?
A quoi bon d'aiHeurs dépenser son talent en usurpations ha-
sudeuses? A quoi bon cette rage de déplacer les limites sagement
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SOr ftEVDE DES SBDX IIONDBS.
posées des :g6are8? Qui vous o^BtrfittBt de tous enfermer dans la
salle étroite de Pall-Mall? Si la gloire de Qiaitde et du Titien vous
empêche de dormir, que ne trempez-^ous votre pinceau aux mêmes
couleurs éternelles oà ils trempaient le leur? Dût Sontënef-JfonBe
TOUS fermer ses portes , ignoroE^^irout iwmme vous sériée bien-
yeoMs et fêtés cfaes vos frères, les associés 'ltt>fes de StiffcÊk-
Strm?
Nous avons redescendu le SirmuL ibtrons à Ea^eier-^Oatl^ ai
s'est établie la nouvelle «ociété des peintres d'aquar^e. Cette der-
nière visite, si cottr4e qu eUc/Soit, nous sera méritoire; car ce que
nous avons vu d*exhîhitiofis étdil bieiiipour nous satisfaire, et ce
n*est pas la meilleure qui nous reste à voir.
Mais nods avons prorois d^élre écpuilaUea; nous avons proMÎs
de tout montrer, de ne soustraire «aucune ides pièces utiles aux
juges. Achevons donc paisiblement not^e besogne de n^f^r-
teur.
Ce qui recommande surtout la société aeuvelie, c'est sa ten-
dance marquée vers ramélioration. Ainsi sa présente exUbMoo,
qui est seulement la cinquième, est de beaucoup supérieure aux
précédentes. L*année dernière encore^ la saUe^tait à peine ienable
dix minutes, tant le méchant et le médiocre y deannaient; cette
année, avec du loisir, on y peut passer une heure agréable.
Voilà les bénéfices que produit reeprit.'d'aasocii^on appKqué à
Tart L'association est donùemeat fécotade* fin assurant les progrès
individuels, eUe favorise le progrès général.
M, peuu d'ouvrages frappent par Thabifeté de rordoanaaoe , le
fini, la perfection du tiavail. Presque tout est à réutd'élia«ciie;
mais» sous la rude éoorce de bien 4es «ssais taforaMs, firémit une
sève qui j^llira «n jour «n 4e IttsmaM feuillages.
Dans le tfès petitneinbre des choses <y4«Maent achevées» il oon^
Tien&de citer les bijoux de M. BoiviâRg. Ce sontle (dais souvent
des V4ies de la Tamise en hiver. C*«8tle gnmd fleuve oèglisscttl
les barques et les navires voilés de brume. Le ciel de Londres «tl
là chargé de iOHtes ses «v^ieups. Cest^wsaràBMmt le fcrooilâcKi de
la nMke» hàmimc^ ifm ïêxikm^4ir0O9émojm ée mettre so»
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LA PEiimiRE Ksr %k acBLramB Jin Angleterre. 31
Terre et d'encadrer. Ces jolies miniatures sont toutes, jeraYOue,
on peu tristes; mais est-ce la faute de M. Downing, si le soleil est
six mois de Tannée sans vouloir luire pour la capitale de TAngle-
terreî
Le« Matines et kspcjaagt sde^M. Slic^rdnevMiqwneiM de relief
. ni de viet. Mais Tiiiexpérienoe s'j traHit évideiHe. On reconimh; que
fepeiiiue-tâceaiie et ebevche eacoret B n*est pas le mttlllr&é& sa
com^Hi^Mi. il caressé et prodigtie las dètaifa oulfe mesiire. Ses
fàatmresrom fatiguenè et TO«d ébiomsie«l. Cent cpifelUis n*«ttt
aocttoisefllre. H oublie d'y marquer le poiat rUmlk
TtLWMtea, krdermerqM»iiouBa(jfonvA nommer, possède «ae
imagiiiitkHi vÎTe et feriHe ; c*^t domaiage ifaer le pinceau loi rémie
aucancet réafot in kieofnpiètieflMnt sa pensée. Qoelq«es-un»di9 sas
trop nambreux ouvrages doivent être cepeadaoc ans à part , ak la
Terre al fcmginaiité raobèleac preaqoe rkKoareaion et la négl-
geace,
1/Emkmm'km de ia reine ÊlUakità à Greenwick e60 une^ dHMde
etbr91anleiHastratioii>de la célèbre seèneda romande i9mlw(ir(fc.
Dy ade ta grandeav, il y a dbe forîeac dan» cette peiiilore dû
■eus YaT«is ks siataes cotoasales de ThAbes, aa roiMeu de Tiaewda-
tion du Nil, paisiblement assisessot leurs sièges d^fÇfwAîr^ ra-
gardaaf^ sourianles, le iaave débordé qui aïonfi» à peine nouQ-
fer leurs pieds.
Une autre cempeaitiotii mains aérieuae caraccériaeiaieai peut-*
être resprit d^iniireiitiea de iartîstev
Deaaylphes et des syipkidea ona seasmeiM fcnit le jovr éaas
leurs calices de roses. Éveillés à la'broae, Tcrilà qu ii^eauuaanosnt
deeoatir la^idia^ saaCHaftifetoutfi&deflettr»e»toaflésdefleurs.
MttA, frande avaninael jvrmie toge feuille d^bortessia a reih
piendi teut à coup un aev tuiaaait. Auasiièli les anias s^enlaeMt.
Dae rende se faraae aatovr deiloBeatetaNiiBttSD. L^orehesl^e aiéoie
neaMAqvetapas k ce baiiiaapfwisé. L*iaa des srylpbea a ptîs lai
pétale 4t thevrafeuHe n l'émbeacbe camme «ne f remp8tte> taoAs
qii*un autre touche des fils d'une toile d'araignée, ainsi que d'aae
harpe» Ealeade^Tettale bruît deepas de ladâMeeeleB aceords de
bi BMiskiaer rraiaieot ilry a là un sootta de^poéskifbiicastiqpBe teat
shahapearien. Cette. Mie ctas (tm^ ée bL Warvon ne désheaMe-
iak.paa lea Mies finlaisîea de la rené Ibrt^et d^sa eeVi.
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32 REVUE DES DEUX MONDES.
VI.
Nous avons promené le curieux à travers les quatre exliibiti(Hi8 ou
nous nous étions engagé de le conduire. Nous lui avons été le plos
exact et le plus Adèle cicérone que nous avons pu. Si nous n*avonspas
tout montré, au moins espérons-nous n'avoir rien omis qui dût être
particulièrement admiré. Nous n'avons négligé aucun nom recom-
mandé hautement par son mérite ou son illustration. Face à face
avec les célébrités , nous nous sommes appliqué à découvrir le
caractère habituel et général de leurs talens, plutôt qu'à détailler
leur œuvre du jour. Ainsi avons-nous essayé, non pas tant d'asseoir
notre propre apprédation sur une large base, que do mettre cha-
cun en état de prononcer de soi-même, en parfaite connaissance.
A cet effet, quelques observations, déjà indiquées, veulent ètce
rappelées et rapprochées, afin d*éclairer davantage la matière.
On a vu qu'en Angleterre même, d'honorables antagonistes de
l'Académie déploraient amèrement et flétrissaient l'abandon des
hautes régions de l'art. Mais cet abandon très réel provient de cau-
ses qui l'expliquent et l'excusent.
11 est incontestable que l'artiste ne saurait travailler uniquement
pour la gloire. Il faut qu'il travaille d'abord pour vivre. La dure
nécessité lui prescrit donc de faire, avant tout, des tableaux capa-
bles de plaire à ceux qui achètent. Michel-Ange lui-m^me n'aurait
jamais peint la chapelle Sixtitie, pour l'unique plaisir d'y emprein-
dre gratuitement son immortalité.
Chez nos voisins, la difficulté d'aborder les sujets religieux se-
rait double. L'église protestante les a arrachés de ses murs comme
images profanes. Ainsi non-seulement il ne s'agit pas de les lui ven-
dre, mais l'enthousiaste M. Haydon eût-il la fantaisie de se hisser
jusqu'au dôme de Saint-Paul, afin de le décorer bénévolement, il
courrait le risque d'être jelé hors du temple et poursuivi en sacri-
ïége*
D'autre part, le gouvernement ne commande aucune sorte de
tableaux. L'honorable chambre des communes n'a jamais estimé
que le moindre (artking du budget dût être employé à l'encpurage-
meiit de la peinture historique ou non historique. Parce qu'un club
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LA PKnrnmB bt la scijlptuhe en Angleterre. 35
s'estpris du désir d'avoir en soa salon une bataille navale , c*e8t
U pure exception, nuHement coutume.
Or, à quel patronage Tart a-t-nl ététx^ntraint d'avoir recours? Au
patronagequis'estoflert. Au patronage des lords, au patronage
des riches; mais quelles peintures demandaient les riches et les
lords? Kén entendu ce n'était pas la grande hbtoire ; ce n*était ni la
grande histoire religieuse, ni la grande histoire profane ; c'étaient
de grands portraits en ped , pour les plus grands panneaux de
leurs appartemeiû; et, pour les coins, de l'histoire en miniature »
des chasses, du paysage et de l'aquarelle.
Ces considérations pesées, dont Fimportance est gravcy quand on
veut impartialement juger la situation de l'art eu. Angleterre, il
s'agit surtout d'examiner, si, dans les bornes encore larges et ho-
norables où l'a enfermé la force majeure, U est suffisamment fé-
cond et prospère, s'il compte assez de noms excellens qui Tauto-
risent et le recommandent. Là dessus, notre avis est affirmatif et
nous pensons l'avoir établi de façon à ce que plus d'un autre s'y
range.
M^s au milieu de tant de prospérité et d'excellence, s*écrie-
t-on, y a-t-il une école anglaise? Y a-t-il une école anglaise plus
qu'il n*y a une école française?
Oui, répondrons-nous encore, quoique moins absolument. H n'y
a point d'école anglaise si vous exigez le caractère rigoureusement
tranché des vieilles écoles flamande, italienne et espagnole. H y
a une école anglaise plus qu'il n'y a une école française, en ce sens
que Fart anglais s est inspiré davantage et plus exclusivement du
sol natal, de la nature indigène, du ciel du pays ; en ce sens qu*il a
traité (dus de sujets purement nationaux et presque inintelligibles
au dehors.
Mais Fart anglais est-il l'égal de l'art français? lui est41 supé-
rieur?
Nous serions fort empêchés de répondre formellement à cette
dernière question.
Toute comparaison est délicate et téméraire entre les gloires
analogues de deux peuples rivaux, lorsque, des deux parts, les
titres sont authentiques, nombreux, fortement appuyés.
Le rapprochement conviendrait mieux, si la balance penchait à
ce point d'un c6té, qu'il ne fût guère possible de garder un doute
TOUS VK. 5
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M WBLnmm
«vr la piUmimm\.Vcm»semfam twtfim, pmtuBmflé^ êb àkdun
notre opinion, touchant la diiduli Hliiii Kairn des déwt payt» ^at
Aoos nfhéeîteriMs. pas à dm: l&ietiMHfi UMéDatweflnnçaise ar-
me; kl noiurelle-ittériilvre aaghiMJsfea ti«
Tel n'est potek cas €ft ce qa»lMfteravt;Eir.FffUKe«aMtiie^
ment 9 «rrire, Aeet arrrré;: nnie entiAàglMeneA eefc^nrifé aatâ
et ne témoigne Halenpresaeaient d» 'partg*. Stahmaal» paat*te«
a-44t ehes les une en élèratiott ce foe dnelea^acvea il Tegtg^ent
krfpHir. Okei lés français^ l'aifaye'^ boMJimnwntde eèro, dretset
vers le ciel une superbe* mm. Cher leurs ftinins^ aea htaM «
branehés se sontt desaédiées^ nnieilcMirre k pfadn» fépai» et
Tastes rameaux.
Uuixm, le lOJuiA 1838.
Loai>F8BUi«»
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titÊÊmÊÊàm
IL NE FAUT
JURER DE RIEN,
PROVERBE.
PERSONNAGES.
TAN BUCK, négociant. Un AvBBmGiSTB.
TALnmn TAN BUCK , son nereù. Vu Gabçon .
Uh Abbé. La BABomB dbPUoitw.
I}r XAiTEB Di DAHU. GÉGILB, sa^o.
(La scène est à Paris.)
ACTE PREMIER.
SCÈNE PREMIÈRE.
La chambre 4e T«)entin«
YALENTIN assis. — Entre VAN BUCK.
VAN BDCK.
HoDsieur mon neveu, je vous souhaite le bonjour*
VALSNXIN.
Jlomîeiir mon oncle, votre serviteur.
TâN BCCK.
Restez assis; f ai à vous pKter.
3.
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3S. REVUE IMB8 BBUX MOHM».
VÂLBNTIN.
A8sey;ez-you8; j*ai donc à vous entendre. Veuillez vous mettre dans b
bergère, et poser là vot^re chapeau.
VAN BOCK, t^asseyaDt.
Monsieur mon neveu, la plus longue patience et la pins robuste obsti-
nation doivent, l'une et l'autre, finir tôt ou tard. Ce qu'on tolère devieol
intolérable, incorrigible ce qu'on ne corrige pas; et qai vingt fois a jeté
la perche à un fou qui veut se noyer, peut être forcé un jour on l'autre
de l'abandonner ou de périr avec lui.
VALBNTIN.
Oh! oh! voilà qui est débuter, et vous avez là des métaphores qui se
sont levées de grand matin.
VAN BOCK.
Monsieur, veuillez garder le silence, et ne pas vous permettre de me
plaisanter. C'est vainement que les plus sages conseils, depuis trois ans,
tentent de mordre sur vous. Une insouciance ou une fureur aveugle, des
résolutions sans effet , mille prétextes inventés à plaisir, une maudite
condescendance, tout ce que j'ai pu ou puis faire encore (mais, par ma
barbe ! je ne ferai plus rien ! ) Où me menez-vous à votre suite ? Tous
êtes aussi entêté....
VALENTIN.
Mon oncle Yan Buck, vous êtes en colère.
VAN BOCK.
Non, monsieur, n'interrompez pas.yous êtes aussi obstiné que je me suis,
pour mon malheur, montré crédule et patient. Est-il croyable, je vous le
demande, qu'un jeune homme de vingt-cinq ans passe son temps comme
vous le faites? De quoi servent mes remontrances, et quand prendrez-
vous un état? Vous êtes pauvre, puisqu'au bout du compte vous n'avez de
fortune que la mienne; mais, finalement, je ne suis pas moribond, et je
digère encore vertement. Que comptez- vous faire d'ici à ma mort?
VALBNTIN.
Mon oncle Yan Buck, vous êtes en colère, et vous allez vous oublier.
VAN BUCK.
Non , monsieur, je sais ce que je fais ; si je suis le seul de la famille gai
se soit mis dans le commerce, c'est grâce à moi, ne Toùbliez pas, que les
débris d'une fortune détruite ont pu encore se relever. Il vou$ sied biea de
sourire quand je parle; si je n'avais pas vendu du guingan à kuftn,
vous seriez maintenant à l'hèpiUil, avec votre robe de chambre à fleurs.
Mais, Dieu merci, vos chiennes de bouilloUesw ... I
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u. us FAtJT nmn bb BtKH. 37^
Mon oncle Van Bock, voilà le trivial; vous changez de ton; vous vous
oubliez; voas aviez mieux commencé qne cela.
VAN BUŒ.
Sacrebleu ! tu te moqnes de moi. Je ne suis bon apparemment qa'i
payer tes lettres de change ? J'en ai reçu une ce matin : soixante louis { Te
raHks-tu des gens? il t^ sied bien de faire le fasbionable (que le diable
soit des mots anglais!) quand tu ne peux pas payer ton tailleur! C'est
antre chose de descendre d'un beau cheval pour retrouver au fond d'un
hôtel une bonne famille opulente, ou de sauter à bas d'un carrosse de
louage pour grimper deux ou trois étages. Avec tes gilets de satin, tu
•demandes» en rentrant du bal, ta ciiandelle à ton portier, et il regimbe
quand il n'a pas eu ses étrennes. Dieu sait si tu les lui donnes tous les ans!
Lancé dans un monde plus riche que toi , tu puises chez tes amis le dé-
dain de toi-même; tu portes ta barbe en pointe çt tes cheveux sur les
épaules, comme si tu n'avais pas seulement de qiioi acheter un ruban
pour te faire une queue. Tu écrivailies dana les gazettes, tu es capable
de te fajre saint-simonien quand tu n'auras plus ni sou ni. maille, et cela
viendra, je t'en réponds. Va, va, un écrivain public est plus estimable
qne toi. Je finirai par te couper les vivres, et tu mourras dans ua
grenier.
VALBNTIN.
Mon bon oncle Van Buck, je vous respectent je vous aime. Faites-moi
la grâce de m'écouter. Vous avez payé ce matin une lettre de change à
mon intention. Qnand vous êtes venu , j'étais à la fenêtre, et je vous ai vu>
arrifer; vous méditiez un sermon juste aussi long qu'il y a d'ici chez
vous. Épargnez, de grâce, vos paroles. Ce que vous pensez, je le sais; oe
que TOUS dites, vous ne le pensez pas toujours; ce que vous faites, je vous
en remercie. Que j'aie des dettes et qne je ne sois bon à rien, cela se
peut; qu'y voulez -vons faire? Yoos avez soixante mille livres de
rente....
VAW BUCK.
Cinquante.
VALBNTIN.
Soixante, mon oncle; vous n'avez pas d'enfans, et vous êtes plein de
bonté pour moi. Si j'en profite, où est le mal ? Avec soixante bonnes mille
livrfs de renie....
VAN BI7CK.
Cinquante , daqnante ; pu un denier de plus.
VALENTIN.
Soixante; vous me l'avez dit vous-même.
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% ' XVniB BBS BCVXVOnDBS^
VâN BCCfc.
Jamais. Où as^to pris e«la?
Mettons cinquante. Vous êtes jeune , gaillard encore, et bon viTant.
€royez-vons que otia me Câdie , et que j*aie soif de votre bien? Yoos ne
Bie faites pas tant d'injure , et vous savez que &es mauvaises tètes n'ont
pas toujours les plus mauvais cœurs. Vous me querellez de ma to^ de
chambre : vous en avez porté bien d'autres. Ma barbe en peiato ne vevt
pas dire que je sois tm saint- siraonien : je respede trop rkéritage. Vous
vous plaignez de -mes gilets; voulez-«vous qu'on sorte en efaemise? Vous
me dites que je suis pauvre , et 4iue m«s amis ne le sont pas; lant niieax
pour eux , ce n'est pas ma faute. Vous imaginez qu'ils me gâtent et que
leur exemple me rend dédaigneux : je ne le suis que de ce qui m'ennaie,
et puisque vous payez mes dettes , vous voyez bien que je n'emprunte pas.
Vous me reprochez d'aller en fiacre : c'est que je n'ai pas de voiture. Je
prends, dites-vous, en rentrant, ma chandelle chez mon portier : c*«st
pour ne pas monter sans lumière ; à quoi bon se casser le cou ? Voos vo«-
driez me voir un état : faites-moi nommer premier mfiH«tre, et voos
verrez comme je ferai mon chemin. Mais quand je serai surnuméraire
dans l'entresol d'un avoué , je vous demande ce que j'y apprendrai , sinon
que tout est vanité. Vous dites que je joue à la bouillotte : c'est que j'y
gagne quand j'ai brelan; mais soyez sûr que je n'y perds pas plus tot que
je me repens de ma sottise. Ce serait , dites-vous , autre chose, si je des-
cendais d'qn beau cheval, pour entrer dans un bon hôtel : je le crois bien;
' vous en parlez à votre aise. Vuus ajoutez que vous êtes fier, quoique vous
ayez vendu du guiogan; et plût à Dieu que j'en vendisse! ce serait la
preuve que je pourrais en adieter. Pour ma noblesse, elle m'est aussi
chère qu'elle peut voos Fètre à vous-même ; mais c'est pourquoi je ne
m'attèle pas, ni plus que moi les chevaux de pur sang. Tenez , mon onde,
ou je me trompe , ou vous n'avez pas déjeuné. Vous êtes resté le cœur i
jetin sur cette maudite lettre de change ; avalons-la de compagnie, je vais
demander le chocolat. (il sonne. On sert à déjeuner.}
VAN BUCK.
Quel déjeuner ! Le diable m'emporte ! tu vis comme un prince.
VALBNTfN.
Eh! que voulez- vous? quand on meurt de faim, il faut bien lAoher
de se distraire. ( lU s*auablent )
VAN B0CK.
Je suis sûr que, parce que je «e mm là , tu te figures que je te par-
donne.
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IL MV FAUT HTBEft BV Rin^ 99
T:àLKffflr.
Moi? pas da tout. Ce qui me ciiagrine, lorsque vous êtes irrilé, e'est
qu'ii vous échappe malgré vous ctes expressions d*arrière-boutique. Oui,
sans le savoic, vous vous écartez de cette fleur de politesse qui vous dis-
tiogue particulièrement; mais quand ve* n*est pas devant témoins, vous
comprenezjque je ne vais pas le dire.
VA!f BVOL:
C'est bon y c'est bon , il ne m'échappe rien. Mais brisons là, et parions
d'autre chose ; tu devriôs bien te marier.
VALBlimi
Seigneur, snon Dieu! qu'est-joe q«e vovs dites?
VAN BUCK.
Doone-moi à boire. Je dis que tu prends de l'âfe, et que ti» devrait tt
marier.
TALESXSf^
Mais, mon oncle, qu'est-ce que je vous ai fait?
YA5 BUCK.
To m'as fait des lettres dé change. Mais quand tu ne m^aurais rien
fait , qu'a donc le mariage de si effroyable? Voyons, parlons sérieusement.
Tu serais, parbleu, bien à plaindre qtieDd on te mettrait ce soir dans les
bras une jolie fille bien élevée , avec cinquante mille écus sur ta table peur
t'égayer demain matin au réveiL Voyez un peu le grahd malheur, et
comme il y a de qjuoi faire l'ombrageux! Tu as des dettes, je te les
paierais; une fois marié , tu te rangeras. Mademoiselle de Mantes a tout
ce qu'il faut»....
VALENTIN.
Mademoiselle de Mantes! Vous plaisantez?
VAN BUCKw.
Puisque son nom m'est échappé, je œ plaisante pas. C'est d'elle qu'il
s'agit, et si tu veux...
VA&B9TI2I.
£t si eQe veut CTeat comme dit la chasBon :
Je sais bien qull ne Uendrait qm*à mol
De répovser, si elle voalailL
VAN BOCK.
Non; c'est de toi que cela dépend. Tu es agréé ; tu lui plais.
vALBurnr.
Je oe Pat jeraais vue de ma vie^
VAN BecK«
Qela ne ly i neo; je le dis que tu liù plais.
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iO BBTUB DBS DEUX MOIIBBS*
TALBlVTllf,
£d vérité?
yA5 BUCK.
. Je f en doime ma parole.
TALBIITIN.
Eh bien donc! elle me déplaît.
VAN BUCK.
, Pourquoi?
YÀLENTIM.
■»
Par la même raison que je lui plais.
TAN BDGK*
Gela n*a pas le sens commun , de dire que les gent nous déplaisent ^
quand nous ne les connaissons pas.
TALBtmN.
Comme de dire qu'ils nous plaisent. Je vous en prie, ne parlons plus de
cela.
VAN BUCK.
Mais y mon ami, en y réfléchissant (donne-moi à boire), il faut (aire
une fin.
TALBNTIN.
Assurément, il faut mourir une fois dans sa vie.
TAN BUCK.
Tentends qu*il faut prendre un parti , et se caser. Que deviendras-to?
Je t*en avertis, un jour ou Tautre, je te laisserai là malgré moi. Je n'en-
tends pas que tu me ruines, et si tu veux être mon héritier, encore faut4l
que tu puisses m*attendre. Ton mariage me coûterait, c'est vrai, mais
une fois pour toutes, et moins en somme que tes folies. Enfin, j'aime
mieux me débarrasser de toi; pense à cela : veux-tu une jolie femme,
tes dettes payées, et vivre en repos?
VALBNTIN.
Puisque vous j tenes, mon ooele, et que vous parlez sérieusemeol,
sérieusement je vais vous répondre; prenez du pété, et écoutez-moi.
VAN BUCK.
Voyons, quel est ton sentiment?
TALBNTIN.
Sans vouloir remonter bien haut, ni vous lasser par trop de préam-
boles, je commencerai par l'antiquité. Est-il besoin de vous rappeler la
■lanière dont fût traité un homme qui ne favait mérité en rien, qui
t4Nite sa vie fut d'humeur douce, jusqu'à reprendre, même après sa
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IL !fE FAUT JUtBR Dl RIEN. 41
(aale, ccHc qui l'avait si oatrageiuement trompé? Frère d*ailleun d'an
puMBant nûmarque , et coarooné bien mal à propos. ...
TAN BUGK.
De qui diantre me parles-tu ?
De MénélaSy mon onde.
TAIf BUCK.
Que le diable t'emporte et moi avec ! Je sub bien sot de t'écouter.
YALENTIN.
Pourquoi ? H me semble tout simple....
VAIf BUOL.
Maudit gamin ! cervelle fêlée ! il n'y a pas moyen de te faire dire un mot
qoi ait le sens commun. (Il se lève.) Allons! finissons! en voilà assez. Au**
jourd^hul la jeimesse ne respecte rien.
TALBtmif.
Mon oncle Van Buck , vous allez vous mettre en colère.
TAN BUCK.
Non, monsieur; mais, en vérité, c'est une chose inconcevable. Ima«
gine-t-oD qu'on homme de mon âge serve de jouet à un bambin ? Me prends*
tu pour ton camarade, et faudra-t-il te répéter i...
.VALBNTIir.
Comment ! mon oncle , est-il possible que vous n'ayez jamais lu Ho-
mère?
VAN BUGK y se raésejant.
Eh bien! quand je l'aurais lu?
VALBNnN.
Vous me parlez de mariage; il est tout simple que je vous cite le
ptos grand mari de l'antiquité.
TAN BUCK.
Je me soucie bien de tes proverbes. Veux-tu répondre sérieusement?
TALBNTIN.
Soii; trinquons à ccBur ouvert; je ne serai compris de vous que si vous
voulez bien ne pas m -interrompre. Je ne vous ai pas cité Ménélas pour
^re parade de ma science , mais pour ne pas nommer beaucoup d'hon- '
o^tes gens; faut-il m'ezpliquer sans réserve? -
TAN BUCK.
Oui , sur-le-champ ,^ou je m'en vais. •
TALBNTIN.
Savais seize ans, et je sortais du collège , quand une belle dame, de
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43 jtfws Aift MHHL jraims.
notre coiiaaMMiM»«ie dklî^gva pour -la fwenièretféift. A cet âge-ii,
peut-oa savoir ce qui est innocent oa criminel ? féLàiê oa^oir cheg «t
maltresse,, au coin du fea, son mari en tiers. Le mari se lève et dit qa'9
Ta sortir. A ce mot» mi regard rapide, échangé entre ma belle et moi, ne
bit bondir le cœar de joie. Nous allions être seuls! Je me retourne, et
vois le pauvre homme mettant ses gants. Ils étaient en daim de couleir
yerdAtre, trop larges , et décousus au pouce. Tandis qu^fl j enfonçait ses
mains, debout au milieu de la chambre, un imperceptible sourire pam
sur le coin des lèvres de la femme , et dessina comme une ombre légère
les deux fossettes de ses joues. L'oeil d^m amant voit seul de tels sourires,
car on les sent plus qu*on ne les Toit. Celui-ci m'alla jusqu'à Famé, et je
Favalai comme un sorbet. Mais, ^r une bizarrerie étrange, le souvenir
de ce monest de déUœs te lia invhioibleinent dans ma leie à cdui-de
ëenlk.greiKftHmin fongesse débsttant dans ^es gwds verdètres; et je
ne sais ce que ces mains, dans leur 4ipératkm eonfittue , ardent de tr^
et de piteux, mais je n'y ai jamais fMosé -depuis sans que le féminin soa-
rire ne vint me ^alooiller le coin des lèvres, et j'ai juré que jamais
femme au monde ne me ganterait de ces gants-là.
HÂX BOCK»
C'ea^à^lwe ftt*«B franc libertin, lu doutes 4e la viertn^dea femnei,
et que tu as peur que lea «uarea^ie le rendent le mal que lu leur as
ftit.
TJUXirnH.
Tous rarex^dhif d peur du -diable, et je ne Tenx pas ette ganté.
vtAïf aras.
Bah ! c'est une idée de jeune homme.
Gomme il vous {^aâra, c'eitJa mienne; dans mie trentaine d'années,
si j'y suis , ce sera une idée de Tieillard , car je ne me marierai jamais.
TAK BOCK.
Prétenda-tu quelootea les fenuDes soient &nflses » ei qoe 1008 les niaris
soient trompés?
WàMMStm.
le ne prélmids rien, et jevTen sais rien, le prétenis, quand je vais
isM la r»e,iiefis«ie jetersons le» rwies des Toimres; quand je dine,
ne pas «wingei de nerian; <|0iBd fai soif , m pas boire dans im verre
caaaé, et, qnand je vois une tanne, «e pas rifiasser; et encore je
ne sois pas sûr de n'être ni écrasi, ni ^étranglé, ni brèdie-dent, ni...
VAX BCOK.
Fi donc! mademoiselle de BhMss est sage et bien élevée; c'est une
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TMurrnjr..
A Dîeo ne plaiê^ qiM j'eadiae du mal! elle est sao» doute la ineilleore
4iâ inoDde. Elle eA bien élevée » dîles-vous? Quelle éducatloo a-t«elle
reçue? La cenduit-oa au bal» au spectaeU, aux courtes de chevaux?
^rt-elle seule en fiacre, le matiu, à midi, pour revenir à six heures?
A-t-elle une femme de chambre adroite, un escalier dérobé? A-t-elIe vu
Is Tour de T(€$lê, et lii-eUe les romans de M. de Bahsac? La mène-t-on»
après un bon dtner, les soirs d'été, quand le vent est au sud, voir lutter
aux Champs-Elysées dix ou douze gaillards nus, aux épaules carrées?
A-t-eRe pour mattre un beau valseur, grave et frisé , au jarret prussien,
qui lui serre les doigts quand elle a bu du punch? Reçoit-elle des visites
^en téte-Méte, l'après-midi , sur un sopha élastique, sous le demi-jour
d'un rideau rose? A-t-elle à sa porte un verrou doré, qu'on pousse du
petit doigt en tournant la tète, et sur lequel retombe mollement une
tapisserie sourde et muette ? Met-elle son gant dans son verre lorsqu'on
commence à passer le Champagne? Fait-elle semblant d'aller au bal de
l'Opéra, pour s'éclipser un quart d'heare, courir chez Musard, et re-
venir bâiller? Lui a-t-on appris , quand Eobini chante, à ne montrer que
le blanc de ses yeux, comme une colombe amoureuse? Passe-t-elle l'été
k la campsgne chez une amie pleine d'expérience» q«i en répond à sa la-
mille , et qui, le soir, la laisse au piano , pour se promener sous les char-
milles, eu chuchotant avec un hussard? Ya^^t-elle aux eaux? A-t-elle
des migraines?
TATC BUCK.
Jour de Dieu! qu*est^ce que tu dis. là !
YALENTIN. "^''
Cest que si elle ne sait rien de tout cela, on ne lui a pas appris grand*-
chose; car, dès qu*dle sera femme, elle le saura, et alors qui peut rien
prévoir?
VAIIBgCK.
Tu as de singulières idées sur l'éducatioD des femmes. Youdrais-tu pas
qu'on les suivit ?
YALiimiir. )
- Non; mais je voudrais qu'une jeune fiUe l&t ime herbe dans un bois,
et non une plante dans une caisse. Allons, mon rade, venez aux Tuileries,
et ne parlons plus de tout cela.
TAN BUCK*
Tu refuses mademoiselle de Mantes?
TALEKTIN.
Pas plus qu'une autre , mais ni plus ni moins.
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;A% .RBTOB M8 HBUX MOIIDBS.
TAN BOCK.
To me feras damner; ta es incorrigible. J'avais les plas bellf
rances; ceUe fille-là sera très riche un jour; tu me mineras, et
au diable ; voilà tout ce qui arrivera. Qu'est-ce que c'est ? Qu'est
tu veux?
VALENTIN.
Vous donner votre canne et votre chapeau , pour prendre l'air
vous convient.
TAN BCCK.
Je me soucie bien de prendre l'air! Je te déshérite, si tu refas
marier.
VALENTIN.
Vous me déshéritez , mon oncle ?
VAN BUCK.
Oui, par le ciel! j'en fais serment! Je serai aussi obstiné que
nous verrons qui des deux cédera.
VALBNTIN.
Vous me déshéritez par écrit, ou seulement de vive voix ?
VAN BUCK.
Par écrit, insolent que tu es!
VALENTIN.
Et à qui laisserez-vous votre bien ? Vous fonderez donc un prix d
ou un concours de grammaire latine?
VAN BUCK.
Plutôt que de me laisser ruiner ()ar toi, je me ruinerai tout s(
moD plaisir.
VALENTIN.
Il n'y a plus de loterie ni de jeu; vous ne pourrez jamais tout
TAN BUCK.
Je quitterai Paris; je retournerai à Anvers; je me marierai moi-
s'il le faut , et je te ferai six cousins germains.
VALENTIN.
El moi, je m'en irai à Alger ; je me ferai trompette de dragons,
serai une Ethiopienne, et je vous ferai viogt-quatre petits neveu
comme de l'encre, et bétes comme des pots.
VAN BUCK.
Jour de ma vie ! si je prends ma canne.....
VALENTIN.
Tout beau, mon Qncle! prenez garde, en frappant^ decass4
l)4iQa de vieillesse^
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IL MB fJLZT lURBR VB RIBlf. . '45
▼AN Binai (Vmhnumni).
Ab ! malheoreoi ! tu abuses de moi !
VALBNTlIt.
éooutex-moi; le mariage me répugne; mais pour vous, mon bon on-
de» je me déciderai à tout. Quelque bizarre que puisse vous sembler ce
qoe je vais vous proposer » promettez- moi d'y souscrire sans réserve , et,
de mon côté, j'engage ma parole.
TA5 BUCK.
De quoi s*agit-il ? Dépéche-toi.
VALBNTIir.
Promettez d'abord » je parlerai ensuite.
VA5 BUCK»
Je ne le puis pas sans rien savoir.
TALENTUI.
n le faut, mon oncle ; c'est indispensable.
TAN BUCK.
Eh bien ! soit, je te le promets.
VALBNTIff.
Si vous voulez que j'épouse mademoiselle de Mantes , il n'y a pour cela
qu'un moyen, c'est de me donn^^r la certitude qu'elle ne me mettra jamais
aux mains la paire de gants dont nous parlions.
TAN BUCK.
Et que veux-tu que j'en sache ?
TALS19T1N.
U y a pour cela des probabilités qu'on peut calculer aisément. Con-
venez-vous que si j'avais l'assurance qu'on peut la séduire en huit jours,
j'aurais grand tort de l'épouser ?
TAI« BUCK.
Certainement. Quelle apparence ?...
TALB9IT1N.
Je ne vous demande pas un plus long délai. La baronne ne m'a jamais
vu , non plus que la fille; vous allez faire atteler, et vous irez leur faire
visite. Vous leur direz qu'à votre grand regret, votre neveu reste garçon;
j'arriverai au château une heure après vous, et vous aurez soin de ne pas
me reconnaître; voilà tout ce que je voqs, demande, le reste ne regarde
que moi.
VAN BUCK.
Mtis tu m'effraies. Qu'est-ce que tu veux faire ? A quel titre te pré-
senter?
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▼4LEMWI*
C'est mon affaire; ne me reconnaifisea pa»^ vM tonA ce tel ja tous
charge. Je passerai huit jours au château ; j'ai besoin d'air, et cela me
fera du. bien» Vous y resterez si vous voulez.
VAJg BOCK.
Drriena-ta fou? et que prétends- tu faire? Séduire une jeme fille ea
huit jours ? Faire le galant sous un nom supposé? La belle trouvaille! H
n'y a pas de conte de fées où ces niaiseries ne soient rebattues. Me prends-
tu pour un oncle du Gymnase?
VALENTIN.
Il est deux heures , allons-nous -en chez vous. (Us sortent.)
SCÈNE IL
Au château.
LA BARONNE, CÉCILE, UN ABBÉ, UN MAITRE DE DANSE.
(La baronne , asslBe , caase avec Tabbé en ûiianl de la tapiaserie* Cécile prend
aa leçon de danse.)
LA BARONN£.
C'est une chose assez singulière que je ne trouve pas mon peloton
bleu. ^
L'ABBé.
Vous le teniez il y a un quart d'heure ; il aura roulé quelque part.
LE BlAtTRE DB DANSB.
Si mademoiselle veut faire encore la poule, nous nous reposerons après
cela.
CBGILB.
Je veux apprendre la valse à deux temps.
LE MAITRE DE DANSE.
Madame la baronne s'y oppose. Ayez la bonté de tourner la tête, et de
me faire des oppositions.
L^ABBé.
Que pensez- vous, madame, du dernier sermon? ne Tavez-vous pas
entendu?
LA BABONIIE.
C'est vert et rose , sur fond noir , pareil au petit meuble d'en haut.
L'ABBë»
Plalt-il ?
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LA BttSMNE.
Ah ! pardon , je n*y étais pas.
L'jUBBB.
Xai cm TOHS y aperce voir .
LA BABONNE.
Où donc?
L*ABBé.
A Saint-Roch , dimanche dernier.
LA BA-BOHNE.
Mm oui, très bien. Tout le monde pleurait ; le baron ne feisait que se
moucher. Je m'en suis allée à la moitié , parce que ma voisine a?aît des
odean, et que Je suis dans ce moment^i entre les bras des liomœopathes»
LE BIAITRE DE DANSE.
Hademoiseney f ai beau vous le dire, vous ne faites pas d'oppositions.
Détooroez donc légèrement la tête, et arrondissez-moi les bras.
CÉCILE.
Mais, monsieiiry quand on veut ne pas tomber, il faut bien regarder
devant soi.
LE MAITRE DE DANSE.
Fi donc! C'est une chose horrible. Tenez, voyez; y a-t-il rien déplus
simple? Regardez-moi ; est-ce que je tombe? Tous allez à droite, vous
regardez à gauche ; tous allez à gauche , tous regardez à droite; il n'y a
ricD de pins naturel.
ÏLA BABOlfHE.
Cest une chose inconcevable que je ne trouve pas mon peloton bleu.
céciLE.
Maman , pourquoi ne voulez-vous donc pas que j'apprenne la valse à
deoxiÊinps?
LA BARONNE.
Parce que c'est iudécent. Avez-vous lu Joeelyn ?
l'abbé.
^U madame, il y a de beaux vers; mais le fond, je vous l'aTouerai...
LA BARONNE.
Le foDd est noir; tout le petit meuble l'est; vous verrez cela sur du
palissandre.
•OëcILE.
^, maman, miss Clary valse bien, et mesdMn^iseUesëelltimbaut
aussi. *
LA BicBONNE.
^ Clary est Anglaise , mademoiselle. Je suis sûre , ïé!bbé^ qve vm»
▼«»èies assis dessus.
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! sur màm Ckry !
LÀ B1S099B.
Eli!c*estiiioopeloCoOyle ToiUu Noo , c*est do rcNige;oà est-âpasé?
L*ABB<.
Je troQTe la scène de Tévèque fort belle; il y a certaineiDenl du gé-
nie , beaucoup de talent , et de la facilité.
CÉGILB.
Mais, maman, de ce qu'on est Anglaise , pourquoi eit-oe déoeat de
▼aber?
I.A. BAAORlfB.
n y a aussi un roman que j'ai lu » qu'on m*a enroyé de cliex M oogie.
Je ne sais plus le nom , ni de qui c'était. L*aTez-Yous lu ? Cesi a»ez bien
écrit.
L*ABBé.
Oui y madame. H semble qu'on ouvre la grille. Attendez-Tons quelque
visite?
LA BÂBON5E.
Ah ! c'est vrai ; Cécile , écoutez.
LB HAITBB DB DANSE.
Madame la baronne veut vous parler, mademoiselle.
l'abbé.
Je ne vois pas entrer de voiture; ce sont des chevaux qui vont sortir.
ctoLBy s'approcbaot.
Vous m'avez appelée , maman ?
LA BABONNE.
Non. Ah! oui. Il va venir quelqu'un; baissez-vous donc que je vous
parle à l'oreille. Cest un parti. Etes-vous coiffée?
CÉGILB.
Un parti ?
LA BABOIfNB.
Oui y très convenable. — Yingt-cioq à trente ans, ou plus jeune; non»
je n'en sais rien; très bien; allez danser.
céciLB.
Biais, maman , je toulais vous dire...
LA BABONNB.
Cest incroyable où est allé ce peloton. Je n'en ai qu'un de bleu, et il
faut qu'il s'envole.
(Entre Van Bock.)
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a IIB FAUT JURER DE RWf. 4t
TAN BOCK,
ibdaiiie la Baronne , je vous souhaite le bonjour. Mon neveu n-a pu
Tenir avec moi; il m'a chargé de tous présenter ses regrets , ei d'eicuser
son manque de parole.
LA BAROlfNB.
Ah, bab! vraiment? il ne vient pas? Voilà ma fille qui prend sa le-
{oo; permettez-vous qu'elle continue? Je Tai fait descendre , parce que
€*est trop petit chez elle.
TAN BUCK.
Tespère bien ne déranger personne. Si mon écervelé de neveu...
LA BARONNE.
Vous ne voulez pu boire quelque chose? Asseyez-vous donc. Com*
ment allez-vous?
TAN BUCK.
Mon neveu , madame , est bien DIché...
. LA BARONNE.
Écoutez donc que je vous dise. L'abbé, vous nous restez, pas vrai?
Eh bien ! Cécile, qu'est-ce qui t'arrive ?
LB MAITRE DE DANSE.
Mademoiselle est lasse, madame.
LA BARONNE.
Chansons! si elle était au bal » et qu'il fût quatre heures du matin,
elle ne serait pas lasse , c'est clair comme le jour. Dites-moi donc , vous :
(bit i Yen Back) est-ce que c'est manqué ?
TAN BUCK.
J'en ai peur; et s'il faut tout dire...
LA BARONNE.
Ah, bah ! il refuse ? Eh bien I c'est joli.
VAN BDCK.
Mon dieu, madame, n'allez pas croire qu'il y ait là de ma faate en
rien. Je vous jure bien par l'ame de mon père...
LA BARONNE.
Enfin il refuse , pas vrai ? C'est manqué ?
TÀN BUCK.
Mais , madame , si je pouvais , sans mentir... .
LA BARONNE.
(On entend an grtnd tamalte an dehoo.)
Qu'est-ce que c'est? regardez donc , l'abbé.
TOHSTU. 4
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IMâDM, c'fSttHke iratere yenée demlla porte ie4ftâlBM.4M«p-
pone îd ttn jemeàonoie fui teoiUe privé detenikBttit.
L4 BARONNE.
Ah ! mon Diea, un mort qai m*àntf e ! Qu*oû arrange vite la chambre
verte. Tenez , Yan Buck , donnez-moi le bras. ( Ils ratait. )
ACTE DEUXIÈME.
SCÈNE PAËMIE&E.
Une allfe «nu atte dunnille.
Entrent VAN BUCK et VALËNTIN, qui a le bras en écharpe.
VàM
Est-il possible, malhenreux garçon^ ^qoeia te«Qi8réeUeittnit4éaii le
bras?
VALENTlN.
Il n*y a rien de plus possible; c'est même probable, et, qui pis est,
assez douloureusement réel.
VAN voaL.
Je ne sais lequel , dans cette afiaire, e&t le plus à blâmer de nous deux.
Vit-on jamais pareille extravagance !
VAtENXlN.
Il fallait bien trouver un prétexte pour m'introduire convenablement.
Quelle raison voulez-vous qu'on ait de se présenter ainsi incognito à une
famille respectable? J'avais donné un louis à mon postillon en lui deman-
dant sa parole de me verser devant le château. C'est un honnête homme,
il n'y a rien à lui dire , et son argent est parfaitement gagné ; il a mis sa
roue dans le fossé avec une conetanee hérûîque. Je me sois démis le bras,
c'est ma faute ; mais j'ai versé, et je ne «e plains pas. An contraire , f en
suis bien aise ; cela donne aux choses mi air de vérité qui intéresse en ma
faveur.
VAN BUCK.
Que vas-tu faire? et quel est iea ilenein ?
VÎMLBNTIN.
Je ne viens pas du tout idiKnir épewer ]MtileBiQiaeUedeMiiiM,«aii)
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QmqoeBent pour tous pnmverqiiejfai|MktorldeFé|MHiser..M0Dplaaeit
lailv ma toturie pointée ; et , josquHci > tout va à jmerreUle^ Voua avet tenu
votre promesse comoie Ré^ua ou HçnumL Voua, ne m'avez pas appelé
mao ueveu, c'est le principal et le plus difficile ; me voilà reçu» hébergé,
cooché dans une bell^ chambre verte, de la fleur d'oraage sur ma table,
et des rideaux blancs à moo lit. C'est une justice à rendre à votre ba-
ronne, elle m'a aussi bien recueilli que mon postillon m'a versé. Mainte-
nant, il s'agit desavoirs! tout le reste ira à l'avenant. Je compte d'abord
faire ma déclaration , secondement' écrire un billet
vàn buck.
Cest inutile, je ue souffrirai pas que cette mauvaise plaisanterie s'a-
chève.
VALBUTIN.
YùQB dédire ! comme vous voudrez; je me dédia aussi snr-ie-champ^
VAN BDClt.
liais, moD neveu
VALBWTIIf.
Dites un mol , je reprends la poste et retourne à Paris ; plus de parole,
plus de mariage; vous me déshériterez si vous voulez.
TAIf BUCK.
C'est un guêpier incompréhensible,, et il est inoui que je sois fourré lé.
Mais eufio , voyons , eiplique-toi !
VALBÎfnif.
Songez, non oncle, à notre traité. Vous m'avez dit et accordé que, s'il
étiût prouvé que ma future devait me ganter de certains gants, je serais
nn (bu d'en faire ma femme. Par conséquent, l'épreuve étant admise,
vous trouverez bon, juste et convenable qu'elle soit aussi complète que
possible. Ce que je dirait sera bien dit; ce que j'essaierai, bien essayé,
et ce que je pourrai faire, bien fait; vous ne me chercherez pas chicane,
et j'ai carte blanche en tous cas.
VAK BDCK.
Mais,, monsieur, il y a pourtant de certaines bornes, de certaines cho-
ses—Je vous prie de remarquer que si vous allez vous prévaloir — Mi-
séricorde I comme tu y vas!
VALENTUf.
Si notre future est telle que vous la croyez et que vous me l'avez re-
présentée, il n'y a pas le moindre danger, et elle ne peut que s*en trouver
plus digne. Figurez-vous que ja scûale premier venu ; je suis amoureux de
andemoiselle de Mantes, vertueuse éfouse de Valentin VanBudt ; songez
4Rwne,la jeune^e da jour est ^treprenante et hardie l qœ ne fait-on
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52 ' BETOB nt mm MOWMt.
paSy d'ailleun, quand on aime? QoeUes escafodet, quelles lettres de quatre
pages y quels torreus de larmes, quels conaets de dragées ! Deranl quoi
recule un amant? De quoi peut- on lui demander compte? Quel mil
fait-il y et de quoi s'offenser ? il aime, 6 mon oncle Van Buck ! Rappelei-
vous le temps où tous aimiez.
TAN BUCK.
De tout temps j'ai été décent , et j'espère que vous le serez, sinon je dis
tout à la baronne.
VAI^ENTIM.
Je ne compte rien faire qui puisse choquer personne. Je compte d'abord
faire ma déclaration; secondement, écrire plusieurs billets; troisième-
ment, gagner la fille de chambre; quatrièmement, rôder dans les petits
coins; cinquièmement , prendre l'empreinte des serrures stcc de ladre
à cacheter; sixièmement, faire une échelle de cordes, et couper les Titres
aTCC ma bague; septièmement, me mettre à genou par terre en rèct*
tant /a Nouvene Hélotte: et huitièmement, si je ne réussis pas, mutiler
noyer dans la pièce d'eau ; mais je tous jure d'ôtre décent, et de ne pas
dire un seul gros mot , ni rien qui blesse les couTcnances.
VAN BUCK.
Tu es un roué et un impudent ; je ne souffrirai rien de pareil.
VALBNTIN.
Mais pensez donc que tout ce que je tous dis là , dans quatre ans d'ici
un autre le fera, si j'épouse mademoiselle de Mantes; et comment Toulez-
Tous que je sache de quelle résistance elle est capable, si je ne l'ai d'abord
essayé moi-même? Un autre tentera bien plus encore, et aura dcTsat
lui un bien autre délai; en ne demandant que huit jours, j'ai lait un acte
de grande humilité.
TAN BUCK.
Cest un piège que tu m'as tendu ; jamais je n'ai préTU cela.
YALENTIN,
Et que pensiez-TOus donc préToir, quand tous stcz accepté la ga-
geure?
TAN BUCK.
Mais, mon ami, je pensais, je croyais— je croyais que tu allais
faire ta cour... mais poliment... à cette jeune personne , comme par
exemple, de lui... de lui dire... On si par hasard... et encore je n'en sais
rien... Mais que diable I tu es effrayant.
TAI^KTIN.
Tenez! Toilà la blanche Cécile qui nous arriTe à petits pas. Entendex-
Tous craquer le bols sec? La mère tapisse aTCC son abbé. Vite, fourrea-
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IL NB FAUT maBR DE RIEH. 53^
fOQS dans la charmille. Voua serez témoin de la première eacarmpuche ,
a Toos m'en direz votre avis.
VAN BOCK.
To r^poaseras si elle te reçoit mal ? (H se cadie dans la channille.)
VALENTIM.
Laissez-moi faire, et ne bougez pas. Je suis ravi de vous avoir pour
specuteur, et Fennemi détourne Tallée. Puisque vous m*avez appelé fou»
je veux vous montrer qu'en fait d'extravagances, les plus fortes sont les
meilleores. Vous allez voir, avec un peu d'adresse, ce que rapportent les
blessures honorables reçues pour plaire à la beauté. Considérez cette dé-
marcbe pensive, et faites- moi la grâce de me dire si ce bras estropié ne
inesiedpa& Eh ! que voulez-vous ? C'est qu*on est pâle; il n'y a au monde
que cela:
Un jeune malade à pas lents
Surtout, pas de bruit; voici l'instant critique; respectez la foi desser-^
Bwns. Je vais m'asseoir au pied d'un arbre, comme un pasteur des temps
passés.
( Entre Cécile un livre a la main. *)
VALBNTIJÎ.
I>éjà levée , mademoiselle , et seule à cette heure dans le bois?
CÉCILE.
C'est vous, monsieur? je ne vous réconnaissais pas. Comment se porte'
votre foulure?
YALEMIN, àpart.
^ Foulure ! Voilà un vilain mot. ( Haut;) Cest trop de grâce que vous mo
foites, et il y a de certaines blessures qu'on ne sent jamais qu'à demi. ^
CÉCILE,
Vous a-t-on servi à déjeuner ?
VALENTIN.
Vous êtes trop bonne; de toutes les vertus de votre sexe, l'hospitalité
est la moins commune, et on ne la trouve nulle part aussi douce, aussi
précieuse que chez vous; et si l'intérêt qu'on m'y témoigne...
CECILE.
Je vais dire qu'on vous monte un bouillon. (Elle sort. )
VAN BOCK, rentniDt.
Turépooseras! tu l'épouseras! Avoue qu'elle a été parfaite. Quelle
naïveté! quelle pudeur divine! On ne peut pas faire un meilleur choix»
YALBNTIN.
^n moaieot, mon oncle, un moment; vous allez bien vite en besogno^
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Pourquoi pas? H n'eu faut pas plus; tu.voîsclaireaieDi à qui tuas af-^
faire, et ce sera toujours de môme. Que tu seras heureux arec cette
fenune^là ! Allons tout dire à la baronne; je n^e charge de l'apaiser.
VALEMTIN.
Bouillon! Gomment une jeune fille peut-elle prononcer ce motpU?EIIe
me déplaît; elle est laide et sotte. Adieu , mon oncle , je retourne à
Paris.
VAN BUCK.
Plaisantez-Yous? où est votre parole? Est-ce ainsi qu'on se joue de
moi? Que signifient ces yeux baissés, et cette contenance défaite? Est-ce
à dire que vous me prenez pour un libertin de votre espèce » et que vous
vous servez de ma folle complaisance , comme d'un manteau pour vos mé-
chans desseins? N'est-ce donc vraiment qu'une séduction que vous ve»
nez tenter ici sous le masque de cette épreuve! Jour de Dieu! ^ je le
erofaîsl...
VAUINTIN»
Elle me déplaît , ce n'est pas ma faute , et je n'en ai pas répondu^
VAN BUCK.
En quoi peut-elle vous déplaire? Bile est jolie , ou je ne m'y connais
pas. Elle a le» yeui kmgS'et bien fendus, des efaeveux superbe, une taflle
passable. Elle est parfaitement bieaâeTée; elle sait l'anglais et l'italien ;
elle aura treme mille livret d» rente , et enaUendaat une très beUe det.
Quel reproche pouvez-vous lui faire , et pour quelle raison n'en voulez-
vous pas ?
VAIiBBflN.
Il n'y a jamais de raison à donner pourquoi les gens plaisent ou dé-
plaisent. Il est certain qu'elle me déplaît, elle , sa foulure et son bouillon.
VAN BDCK.
C'est votre amour-propre qui souffre. Si je n'avais pas été là , vous se-
riez venu me faire cent contes sur votre premier entretien , et vous tar-
guer de belles espérances. Vous vous étiez imaginé faire sa conquête en
un clin d'œil , et c'est là o(l le^ bât vous blesse. Elle vous plaisait hier au
soir, quand vous ne Paviez encore qu'entrevue, et qu'elle s'empressait
avec sa mère à vous soigner de votre sot accident. Maintenant, vous la
trouvez laide , parce qu'elle a fait à peine attention, à vous. Je vous con-
nais mieux que vous ne pensez , et je ne céderai pas si vite. Je vous dé-
lénds de vous en aier.
vAMNTnr.
Comme vous voudrez ; je ne veux p^ d'elle; je vous répète que je la
trouve laide , et elle a un air niais qsà est révoltant. Ses yeux sopt grands»
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IL HB FMJT flMlBa fIB
c'est Trai» mais ils ne veulent wkn dire; ses cheveux sont beaux , mais
die a le front plat ; quant à la taille , c'estpeut-^étre ce qu'dkra^leiiâtfiiXy
qooique vous ne la trouviez que passable. Je la félicite desavoir Fitalien,
elle y a peiK-élre plus d*eaprit qu'en français; pour ce ^ui est de sa ^t,
qu'elle la garde ; je n'en veux pas plus que de son bouillon.
VAH BUCC
A-t-on idée d'une pareille tête , et peut-on s'attendre à rien de sem-
blable? Va , va y ce que je te disais hier n'est que la pure vérité. Tu n'es
capable que de rêver des balivernes, et je ne veux plus m^occuper de
toi. Épouse une blanchisseuse si tu veux. Puisque tu refuses ta for-
tune, lorsque tu l'as entre les mains, que le liasard dédde da reste;
cberche-le au fond de tes cornets. Dîea m'est témoin que taa patlepce a
été telle depuis trais ans que nul autre peut-être à ma place. ..
VALENTIN.
Est-ce que je me trompe? Regardez donc, mon onde. Il me semble
90'eUe revient par ici. Oui , je l'aperçois entre les arbres; elle va repas-
ser dans le taillis.
TAN BUCK.
Où donc? quoi? qu'est-ce que tu dis?
YALBKTIN.
Ke voyez-vous pas une robe blanche derrière ces touffes de lilas? Je
ne me trompe pas; c'est bien eHe. Vite, mon oncle, rentrez dans la
àÊtniSk , ^o'oB se bmis souprenne pas «oseflaèle.
VAN BOCK.
A qooi bon y puisqu'elle te déplaît 7
VALBNTIN.
n n'importe , je veux l'aborder, pour q«e vous ne puissiez pas dire que
je Pai jugée trop légèrement.
VAN BUCK.
To l'épouseras si elle persévère? (U se cache de nouveau.)
YALBNTIN.
Chut ! pas de bruit; la voici qui arrive.
CÉClLm y entrant.
Monsieur, ma mère na'a chargée de yow demanëer « vws eompttes
partir aujourd'hui.
VALBNTJN.
Oui, mademoiselle^ c'est mon intention» et j'ai 4emaDdé des chevaux^
CÉCILE.
Cest qu'on fait un whist au salon, «t «que ma mère vous serait bien
obligée si vous vouliez faire le quatrième.
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S6 EEVUB DES BEUX MONDES.
VALBNTfH.
. J'en sois fAché , mais je ne sais pas jouer«
céaLE.
Et si TOUS vouliez rester à dîner, nous avons un faisan truffé.
VALBNTIN.
Je vous remercie ; je n'en mange pas.
CÉCILE.
Après dlneri il nous vient du monde, et nous danserons la mazourke.
VALENTIIC.
£x£usez-moi , je ne danse jamais.
C^ILE.
C'est bien dommage. Adieu y monsieur. (Elle sort.)
VAN BUCK y rentrant.
Ali ça! voyons, l'épouseras-tu ? Qu'est-ce que tout cela signifie? Tu
dis que tu as demandé des chevaux; est-ce que c'est vrai? ou si tu te
moques de moi ?
VALEMIJî.
Vous aviez raison , elle est agréable ; je la trouve mieux que la pre-
mière fois; elle a un petit signe au coin de la bouche que je n'avais pas
remarqué.
VAK BUCK.
Où vas-tu? Qu'est-ce qui t'arrive? Veux- tu me répondre sérieuse-
ment?
VALBNTIN.
Je ne vais nulle part , je me promène avec vous. Est-ce que vous la
trouvez mal faite ?
VAN BUCK.
Moi? Dieu m'en garde ! je la trouve complète en tout.
VALBNTIN.
Il me semble qu*il est bien matin pour jouer au whist; y jouez-voos,
mon oncle ? Vous devriez rentrer au château .
VAN BCCK.
Certainement , je devrais y rentrer ; j'attends que vous daigniez me
répondre. Restez-vous ici, oui ou non? *
VALBNTIN.
Si je reste, c'est pour notre gageure; je n'en voudrais pas avoir le dé-
menti; mais ne comptez sur rien jusqu'à tantôt; mon bras malade me met
au supplice.
VAN BUCK.
Rentrons; tu te reposeras.
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IL MB FAUT lUJtn DB AUDI. 97
VALBNTIH.
Oui» j'ai eavie de prendre ce boailkm qui est là-haol; il faut que j*é-
erbe ; je vous reverrai à dloer.
VAN BUCK.
Ecrire! J'espèfe que cen*est pas à elle que tu écrii^,
VALBNTI5.
Si je lui écris , c'est pour notre gageure. Vous savez que c'est convenu^
VAN BUCK.
Je m'y oppose formellement , à moins que tu me montres ta lettre.
VALBNTIN.
Tant que vous voudrez ; je vous dis et je vous répète qu'elle me plaît
médiocrement.
VAN BUCK.
Quelle nécessité de lui écrire? Pourquoi ne lui as-tu pas fait tout à
riieure ta déclaration de vive voix , comme tu te l'étais promis?
VALBNTIN.
Pourquoi?
VAN BUCK.
Sans doule; qu*estrce qui t'en empêchait? Tu avais le plus beau cou»
rage du monde.
VALBNTIN.
G*est que mon brag me faisait souffrir. Tenez , la vdlà qui repasse une
Iroisième fois ; la voyez-vous là bas, dans l'allée?
VAN BUCK.
Elle tourne autour de la plate-bande i et la charmille est circulaire. Il
n*j a rien là que de très convenable.
VALENTIN.
Ah! coquette fille ! c'est autour du feu qu'elle tourne , comme un pa-
pillon ébloui. Je veux jeter cette pièce à pile ou face, pour savoir si je
Taimerai.
VAN BUCK.
Tâche donc qu'elle t'aime auparavant; le reste est le moins difficile.
VALBNTIN.
Soit; regardons-la bien tous les deux. Elle va passer entre ces deux
toofles d'arbres. Si eUe tourne la tète de notre côté , je l'aime , sinon , je
m'en vais à Paris.
. VAN BUCK.
Gageons qu'elle ne se retourne pas.
VALBNTIN.
Oh! que si; ne la perdons pas de vue.
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Yàm BOCK.
Ttt at> rtMoa». ^. iftm , p« cycof» ; elle pawtl iji» aHeiitif nwL
VALBNTlIf.
Je suis sûr qu'elle va se retourner.
VAN BUCK.
Non ; elle avance ; la touffe d*arbres approche. Je suis convainca qn'eLft ^
n'en fera rien.
VALENTIN.
ElhS' doit pmirtaAl nous voir; rien ne nous cache; je voos dis qa*dlft ^^
retournera.
VAN BUCK.
Elle a passé 9 tu as perdu.
VALENTIN.
Je vais lui écrire , ou que le ciel m'écrase I H faut que je sache h qimoi
m'en tenir. C'est incroyable qu'une petite fille traite les gens aussi lég^â—
rement. Pure hypocrisie ! pur manège ! Je vais lui dépécher un billet ^so^
règle; je lui dirai que je meurs d'amour pour elle, que je mé suiscas^^
le bras pour la voir, que si elle me repousse, je me brûle la cervelle , ^^
que si elle veut de moi Je l'enlève demain malin. Yenez^ rentrons, je vecv.^^-
écrire devant vous.
VAM BUCK.
Toufc beau 9 mon neveu , quelle mouche vous pique ? Vous nous fer^^^
quelque mauvais tour iei.
VALENTIN.
Croyez-vous donc que deux mots- en l'air puissent signifier quelqc:^^
chose ? Que lui ai-jc dit que d'indifiérent , et que m'a-t-elle dit ell*^^'^
même? Il est tout simple qu'elle ne se retourne pas. Elle ne sait rien , ^^^^
je n'ai rien su lui dire. Je ne suis qu'un sot, si vous voulez; il est possibB-^^
que je me pique d'orgueil et que mon amour-propre soit enjeu. Belle c^*^-*
laide, peu m'importe; je veux voir clair dans son acné. Il y a là-dessoi:^^
quelque ruse, quelque parti pris que nous ignorons; laissez-moi fair^ ^
tout s'éclaircira.
VAN BUCK.
Le diable m'emporte , tu parles en- amoureux. Est-ce que tu le serais ^^
|mr hasard?
VALENTIN.
Non ; je vous ai dit qu'elle me déplati. Faut-il vous rebeHre cent fois ï^^
même chose ? dépêchons -nous , rentrons au château.
VAN BUCK.
Je vous ai dit que je ne veux pas de lettre, et surtout de celle dont vou^
parlez.
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IL im miwt mMk oie Ȏn. W
VALBNTISr,
VeMt UNijoiiFS, nous DOM dédderoBs. {^ sorttnt)
SCÈPŒ IL
Le Salon.
lA BAROr^^nS et L*ABBÉ , deraot tioe table de jeu préparée.
LA BARONNE.
Tous direz ce que vous voudrez , c*est désolant de jouer avec un mort.
"^"^ déteste la campagne à cause de cela.
L*ABB]â.
Mais où est donc M. Yan Buck? est-ce qu*il n*est pas encore descendu?
LA BARONNE.
Je l'ai VD tout à l'heure dans le parc avec ce monsieur de la chaise ,
^i^ni, par parenthèse, n'est guère poli de ne pas vouloir nous rester à
\
L*;^BÉ.
S'il a des affaires pressées. . .
LA BARONNE.
Bah! des affaires, tout le monde en a. La belle excuse! Si on ne pen-
aiit jamais qu'aux affaires, on ne«erait jamais à rien. Tenez, Tabbé^
DOOBS au piquet; je me sens d'une humeur massacrante.
l'aBBÉ , mêlant les cartes.
Il est certain que les jeunes gens du jour ne se piquent pas d'être polis»
LA BARONNE.
Polis ! je crois bien. Est-ce qu'ils s'on doutent? Et qu'est-ce que c'est
s ifètre poli? Mon cocher est poli. De mon temps , l'abbé , on était ga-
l'abbë.
C'était le bon , madame la baronne, et plût au ciel que j'y fusse se !
la BARONNE.
J^anrais voulu voir que mon frère, qui était à Monsieur, tombât de
^^n*08se à la porte d'un château , et qu'on l'y eût gardé à coucher. Il
^^t^it plutôt perdu sa fortune que de refuser de faire oin quatrième.
^^ez , ne parlons plus de ces choses-là. C'est à vous de prendre ; vous
^*«ià kâiaez pas?
l'abbé.
Je n'ai pas un as; voilà M. Van Buck. (Entre Taa Buck.)
hJL BARONNE.
b; èt^Arèiwtis de parler.
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40 RBTUE BB8 BECX MOmES.
VAN BUCKy bas i b btronoe.
Madame, j'ai deoi mots à vous dire qai soni de la dermère importaiice.
Là BAROBINB.
Eh bien! après le marqué.
VàBBÉ.
€inq cartes , valant quarante et cinq.
L4 BARONNE.
Gela ne vaut pas. ( Jl Ytn Buck.) Qu'est-ce donc ?
VAN BUCK.
Je vous supplie de m'accorder un moment; je ne puis parler devant nn
tiers 9 et ce que J*ai à vous dire ne souffre aucun retard.
hk BARONNE M lève.
Vous me faites peur; de quoi s*agit-il ?
VAN BCCK.
Madame , c*est une grave affaire , et vous allez peut-être vous fâcher
contre moi. La nécessité me force de manquer à une promesse que mon
imprudence m'a fait accorder. Le jeune homme à qui vous avez donné
l'hospitalité cette nuit, est mon neveu.
LA BARONNE.
Ah ! bah ! quelle idée !
VAN BUCK.
Il désirait approcher de vous sans être connu; je n'ai pas cru mal faire
en me prêtant à une fantaisie quii en pareil cas , n*est pas nouvelle.
LA BARONNE.
Ah ! mon Dieu ! j'en ai vu bien d'autres!
VAN BUCK.
Mais je dois vous avertir qu'à l'heure qu'il est, il vient d'écrire à mademoi-
selle de Mantes, et dans les termes les moins retenus. Ni mes menaces,
ni mes prières, n'ont pu le dissuader de sa folie ; et un de vos gens, je le
dis à regret, s'est chargé de remettre le billet à son adresse. Il s'agit
d'une déclaration d'amour , et, je dois ajouter, des plus extravagantes.
I LA BARONNE.
Vraiment! eh bien! ce n'est pas si mal. Il a de la tête, votre petit
bonhomme.
VAN BUCK.
Jour de Dieu ! je vous en réponds ! ce n'est pas d'hier que j'en sais quel-
que ehoie. Enfin , madame, c'est à vous d'aviser aux moyens de détonroer
les suites de cette affaire. Vous êtes chez vous; et, quant à moi, je vous
avouerai que je suffoque, et que les jambes vont me manquer. Ouf!
( Il tombe dans «ne chalM. )
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IL NE FAUT JUftEE DE RIBIC.. Gt
LA lARONRE.
Ab ! del ! qu'est-ce que tous avez dooc ? \ ons êtes pAle comme un liiiEe !
Vue! racontez -moi tout ce qui s'est passé, et faites-moi confidence en-
tière,
VAN BUCK.
Je vous ai tout dit ; je n'ai rien à ajouter .
LA BABONNB.
Ab! bah! ce n'est que ca? Soyez donc sans crainte; si votre neveu a
écrit à Cécile, la petite me montrera le billet.
VAK BUCK.
En êtes- vous sûre, baronnet Cela est dangereux.
LA BARONNE.
Belle question! Où en serions-nous si une fiUe ne montrait pas à sa
mère une lettre qu'on lui écrit ? ,
VAN BUCK.
Hum ! je n'en mettrais pas ma main au feu.
LA BARONNE.
Qu'est-ce à dire, monsieur YanBuck? Savez-vous à qui vous parlez?
Dans quel monde avez- vous vécu pour élever un pareil doute? Je ne sais pas
trop comme on fait aujourd'hui , ni de quel train va votre bourgeoisie ;
mais, vertu de ma vie, en voilà assez; j'aperçois justement ma fille, et
vous verrez qu*elle m'apporte sa lettre. Venez , l'abbé, continuons.
( Elle se remet au jeu. — Entre Cécile, qui va i la fenêtre, prend son
oof rtge et s'asseoit à Técart.)
l'abbb.
Qoarante-cinq ne valent pas ?
LA BARONNE.
Kon, vous n'avez rien; quatorze d'as, six et quinze, c'est quatre-
vingt quinze. A vous déjouer. ^'
L'ABBé.
Trèfle. Je crois que je suis capot.
VAN BUCK, bas i la baronne.
Je ne vois pas que mademoiselle Cécile vous fasse encore de confidence.
LA BARONNE, bas à Van Bock.
Tous ne savez ce que vous dites; c'est l'abbé qui la gêne ; je suis sûre
d'elle comme de moi. Je fais rqiic seulement. Cent dix-sept de reste. A
voosàCnre.
UN DOMESTIQUE, entrant.
M. Tabbé, on vous demande; c'est le sacristain et le bedeau du vil-
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6b idÉtiifE i^BS iifiifx vokdes.
Qa'est-ee tftfWs me Yeafent ? je suis occupé.
LA BARONNE.
Donnez vos cartes à Van Buck; il jouera ce conp-ci pour vous.
( L'abbé sort. Van Buck pread M ^ilaoe. )
LA BARONNB.
Cest Yons qui faites» et j'ai coupé. Vous êtes marqué selon toute ap-
parence. Qu'est-ce que vous avez donc dans les doigts ?
VAN BUCK 9 bas.
Je vous confesse que je ne suis pas tranquille ; votre fille ne dit mot, et
je ne vois pas mon neveu.
LA BARONNE.
Je vous dis que j*en réponds; c'est vous qui la gênez; je la vois d'ici
qui me fait des signes.
VAN BUCK.
Vous croyez? moi, je ne vois rien.
LA BARONNE.
Cécile 9 venez donc un peu ici ; vous vous tenez à une lieue. ( Cécile ip-
prodie aoD ftoteuil. ) Est-ce que vous n'avez rien à me dire, ma chère?
CÉCILE.
Moi? non, maman.
LA BARONNE.
Ah! bah ! Je n'ai que quatre cartes, Yan Buck. Le point est à vous; j'ai
trois valets.
VAN BUCK.
Youlez-vous que je vous laisse seules ?
LA BARONNE.
Non; restez donc^ ça ne fait rien. Cécile, tu peux parler devant
monsieur.
CÉCILE.
Moi , maman ? Je n'ai rien de secret à dire.
LA BARONNF..
Vous n'avez pas à me parier?
CÉCILE.
lion» aainsn.
LA BASOUMB.
Cest inconcevable; qu'est-ce que vous venez donc me C9tâBr, Ym
Buck?
VAN BUCK.
Madame , j'ai dit la vérité.
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Ça ne se peut pas : Cécile n'a rien à me c^n^ U ^tkàâSuÊ qq*«H&a'a
rienreçQ.
VAVBUCK, M levant
Eh! mMble»,]^ l'ai vu de mes yeux.
LA BAROimSy se letaal aussi.
Ml flie^ qaTeitrce que cela signifie ? leyez-vous droke^ et rt gaidae*
: moi. Qu'est-c^ que vous avair dams vos poches?
CÉCfLV, pleurant.
MaiSi Baman, ce n'es^pas ma faiite; c'est œ nonrnup qaîn^a écrit.
LA BARONNE.
' Voyons cela. (Cécile donne la lettre. ) Je suis curieuse de lire de son style,
i à ce monsieur, comme vous l'appelez. (Elle lit.)
t Mademoiselle, je meurs d*amour pour vous. Je vous ar vue ITiiver
passé, et, vous sachant à la campagne, j*ai résolu de vous revoir on de
mourir. Xai donné un louis à mon postillon... i>
Ne voudrait-il pas qu'on le lui rende? Nous avons bien affaire de le
«mirj
ta mon postillon, pour me verser devant votre porte. Se'wmnw t%w^
contrée deux fois ce matin, et je n'ai rien pu vous dire, tant votre pré-
sence m'a troublé. Cependant, la crainte de vous perdre, et l'obligation
acquitter le château... »
J*aime beaucoup ça. Qu'est-ce qui le priait de partir? C'est lui qui me
refuse de rester à dloer. '
> me déterminent à vous demander de m'accorder un rendez-vous. Je
*ï«que je n'ai aucun titre à votre confiance... d
La belle remarque, et faite à propos,
'mais l'amour peut tout excuser; ce soir, à neuf heures, pendant ie
^^ je serai caché dans le bois;, tout L&jBionde ici me croira parti, car je
Mrtirai d« château en voiture avatfii diner^ mai» seeleBieat pour faire
quatre pas et descendre, d
Quatre pas! quatre pas! l'avenue est longue; dirait-on pas qu'il n'y a
iv'é enjamber?
* et descendre. Si dans la s^ée voa pouvez vous échapper, je vous
Kleadt; 8lMn> ia me brûle la cervelle. »
Bien.
f la cervelle. Je ne crois pas que votre mère... x>
AW que votre mère? voyons un peu cela.
fasse grande attention à vous. Elle-a une tête de gir.... i»
Jf oosieur Yan Buck, qu'estrce que cela signifie?
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6i HBTUS DBS DKOX MOH]»«.
VAN BUCX.
Je n*ai pas entendu , madame.
LA BAAOKNE.
Lisez vous-même, et faites-moi le plaisir de dire à votre nevea qa'O
sorte de ma maison tout à l'heure , et qu*il n'y meUe jamais les piédt.
y AN BDCK.
Il y a girouette: c'est positif; je ne m'en étais pas aperçn. H m'avait
cependant lu sa lettre avant que de la cacheter.
. LA B4R0N1IB.
Il vous avait lu cette lettre , et vous l'aves laissé la donner à mes goa!
Allez» vous êtes un vieux sot , et je ne vous reverrai de ma vie.
( Elle sort. On entend le brait d*ime foitora.)
VAN BDCE.
Qu'est-ce que c'est? mon neveu qui part sans mol ? Eh! comment ywit-il
que je m'en aille? J'ai renvoyé mes chevaux. Il faut que je coure après
lui. ( Il tort en coarant.)
CBCILB 9 seule.
Cest singulier; pourquoi m'écrit-il , quand tout le monde veut Uen
qu'il m'épouse?
ACTE TROISIÈME.
SCÈNE PREMIÈRE.
Entrent VAN BUGK et VALENTIN» qui frappe à une auberge.
VALBinruf.
Bolà ! hé ! y a-t-il quelqu'un ici capable de me faire une oommisaion?
CNGABÇCm 9 sortant.
Oui, monsieur, si ce n'est pas trop loin; car vous voyez q^^^ ploot à
verse.
VAN BUCK.
Je m'y oppose de toute mon autorité , et au nom des lois du royaiuoe.
▼ALBNTIN.
Connaissez-vous le château de Mantes, id près?
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a. NE FAUT JURER DE RIEN. 65
LB dARÇON.
Qoe oai, monsieur, nous y allons tous les jours. C'est à main gauche ;
OD Je Toit d'ici.
TAN RÛCK.
Ifoo ami y je tous défends d*y aller, si vous avez quelque notion du bien
et du mal.
VALBNTIN.
Il y a deux louis k gagner pour vous. Voilà une lettre pour M"* de
Jbntes, que vous remettrez à sa femme de chambre, et non à d'autres,
et en secret. Dépéchez-vous et revenez.
LE GARÇOlf.
Oh ! monsieur, n'ayez pas peur.
VAN BUCK.
Voilà quatre louis si vous refusez.
LE GARÇON.
Oh! moDseignenr,.!! n'y a pas de danger.
VALBNTIN.
En voilà dix; et si vous n'y allez pas, je vous casse ma canne sur le dos.
LE GARÇON.
Oh ! mon prince, soyez tranquille ; je serai bientôt revenu. (H sort.)
VALBNTIN.
Maintenant , mon oncle, mettons-nous à l'abri ; et si vous m'en croyez ,
bavons un verre de bière. Cette course à pied doit vous avoir fatigué.
(lU 8*aMeoient sur un banc.)
VAN BOCK.
Sois-en certain , je ne te quitterai pas ; j'en jure par l'ame de feu mon
frère et par la lumière du soleil . Tant que mes pieds pourront me porter,
tant qoe ma tète sera sur mes épaules, je m'opposerai à cette action in-
fâme et à ses horribles conséquences.
VALBNTIN.
Soyez-en sûr, je n'en démordrai pas; j'en jure par ma juste colère et
|Mr la nuit qui me protégera. Tant que j'aurai du papier et de l'encre, et
qu'il me restera un louis dans ma poche , je poursuivrai et achèverai mon
dessein, quelque chose qui puisse en arriver.
VAN BUCK.
ITas-tn donc plus ni foi ni vergogne, et se peut-il que tu sois mon
sang? Quoi! ni le respect pour l'innocence, ni le sentiment du conve-
nable, ni la certitude de me donner la fièvre, rien n'est capable de te
toucher!
VALBNTIN.
If Rvez-vous donc ni orgueil ni hpnte, et se peut-il que vous soyez mon
TOMBVIU S
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m ' . «BTI7BriI>ISiaBUX »JM!M»^ >
oncle? Quoi! ni l'insulte que Tour «itiis^fail 9 nlla manière dont on nous
ehuse, ni les iijtfres qu'on fwsia dîtià motreidxarbti^ rittun'eatcapièie
de vous donner du cœur I .
Encore ^r tu éUrsamoareuT^ si je'pouTais-crotreqne'taitd'cxtfaTB-
gances partent d'un motif qui eût quelque chose d'humain ! Mats noirj'ta
n'es qu'un Lovelace, tu ne respires que trahisons , et la plus exécrable
vengeance est ta seule soif et ton seul amour.
VALENTIN.
Encore si je vous voyais pester ! si je pouvais me dire qu'au fond de
l'ame vous envoyez cette baronne et son monde à tous les d tables I Mais
non, vous ne craignez que la pluie , vous ne pensez qu'au mauvais temps
qu'il fait y et le soin de vos bas chtiiés est votre seule peur et votre seul
tourment.
TJM BUCK.
Ah ! qu'on a bien raison 4e 4tre qu^«Mio> ppemière lavle mèDe è «a
précipice I Qui m'eût pu prédire^ce nulis, lorsque le barbier m'a rasé,
et 4^e j'ai nris mon habit aeof , que j&serais 'ce* soir* dans une ^raoçe »
crotté et trempé jusqu'aux os! Quoi! c'est moi! Dieu juste! à mon âge !
II faut que je quitte ma chaise de posie oCi aous étions si bien infitaftés,
il faut que je coure à la suite d'un fou ,. à travers champs, en rase cam-
pagne ! Il faut 4ue je me traîne à ses talons , comme un confident .de tra-
gédie, et Je résultat de tast de sueurs sera ie déshonneur de moaiu>m I
VALBNTIN.
C'est au contraire par la retraite que nous pourrions nous désho-
Borer, et noa par uue glorieuse campagne dont nous ne sortirons ^ue
vainqueurs. Rougissez, mon oncle Vas Buck, mais que ce soit d'une
noble indignatioBsVous me traitez de Lovelace; oui, par ie ciel! ce nom
me convient. Comme à lui, on me ferme une porte surmontée de fières
armoiries; comme lui, une famille odieuse croit m'abattre par uu
affront; comme lui, comme l'épervier, j'erre et je tournoie aux envi-
rons; mais, comme lui, je saisirai ma proie, et comme Clarisse, la sublime
bégueule, ma bien-aimée m'appartiendra.
VAN BUCK.
Âh! ciel! que ne suis-je à Anvers, assis devant mon comptoir, sur
mon fauteuil de cuir, et dépliant mon taffetas! Que mon frère n*esi-îl
mort garçon, au lieu de se marier ù quarante ans passés! Ou plutôt que ne
suis-]e mort moi-même, le premier jour que la baronne de Manies m'a
invité à déjeuner I
VAUUITUC.
î^ie^ regrettez ^pie lemenacnt où, par une fatale faiblesae, vous avez
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IL IIB FAUT JURER DE RIEN. 87
i^éléà cette femine le secret de BOlre> traité. Cest vous qui avez causé
bmal; cessez d6'iii'iajuf4«*r9 moi qai le réparerai. Dout^z^^voo» que cette
petite fillev qui caicbe si bien les billets doux dans les poches de <8oq la-
hiier, ne fût Teoaeau readefr^vous donné.? Oui^ à^coup^sÉreile y«erait
Tenue; donc elle viendra encore mieux cette fois. Par mon patron! je
me fais une fête de la voir descendre en peignoir, en cornette et en pe-
tits soolterB, de cette grande caserne de brique» rooillées ! Je ne l'aime
pas» mais je l*aimerais, que la vengeance serait la pins forte , et tnerait
l'amour dan^ mon cœur. Je jure qu*eile âera ma maîtresse, mais qu'elle
ne sera jamais ma femme; il n'y a maintenant ni épreuve, ni promesse,
ni alternative; je veux qu'on se souvienne à jama\^ dans cette famille du
jour où l'on m'en a chassé.
L'AtlBERGiSTE, sortaot de la maison.
Messieurs, le soleil commence à baisser; est-ce que vous ne me .
ferez pas l'honneur de diner chez moi ?
VALEXTIN.
Si fait; apportez-nous la carte, et faites-nous allumer du feu. Dès
que votre garçon sera revenu , vous lui direz qu'il me donne réponse.
Allons, mon oncle, un peu de fermeté ; venez et commandez le diner.
VAN BUGK.
Ils auront du vin détestable; je connais le pays; c*est un vinaigre
affreux..
l'aubergiste.
Pardonnez-moi; nous avons du Champagne, du chambertin, et tout
ce que vous pouvez désirer.
VAX BUGK.
En vérité? dans un treu pareil ? o'est inpossible ; yous] nous «n im-
posez.
l'aubergiste.
C'est ici que descendent les messageries, et vous verrez si nous
manquons de rien.
VAN BOOK.
Ailons! tâefaons donc de dtner; je sensqve ma mort est proûbiine,
et qae dans pea je ne dînerai pAus. ( lU sortent^ }
SCÈNE IL
A« château. Un mIob.
Entrent LA BARONNE et UABBÉ,
LA BARONNE.
Dieu soit loué, ma fille est enfermée. Je crois que j*en ferai une ma-
ladie.
5,
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68 EEYUE DES DEUX MONDES.
L*ABBÉ.
Madame I 8*il in*est permis de voos domier an conseil , je tous dirai
que j'ai grandement peor. Je crois avoir vu en traversant la cour. «n
homme en blouse , et d'assez mauvaise mine, qui avait june. lettre à la
main.
Là B4B0NNE.
Le verrou est mis; il n*y a rien à craindre. Aidez-moi un peu à ce
bal ; je n*ai pas la force de m*en occuper.
l'abbé.
Dans une circonstance aussi grave, ne pourriez-vous retarder tos
projets?
LA BABONNE.
Êtes-vous fou ? Vous verrez que j'aurai fait venir tout le faubourg
Saint-Germain de Paris, pour le remercier et le mettre à la porte? Ré-
fléchissez donc à ce que vous dites.
l'abbé.
Je croyais qu'en telle occasion, on aurait pu sans blesser personne... '
LA BARONNE.
Et an milieu de ça, je n'ai pas de bougies ! Voyez donc un peu si Dupré
est là.
l'abbé.
Je pense qu'il s'occupe des sirops.
LA BARONNE.
Vous avez raison; ces maudits sirops, voilà encore de quoi mourir. Il
y a huit jours que j'ai écrit moi-même, et ils ne sont arfivès qn*il f a
une heure. Je vous demande si on va boire ça.
l'abbé.
Cet homme en blouse, madame la baronne, est quelque émissaire,
n'en doutez pas. Il m'a semblé ^ autant que je me le rappelle, qu'une de
vos femmes causait avec lui. Ce jeune homme d'hier est mauvaise télé ,
et il faut songer que la manière assez verte dont vous vous en êtes dé-
livrée....
LA BARONNE.
Eah ! des Van Buck ? des marchands de toile ? qu'est-ce que vous voulez
donc que ça fosse? Quand ils crieraient , est-ce qu'ils ont voix? Il faut
que je démeublè le petit salon ; jamais je n'aurai de quoi asseoir
jnonde.
l'abbé.
Est-ce dans sa chambre i madame , que votre fille est enfermée ?
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IL NE FAUT JURER BE RIEN. 69
LÀ BilRONNB.
I>ix et dix font vingt ; les Raimbaut sont quatre; vingt, trente. Qu'est-
ce «lue TOUS dites y Tabbé ?
l'abbé.
Je demande y madame la baronne, si c'est dans sa belle chambre jaune
que mademoiselle Cécile est enfermée ?
LA BARONNE.
Non ; c'est là , dans la bibliothèque; c'est encore mieux ; je l'ai sous la
main. Je ne sais ce qu'elle fait , ni si on l'habille • et voilà la migraine qui
me prend*
l'abbé.
Désirez- vous que je l'entretienne?
, LA baronne.
Je vous dis que le verrou est mis; ce qui est fait est fait; nous n'y poo»
Tons nen.
l'abbé.
Je pense que c'était sa femme de chambre qui causaitavecce lourdaud.
Veuillez me croire » je vous en supplie; il s'agit là de quelque anguille
sons roche , qu'il importe de ne pas négliger.
LA BARONNE.
Hécldémenty il faut que j'aille à l'office; c'est la dernière fois que je
reçois Ici. (Elle sort.)
l'abbé, seul.
n me semble que j'entends du bruit dans la pièce attenante à ce salon .
Ne 8erait*ce point la jeune fille ? Hélas ! ceci est inconsidéré !
CÉCILE y en dehors.
Monsieur l'abbé , voulez-vous m'ouvrir ?
l'abbé.
Mademoiselle y je ne le puis pas sans autorisation préalable*
CÉCILE 9 de même.
'^ La clé est là, sons le coussin delà causeuse ; vous n'avez qu'à la prendre^
tl vous m'ouvrirez.
L*ABBÉ ; prenant la dé.
Vous avez raison , mademoiselle, la clé s*y trouve effectivement ; mais
je ne puis m'en servir d'aucune façon , bien contrairement à mon vou-
loir.
CÉClLEy de même.
Âh ! mon Dieu ! je me trouve mal !
t l'abbé. "" .
Orand Dieu! rappelez vos esprits, le vais quérir madame la baronne.
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79 REVUE MSS DEUX MONDES.
Est- il possible qu'un accident funeste vous ait frappées! subitement? Aq
nom du ciel ! mademoiselle, réponiiez-moi, que ressentez- vous?
CÉCILE de même.
Je me trouve mal I je me trouve mal !
l'abbé.
Je ne puis laisser expirer ainsi une sr charmante perBMiie.,.Bi« f<ii! j^
prends sur moi d'ouvrir ; on en dira cequ'oB voudra. (II ouvre la porte.)
CÉCILE.
Ma fol, r^bbé, je prends sur moi de m'en aller ;'on en dira ce q»*»
youdra. (Elle «»t en coortnt. )
SCÈNE m.
Un peut bois»
Entrent VAN BUCK et VALENTIN.
VALBNTIN.
Larlane se lève et l'orage passe. Voyez ces perles sur les fouilles ; comme
ce vent tiède les fait rouler I A peine si le sable garde l'empreinte de no»
pas; le gravier sec a déjà bu la pluie.
VAN BUCK.
Pour une auberge de hasard » nous n'avons pas trop mal dîné. J'avais^
besoin de ce fagot jQambant; mes vieilles jambes sont ragaillardies. £b
bien ! garçon , arrivons-nous î
VALEMIN.
Voici le terme de notre promenade ; mais si vous m'en croyez , à pré-
sent, vous pousserez jusqu'à cette ferme dont les fenêtres brillent là-bas.
Vous vous mettrez au coin du feu, et vous nous commanderez nn grand
bol de vin chaud , avec du sucre et delà cannelle.
VAN BUCK.
Ne te feras-tu pas trop attendre? Combien de temps vas-tu rester icii^
SoBgedu moinaà tMitBs les psomcsses» etàôtre peètMi mênie temps
que les chevaux.
VALENTIN.
Je vous jure de n'entreprendre ni plus < ni moins que ce dont nous mbh
mes convenus. Voyez, mon oncle, comme je vous cède, et comonQ, .en
tout, je fais vos volontés. Au fait , dîner porte conseil, et je sens bien que^
la colère est quelquefois mauvais ami. Capitulation de part et d'autre.
Vous me permettez un quart-d'heure d'amourette, et je renonce^ toute-
espèce de vengeance. La petite retournera chez elle, nous à Paris, et tout
Bera dit. Quant à la détestée baronne» je lui pardonne en l'oubliant.
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IL wmwkm> 99Km^ » mbk. VI
.\
¥iMf
Cest à merTeille ! Et n'aie pas de.craiate^qu& tu manques de femme
Pour cela. Il n*e$t pas dit qu'une vi«i&i&>lûiUef£Bffa(ilort à d*honnétes gens ,
c^ui ont amassé un bien considérable^ el' qui iie«90iit point mal tournés.
'Vrai l}ieu ! il fait beau clair de lune; cela me rappelle mon jeune temps. -
VALBNTIH,
Ce billet doux que je viens de recevoir, n'est pas si niais, savez-vous?
œtte petite fille a de l'esprit, et 'même t|aelque chose de mieux; oui, il y
^ ^a cosor'dans ces trois lignes ; je ne sais quoi de tendre etide hardi , de
^mr^oai et de brareen même temps ; le rendez- vous qu'elle m'assigne
^esty dtt reste, comme son billet. Regardezcebosquet, ce ciel, ce coin de
verdure dans un lieu si sauvage. Ah! que le cœur est un grand-mattre!
On n'invente rien de ce qu'il trouve, et -c'est lui seul qui choisit tout.
VAN BOCK.
Je me souviens qu'étant à La Ha je , j*eus une équipée de ce genre*
C'était, ma foi, un beau brin de fille; elle avait cinq pieds et quelques
pouces, et une vraie moisson d'tafipaSkQiieUes^ Vénus que ces Flamandes!
On ne sait ce que c'est qu'une fontflietàtiMréseatçiâans toutes vos beautés
pa.risiennes, il y a moitié chair et'meitté'CotOB.
VALENTUi.
Il me semble que j'aperçois desiaenr» q^i'Cffreot là-bas dans la forêt.
4^ ci*est-ce que cela voudrait dire ? Nous traifiierait«on-à l'heure qu'il est?
^est MM deute le bal >qu*Mi prépare ; il y a fétecesoir au ohàteaai
VALENTIN.
Séparons-nous pour plus de sûreté; dans une demi- heure, à la
fex-me.
TAN BDGK.
C6iiidii;.bmmeehaQee, garçon; tu .me coTiteras^onH^Mre^ etiioii»ea
f&<~^ns quelque chanson; c'était notre ancienne manière; pas de fredàkie
qca i ne fit un couplet . (Il chante.)
Ehf vraiment, oui, mademoiselle,
Eh I vraiment oui, nous serons trois.
(^^Icatin sort. On voit des hommes quitrartenttles torches, rèder à travers la fbHSt. En«
trent laimromieet i\kM)é.)
LA BARONNE.
CTcst clair comme le jour; elle esr folié. C'est un vertige qui lui a
l'abbé.
£Ue me crie : « Je^me^trouve mal;» vous conoeverma position.
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72 aBTUE ras racx iioiii>£fr*
VAN BUCKy chantant.
Il est donc bien Tnd,
Cliannante Colcflte»
11 est donc bien vrai
Que pour voire fête» ,
Colin Toni a fUt...
Présent d*nn bouqnet.
LA BARONNE»
Et justement 9 dans ce moment-là , je vois arriveir une voilure. Je n'a
eu que le temps d'appeler Dupré. Dupré n'y était pas. On entre, œ
descend. C'étaient la marquise de Yalangoujard et le baron deVille-
bouzia.
l'abbé.
Quand j'ai entendu ce premier cri, j'ai hésité; mais que voulez-vou^
faire? Je la voyais là, sans connaissance, étendue à terre; elle criait à tn&
tête, et j'avais la clé dans ma main.
VAN BOCK, dianlant.
Qnand il tous l*o!Mt,
Charmanie branette.
Quand il vous l*offrit,
PeUle Colette^
On 4lt qm*il yons prit...
JDn frisson snbit.
LA BABONNB.
Conçoit-on ça? je vous le demande. Ma fille qui se sauve à trav^
champ, et trente voitures qui, entrent ensemble. Je ne survivrai jamais
un pareil moment.
l'abbb.
^ncore si j*âvais eu le temps, je l'aurais peut-être retenue par ^
schaU,... ou du moins..,, enfin, par mes prières, par mes justes obs^
vaticms.
VAN BCCK.
Dites i présent.
Charmante bergère,
Dites à présent
Qne yoQs n*aimez gnère ,
Qn'nn amant constant..*
Yons Issee «n présent.
LA BARONNE.
Cest VOUS, Van Buck? Ah! mon cher ami^nous sommes perdiL'
qu'estrce que ça veut dire ? Ma fille est folle, ^e court les champs ! Avetf
vous idée d'une chose pareille? J^ai quarante personnes chez moi; o^
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IL IfB FAUT HJRBR DE RIEN. 7S
^voilà à pied par le temps qu'il fait. Vous ne Tavez pas Tae dans le bois?
^ile s'est san^ée, c'est comme en rôve; elle était coiffée et poudrée d'un
oôté, c'est sa fille de chambre qui me l'a dit. Elle est partie en souliers
<ie satin blanc; ellora reùvereé l'abbé qui était là, et lui a passé surle
oorps. J'en rais mourir ! Mes gens ne trouvent rien ; et il n'y a pas à dire,
il faut que je rentre. Ce n'est pas votre neveu , par hasard » qui nous
jouerait un tour pareil? Je vous ai brusqué , n'en parlons plus. Tenez ,
«LÎdez-moi et faisons la paix. Vous êtes mon vieil ami, pas vrai? Je suis
mère, Yan Buck. Ah ! cruelle fortune! cruel hasard I que t'ai-je donc
fait? (Elle se met à pleurer.)
TAM BUGE.
Est-il possible , madame la baronne ! vous , seule à pieds ! Vous , cher-
chant votre fille! Grand Dieu! vous pleurez! Ah! malheureux que je
sois !
L'ABBé.
Sauriez-vous quelque chose, monsieur? De grâce, prêtez-nous vos
lumières.
VAW BUCK.
Venez , baronne ; prenez mon bras, et Dieu veuille que nous les trou-
vions! Je vous dirai tout; soyez saus craintç. Mon neveu est homme
d'honneur, et tout peut encore se réparer.
LA BAROHNE.
Ah? bah ! C'était un reodéz-vous ? Yoyez-vous la petite masque ! A qui
se fier désormais? ' (Us sorteat.)
SCÈNE IV.
Une clairière dans le bois.
Entrent CÉCILE ET VALENTIN.
YALENTIN.
Qui est là ? Cécile , est-ce vous ?
CÉCILE.
C'est moi. Que veulent dire ces torches et ces clartés dans la forêt?
VALENTIN.
Je ne sais; qu'importe? Ce n'est pas pour nous.
CâCILB.
Venez là, où la lune éclaire; la, où.vous voyez ce rocher.
VALENTIN.
Non , venez là où il fait sombre ; là, sous l'ombre de ces bouleaux. Il est
pbssible^qu'on vous cherêhe , et il faut échapper aux yeux .
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Tk* .MVVB .Nift-4MRrXr
iC6iiiivvê«drae^cluL9n«iteflllfi;«ù4o i«at^ Je'te^vttffrai.IVe'infOtrpaB
cetttpnwii» t«BMiiiitgr*«t«»«*^^WI^"^^ i wwi en
* n'ai pts'pu ir«iir'pkr«'Tile;Y^a-t*Hièûp-tctnpi qne tous nfat-
MMiéz?
VlLUBItriN.
Depais <|ii^laJ«nB -esidâns le ciel; regarde cette lettre trempée d*<
larmes; c'est le billet que tu m-'as^éarit.
CECILE.
Moteur ! GTeselé vent et laptuietiuî ont pleuré sur cepapfer.
TÀLBlfTIN.
Non y ma Gécile> c'est la joie et l'amour^ c'est le bonheur et le désir.
Qui finquiète? Pourquoi ces regards? que cherches-tu autour de toi?
GéCILB.
C'^t 4nogiiMec;, jft ae me. rwQimais.>faa; M^^al «oli^ «^^
le voir ici.
YALENTIN.
Mon oncle est gris de chambertin ; ta mère est loin et tout est tranquille.
Ce lieu est celui que tu as choisi, et xjae ta lettre m'indiquait.
CÉCILE.
, Votre oncle est gris? Pourquoi, ce matin, se cachait-il dans la char-
mille?
▼JLBVfUI.
Ce matin? où donc? que ^oox'-tit dire?. Je me promenais seul dans le
jardin.
cteu.
Ce matin, quand je vous ai parlé, votre oncle était derrière un arbre.
Est-ce que vous ne le saviez pas? Je Tai vu en détournant l'allée.
YALENTIN.
n faut que tu te sois trompée; je ne me suis aperçu de rien.
CÉCILE.
Oh ! je l'ai bien vu; il écartait les branches ;.€'était peut-être pour nous
épier.
YAmiTRf.
Quelle folie! tù as fèitiun<T«V«t N'to^ parions phis. Dosne-^moi on
baiser.
OBCUiBi.
Oui y mon ami, el ée tout hwa oqm«; asseymHveiialà p«è8'<leraMk
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IL ITE FAirr JURER DE RIEN. *?S
Pourquoi doDc, dans votre lettre d'hier^ ayez-yoas dit du mal dé ma
«ère?
VALENTIN.
X^rdonne-mor; Vest un moment de délire^ et je n'étab pas maître dé
tSÉ€UiE.
lElIe m'a demandé cette lettre, et je n'osais la lui mootrar. Jesro^stfîe
^Xai allait arriver; mais qui est-ce donc qui Favait avertie? Elle n'a pour-
^^çt rien pu deviner; la lettré était là, dans ma poche.
VAUBNTIN.
Pafivre enfant! On fa maltraitée; c'est ta femme de charabfeAqui
^^^nratrahie. Aquisefier enjpareilcas? j
ctoLK.
Oh ! non ; ma femme de chambre est sûre; il n^ avait que fiàiredè lui
^«nner de l'argent. Mais en manquant de respect pour ma mère, vous
"^«viez penser que vous en manquiez pour moi.
VALEriTlN.
N'en parlons plus, p uisque tu me pardonnes. Ne gâtons pas un si pré-
^^îeux moment. Oh! ma Cécile, que tu es belle, et quel bonheur repose
^n toi ! Par quels sermens, par quels trésors puis-je payer tes douces ca-
x^esses? Ah! la vie n'y suffirait pas/ Viens sur mon cœur; que le tien le
:^ente battre, et que ce beau ciel les emporte à Dieu ! ^
céaLE.
Oui, Yalentin, mon cœur est sincère. Sentez m«5 cheveux, comme ils
-sont doux; j'ai de l'iris de ce côté-là, mais je n'ai pas pris le temps d'en
snettre de l'autre. Pourquoi donc, pour venir chez nous, avez^vous caché
'^otrenom?
VALEMTIN.
Je ne puis le dire; c'est un caprice , une gageure que j?a vais faite.
CÉCILE.
Une gageure ! Avec qui donc?
VALENTIN.
Je n'en sais plus rien. Qu'importent ces folies?
CÉaLE.
Avec votre onde , peut-être : n'es^-ce pas?
VALENTIN.
1Ç»0ui. Je t'aimais, et je voulais te connaître, et que personne ne fût
^^ntre nous.
CÉCILE.
Vous avez raison. A votre place, j'aurais voulu faire comme vous.
VALENTIN.
pourquoi es-tu si curieuse, et à quoi bon toutes ces questions? Ne
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76 - EBYUB DBS DEUX MORDES.
m'aimes-tu pas, ma belle Cédie? Réponds-moi oui, et que toat soit
oublié.
CÉCILE.
Oui 9 cher, oui , Cécile vous aime^ et elle voudrait être plus digue d'être
aimée; mais c'est assez qu'elle le soit pour vous. Mettez vos deux mains
daos les mieuues. Pourquoi donc m'avez-vous refusé tantôt quand je vous
ai prié à dîner?
TALBNTIir.
Je voulais partir : j'avais affaire ce soir.
. CÉaLB.
Pas grande affaire , ni bien loin , il me semble; car vous êtes descendu
au bout de l'avenue.
YALBNTIN.
Tu m'as vu ! Gomment le sais-tu ?
CÉCILE.
Ob I je guettais. Pourquoi m'avez-vous dit que vous ne dansiez pas la
mazourke? je vous l'ai vu danser l'autre hiver.
VALENTIN.
Où donc ? Je ne m'en souviens pas.
CÉCILE.
Chez madame de Gesvres, au bal déguisé. Comment ne vousen soa-
venez-vous pas? Vous me disiez dans votre lettre d'hier que vous m'a^
viez vue cet hiver; c'était là.
VALENTIN.
Tu as raison; je m'en souviens. Regarde comme cette nuit est pure !
Comme ce vent soulève sur tes épaules cette gaze avare qui les entoure !
Prête l'oreille ; c'est la voix de la nuit; c'est le chant de Toiseau qui invite
an bonheur. Derrière cette roche élevée , nul regard ne peut nous dé-
couvrir. Tout dort, excepté ce qui s'aime. Laisse ma main écarter ce
voile, et mes deux bras le remplacer.
CÉCILE.
Oui y mon ami. Puissé-je vous sembler belle ! Mais ne m'ôtez pas votre
main; je sens que mon cœur est dans la mienne , et qu'il va au vôtre par
là. Pourquoi donc vouliez- vous partir, et faire semblant d'aller à Paris?
VALENTIN.
Il le fallait; c'était pour mon oncle. Osais-je, d'ailleurs, prévoir que
tu viendrais à ce rendez-vous? Oh ! que je tremblais en écrivant cetto
lettre, et que j*ai souffert en t'attendant!
CÉaLE.
Pourquoi ne serais-je pas venue, puisque je sais que vous m'épouserez?
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IL RB PAOT ICim DB UBM. 17 .
(^MmiftMlèra «t fût qiMlquM pèi.) Qu'avez- VOUS donc? qui vous cha-
gmt? V«M« Y<»arti»M)lr près de moi.
TALBNTUf.
Ce n*esl rien; j*aî cm, «« j*ai cru entendre, — j*ai cru voir quelqu'un
de ce côté.
CÉCILB.
Nous sommes seuls; soyez sans crainte. Venez donc. Faut-il melerer?
Ai-je dit quelque chose qui vous ait blessé? Votre visage n'est plus le
même. Est-ce parce que j'ai gardé mon schati , quoique vous vouliez que
je rotasse ? C'est qu'il fait froid ; je suis en toilette de bal. Regardez donc
mes souliers de satin. Qu'est-ce que cette pauvre Henriette va penser?
Mais qu'avez-vous? Vous ne répondez pas; vous êtes triste. Qu'ai-je
donc pu vous dire? C'est par ma faute, je le vois.
YlLBNTIir. ^
Non, je vous le jure, vous vous trompez; c'est une pensée involon-
taire qui vient de me traverser l'esprit.
céciLB.
Vous me disiez a tu , j» tout à l'heure, et même, je crois, un peu légè-
rement. Quelle est donc cette mauvaise pensée qui vous a frappé tout à
coup? Vous ai-je déplu? Je serais bien à plaindre. Il me semble pour-
tant que je n'ai rien dit de mal. Mais si vous aimez mieux marcher, je ne
veux pas rester assise. ( Elle le lève. ) Donnez-moi le bras, et promenons-
nous. Savez-vous une chose? Ce matin, je vous avais fait monter dans
votre chambre, un bon bouillon qu'Henriette avait fait. Quand je vous ai
rencontré, je vous l'ai dit ; j'ai cru que voiis ne vouliez pas le prendre, et
qne cela TOUS déplaisait. J'ai repassé trois fois dans l'allée; m'avez- vous
vue? Alors vous êtes monté. Je suis allée me mettre devant le parterre, et
je vous ai vu par votre croisée; vous teniez la tasse à deux mains, et
vous avez bu tout d*un trait. Est-ce vrai ? l'avez- vous trouvé bon ?
VALBNTIN.
Oui , chère enfant ! le meilleur du monde , bon comme ton cœur et
comme toi.
céciLB.
Ah! quand nous serons mari et, femme, je vous soignerai mieux
que cela. Mais dites-moi, qu'est-ce que cela veut dire de s'aller jeter dans
un fossé ? risquer de se tuer, et pourquoi faire ? Vous saviez bien être
re^u chez nous. Que vous ayez voulu arriver tout seul, je le comprends;
mais à quoi bon le reste ? Est-ce t|ue vous aimez les romans ?
VALBftTIN.
Quelquefois; allons donc nous rasseoir. (lU se rasseoient.)
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78 WBWVE BSS DBQX JlOmSSi
Je TOUS avoue qa*ils De me plaiseDt guère; ceux que j*ai las ne si-
gDifieat rieD. U me semble que ce ne sont que des mensonges, et que
tout s'y invente à plaisir. On n'y parle que de séductions, de ruses, d'in-
trigues, de mille choses impossibles. Il n'y a que les sites qui m en plai-
sent; j'en aime les paysages et non les tableaux. Tenez, par exemple, ce
soir» -quand j'ai reçu votre lettre et que j'ai vu qu'il s'agissait d'un ren-
dez-vous dans le bois , c'est vrai que j'ai cédé à une envie d'y venir, qui
tient bien un peu du roman. Mais c'est que j'y ai trouvé aussi un peu de
réel à mon avantage. Si ma mère le sait, et elle le saura, vous comprenez
qu'il faut qu'on nous marie. Que votre oncle soit brouilé ou non avec
elle y il faudra bien se raccommoder. J'étais honteuse d'être enfermée;
et, au fait, pourquoi l'ai-je été? L'abbé est venu, j'ai fait la morte; il
m'a ouvert, et je me suis sauvée; voilà ma ruse; je vous la donne pour
ce qu'elle vaut. • ^
VALENTiPr, à part.
Suis- je un renard pris à son piège , ou un- fou qui revient à la
raison?
cécLB.
£h bien! vous ne me répondez pas. Est-ce que cette tristesse va
durer toujours P
VALENTIN.
Vous me paraissez savante ponr votre âge, et en même temps,.au8si
étourdie que moi , qui le soiscoRraie le premier coup de matines.
céciLB.
Pour étourdie, j'en dois convenir ici ; mais , mon ami , c'est que je vous
aime. Vous le dirai^je? je savais que vous m'aimiez, et ce n'est pas d'hier
que je m'en doutais. Je ne vous ai vu que trois fois à ce bal, mais j'ai du
cœur, et je m'en souviens. Vous avez valsé avec mademoiselle de Gesvres,
et en passant contre la porte , son épingle à TitalieUne a rencontré le pan-
neau, et ses cheveux se sont dèrooiés sur elle. Vous en sou venez- vous
maintenant ? Ingrat ! Le premier mot de votre lettre disait que vous vous
en souveniez. Aussi comme le cœur m'a battu ! Tenez ; croyez-moi , c'est
là ce qui prouve qu'on aime , et t^'est pour cela que je suis ici.
VALENTIN , à pari.
Ou j'ai sous le bras le plus rusé démon que l'enfer ait jamais vomi, ou
la voix qui me parle est celle d'un ange, et elle m'ouvre le chemin des
cieux.
CÉCILE.
Pour savante^ c'est une autre affaire ; mais je veux répondre, puisque
vous ne dites rien. Voyons , savez-vous ce que c'est que cela,?
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^Lmnr.
Qi9»? cent él«ilo'à«<kiDHe (k^tx»%rhra?
CÉCILE*
NoD) celle-là qui se moDtre à peine , et qui brille comme une larme.
Tous arez lu madame de Staël ?
CÉCILE.
Oait et le mot de larme me plait^ je ne sais pourquoi, comme les étoiles.
Un beau ciel pur me donne envie de pleurer.
VALEJiTlN.
. Et i moi envie de t*atmer, de te. le dire^ et de vivre popr toi. Cécile,
ttis-tu à. qui tu parles , et quel est l'homme qui ose t'embrasser?
CÉCILE.
Dites-moi donc le nom de maa étoile. Vous n*en êtes pas quitte à si
bon marché,
VÀLEimil.
Eh' bien ! c'est Ténus» Fastre de Tamour; la'plss beHe perle de l'Océaa
desmHts.
GÉCILB»
Non pas; c*en est une plus chatte ^«t^ bien plus digne de respect; vou»
apprendrez à Faimer un jour» quand vous vivrez dans les n>étalries, et
que vous aurez des pauvres à vous; admirez-la , et gardez- vous de sou-
rire ; c'est Gérés , déesse du pain.
VALENTIN.
Tendre enfant ! je devine ton cœur ; tu fais la charité , n'est-ce pas ?
CÉCILE.
C*eslma mère qui me Ta appris; il n'y a pas de meilleure femme an
monde.
TALENTIN.
Vraimeût ? je ne l'aurais pas cru .
CÉQLE.
Ah ! mon ami , ni vous , ni bien d'ïiutres, vous ne vous doutez de ce
qu'elle vaut. Qui a vu ma mère un' quart d'heure, croit la juger sur
quelques mots au hasard: Elle passe le jour à jouer aux cartes, et4e soir
â faire du tapis; elle ne quitterait pas son piquet pour un prince; mats
qoe Dupré vienne, et qu'il lui parle bas, vous la verrez se lever de table,
si (fest un mendiant qui attend. Que de fois nous sommes allées ensemble,
en robe de soie, comme je suis là, courir les sentiers de la vallée, por-
tant la soupe et le bouîllî, des souliers, du linge, à de|)auvres'geos !
Qoe de fois j'ai vu, à l'église, las y^ax des malheureux s'humecter de
|ieuf»l»tBqoe'BMWiière lar regardait l 'Altez , elie a>4bt>U cHétfe^âète ,.et
je l'ai été d'elle quelquefois* >
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Googlj
80 BETUB DBS DEUX MONDES.
VALENTlIf.
Tu regardes toujours ta larme céleste , et moi aussi, mais dans tes
yeux bleus.
CECILE.
Que le ciel est grand! que ce monde est heureux! que la nature est
calme et bienfaisante !
VALENTIN.
«
Veux-tu aussi que je te fasse de la science et que je te parle astronomie?
Dis-moi, dans cette poussière de mondes, y en a-t-il un qui ne sache sa
route, qui n'ait reçu sa mission avec la vie, et qui ne doive mourir en
Faccomplissantî Pourquoi ce ciel immense n'est-il pas immobile? Dis-
moi * s'il y a jamais eu un moment où tout fut créé , en vertu de quelle
force ont-ils commencé à se mouvoir, ces mondes qui ne s'arrêteront ja-
mais?
CÉCILE.
Par l'étemelle pensée,
VALBNTIN.
Par l'éternel amour. La main qui les suspend dans l'espace n'a écrit
qu'un mot en lettres de feu. Ils vivent parce qu'ils se cherchent, et les
soleils tomberaient en poussière , si l'un d'entr'eux cessait d'aimer.
CÉCILE.
Ah! toute la vie est là.
VALENTIN.
Oui , toute la vie — depuis l'Oôéan qui se soulève sous les p&les bai-
sers de Diane , jusqu'au scarabée qui s'endort jaloux dans sa fleur chérie.
Demande aux forêts et aux pierres ce qu'elles diraient si elles pouvaient
parler? Elles ont l'amour dans le cœur et ne peuvent l'exprimer. Je
t'aime! voilà ce que je sais, ma chère; voilà ce que cette fleur te dira,
elle qui choisit dans le sein de la terre les sucs qui doivent la nourrir ; elle
qui écarte et repousse les élémens impurs qui pourraient ternir sa fraî-
cheur ! Elle sait qu'il faut qu'elle soit belle au jour, et qu'elle meure dans
sa robe de noce devant le soleil qui Ta créée. J'en sais moins qu'elle en
astronomie ; donne-moi ta main , tu en sais plus en amour.
CÉCILE.
Tespère, du moins, que ma robe de noce ne sera pas mortellement
belle. Il me semble qu'on rôde autour de nous.
VALENTIN.
Non , tout se tait. N'as-tu pas peur? Es-tu venue ici sans trembler ?
CÉCILE.
Pourquoi? De quoi aurais-je peur? Est-ce de vous ou delà nuit?
TALENTIN.
Pourquoi pas de moi? qui te rassure? Je suis jeune, tu es belle, et
nous sommes seuls.
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IL NE TAUT JURER NC HHEK. 81
ctoLB.
£h bien! qael mal y a-t-il à cela?
VALENTm.
C'est vrai, il n'y a aucun mal; écoute-moi , et laisse-moi me mettre à
-genonz.
CÉCILE.
Qn*avez-Tous donc? vous frissoDuez,
talentIn.
Je frissonne de crainte et de joie, car je vais t'oovrir le fond de mon ,
oœnr. Je suis on fou de la plus méchante espèce, quoique, daAs ce que
je vais favouer, il n'y ait qu'à hausser les épaules. Je n'ai fait que jouer,
lH>ire et fumer depuis que j'ai mes dents de sagesse. Tu m'as dit que les
romans te choquent; j'en ai beaucoup lu, et des plus mauvais. Il y en a
on qu'on nomme Clarisse Harlowe; je te le donnerai à lire quand tu seras
ma femme. Lé héros aime une belle fille Comme toi , ma chère, et il veut
l'épouser; mais auparavant il veut l'éprouver. Il l'enlève et l'emmène à
Londres, après quoi comme elle résiste, Bedfort arrive.... c'est-à-dire,
Tomlioson, un capitaine.... je veux direMorden... non, je me trompe...
Enfin, pour abréger.... Lovelace est un sot, et moi aussi , d'avoir voulu
suivre son exemple Dieu soit louél tu ne m'as pas compris je
t'aime, je t'épouse, il n'y a de vrai au monde que de déraisonner d'a-
mour.
(Entrent Tan Bvek, la baronne, Tabbé, et pivsieara domestiques qnï les éclairent. )
LA BARONNE.
Je ne croîs pas on mot de ce que vous dites. U est trop jeune pour une
Doirceur pareille.
VAN BUCK.
Hélas! madame, c'est la vérité.
LA BARONNE.
Séduire ma fill^! tromper un enfant! déshonorer une famille entière !
Chansons ! Je vous dis que c'est une sornette; on ne fait plus de ces choses-
là. Tenez, les voilà qui s'embrassent. Bonsoir, mon gendre; où diable
TOUS £oarrez-vous ?
l'abbé.
Il est fâcheux que nos recherches soient couronnées d'un si tardif suc-
cès; toute la compagoie va être partie.
VAN BUCK.
Ah ça ! mon neveu , j'espère bien qu'avec votre sotte gageure....
VALENTIN.
Mon oncle, Une faut jurer de rien, et encore moins défier personne.
Alfbed de Musset.
TOME vn. 6
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LES
RÉPUBLIQUES
MEXICA3TŒS.*
PcfwisqiielqBeS'aitfièes/les'T^BWk^ enrproieà
âes dissensions intérieures, iieoeMeiiide lutter péniblement, tan-
lèf omitre raristocratie enrahissante dn pay^, tamèt contre les
prétentions du parti des moines, et tantôt contre l ambition des
chefe mflitaires, sans avoir pu, jusqii*à présent, arriver à on état
de gouvernement stable. Ces affranchis d*un jour, ces esdaves
émancipés, en passant, tout à coup du. jovgabrutissanl des^Espi-
gBols à une eatière indépendance, o*onl su retirer de la libené
eonpiise cpit une hideuse anarchie; ^ux vices contractés par Fha-
bitude d*un long esclavage ils ont joint ceux qui naissent d*une
licence effrénée. Aussi, comme ces malades affaiblis par une lon-
gue diète, que Tusage immodéré des alimens replonge bientôt dans
un état pire que le premier, sont-ils tombés dans une démoralisa-
tion si générale et si profonde, qu^eile parait désormais sans
(I) Ce travail est le résultat conicieneieQx.des observations d^n haanne qmk, pmt sa
position au Mexique, et ses relations avec les principales autorités do pays, s'est trouvé '
plus que personne à même d'étudier les institutions , la religion , les mœurs et la civiU-»
sation du pevple mexicain. (if. du D.)
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LSS bApUBUQUES JKXICAIirES. ^ 6B
Ans remède, et doit mé»itablemeBt les oondiiire à JafMsrte^^delBnr
Deax partis bien tranchés^se disputent la prépondéBanœ^daD» le
gouvernement, le parti des ariiloorates et oeiui des libéraux, ou
pour parler plus juste, le parti des gens en plaœ, qui veulent. oon-
jerverce qu'ils ont, et le parti des gens qui n*ont rien, et quiveu-
lent avoir; car ce n*est que pour les emplois rétribués qu'on secKvwe
€t qu'on se bat. L^agriculiure, TiftdJLisIrie, les arts de toute espèce
^Qt entièrement négligés, une foule d*ambitieux tournent leurs
prétentions vers les ei&plois lucratifs , et veulent, servir la patrie en
quelque .sorte «idgré eUe. Aussi em-ee im eiiipres&ement,Aiii pa-
triotisme, qui pourraient enfanter ii^es luerveiles, ai ûnf)Ottvâit les
preodre au sérieux I c*est un assaut d'intrigues et de cabales pami
les citoyens qui se disputent les places! Il s'en présente des milliens
qoi consentiraient à étce présidens, dès milHets qui se dévouent auK
grades de généraux, de colonels, etc. Il en est de même pour les
emplois civils. Mais oomme la patrie n'a pas besoin de tant de gens
de bonne volonté, tous ceux dont elle ne peut accepter les servioes,
n'oDt d^autre ressource que de chercher à' renverser les éfcis. ffien-
tôtles mécontens se réunissent,, et mus par les «mêmes motifs, ani-
més des mêmes espérances, ils prennent les aitnes, ou,, pour nous
servir de l'expression consacrée danale pays, ils se /n-ononcertt, les
luis au nom de la sainte tâit^fon ^ les autre» pourrlacfé/iemetia la
iibeiU; tous, d* un accord unanime, déclarent leurs adversaires
druiacrntes OU sans^culoOes, tratires, infâmes hngands^Aé» mMùmt
Siuban de la nation^ et soudain entrent en campagne. Ilieurde plus
ordinaire, de plus sinaple et de plus facile qu'une révolution ^mili-
taire a^u Mexique. D est bien rare qu'il se passe un intervaHade
cinq à sixmois sansquton voieappasaitreledpapaaudelaréifollie;
et comme la plupart de ces révidutionsqu^on pottitrait.appeler pk-
nodiques> tournent toujours à bien^ pour ceux qui les enteepren-
Aent, comme les chef» savent toujours habilement en profiter panr
lear propre compte, chacun veut en essayer, depuis legénéraljus-
qu'au caporal. Ceci est rigoureusement vraie
Or, voici comment se fait une révolution militaire : un sergent,
par exemple, se trouve en garnison dans un village avec vingt
hommes ; ce nombre est plus que suffisant pour Texécution de ses
lesseins; un beau matin, Jl lui prend un^accès de patriotisme, il
" k6.
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ik ' RETOB DES DEUX MONBBS.
Yeut servir son idolatradapairia^ en qualité de colonel ou de géné-
ral. Le dimanche» après la messe » il réunit dans un cabaret ses
Tingt soudards : là, après cpielques libations, il prend un um
solennel y se pose en héros , et leur déclare : « que le gouverne-
ment a violé tel ou tel aiticle de la constitution; que la liberté est
menacée, ou que la sainte religion est attaquée; qa*à eux est ré-
servé rhonneur de défendre les glorieuses prérogatives de la na-
tion, et qu*il les guidera dans cette noble entreprise. » Ceux-ci ap-
plaudissent r< rateur en criant : viva! que vlva! Le verre à la main,
ils lui jurent fldéKté, et le proclament colonel ou général. On
convoque el mug ilwitre ajuntamientOf la très illustre municipalité,
qui se compose ordinairement de trois ou quatre rancherot (f)
ou vaquerai^ qu*on fait entrer sans peine dans le complot. Oo t
presque toujours sous la main quelque licencié, homme de plume,
espèce de magister qui est chargé de rédiger en style intelligible,
le plan, c*est-i«dire renoncé des motifs de la rébellion et son but;
puis, séance tenante, on adresse au peuple une proclamation qu
commence à peu près en ces termes : or Peuples de l'univers dn-
Itsél soyez témoins de la justice de notre cause I Nos plaintes ont
retenti jusqu'à vous; les droits du peuple souverain sont foulés aux
pieds, notre sainte liberté attaquée; vous verrez conmie les vail-
lans enfens deMontézuma savent se soustraire à Fesclavage, etc.. •
Le peuple souverain qui lit ces belles choses, s* écrie : Carajo! es
verdad! Vamos, c€ara)o! c'est la vérité, marchons! Chacun alors ceint
sa manchette (2) et monte à cheval. S*il se trouve dans les environs
quelque chef de voleurs, il ne manque pas de venir, avec sa bande,
offrir ses services, qui sont toujours acceptés; on en feit un capî-
taioe, ce qui lui donne Tavantage de piller impunément au nom
de la patrie. On marche sur les villages voisins qu'on soulève,
on ouvre les prisons, et les brigands et les assassins sont associés
aux champions de la mnte cause. La renommée annonce le pro*
nauicionienio, de tous côtés arrivent en grand nombre les mè-
contons et les gens sans emploi; alors les prononcét^ au nombre
de cinq à six cents, prennent le nom d'armée libérairice, répara-
(1) Ranekerot, campagnard!. Vagueras, vachers.
(^ C^est une longue épée sur laquelle sont gravés ces mots pompeux : f(o me taquei
sin razon,'no me envaines tin honora ne me tire pas sans raison , ne me renfaine pi&
MOI honneur.
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LES RiPUBLIQDJSS MEXIOLUIES. 85
triée, on de là foi. Dès que le succès deTient probable , les gens
do parti contraire changent de bannière; s*il y a dans le. camp
ennemi quelque chef qui fasse mine de vouloir tenir bon pour
Tordre de choses existant » on cherche à le gagner à prix d*argent,
et il est bien rare que quelques milliers de piastres ne triomphent
pas de sa résistance. Cest avec de tels élémens que Yannie
mardie de succès en succès; on triomphe, et notre sergent ^
devenu réellement colonel on général , est proclamé sauveur de la
liberté y héros immortel, citoyen bene,meriio de la pairia en grado
keroieq. Voilà, dans toute Texactitude des £aits, ce que c*est qu'une
révolution au Mexique; voilà par quels moyens un danseur de
corde (I), quelquefois un voleur de. grand chemin (2) sont arrivés
aux premières; dignités de la république. Chacun peut goAter de
h présidence ou du généralat, et d autant plus facilement que ceux
qui doivent à quelque mouvement populaire le posté éminent qu*ils
occupent, sont bientèt renversés par un nouveau bouleversement
qui laisse le champ libre à d'autres. Et comment n*en serait-il
pas ainsi, quand dix mille concurrens se disputent la même place?
Aussi devient-elle Tobjet des plus honteuses manœuvres. Pour
y arriver, tous les moyens sont mis en jeu, la séduction, l'argent, "
la prostitution, les intrigues les plus dégoûtantes, les plus infâmes
traJiisons, le poignard m^me; ceux qui savent le mieux en tirer
parti passent pour muchachoé vivos, des garçons de talent, et la
nation n*est nullement effrayée de voir parmi ses excèleniisimos
$ekore$ géneralex, des hommes qui, chez nous, traîneraient le boulet
dans un bagne ; le succès justifie U>ut.
On sent que la conséquence d'un tel état de choses doit être
une corruption générale. dans toutes les classes de la société. En
effet, c*est un débordement de vices effroyables; le vol et Tassas-
rinai se commettent impunément, npn-seulement parmi le peuple,
mais dans la gente decenie; il n*est point de ville où l'on ne voie se
promener dans les rues et marcher, tète levée, des misérables dont
la conscience est chargée de huit oi| dix assassinats. Et qu'on ne
croie pas qu'ils en soient moins estimés; il est très ordinaire d'en-
(1) Le général M.-.» Tan des généraux les plus renommés du Mexique, dansait sur la
ooftie, il y a quelques années, à la Nouvelle-Orléans.
(S) Les généraux Toisa et An§on sont connus de tout le Mexique pour avoir été cheiii
(krotcarv
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V 1UW0B VES DBVX MONDES.
teodrediFâ : dcm'Un. tel aiAssaesiné dix perswaes . hè fBUfèe
caia ignore ces vertus qui fout la base de laiaod^ èumune^iilttlaih
.des de lui ni bonne foi ^Jii confiance, ni délicatesse dans les riappsrte
-ordiuatfes de la vie. AUiài, l'^us laissée vos effetseu dèp6t/Chez
une peiisoUHe que v^us oroyes sûre ; quand vous vous présentei
pour réclamer ce qui vous appartient, vos effets ont été vendus. 8b
homoie qui^e prétend et^que vous croyez votre ami vous>empnuite
pour unAistant, ditHl, votre montre ou quelque autre objet de prii,
il court le jouer, et qu il gagne ou qu'il perde, vous n'en avez plis
^e nouvelles. Ce smit là des espiègleries qu il serait ridicde de
trouver mauvaises. Étes^ous négociant, marchand, industriel, 6t
voulez-<votts daBS' une foiré étaler vos marchandises en public, oe
manquez pas de faice veiller vôtre boutique par deux ou trois sol-
dacs que vous paierez largement; autrement, en un clin d'œS,
vous sere&dévalîsé, car là il n'y a ni police ni sergens de vifle pow
protéger les perscmnes et les propriétés. Gardez-vous d'avoff
jamais de procë» arec personne : si vous n'êtes assez riche pov
acheter les juges, vous^ aurez tort. Veyagez^vous pour vosaffii-
Tes ou* votre plaisir, ayez la précamion de vous munir d'un sabre
bien affilé, d'une paîrc de^piatelets, d'un fusil; car vous allez avoir
bientôt affaive aux hérttSvdé gcaoïdchemin. Surtout toiez-voiis es
i;ardeconlre le domestique qui vous accompagne; dès^u'il eotfOiK
vera Foocasion, il vouspiHeta, et fera mieux encore s'il le peut Vos
armes seules feront voice sAreté.
Dans' les rues, vios yeux sont chaque jour frappés du hideui
spectacle de cadavres qu'on emporte tout sanglans , car là on se
donne un coup de poignard, comme un coup de poing chez une
^nitce nation, puUiquèmefit , en plein jour. Ou^<i un homm^
tombe' assassidé' daais la nue , la foule se rassemble, et en attea-
dant ^u'on mlève le cadavre, les amateurs réunis en cerde décî-
deat si les coups ont été bien portés, et s'ils méritent Tapproba-
lion des eotinaisséurs. Si, en passant, vous demandez la cause de
ce rassemblement : Nada es, sen&r, es una muerficida; ce n^t
rien, seigneur, c'est.un petit meurtre, vous répond-on avec beaa-
coùp de sang-froid. Ces scènes n'excitent pas la moindre émo-
tion parmi les spectateurs. Souvent m^me l'assassin ne prend pas
la peine de se cacher ou de s'enfuir; il se laisse tranquillement
arrêter, car il sait qu'il en sera quitte pour (quelques jours de pri-
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LES. UfePUBLIQUBS MBXKUKMS. 8f *
m. Il£uit(pi.*uir homme soit bîtn xmfaMfèi,. qiriH tk^ammamiàtm
esâ8sa«naat9pour que la Théflua wmwaàodiM^àààsràiia^timffvtJ
ià 60 débarrasser la société. Le saag ansÎQiJB^ jdwiiis*4k» .o«t
tïptprédeux pour qu*oiLle verse légàrement ISêccoBLqiiôprédiiBat
\Mioa delà peine de mort sont ^aflés dietciier lenfs.^rgtnmwi
inslaiégislatioaeriraiiielle d« Mexique > il faiiMwoMBrqBg tsm
loii o'estfpas heMreus.
P^tse*t-eii qu'un penple.q»t s'eetaiaeifttMilfariséaytelîhahttad»
.'Tas^nat, puisse avoir uoe-gtandah^rrieiir pour :les autre»'
ces qai infectent laisodété? OeiWm s^éixMiiienqae iàuatàoaiBék
mbée daas la dépravation la .pbtS'pmfamitf Et.ooameaÉ en
Tait-îl aa^ement, dans un. pays oàUn'ya;aigoiiy«raaD»ent^ ot-
i&,iH'frttod*attCuneespàoe, où'diiaeufto'4^d& jasticeà^Mendte
ledeseitfliAnie, desùretéàefl|)éterqneiri— ffiT-adresse^tiafarce
^ son bras? Il n'en faut paa douter^ hd^naà vientLide oeqaœ te.pnys.
lAi SUIS cesse a#té par des rivéhitiQn8.anasi ftnesles qu;elte8
Dtridicaksjileet mposstMe que te^ hommes tmoinletttionBés^
U'en traerre dain.la:répiibliqney pmsscne opérer les Téformes
hMaires», pro^poser les masures que cédana. rîmérét géttéval,
que les iastîtations. aient t le temps dft-s'affMnBiiittt deseceaso*-
er. Mais, aDur.le deoMUMloBs, qnds avastaips peuvent réaulr
r* peur un pays» de révolutios6f«itrepr»esfnr vm.fÊÛtm&aàÊt9
^factieux daosla^eidevue deisaiisfeûre mmambittoapersonttelle
on honteux égoïsflie? Unenatîon dast* les cbtfedoaneaf Texeorple
rifluieraliié, et ne- »»croieirtilgyés:aiiBL pi—iAres charges^de
titqpeponrenexirieîterles pnfits^et sodispater coonBoune
rie les iianneni»«t la puissasce, est (U}A sur tependnntdesa
M. An reste» le pei^ mexîcaio Im^mém» aai^eodre A aonpaye
I»rà3eqa*il mérite: un des koranns tea pins eéiàbres^et tes plus
Iwis dulfexîqa», gouvemenr d!untdes|xnmpaax'états, as*>
rw que dans toute la république on.» tronveraii pas vmgt
naandeUeo pourlagonvemerl
Ksasavmsvu ooomient. se faisait m» rémbàlitfi mSitairanin
^^àqm, esijpnasons raaiatenantia pfajpsjomnw des pvindpans.
toarsdeces drames sang^ans^Les aoldafesso«t^aullesiqae,eei
*itfaBt les MaflMbda en Egypte, cm lesi janissaires à Gensinsits^'
(h, dessérdone^ lesi nidtreft;xar teoation atoigrand ftBilepmr
ttialnBnBade'^dnn;iei0ae.Teut|ipmivoeenperletriégede
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88 RETDE DES DBUX MONDES.
sidénce, qae des hommes à épaulettes : c*est l'année qui commande
et qui dispose de tout. Parions d*abord des officiers. Quand un jeune
homme de ceux qu*on appelle decau , c*est-à-dire de bonne EamiDe,
fôt trop borné ou trop paresseux pour étudier et se faire liceneiado
(avocat), comme il croirait déroger et s*avilir en cherchant dans le
commerce, Tagriculture, les arts ou une industrie quelconque, on
moyen de se faire une existence honorable, il ne lui reste que Val-
ternalive de se faire soldat ou moine; il feut qu'il opte entre Tuni-
forme et le froc; s'il se décide pour le premier, sa famille remue ciel
et terre pour lui faire obtenir le grade de sous lieutenant, et il n'a
pas de .peine à se faire admettre, car pour peu qu'il sache lire et
écrire, c'est tout ce qu'on exige de lui, c'est là le seul examen qol
ait à subir. Une fois le jeune officier lancé dans les premiers grades,
il est sûr de faire son chemin ; en révolutionnant, en vendant sa noble
épée tantAt à un parti, tantôt à un autre , il parviendra rapidement
et pourra devenir général, président même. Cest ainsi que pres-
que tous les officiers de l'armée mexicaine sont entrésdans la car-
rière. Gomme il n'y a au Mexique aucune espèce d'écoles mili-
taires, on ne demande aux officiers nîinstruaion, ni connaissance
de l'art, ni aptitude pour le métier; qu'ils sachent dire aux soldats:
portez armes! marchez à droite, à gauche I c'est là l'essentielJ
Aussi est-il bien certain que le meilleur général mexicain ne serait
pas capable d'être un bon lieutenant en Europe, et qu'en campagne
il serait battu par un sous-officier de notre armée.
Ces officiers n'ont de militaire que le nom ; ils n'en ont même pas
la tournure. Ils portent Toniforme plus mal cpie ne le ferait le plifl
lourd paysan de la Bretagne. D'abord fls sont généralement petitsi
grêles, mal faits, sans poitrine, courbés et disgracieux dans toati
leur personne. A ces défauts de la nature, ils joignent le plus gran^
ridicule et la phis grande négligence dans leur tenue : des épaulettd
d'une grosseur démesurée qui, retombent sur la poitrine, ThaM
déboutonné, laissant à découvert la chemise et les bretelles, l-l
chapeau rond , à larges bords , est leur coiffure ordinaire. Ils soâ
le plus souvent sans cravate et sans épée ; c'est la petite tenue. Lej
jours de fête, et quand ils revêtent le grand uniforme , ils portes
un haut et large chapeau à trois cornes, excessivement élevé, e
surmonté d'une touffe de plumes tellement longues, que toute I
côiffureabien quatre pieds, ce qui contraste merveilleusement ar^
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LES RÉPUBLIQUES MEXIGAIEMSS. 8d
leur taflle, laquelle n*excède pas quatre pieds et demi. La cocarde
est de la largeur d'une assiette ; le ceifituron qui supporte le sabre,
a Irien six pouces de largeur, de sorte qu*il couvre toute la pd-
trine de ces petits hommes. Le col de la chemise , dépassant la cra-
vatte de plusieurs pouces, s'avance en pointes fort en avant du
menton. En regardant de près, on découvre sur leur petite figure
basanée une trentaine de poils disséminés sous le nés, et qui for-
ment moustaches. Ils laissent croître leurs cheveux derrière la
tète, i la manière de nos séminaristes. Leur uniforme e^t chargé
d'or prodigué avec le plus mauvais goût ; rien de plus grotesque-
ment bouffon que de les voir défiler dans leur embarrassant équi-
page, faisant des efforts incroyables pour marcher au pas.
Dn y a parmi les officiers ni tetiue, ni discipline, ni respect des
convenances, ni maintien de grade et de rang ; ainsi, un lieuteniant
s'en va, dans un cabaret, frapper sur l'épaule de son colonel, et
s'enivrer avec lui. Un de ces derniers avouait qu'il n'avait jamais
pu venir à bout de faire aller ses officiers à la manœuvre. En
effet, leur état est ce dont ils s'occupent le moins; et comme leur
service se borne à très peu de chose, ils passent leur temps dans
des maisons de jeu et de débauche. Un capitaine joua un jour sa
solde qu'il venait de recevoir, il la perdit; il joua ensuite les galons
de son pantalon; la chance lui ayant été contraire, il joua et perdit
sesépaulettesl Telles sont les occupations ordinaires de ces mes-
sieurs, depuis le général jusqu'au sergent. Leur solde étant très
inexactement payée, les senores oficialeM ont souvent la bourse plate;
mais il est des moyens de se tirer d'affaire : ainsi, le conmiandant
déserte avec la caisse du régiment, le capitaine avec l'argent de sa
omipagnie, le sergent avec le prêt de son escouade; il n'est pas
jusqu'à l'humble capora} qui n'ait aussi sa petite industrie; il fait
de légers emprunts aux soldats, et quand ceux-ci réclament ce
(pi'ils ont prêté, il ne manque pas de bonnes ou mauvaises raisons
pour se dispenser de payer; s'ils insistent, il les menace de les
ftire déchirer de coups de verges à la première faute qu'ils feront,
et ce moyen est toujours efficace. Quantaux généraux, ils spéculent
plus en grand, et se vendent à quelque parti en armes* Cest ainsi
que, dans la révolution de 1832, le général Valencia qui comman-
dait an corps des troupes du gouvernement, ayant fait au jeu des
pertes considérables , et se trouvant dai» un grand embarras pé*
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"ttWB DBS DOTX mnfDBR)
^y^«6iv«iiditpo«r 20;000}pia9lres9 Iniel les^mns, aupartidt
«géDtealBaDiatsàmaïqvi araît^levé Tétendard Vlè faréVolte; Leimr-
<9i6 Qondta^ oirpona au général vendu uo à'KX>inptG de lâ^liOOpia»-
4rw; le^soir^infate, iltesjoua avec 8cs officiers et îes perdît. ASon
Ajfittdédamer au général Santa-Anna, que s'il ne lui envoyaitpas
lie suite Ito 9fi90 autres piastres, il allait repasser du côté di
-gouvernenieiit. On »*em pressa de le satisFai e, car sa trahison de-
'Vaitiporter wi coup mortel au président Bustamente dont el imrn r-
^Smtia^Atma voulait prendre la place. Nous tenons t^s détails (te
ragoBt'mémeohargé'de négocier cette honteuse transaction.
Du '05té «de la 'bravoure, les porteurs d'épaulettes mexicains œ
sont guère plus reconimandables que du côté de la moralité, de
instruction -et de la capac'té. Quand Tofficier mexicain sort de U
file pour «Ber guerroyer, et rétablir sur quelque point el im^teno
irfe lm4tijtÊ, il s'arme -d^un sabre , ou , pour être plus juste , il saitâ-
«fae-àiun sdbredont la longueur dèmesXirée produit l'effet le fJos
liBarre; il porte, en outre, une lance dont le fer est assez lo!Ç
pcrar enftler trots hommes de suite. Arrivé au lieu du combat,
«chaque ^liBciercrfe à ses soldats : Atleiante, wuchachos! en avant,
enfans l'Mais en même temps ils ont grand soin de se garantir des
projectiles meurtriers, soit en se couchant à plat rentre, pour of-
frir moins ^e surface aux balles ennemies, soit en se cachant pra-
tteroment derrière quelque abri protecteur. D'ailleurs, il est de
règle générale que chaque ofBcier emmène avec lui son bon cheval,
moins pour^*épargner une partie des fatigues de la campagne, qœ
pour s'aider h se tirer de la bagarre, si l'affaire devient trop
chaude. TOs sont les chefs de l'armée mexicaine, hs heroajoi
iniortales, dont les panégyriques remplissent les colonnes des
Journaux du pays; le j^lus souvent les journaux d'Europe se font
le6 échos Kxmiplaisans de ces louanges ridicules.
Parties ohefs>on peut juger des soldats. Il n y a, au Mexique, it
eonsoription, m mode de recrutement déterminé par une loi, n
engagemens'volontaires. On trouve bien des milliers de citoyens
qui coirsentenfvolontier^à servir la patrie en qualité de coioaels ou
dé généraux ; mais personne ne se soucie d'être snnple soldait.
Quanid' Tannée de la république a besoin de se .recruter, on ra-
masse de force tous les vagabonds et gens sans aveu qui se rtn-
contrent; quelquefois, si le nombre -est insuffisant, on ouvre les
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LES RÉPUBLIQUES M£XI€ALNES. 91
fnsonsy et les détenus vont grossir lenombrc des recrues. Ces re*-
"cmes ainsi amalgamées sont enfermées dans des casernes , d'où
^fSles ne sortent , pendant un espace de six mois, que pour bakftr
les rues et pour aller à rexercice, qu'on leur apprend àigrands
%mips de bâton. Cet apprentissage terminé, on leur faiteadossdr
le fourniment, et on leur laisse un peu plus de liberté; mais une
partie ne manque pas d*en profiter pour déserter, et cela presque
toujours impunément; car la république n'a pas de giendarmes
poor les mettre à la recherche des réfractaires et poursuivre les
déserteurs. C'est probablement une des raisons pour lesquelles un
légiment n'est jamais au complet ; on ne compte guère que troîs^
cents hommes par régiment. £n somme, l'armée mexicaine est tràa
peu nombreuse ; elle ne se compose que de septà huit mille hommes
ao plus. Mais si elle a peu de soldats, on ne compte pas moins de
Tingt mille offic ers sur les registres de l'état , tant en activité qu'en
retraite, et tout ce luxe d'étàt-major est alimenté par la< nation.
£n campagne, les armées belligérantes ne sont jamais nombreu-»
ses, car dès que le soldat sent la poudre, il jette ses armes et dé^
serte en bien plus grand nombre encore et avec bien plus de facir
lité qu'en temps de paix. Une réunion de quatre cents hommes en
armes forme une division. S'il y a deux mille combattons, c'est une
groMlewTiiée d'opératiqnn. Or, dans cette grande armée, il se trouve
toujours au moins un millier de femmes, car le Mexicain ne mardie
jamais sans être suivi de sa femme. Après trois ou quatre mofsd»
préparatifs, si la collision devient inévitable, la grande armée d'o-
pérations s*ébranle et marche à l'ennemi. Cet ennemi n'est autre
chose qu'une bande de révoltés, car, jusqu'à présent, les Mexicains
n*ont eu d'autres ennemis qu'euxnnèmes. Si le parti qu'oa va att^f
qoerest encore à une centane deiieues, on reste deux ou trois
Bois en marche , et quelle marche ! ou< plutôt quel désordre I Ënfia^
QDarrive en présence. Là, aucune disposition stratégîcpie, aucune de
de ces manœuvres que conseille la prlidenee el qiii> dénotent' l^babirr
lecé d'un chef. Du plus loia qu'on s'aperçoit, on se provoque de par
rolesvt d^injures. Vmgan^ cobarUex, aleahuetes, cIMûiûs ! Venes , crie-
t-OB-â Fennemi, venezy lâehes I Celui-ci répond sur le» Biteie ton, ^ si
hiea qu'avant de s'atlaquer les armes à b meki, les eombaltens
préludait par unexscène de. nos boutevarts en carnaval. A>larfin^
OBeedédde à^échanger «quelques cou^ defùsU, nuis ^>imet die*
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91 KEVUE DES DEUX MONDES.
tance qui permet de le faire impunément. Tels sont , pendant trois
<m quatre jours, les préliminaires de la bataille; car cest à qui
n'attaquera pas le premier. Les offlcîers, dont la modestie va jus-
qu'à se comparer à nos généraux les plus renommés, disent qu'en
cela ils suivent l'exemple de Napoléon, qui n'attaquait jamais le
premier! Pourtant, comme il faut en finir, on se détermine à en
venir sérieusement aux mains. Le jour fixé pour l'action, après
que chacun a pris son chocolat, on se présente au combat. L'af-
faire commence ordinairement par une canonnade; mais les bou-
lets sont presque tous perdus, les Mexicains n'ayant que de très
mauvais artilleurs. Au premier coup de canon, comme on voit
de part et d'autre qu'il s'agit de se battre pour tout de bon, on
est devenu plus poli ; on cesse de s'injurier ; on craint de mettre son
ennemi trop en colère. Si les coups de canon n'avancent pas h
besogne, on en vient à la fusillade. Dans tous les cas, l'action ne
dure pas long-temps, car aussitôt que l'un des partis voit tomber
sous ses yeux une trentaine des siens, il cède le terrain. Quand on
est repoussé, on ne cherche jamais à se rallier et à rétablir k
combat : on se sauve à toutes jambes ; les officiers donnent Texem-
ple, et comme ils sont à cheval, la fuite leur devient plus focOe.
Cest un désordre, un sauve q^n peut général. A la bataille duGai-
Unero, un officier-général des milices fit, en se sauvant, cinquante
lieues en un jour et une nuit. Il arriva tout hors d'haleine à h
ville qu'il habitait; mais la peur d'être atteint par l'ennemi avait
tellement fait perdre la tête au pauvre homme, qu'il traversa au
galop la rue où il demeurait, et s'en fut frapper à la porte d*ane
église, la prenant pour sa maison. Les soldats qui n'ont pas de
chevaux s'échappent comme ils peuvent, ou se laissent prendre.
L'ennemi ne manque jamais d'en massacrer un certain nombre,
bien que désarmés. Les officiers surtout montrent un acharnement
incroyable pour ces sortes d'assassinats, et frappent à grands
coups de lance ces malheureux prisonniers, se vengeant ainsi»
après le combat, de la peur qu'ils ont eue avant. C'est ainsi qu'à
la bataille du Gallin'ero el valiente coronel Durand massacra deux
cents prisonniers désarmés; c'est ainsi qu'on vit le général Toba
faire percer sous ses yeux à coups de baïonnette un pauvre ofB*
cier qu'on lui avait amené prisonnier. Ceux qui ne peuvent exercei
leur fureur sur des êtres vivans, prennent le barbare divertisse
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LB8 BiPUBLIQUBS MBXICAIRSS. 95
ment de plonger leur épée dans un cadavre, afin de la montrer
avec orgueO, d^oAtante de sang, et foire croire qu'ils ont bataillé
comme desHurat. Les exploits de ces braves guerriers ne se bor-
nent pas là. Après la victoire, on entre dans les vflles ou villages
ennemis, les officiers donnent Texemple du pillage, et Ton voit se
reprôdliire tous les excès qui ont lieu en pareilles circonstances.
Voilà , en réalité , la physionomie des armées mexicaines , et
le portrait Ëdèle des chefs qui là commandent. Mais il faut bien
se garder de ranger sur la même ligne les anciens officiers qui ont
fait la guerre de Tindépendance ; ces derniers ont rendu de grands
services à leur patr!e, ils ont combattu avec courage et long-temps
contre les Espagnols, ils ont véritablement conquis la liberté. D y a
eu parmi ces officiers des hommes d*un grand mérite;' maintenant
ils vivent retirés, gémissant en secret sur l'éUt dabjection où est
tombé leur malheureux pays. Autant on doit conserver d*estime
et de vénération pour ces vétérans de l'honneur et de la liberté,,
autant on doit avoir de pitié pour ces nouveaux parvenus, qui ne
doivent leurs grades et leurs dignités qu'aux désordres et aux ré-
Toimion» dont ils ont été les moteurs; fanfarons de bravoure, qui
n'ont jamais trempé leur épée que dans le sang de leurs concitoyens.
Cest dans cette dernière catégorie qu'il faut ranger le général
Santa-Arina, président actuel de la république. En Europe on parle
beaucoup de cet homme, on se plaît à voir en lui un héros, un nou-
veau Bolivar : on se trompe singulièrement sur son compte. Ce
n'est qu'après dix révolutions qu'il a pu arriver au rang suprême;*
et ces révolutions n*ont pas été le résultait de son patriotisme et de
son courage', mais le fruit de ses perfldes machinations. Comuie mi-
litaire, il n*a ni talens ni )>ravoure ; il a toujours été battu, à Chyaita,
par le général Rinçon; à Vera-Cruz, par Calderon; à Coralfabo, à
Puebla, 3 eût été exterminé, si l'ennemi q^i l'avait vaincu avait sm
profiter de la victoire; il n'a échappé à un désastre complet que jmt
TinhabOeté de ses adversaires. Nous disons qu'U n'est arrivé aa
rang suprême qu'à fDrce de susciter des troubles poétiques; en
eflet, c*est lui qui a, pour ainsi dire, mis à la mode ces intermina^
blés révdutions qui désolent son pays. La première qu*il excita fut
eofltre Iturbide, son bienfa teur, qui l'avait tiré de la foule. D
imitait lait un grand nom et la réputation d'un habile capitaine
par la prétendue défaite des Espagnols à Tampca; mais il est à:
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% B^VDfi ]»BS DEUX
krOOBiiat86&iite«^de tant le «londe q« il était lin»*fiiéiiie battu, e(h
yelo|^ de> toutes pans, et^ur le point de capîtiiler,. quand le gé- ^
serai Téran airiva -à ^son. secours. Cest alors seulement que 1
Barradas, qui avait ? la moitié de ses soldats malades, que la feid- j
]^te a^ait :pdvé de >ses vivres 'et de ses approvisionnemenis, ètq
qui de plus avait reçu de faux renseignemens, fut obligé decé^ :
der. Aussi ambitieux qu'incafMible, Santa- Anna a servi tous les 1
pairtis pour arriver à son^but. Les itberales Font feit président, mais '
eomante ils ne peuvent et ne veulent pas faire davantage, il s'est 1
donné aux aristocrates et aux moines, dans l'e^éranee que rux« ;
eihii décerneront le titre d'empereur. Naguère il défends t lali- \
berté, maintenant il se proclame le restaurateur de la religion, le ]
protecteur duvdergé^ Les libéraux rappelaient le Maismexie(i'ui,k
Mettaient au-dessus <k Washington , de Napoléon ! Ils faisaient de ^
hirles apologiea les phi9 exagérées et les plusridicules ; aujourd'hui
les; jésuites des Cordilières ne voienl^pliis en^lui qu*un nouveau Da- i
vîd, susoilé de Dieu pour la cottserv^siîon et le salut de la ville
saînte; cest un Gédéon, un Maochabée. Notre héros les croit
MH sur parole. En attendant qu'on lui élève un trône (et peut-être :
plus tard un>échafa«d l j, il s'enivre à longs traits de Tencens qu'on
hn prodigue, et reçoit d'un air bénin les flagorneries des moines,
des abbés et des abbesses. CelIcsK^i l'introduisent dans le barefli
dvâeîgneur, où il vamaytijferWeséoKéonsavecles Biles du sanctuaire.
& est devenu bigot, mais b'got de bonne foi. A une grande incapa>> \
dié militaire il joint la lâcheté personnelle; on l'a vu, pendant une j
bflFtaille, se coucher à plat ventrcf derrière un mur. La vie privéede j
FiHustre général n'est guère plus honoirable que sa vie poKtiqœ. \
Bnteit bâtard d'un Espagnol, iln'amense pasreçulamiiérableédt^ |
«aton qu*oadonne au Mexique à la (jentt tlécetUe; sa jeunesse, il Fa i
insdèechaBsdesmaisonsdedèbauchêetde jeu, oà il lui est souvent j
arrivÀdeWsinr josqa'à ses premiers vétemens. Très passionné poof i
bs fennws^t le jeu, et n'étant paer iche, il a eu recours bien des fois, j
]iour Caire face 4 des embarras pécuniaires, à certains expédiens i
qn, d«Bs une aalre nation, reassentfinfiMlliblenient envoyé sfr^ir i
mm les ^èretxdm rvu H fit deaxJau<x pour des sommes ^assez con^
sidéraUesi Ces. pet'tes espiègleries lui at^rèreni quelque» démêlé»
avec la justice; mais comme, aa Mexique, la justice est fort indul-
apMe,,cela A*eiit pas de suites Iftcfaeuses pour lui. T^ ont été ta
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LES?MM»IJQiK8 flEUCUKES. W
âiiiiits. Aii^éÉéialffuréBfdMit. VioàetdeiniiulBtiii pcarroot dfw-
Mr laaieflvrfrcie l^stime tftfi^a fivor son.béveicpM peraflnnai
Lorsqu'il assiégeait Mexico, il y a deoiL^aMy on>AB||ibJsideidK»^
lîiiciikmidési^ le voir ; Je i^éftéffal^le reçntisvr .uBA)ilBQii d^joàdton
dèooiivBât loiiie la. caf)îiade.^iiprès- qiiriqves';m«neii8idei oDorar-
ressenUe ici à Napoléon /an «Krenlàit j> lai dcmnda-^iliMïve^
BMi. il dkaît après lei G0rBbai< île iZacatéoas : <p On parieîfceftu-
coup ée la faataâfe (fléoa, mâs , etivéritéy^UeiaBfestpaEià^o»^
parer avec celle de Zacatécas. a Or, disosa uniBiat'de cette, bataille
de Zacatécas, ga^piée par k^nodenie lKapo&é«ii« Dertouft lea états
meiicaiasy rétat de Zacatéeasiétait leplss tranipBBe.Dfepatsikmgf
tempsUa^ait sa se; préserver. de8rr^(dBtiattSi|Bidéchiraat4e»paj8
voi8iiis.0eeiipé de rexpèoitatioR de 8ea']Biaes.féooaAes,il Aencnaail
dans un état /de prospérité «foi défte(à Sama-^Aima; il faUait^qu'il
Tint le bouleverser. Ceux de Zacatéeas vo«lureui repensser uflèiflH
Juste agresaiuu; Hisisilsiuren(tti:aina« Ban»ceCto.iftou»raMf journée^
«pie les Mexkaifist piaceet en prenère lifpnedaus leurs fastes uûB-
^res, tl périt environ ceuthonMtSy dont les denxtiersfuroit OMt*
uacrés, car Santa-ÀRttaiavaît dunaéordre qu'onfitmaÎB basse sur
lous les officiers. Tel est FhoRBBe! el naemro Nupoieime , ceMiBi
absent lea Jtfexicains. fin Ëttropieeifâvtaiorfa/ Sané*-:inmi,:e/'Macle
Mejictmt^jeiinvtoioéenw (épiilièlesipie les journaux mexicaMis oui
Répétées îusqu*à>saiiélé) ne^aerak pas loapaUe de cunamaadcrrdenx
cents bfiroaies î Qs'o«ii'x>«lDfe pas<^ue s îl est panneuuaux pvemiè*
Yes foncaicMis de la répuUifuey c'^sCique dans, ce pays olmcon peut
j arriver>purles moyens dont il s'est servi, iie»Yévolutioua, rtutr»*
^ue, la fourberie et la trahison. SantanAama passai àidoraiir les deux
^rsdeau vie. Jamais, dans, soaifilépjeiur, oaue Ta- vuiunl vre à
limaÎQ, jamaîs onnera'vu chorcber-à 8'in8lnuire«nqMiî>q^e:eu
Mi; ildk inodeatement qnei la; nature Fa «foiié:â*iDn:f;éDÎa letude
^itposiftioHS ao»|uels Fiétiide, lanatnietitm.et la;iestare.}ue'pouiu
%ent cioD ajouUr. Le pnscipal divertiasement de son exceBeacev
<e sont les oumbata dejcoqs ; JMais cumme il a Miwhitirff dm ref aavt
"de payer quand le œq qu'il fiaitioenubattreosÉnraNNUi^ tes>»feateuft
us se sunctent pas d entrer eu liée avec luL li'acvurioa est une^de
ais^ualkés, mais line aivarice poussée juspi^àlla^piusdégoàtlUM
lUoerie. Quaod il est àlable;aiveo;se8 ottcâers^il a défaut lut
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96 RETUB DES IIEIIX MORDES.
une bouteille de vin dont il se garde bien d*ofFrir à ses conyîyes,
qui sont ainsi réduits à boire de Veau; y est vrai que le vin se
vend une piastre la bouteille.
Par ce qu'on vient de lire, on peut se faire une idée exacte de
l'état actuel de la république; il nous reste à faire connaître la
position des étrangers au Mexique. Peuirétre qu*après avoir exposé
les choses telles qu'elles sont, et dit la vérité tout entière, nous se-
rons assez heureux.pour faire revenir à des idées plus saines ceax
qui seraient encore tentés d'aller chercher fortune dans les nou-
velles républiques du Sud.
Le Mexicain , en effet , est plus à craindre pour les étrangers que
le vomito qui dépeuple ses côtes et le nord de son golfe. La haine
de l'étranger est générale au Mexique, et cette haine est partagée
par toutes les classes,, de sorte que tous ceux que les drconstan-
ces ont déterminés à venir se fixer dans le pays, y sont à peu pris
traités comme l'étaient les juifs en Europe au moyen^àge : honnis,
insultés, persécutés, volés et assassinés, sans que cela tire à con-
séquence. S'ils se montrent dans les rues, le lépreux mexicam
leur Jette, des pierres, et fait retentir à leurs oreilles les cris de :
Dehon les étrùngerg! à mort les èrangers! Les gens appelés dicau
ne les lapident pas, mais ils excitent la canaille. Cette haine a
pour cause principale les préjugés religieux. Les Espagnols ont
fait croire autrefois aux Mexicains qu*eux seuls étaient chrétiens,
que .toutes les autres nations étaient hérétiques, et que par con-
séquent il fallait les détester et éviter tout contact avec^lles. Cette
croyance subsiste encore aujourd'hui dans toute sa force, et les
étrangers sont généralement regardés conune une race de Gains,
maudite et proscrite à jamais.
Un Mexicain disait un jour à un Français : a Vous autres étran-
gers, vous n'avez pour vous dans le pays que les femmes et les
chiens. » Sans doute, parce que les femmes trouvent les étrangers
un peu moins laids et moins disgracieux que leurs créoles basanés
et mal feits , et que les animaux s'aperçoivent que ceux-là les trai-
tent avec humanité. Les prêtres combattent autant qu'Qs peuvent
ce prétendu faible qu*ont les Qlles d*braël pour les Amalécites.
Malgré cette malédiction dont les étrangers sont l'objet, on ren-
contre déjà dans le pays bon nombre de jolis enfans aux yeux
bleus, aux blonds cheveux, dont la présence témoigne aseez que
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LES RÉPUBLIQUES MEXICAmES. 97
ranathëme fulminé contre la race étrangère n*a pas eu son plein
effet. Quoi qu'il en soit de cette préférence des dames mexicaines,
c'est une bi^n faible compensation pour les vexations et les dan-
gers réels auxquels sont exposés les étrangers qui habitent le pays.
La haine des Mexicains est telle qu'on est fondé à redouter un
jour chez eux des vêpres siciliennes. Quelques catastrophes ré-
centes prouvent que ces craintes ne sont pas chimériques. En 1833,
une famille française, établie dans une ferme auprès de Puebla,
fut massacrée tout entière, sans qu'elle eût donné aux habitans
le moindre sujet de plainte , le moindre motif de vengeance. Ce fut
un moine qui ameuta deux ou trois cents lépreux, les conduisit à
la ferme de ces malheureux Français, qui furent impitoyablement
poignardés au nombre de neuf. La maîtresse de la maison sur-
tout fiit traitée avec une barbarie digne de cannibales. Percée de
coups et respirant encore, elle fut attachée à la queue d'un che-
val et traînée au galop; son cadavre fut insulté et souillé par les
assassins. On égorgea jusqu'aux domestiques de la maison, qui
étaient Mexicains, les punissant ainsi d'avoir servi des juifs. A la
même époque à peu près, un Anglais, qu'on avait injustement
onprisonné, fut égorgé dans sa prison par un colonel mexicain,
et ce crime resta impuni. Tout récemment, aux environs d'Aca-
pulco, un officier souleva les habitans du pays contre les étran-
gers, et en massacra cinq, aussi impunément. Mais c'est surtout
à la prise de Zacatécas, par Santa- Anna , que la fureur des Mexi-
cains se montra dans toute sa lâcheté. L'exploitation des mines
avait attiré à Zacatécas un grand nombre d'Européens. Les nobles
soldats de l'illustre général entrèrent dans la ville et se répan-
dirent partout en criant : ilforf aux étrangers! Un Américain fut tué
dans sa maison, et toutes les personnes qui s'y trouvaient bles-
sées et plus ou moins maltraitées; une jeune Française, qui tomba
au mflieu de cette bande d'assassins, fut meurtrie de coups de
crosse, dépouillée de ses vétemens, et traînée dans les rues par
les cheveux, a Ouvrons-lui le ventre, disaient les forcenés, nous
y trouverons un petit juty que nous jetterons aux chiens.» Un Ita-
lien fut blessé et sa maison pillée; quatre Anglais furent éga-
lement blessés, ainsi que plusieurs dames anglaises. Et tous ces
excès demeurèrent impunis I pas un soldat ne fut châtié I Et com^-
l'eussent-ils été, quand les chefs eux-mêmes donnaient
TOME VII, 7
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98^ RKTUE DBS DEUX MOKMA»
Texeraple, et que le général provocpuiil à ces sang^bAtts ergiesf
car^ ayant su ({ue parmi les troupes q^ défeadaiefit Zacatécas il"
se trouvait quatre ou cinq officiers étraBgf»cs^ il arait donné Vor—
dre que Ton massacrât taus^les officiers prisonnierfi, aCn que.
ceuxrci ne pussent lui échapper. Cet ocdre barbare an^it animé se&r
sicaires contre le reste des étrang,ers^ qui, paisiUeraent établis,
dan» la viMe, n*avaient pris aucune paitt ^âj^x évènemens.
Àtt milieu de ces troubles populaijres cpii a^tent presque conti-
nuellement ce malheureux pays^ la vie des. Européens se trouve à
chaqjue instant compromise. Quand il& se rencontrent sur le thé&-
tr& de ces évènemens politiques^ il ne leur reste qu'i s'enfer-
mer chez eux, et tandis que la populace et une soldatesque effré-
née vocifèrent des menaces contre eux, munis de fusils^ de pis-
toleis, et bien approvisonnés de cartouches, ils attendent, dansdes
ang,oÎ6ses mortelles, déterminés à vendre le plus chèrement pos-
sible leurs biens et leur vie. Oui, les étrangers, sont ^dansée pays*»
sans défense et sans protection : les représentans de leurs goi&-
vernemens ne font absolument rien pour leur sùrelé. Quanii
un Européen a été pillé, volé ou assassiné , non par des voleurs
de grand chemin, m*ais par des colonels on des génémnx^ coaia^
à Ziicatécas, le ministre de la nation à laquelle il appartieat
se borne à fa<re, de la manière la plus polie, quelques représent»-
tions insignifiantes au président de la répuUique, et cette démar-
che reste presque toujours sans effet. Mais la faute n*6n est-ell0
pas à nos gouvernemens , qui enivoîent pcMir les représenter daotf
ce pays,, des hommes sans énergie, sans. dignité, des hommes d»
bureau qui ne voient dans leurs fonctions q^ les agrémena qu'elles
procurent et Vargent qu'elles rapportent? Et ce n'est plus aujouff*
d'hui seulement la populace mexicaine qui insulte et maltraite lef
étrangers : cette animosité est partagée par ceux44 rai^nie qui de*
vraient s'étudier à détruire les préjugés qu'on nourrit contre eux.
Quelle peut être leur sécurité,, quand les journaux du pay»et les
pièces officielles, que puUient les dépositaires de l'autorité , ne ces-
sent d'envenimer les mauvaises-passionsde la populace, en leur pro*
diguant la menace et rinjure? Pense-t-on quêteur amour-propre na>
tional n'ait pas à souffrir, lorsque dans ces assemblées qu'on appetts
pompeusement, au Mexique ^ soberano^ ccm^^r^ro^,. ils entendent «n
stupide vaquero se permettre d'insulter la vqa Enroftaï Un des frères
\
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LES RÉPUBLIQUES MEXICAINES. 99
tQmmpu du sénat de Mexico disait dernièrement : a Tandis que
^ la r(ja Europa , cadi.ca y flaquea coda (lia mas ! tandis que la mcîUe
ff Enr> pe tombe en éécrépili de ei maigrit chaque jour davanlage , Hos
t jeniies républiques croissent à Tombre de la liberté!... o Ne se-
rait-il pss temps de foire cesser toutes ces riéicules fanfaronnades?
Qoek égards doit-on à une nanion qui fait profession de mépriser
tODies les autres, de les vouer à Finsulie et au poignard? Croira-
t-on qa*après la bataWe <le Zacatécas, un général, dans Tivresse du
IrioiDpbe, disait à un étranger : tr Vous voyez à présentée que nous
lavoDs faire, et que nous ne craignons aucune nation du monde;
ROQs alkMs maintenant donner une bonne leçon à nos insoloas voi-
sins du norâ (les Américains), et ensuite à rorgueilleuse Angle-
terre.—Mais, reprit raut<re,ii'étes-TOus pas d*avisii*en faire autant
i l'égard de la Russie et de la France? — Peui-ôtre... un peu
fias tard; jusqo^à présent, nous^n'avons pas trop à nous plaindre
de 088 deux puissances! — - «Que ia France se rassure pourtant :
il faudrait que ei immnrial Santa-Anua passât les mers avec ses
lépreox mexicains, et la marina national de la jeune république
consiste en.... une goélette de six canons!!
La position des sujets européens au Mexique est plus précairo
encore depuis que le parti des moines a le dessus. On conçoit,
en effet, que les moines soient les plus grands ennemis des
étrangers, car ils savent qne par leur contact avec ceux-ci,
i^llei'caîns ne peuvent manquer de sortir de ^abrutissement
^^ ils les tiennent plongés; aussi ne •cesseat-tls de sotflever
contre eux la colère du peuple, qui, dans son aveuglement et ses
"ottes préventions, ne voit pas tout ce dont il est redevable aux
^ropèens. €e sont les droits perçus sur les importations ét^an-
C^squi alimentent et soutiennent stm igouvernement ; s'il s est
^troduit quelques améliorations^ de quelque genre que ce soit,
^iansses institutions, dans ses mœurs et jusque dans les commo-
<lil*s de la vie; s'il y a dans la capitale quelque mouvement, quel-
<pe commerce, quelque luxe, c'est aux étrangers qu'il le doit.
Si le riche a une habitation commode, dos meubles somptueux
6t de bon goût, s*il porte un habit de drap fln et d*une coupe
gracieuse, il doit en remercier l'industriel étranger qui est venu
de deux mille lieues lui révéler des jouissances qu'il ne connais-
sait pas. Si la piquante Mexicaine porte à ses jambes de riches
7.
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100 RRTUB DES DEUX MONDES. '
bas de soie, si ses jolis pieds sont enfermés dans une chanssu^
d*une forme élégante, elle doit une tendre reconnaissance à I'oki
yrier étranger. Si la mantiUa^ son Costume ordinaire, qui n*ét^
autrefois qu un froc de religieuse , est devenue aujourd'hui ukii
mise des plus élégantes, qui relève infiniment ses attraits naturels,
c*est parce qu'une modiste française est venue apporter dans sa
confection les améliorations du bon goAt, en y adaptant la ceuD-
ture, les voiles de dentelle, et toutes les coquetteries de la mode,
n n'est pas jusqu'au lépreux mexicain qui ne doive à Tindustrie
d'un étranger le poignard avec lequel il assassine. En un mot,
tout ce qui est objet d'art et d'industrie, dans les choses de luxe
comme dans celles de première nécessité, provient de l'étranger;
car, ainsi que nous l'avons dit, Tindustrie, au Mexique, est abso-
lument nulle. Si les mines de ce pays se sont rouvertes, et re-
commencent à répandre leurs trésors, c'est parce que des étran-
gers sont venus y dépenser des mBlions pour les remettre en
exploitation. Enfin, si le Mexicain veut faire quelques pas dans h
civilisation, et sortir de Tétat d'abjection où il est plongé, il ne le
peut qu'en appelant à son aide les lumières et les arts des nations
plus avancées. Ne devrait-il pas fiiire en sorte que l'Européen qni
vient apporter à son pays le tribut de ses talens et de son industrie,
au lieu d'entendre retentir autour de lui des cris de rage et de
mort, y reçût un accueil amical et bienveillant, et qu'il trourit
sûreté pour sa personne et sa prop iété? Le Mexicain comprend
parfaitement combien il est en arrière des autres iiations sous le
rapport de la civilisation, de Findustrie et des arts; il sent toat ce
qui lui manque, et quel besoin il a de l'étranger; mais sa haine est
plus forte que sa conviction. Le Mexicain semble avoir déclaré la
guerre à toutes les autres nations, il les abhorre toutes, et il neles
respectera jamas qu'auunt qu*il les craindra^
Un YOTAGBUR.
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ÉCRIVAINS CRITIQUES
ET MORALISTES
DE LA FRANCE.
IV.
ILÙ IBiaiDlIlIlIUË»
Vers 1687, année où parut le livre des Caractères, le siàde de
Louis XIV arrivait à ce qu*on peut appeler sa troisième période;
les grandes oeuvres qui avaient illustré son début et sa plus bril-
butte nx>itié étaient accomplies; les grands auteurs vivaient encore
la plapart, mais se reposaient. On peut distinguer, en effet, comme
trois parts dans cette littérature glorieuse. La première, à laquelle
Louis XIV ne fit que donner son nom et que prêter plus ou moins
sa foveur, lui vint toute formée de Tépoque précédente; j*y range
ks poètes et écrivains nés de 1620 à 1626, ou même avant 1630,
La Rochefoucauld, Pascal, Molière, La Fontaine, M"^de Sévigné.
La maturité de ces écrivains répond ou au commencement xm aux
pins belles années du règne auquel on les rapporte, mais elle se
PhnIvs^ en vertu d'une force et d*une nourriture antérieures.
Vue seconde génération très dtstincte et propre au règne même de
N. f ■'
I
Louis XIV est celle en tête de laquelle on voit Boîleau et Racine, '
et qui peut nommer encore Fléchier, Bourdaloue, etc., etc., tous
écrivains ou poètes, nés à dater de 1632, et qui débutèrent dans
le monde au plus tôt vers le temps du mariage du jeune roi. B)!-
Içau et Racine avaient à peu près terminé leur œuvre à cette date
de 1687; its étaient tout occupés de leurs fonctions d'historiogra-
phe. Heureusement, Racine allait être tiré de son silence de dix
années par M*"* de Maintenon. Bossuet régnait pleinement par son
gér|ie ^n<^ miEeu du grand rè^e , et sa vieillesse comnicnçaate en
devait long-temps encore soutenh' et rehausser la majesté. Cétait
donc un admirable moment que cette fin d*été radieuse, pour une
production nouvelle de mûrs et brillans esprits. La Bruyère et
Fénelon parurent et achevèrent, par des grâces imprévues, la
beauté d'un tableau qui se calmait sensiblement et auquel il de-
venait d'autant plus difficile de rien ajouter. L'air qui circulait
dans les esprits, si Ton peut ainsi dire, était alors d'une merveil-
leuse sérénité. La chaleur modérée de tant de nobles œuvres,
l'épuration continue qui s'en était suivie , la constance enfin des
astres et de la saison, avaient .amené l'atmosphère des esprits à un
état tellement limpide et lumineux, que, du prochain beau livre
qui saurait naître, pas un mot immanquablement ne serait perdu,
pas une pensée ne resterait dans Torabre, et que tout naîtrait dans
son vrai jour. Conjoncture unique I éclaircissement favorable en
môme temps que redoutable à toute pensée 1 car combien il faudra
fdefiôltieté et de justesse dans la nouveauté et la profondeur! La
Bruyère en CTÎonipha. Vers les mêmes années, ce qui devait nourrir
àaa naifisance et composer l'aimable génie de Fénelon était égato^
«leot disposé et comme pétri de toutes parts ; mais la fortune et le
caractère de La Bruyère ont quelque chose de plus singulier.
On ne «ait râa ou presque rien de la vie de La Br«yère , et cette
id)8«rité ajoute, comsieon l'a remarqué, à Tefifet de son livre, «t,
«Kpeut dipe, au bonliettr piqaattt de sa destinée. S^iln'yapasoie
$eiile ligne de soo livre unique qui« depuis le premier tnsUiitdeli
]iiiWicatîon, ne soât venue et restée en lunftière, il n'y a pas,«n re-
yaaohe, ua détail particulier de l'auteur qui soit bies connu. Taii
b rayoa da siècle «est tombé juste sur diaqiie p*s® du Hwre^ etk
lésage de riieiime qui le tenait %iwmÊ, à la vais s'est dérobé.
Jhaarfei^Bmyèf^élaiiné daMiiBi^itlaseiMNicfaei^^
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icRi TAINS GRmcpres xr mokaustbs français. MS
ttSI^dÎMiIlcs «n;cBl«UsdiMïat ks mtrtsetd'Olhrettopreiii^
qai le Eûi mMiir A diiqiiaiite-de«x fttts (169â). En adojpcant oM»
4ste de 1644, La Bmjère avnvt eu viii^ ans qoand pamt i4miro'>*
•Mf .3r ; aiosî tous les frwis sooœastfa de ees ricbes aMiées màrireat
potr loi et fmteÉA le mets de sa jeoneese; il essuyait» sans se hâter^
bdiaiear fiéofwde de ees s^leSs. Nul towrifeettl, nuHe ewie. Que
d'aanées d'étude on de loisir durant lesquelles il dut se borner k
lire avec dooceur et réfleiio», attaai a* foad des choses et aiten*
dMir n résulte d'uae netè écnAe^ers 1720, par le père Boa^fiel
^ parle père Le Loag , daas des mémoires particuliers qui se trou-
îaiemà la btfotiothèqae de VOratotre, que La Bruyère a été de cette
CMgrégatioii (1). Cela reut-îl dire qn'tt y fut simplement élevé otf
fii y fia engagé qurique tMaps? Sa première relation avec Bos<-
«et se rattaekepevt-étre à cette eireonstance. Quoi qu'il en soit, il
Tenait d'acheter une charge de trésorier de France à Gaen lors-
^ Bossuet, qu'il eonnaissait on ne sait d'oà, t'appela près de
M. le tec po«r lui enseigner rbistoire. La Bruyère passa le reste de
m jours à l h6tet de Cendé à Versailles , attaché au prince en q«a«
Itè dbemme de lettres avec mtBe écns de pension.
A'Olivet qui est malheurensement trc^ bref sur le célèbre aa-«
tcror, iMûs dont la parole a de l'ausovité, nous dit en des ternei
txceKens : «r On me l'a dépeint comme mi philosophe , qui ne soh^
« geait qa'Â vivre tranquille avec des amis et des Kvres, faisant un
t bon dmx des uns et des antres; ne cherchant ni ne fuyant le
t plaisir; toujoursdfsposé à une joie modeste, et ingénieux à la faire
«iiakre;poli dans ses manières et sage dans ses discours; crai^
« gnant toute sorte d'ambition, même celle de montrer de l'esprit. »
U témoignage de Tacadémicien se trouve eonGriné d'une mâmire
frappante par eelui de Saint-Simon qui insiste, avecTautorité d'un
^^min non suspect d'indulgence, précisément sur ces mêmes qea-^
liés de bon goût et de sagesse : cr Le public, dit-il, perdit bientM
«après (^696] un homme illustre par son esprit, par son style el
rpar ta connaissance des hommes ; je veux dire La Bruyère , qui
«noumt d*apoptexie à Versailles, après avoir surpassé Théo^
«phrasteen travaillant d'après lui et avoir peint les hommes de
r notre temps dans ses nouTeaux Cëraciires d*une manière in
#7 Histoire ManascrilB de l*Oratoir« , par Adry, avi ArehiTes chi EoyMiii^
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104 RBTUE DES DEUX MONDES.
tf table. C'était d*ailleiirs un fort honnête homme, de très bonne
a compagnie , simple , sans rien de pédant et fort désintéressé. Je
a Tavais assez connu pour le regretter et les ouvrages que soir
« âge et sa santé pouvaient faire espérer de lui. » Boileau se moi-
trait un peu plus difGcilc en fait de ton et de manière que le duc
de Saint-Simon, quand il écrivait à Racine, 19 mai 1687 : « Maximi-
a lien [pnurq'ioi ce sobriqiet de Marimilien'!) m*est venu voir à All-
er teuil et m*a lu quelque chose de son Théophraxte. Cest un fort
a honnête homme à qui il ne manquerait rien si la nature Tavaît fiut
a aussi agréable qu'il a envie de Têtre. Du reste, il a de Tesprit, da
a savoir et du mérite: » Nous reviendrons sur ce jugement de Boi-
leau : La Bruyère était déjà un peu à ses yeux un homme des gé-
nérations nouvelles, un de ceux en qui volontiers Ton trouve que
l*envie d*avoir de Tesprit après nous, et autrement que nous, est
plus grande qu*il ne faudrait.
Ce même Saint-Simon, qui regrettait La Bruyère, et qui avait plos
d'une fois causé avec lui, nous peint la maison de fiOndé et M.Je
Duc en particulier, l'élève du philosophe, en des traits qui réflé-
' chissent sur l'existence intérieure de celui-ci. A propos de la mort
de M. le Duc, 1710 , il nous dit avec ce feu qui mêle tout, et qui fut
tout voir à la fois : a H était d'un jaune livide, l'air presque toa-
a jours furieux, mais en tout temps si fier, si audacieux, quoD
• <r avait peine à s'accoutumer à lui. Il avait de l'esprit, de la lecture,
«r des restes d'une excellente éducation (je le crois bim)^ de la poli-
« tesse et des grâces même quand il voulait, mais il voulait très
cr rarement.... Sa férocité était extrême, et se montrait en tout.
« C'était une meule toujours en l'air, qui faisait fuir devant elle, et
« dont ses amis n'étaient jamais en sûreté, tantôt par des insultes
a extrêmes, tantôt par des plaisanteries cruelles en face, etc. » A
l'année 1697, il raconte comment, tenant les états de Bourgogne i
Dijon à la place de M. le Prince son père, M. le Duc y donna oft
grand exemple de l'amitié des princes et une bonne leçon à ceax
qui la recherchent. Ayant un soir, en effet, poussé Santeuil de vin de
Champagne, il trouva plaisant de verser sa tabatière de tabac d'Es-
pagne dans un grand verre de vin et le lui offrit à boire; le pauvre
Thèudas si naïf, si ingénu, si bon convive et plein de verve et de
bons mots, mourut dans d'affreux vomissemens. Tel était le petit-
fils du grand Condé et l'élève de La Bruyère. Déjà le poète Sarra-
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ÉCRIVAINS CRITIQUES ET MORALISTES FRANÇAIS. 105
an était mort autrefois sous le bâton d^un Conti dont il était secré-
taire. A la manière énergique dont Saint-Simon nous parle de cette
race des Condés, on voit comment par degrés en elle le héros en
viendra à n*étre plus que quelque chose tenant du chasseur ou du
sanglier. Du temps de La Bruyère, l'esprit y conservait une grande
part; car, comme dit encore Saint-Simon de Santeuil, cr M. le
c Prince Tavait presque toujours à Chantilly quand il y allait; M. le
t Duc le mettait de toutes ses parties; c'était de toute la maison de
«Condé à qui Taimait le mieux, études assauts continuels avec lui
t de pièces d*esprit en prose et en vers, et de toutes sortes d*amu-
«semens, de badinages et de plaisanteries, d La Bruyère dut tirer
on fruit inappréciable, comme observateur, d'être initié de près à
cette famille si remarquable alors par ce mélange d'heureux dons,
d'urbanité brillante, de férocité et de débauche. Toutes ses remar-
ques sur les héros et les en fans des dieux naissent de là; il y a tou-
jours dissimulé l'amertume : or Les Enfans des Dieux, pour ainsi
t dire, se tirent des règles de la nature et en sont comme l'excep-
« tion. Us n'attendent presque rien du temps et des années. Le
« mérite chez eux devance Tàge. Ds naissent instruits, et ils sont
tr plus tôt dés hommes parfaits que le commun des hommes ne sort
« de l'enfance, d Au chapitre des Grands il s'est échappé à dire ce
c|u'il avait du penser si souvent : a L'avantage des Grands sur les
« autres hommes, est immense par un endroit : je leur cède leur
« bonne chère, leurs riches ameublemens, leurs chiens, leurs che-
« vaux, leurs singes, leurs nains, leurs fous et leurs flatteurs;
« mais je leur envie le bonheur d'avoir à leur service. des gens qui
« les^égalent par le cœur et par l'esprit, et qui les passent quelque-
« fois. JD Les réflexions inévitables, que le scandale des mœurs prin-«
Qères lui inspirait, n'étaient pas perdues, on peut le croire, et
^assortaient moyennant détour : a M y a des misères sur la terre
t qui saisissent le cœur : il manque à quelques-uns jusqu'aux ali-
«mens; ils redoutent l'hiver; ils appréhendent de vivre. L'on
« mange ailleurs des fruits précoces; l'on force la terre et les sai-
« sons, pour fjurnir à sa délicatesse. De simples bourgeois, seule-
« ment à cause qu'ils étaient riches, ont eu l'audace d'avaler en un
tseul morceau la nourriture de cent familles. Tienne qui pourra
« contre de si grandes extrémités, je me jette et me réfugie dansr
I la médiocrité, d Les simples bourgeois Viennent Ik bien à propos
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1Q6 mETis DBS m:m
^f<fy<»AasBertert|igo€he,nMtt»janarépo>di^p
■A fui éerifte «a mît ta reotraal d'iui 4e ces soupers de 4eiM-
éàamaL, où If* k Duc fWKiMni tf « tkMmfoyme SsatenA.
Li Bruyère, qui «inak h lecture des aadeiis, eut ua jotr
ridée de traduire Théophiaste, et il pensa i çKsser à h saite ctà
iafâveur de sa traduction <pieiq«e»-«ttes de ses propres réflexÎMs
sur les msrars nederues. Celle traduction r'eTlié phraste n^était-
elle peur hii <<pi*un prétexte ou fut-elle vraiaiefit Toccasion d^ier-
saiaante et le preuii^ dessein principalt On pencherait plutôt pôtr
eetie suppositkMi moindre, eu royant la fome de réditioa Aus
faupirile parurent d*abord les Caractères, et combien Tbéophrasie
y occupe «w f/rêmie place. La Bruyère était très pénétré de cette
idée^ par laqueUe il ouvre son premier cfaaptre, que tmaestétH
tftti^VimvkmltPopHrd^irhMphtëéeiiepimUkaw
et fut pcRsea/. 11 se déclare de Tavis que nous avons vu de uds
jours partagé par Courier, lire et reUre sans cesse les aoriens,
les traduire si Ten peut, et les iniser quelquefois : « On «e saurat
a en écri^rant rencantrer le pariait, et , s il se peut, surpasser les
« anciens, que pur leur imitation. >> Aux anciens, La Bruyère
afOttSs ies habiies d'aOre ieg mtÊdariteM comme ayant enlevé à leurs
successeurs tardîfe le raettteur et le phis beau. C*est dans cette
disposition qu*il commence à glaner ^ et diaqne épi, chaque grain
qu*il croit digne, il le ran^ devant nous. La pensée du diflfidte,
eu nàr et dn parfait Tocenpe visiblement, et atteste avec graviié,
dans chacune de ses paroles, rbeure solennelle du siècle où il
. cent. Ce n*était plus llieure des coups dressai. Presque tons ceax
spn avaiem porté les grands^ coups vivaient. MoKère élsât moit;
kms-tomps après Pascal, La Rochefoucauld avait disparu; mais
tous les autves restaient là rangés. Quels noms! quel auditeire
Auguste, consomaié, déjà un peu sombre de front, et un peu d-
Jendeux! Dana son discours à l'Académie, La Bruyère hn-m^ne
les a énumérés en lace; il les avait passés en revue dans ses veilles
bien des fais auparavasL Et ces Grands, rapides connaisseurs é»
Tetq^itl et ChantiHy, èouM dm marnais mvrage<i! et ce Itoi, rdiri
dans sou balustre, qni les domine teusl quels juges, pour q», sir
la fin du grand tournoi, s^en viem aussi demander la ^ire! Li
Bruyère a tout prévu, et il ose. I! sait la mestn^ qu'il Cane tenir et
te peînf eà û but finpfier. Modeste et sAr, a savwœ^ {m un i^
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éCRIVAIIfS ORtKtVBS BfT VORAlrSTËS FRANÇAIS. iW
fort en rainl pas on mot d& peHtiI dn premier eèifp; MbplaMi^
<pii ne le cède à aucune autre est gagnée. Ceux qftii, par une* cefT-'
uine disposition trop rare de l'esprit et du ccpur, «ouf en èmi,
comme iF dît, de se livrer au plaitir qtte donne Ih perfeeiim dun ôa^
vrage, ceux-là éprouvent une émotion, d'eux seuls concevable, éll^
ouvrant la petite édition m-12, d'un seul vofume, année 1686, db
trois cent soixante pages en fort gros caractères, desquelles Théo-»
phraste, arec le discours préliminaire, occupe cent (fuarante^eu^,
et en songeant que, sauf les perfectionnemens réels et nombreux
que reçurent les éditions suivantes, tout La Bruyère est déjà là.
Plus tard, à partir de la troisième édition, La Bruyère ajouta
successivement et beaucoup à chacun de ses seize cftapitres. Dw
pensées qu'il avait peut-être gardées en portefeuille dans sst pre-
mière circonspection, des ridicules cpie son livre même fit lever
devant lui, des originaux qui d'eux-mêmes se livrèrent, enrirfrireni
et accomplirent de mille façons le chef-d'œuvre. La première éd!^
tion renferme surtout incomparablement moins de portraits cpw
les suivantes. L'excitation et l'irritation de la publicité les fit naître*
sous ta plume de l'auteur, qui avait principalement songé d'abord^
à des réflexions et remarques morales, s*appuyant même à ce sujcft
du titre de Proverbe» donné au livre de Salomon. Les' Caractères
ont singulièrement gagné aux additions : mais on Voit mieux qud
fut le dessein naturel, l'origine simple du livre et, si j'ose dîrer,
son accident heureux, dans cette première et plus courte forme.
En le faisant naitre en 1644, La Bruyère avait quarante-troiis
ans en 8*7. Ses habitudes étaient prises, sa vie réglée; il n^y cfiail^'
gea rien. La gloire soudaine qui hii vint né l'éblouitpas; il yava^t
songé de longue main , l'avait retournée en tous sens , et savait fbtt
bien qu il aurait pu ne point l'avoir et ne pas valoir moins pour
cela. D avait dit dès sa première édition : a Combien d'homme»ad^
<r mirables et qui avaient de très beaux génies sont morts satm
d qu'on en ait parlé! Combien vivent encore dont on ne parlé peint
a et dont on ne parlera jamais ! » Loué, attaqué, recherché, îî se
trouva seulement peut-être un peu moins heureux après qu'avant
son succès, et regretta sans doute à certains jours d'avoir livré au
public une si grande part de son secret. Les imitateurs qui lui sur-
yim^iit de tous côtés, les abbés de Vîllîers, les abbés de Mlé^
garde (en attendant les Brillon, Alléaume et autres, qu'il ne Connut
h
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166 REVUE DBS DEUX MONDES.
pas et que les Hollandais ne surent jamais bien distinguer de lui),
ces auteurs nés copiâtes qui s'attachent à tout succès comme les
mouches aux mets délicats , ces Trubiets d*alorSy durent par mo-
mens lui causer de Timpatience : on a cru que son conseil à un
auteur né copiste (chap. de^ Ouvrages de CEsprii)^ qui ne se trouTaft
pas dans les premières éditions, s'adressait à cet honnête abbé de
Yilliers. Reçu à TAcadémie le 15 juin 1693, époque oii il y avait
déjà eu en France sept éditions des Caractères, La Bruyère mourut
subitement d'apoplexie en 1696 et disparut ainsi en pleine gloire,
avant que les biographes et commentateurs eussent avisé encore
à rapprocher, à le saisir dans sa condition modeste et à noter ses
réponses. On lit dans la note manuscrite de la bibliothèque de l'Ora-
toire , citée par Adry , a que M"* la marquise de Belleforière, de qui
« il était fort l'ami, pourrait donner quelques mémoires sur sa vie
a et son caractère, d Cette M""* de Belleforière n'a rien dit et n'a
probablement pas été interrogée. Vieille en 1720, date de la note
manuscrite, était elle une de ces personnes dont La Bruyère, an
chapitre du Cœur, devait avoir Tidée présente quand il disait : « D y
a a quelquefois dans le cours de la vie de si chers plaisirs et de si
cr tendres engagemens que l'on nous défend, qu'il est naturel de
ii désirer du moins qu'ils fussent permis : de si grands charmes ne
« peuvent être surpassés que par celui de savoir y renoncer par
« vertu. » Était-elle celle^à même qui lui faisait penser ce mot d'une
délicatesse qui va à la grandeur? a L'on peut être touché de cer-
« taines beautés si parfaites et d'un mérite si éclatant, que l'on se
<c borne à les voir et à leur parler (1). »
n y a moyen, avec un peu de complaisance, de reconstruire et de
rêver plus d'une sorte de vie cachée pour La Bruyère, d'après
quelques-unes de ses pensées qui recèlent toute une destinée et,.
comme il semble, tout un roman enseveli. A la manière dont il parle
de l'amitié, de ce goût qu'elle a et auquel ne peuvent a:teitulre ceux
qui sont nés médincres, on croirait qu'il a renoncé pour elle à
l'amour; et à la façon dont il pose certaines questions ravissantes,
on jurerait qu il a eu assez Vexpérience d'un grand amour pour
devoir négliger l'amitié. Cette diversité de pensées accomplies, des-
.(1) CeUe dame éUit, selon toute yraisemblaQcc» Justine-Hélène de Bénin, flile du tei-
goeur de Querevain, mariée à Ferdinand, seigneur de Belleforière. (Voir lloi«ri.)
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ÉCRITAINS CRITIQUES ET MORALISTES FRANÇAIS. 109
queQes on pourrait tirer tour à tour plusieurs manières d*exis-
tencecharmantesou profondes, et qu*une seule personne n*a pu di-
rectement former de sa seule et propre expérience, s'explique d'un
mot : MoUère, sans être Alceste, ni Philinte, ni Orgon, ni Argan,
est successivement tout cela; La Bruyère, dans le cercle du mora-
liste, a ce don assez pareil, d*étre successivement chaque cœur; il
est du petit nombre de ces hommes qui ont tout su.
- Molière, à l'étudier de près, ne fait pas ce qu'il prêche. H repré-
sente lesinconvéniens, les passions, les rid'cules, et dans sa vie il
y tombe; La Bruyère jamais. Les petites inconséquences du Tar-^
tuffe^ il les a saisies, et son Onnplire est irréprochable : de même
pour sa conduite, il pense à tout et se conforme à ses maximes, à
son expérience. Molière est poète, entraîné, ir régulier, mélange de
oaïveté et de feu, et plus grand, plus aimable peut-être par ses
contradictions mêmes ; La Bruyère est sage. Il ne se maria jamais :
« Un homme libre, avait-il observé, et qui n'a p .int de femme, s'il
c a quelque esprit, peut s'élever au-dessus de sa fortune, se mêler
a dans le monde et aller de pair avec les plus honnêtes gens. Cela
« est moins facile à celui qui est engagé; il semble que le mariage
(( mot tout le monde dans son ordre. » Ceux à qui ce calcul de célibat
déplairait pour La Bruyère, peuvent supposer qu'il aima en lieu
impossible et qu'il resta fidèle à un souvenir dans le renoncement.
On a remarqué souvent combien la beauté humaine.de son cœur
se déclare énergiquement à travers la science inexorable de son
esprit : « Il faut des saisies de terre, des enlèvemens de meubles,
« des prisons et des supplices, je Vavoue; mais justice, lois et be-
0 soins à part, ce m'est une chose toujours nouvelle de contempler
0 avec quelle férocité les hommes traitent les autres hommes. »
Que de réformes, poursuivies depuis lors et non encore menées à
fin, contient cette parole I le cœur d'un Fénelon y palpite sous un
accent plus contenu. La Bruyère s'étonne, comme d*une chose
tottjohrs nouvelle, de ce que M""* de Sévigné trouvait tout simple,
ou seulement un peu drôle : le XYiii*" siècle, qui s'étonnera de tant
de dioses, s*avance. Je ne fais que rappeler la page sublime sur
les paysans : a Certains animaux farouches, etc. (chap. de V Homme), jd
On s'est accordé à reconnaître La Bruyère dans le portrait du
philosophe qui, assis dans son cabinet et toujours accessiblq
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H(^ RETUK DES DEUX MONDES^
malgré ses étades profondes, Toas ii% d'entrer, et que voos loi
apportez cpielqne chose de plus précieux que for et Targent^ it
c'est une eectu'n n de tfOH$*thlîyer.
B; étai« leligievx, et d'un spiritualisme fermement raisonné,^
comme^n fait foi son chapitre des EsprUi fort*^ qui, venu le der-
nier, répond tout ensemble à une beauté secrète de composition,
à une précaution ménagée d* avance contre des attaques qui n'ont
pas manqué, et à une conviction profonde. La diafectique de ce cha-
pitre est forte et sincère; mais Taoteur en avait besoin pour racheter
plus dTtin mot qui dénote le philosophe aisément dégagé du temps
où il vit, pour appuyer surtout et couvrir ses attaques contre la
fausse dérodon alors régnante. La Bruyère n*a pas déserté sur
ce point Théritage de Hilolière : il a continué cette guerre coura-
' geuse sur une scène bien plus resserrée (l'autre scène, d'ailleurs,
B*eût phis été permise), mais avec des armes non moins vengeres-
ses, n d fait plus que de montrer au doigt le courtisan, qui autre-
fo'is jiorfail nés cher eux, en perruque désormais, 1 habit serré et le
bas uni, parce qu'il est dévot; il a fait plus que de dénoiM^er à
Tavance les représailles impies de la régence, par le trait ineffo-
çable : fJn dévot est celai q ù sou* un rvi athée serait aUiée; il a
»lre$sé à Louis XIV m^me ce conseil direct , à peine voilé en éloge :
« Cest une chose délicate à un prince religieux de réformer la
«r cour et la rendre pieuse : instruit jusques oà le courtisan veut
« lui plaire et aux dépens de quoi il ferait sa fortune, il le ménage
c avec prudence; il tolère, il dissimule, de peur de le jeter dans
<r l^ypocrisie ou le saerilége; il attend plus de Dieu et du temps
« que de son zèle et de son ti»dustrie. »
Malgré ses dialogues sur le cpiiétisme, malgré quelques mots
qu'on regrette de lire s«r la révocation de Tédit de Nantes, et quel-
que endroit fe^vorable i la magie, je serais tenté plutôt de soupçon-
ner La Bruyère de Bberté d*esprit que du contraire. Ai chré ken et
Françaisy ilselrouva plus d'une fois, comme il dit, contraint dan*
la satire, car sll songeait surtout à Boileau en parlant ainsi, il de-
vait par contre-eoup songer un peu à lui-mâme, et à ces grande sw
jets qui lui éta'ent défendus, il les sonde d*un mot, mais il feal
qu'aussitôt il s* en retire. D est de ces esprits qui auraient eu peu à
faire { s'ils ne l'ont pas fait ) pour sortir sans effort et sans étonne-»
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ÉCRIVAINS 'CmriQCISS ET MORALISTES FRANÇAIS. 111
i 4% lootes 1b5 drcfmsftances accnfentdles qni restreignent la
ive. Cest bien noms (f après uA ontdfBort détaché, qne d'après
llttbilBde entière <lesiMi joçeaienft quH se laisse voir ainsi.
On tJMt lire snr La Bmyère trois morceanx essentiels, dont ce
fK je 4m idn'a nuHenient ta prétention de dispenser. Le premier
iioroea««e date es^ •cehn de Tabbé d'Olîvet dans son ffîstoire de
fÀcadémk. On y voit trace d'une manière de juger littérairement
rîBB9lre anlevr, qoi devait être partagée de phis d*nn esprit clos--
siqf€ à la fin dfi xvM'et aut^ommencement dn HYnf siècle : c'est le
dérdoppemeiHet, selon moi , Fédaircissement dn mot un peu obs-
CBT de Bo3eaa à Racine. D'Oli?et troove à La Bruyère trop d'art,
trop ifciprîf , quelque abus de métaphores : a Quant au style préci-
« sèment, M. de La Bruyère ne doit pas être lu sans déGance , parce
« qa*3 a donné, mais pourtant avec une modération , qui, de nos
« joars, tiendrait lieu de mérite, dans ce style affecté, guindé, entor*
« taié, etc. » Nicole, dont La Bruyère a dit en un endroit qu'il ne pen-
mt pm «»*e5, devait trouver, en revanche, que le nouveau mora-
Usle pensait trop, et se piquait trop vivement de raffiner la tâche.
Nous rerîendr^tts sur cela tout à Theure. On regrette qu'à côté de
ces jugemens, qui, partant d'un homme de goût et d'autorité, ont
leur prix, dXÏHvet n^ah pas procuré plus de détails^ au moins aca-
démiques, sur La Bruyère. La réception de La Bruyère à l'Acadé-
mie donna Ken à des quereBes, •dont lui-même nous a entretenus
émts la préface de son discours et qui laissent à désirer quelques
expifcatioaiis. Si heureux d'emblée qu'eût été La Bruyère , il lui fal-
lut, on Je voit , soutenir salutte à son tour comme Corneille, comme
Itolière en leur temps, comme tous les vrais grands. ïl est obligé
cTaHéguer «on chapitre des Esprits f.rtsei de supposer à l'ordre de
ses matières un dessein religieux un peu subtil, pour mettre à cou-
vert sa foi. H est obKgé de mer la réalité de ses portraits, de re-
jeter au visage des fabricateurs ces insi lentes clés comme il le^
nppcffie : Maniai avait déjà dit excellemment : Improùè fatv qui
in aftenn îibro ingenio^us est, — « En vérité, je ne doute point, s'écrie
«La Bruyère avec un accent d'orgueil auquel l'outrage a forcé sa
«r modestie, que le pubKc ne sort «nfin étourdi et fatigué d'entendre
•r depuis quelques années de vieux co rbeaux croasser autou r de ceux
9 qui, d'un vol Hbre et d* une plume légère, se sont élevés à quçl-
cr que gloire par teurs écrits. »<}uei est ce corbeau qui croassa, ce
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112 REVUS DBS DEUX MONDES.
Thé'baMe qui bâilla si fort et si haut à la harangue de La Bruyère,
et qui avec quelques académiciens , faux confrères, ameuta les co-
teries et le Mercure Galaiii^ lequel se vengeait (c*est tout simple)
d'avoir été mis immédiatement au-dessous de rien? Benserade, à
qui le signalement de Théobalde sied assez, était mort ; était-ce Bour-
sault qui, sans appartenir à T Académie, avait pu se coaliser avec
quelques-uns du dedans? Était-ce le vieux Boyer ou quelque autre
de même force? D*01ivet montre trop de discrétion là-dessus. Les
deux autres morceaux essentiels à lire sur La Bruyère sont une
notice exquise de Suard écrite en 1782, et un Éloge approfondi par
Yictorin Fabre [1810] . On apprend d'un morceau qui se trouve dans
t Esprit des Journaux (février 1782), et où Fauteur anonyme apprécie
fort délicatement lui-même la notice de Suard, que La Bruyère,
déjà moins lu et moins recherc .é au dire de D^Olivet, n'avait pas
été complètement mis à sa place par le xviii*' siècle : Voltaire ea
avait parlé légèrement dans le Siècle de Louin XIV: <r Le marquis de
a Vauvenargues, dit Tauteur anonyme (qui serait digne d'être Fon-
<r tanes ou Garât) , est presque le seul de tous ceux qui ont parlé de
<r La Bruyère qui ait bien senti ce talent vraiment grand et original,
(c Mais Vauvenargues lui-même n'a pas l'estime et l'autorité qui de-
a vraient appartenir à un écrivain qui participe à la fois de la sage
<r étendue d'esprit de Locke, de la pensée originale de Montesquieu,
Q de la verve de style de Pascal, mêlée au goût de la prose de Vol-
er taire ; il n'a pu faire ni la réputation de La Bruyère, ni la sienne, b
Cinquante ans de plus, en achevant de consacrer La Bruyère conuDe
génie, ont donné à Vauvenargues lui-même le vernis des maîtres.
La Bruyère, que le xviii' siècle était ainsi lent à apprécier, avait
avec ce siècle plus dun point de ressemblance qu'il faut suivre de
plus près encore.
Dans ces diverses études charmantes ou fortes sur La Bruyère ,
comme celles de Suard et de Fabre, au milieu de mille sortes d'in-
génieux éloges, un mot est lâché qui étonne, appliqué à un aussi
grand écrivain du wii*" siècle. Suard dit en propres termes que
La Bruyère avait plus d'imagination que de goût. Fabre, après une
analyse complète de ses mérites, conclut à le placer dans le si petit
nombre des parfaits modèles de l'art d'écrire, s'il montrait toujours
autant de g^jût qu'il prodigue d'esprit et de talent. Cesi la première
fois qu à propos d'un des maîtres du grand siècle on entend toucher
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iCRIYAIlfS CRITIQUES ET MORALIStTES FRANÇAIS. 113
cctttè corde délicate, et ceci^tient à ce que La Brayère, venu tard
et innovant véritablement dans le style» penche déjà vers Vàge sui-
vant, n nous a tracé une courte histoire de la prose française en ces
termes : « L*on écrit régulièrement depuis vingt années; Ton
€ est esclave de la construction; Ton a enrichi la langue de nouveaux
« tours, secoué le joug du latinisme,. et réduit le style à la phrase
« purement française ; Ton a presque retrouvé le nombre que Mal-
- « herbe et Balzacavaient les premiers rencontré, et que tant d'auteurs
ff depuis eux ont laissé perdre; Ton a mis enfin dans le discours tout
« Tordre et toute là netteté dont il est capable : cela conduit insen-
V sib!ement à y mettre de 1 esprit, o Cet esprit, que La Bruyère ne
trouvait pas assez avant lui dans le style, dont Bussy, Fléchier»
Bouhours, lui offraient bien des exemples, mais sans assez de con-
tinuité, de consistance ou d*originalité, il Ty voulut donc introduire.
Après Pascal et La Rochefoucauld, il s'agissait pour lui d'avoir une
grande, une délicate manière, et de ne pas leur ressembler. Boi-
léau, comme moraliste et comme critique, avait exprimé bien des
vérités en vers avec une certaine perfection. La Bruyère voulut
faire dans la prose quelque chose d'analogue, et, comme il se le
disait peut-être tout bas, quelque chose de mieux et de plus fin. Il
y a nombre de pensées droites, justes, proverbiales, mais trop
aisément communes, dans Boileau, que La Bruyère n'écrirait jamais
et n'admettrait pas dans son élite. 11 devait tr uver au fond de son
ame que c'était un peu trop de pur bon sens, et, sauf le vers qui
rdève, aussi peu rare que bien des lignes de Nicole. Chez lui tout
devient plus détourné et plus neuf; c'est un repli de plus qu'il pé-
nètre. Par exemple, au lieu de ce genre de sentences familières
à l'auteur de Y An puéiique :
Ce que Ton conçoit bien s*éoonce clairement, etc., etc. ,
il nous dit, dans cet admirable chapitre des Ouvrages de l'Esprit^
qui est son mt poétique à lui et sa rhéu.riqie : a Entre toutes les dififé-
<r rentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées,
ff il n'y en a qu'une qui soit la bonne : on ne la rencontre pas tou-
cr jours en parlant ou en écrivant; il est vrai néanmoins qu'elle
<r existe, que tout ce qui ne l'est point est faible et ne satisfait point
TOME VII. 8
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! M4 M^WO^ BES BEOX iMMi#es.
« «B homiM d^eiprit qui Teut «e £sÂre entendre. ^ te
bien h aa^riié mwwsm , m gaàkmmit eBoore, d«
ettchérk pewUBl flor kl cftÎMa «aÎM du preoHer. A Tapi^
«pinte, ^i a'«st pas récenle, «AT fe €ar«clèr« de sovalear
cbec La Bruyère, je pMrrais £ûre «sage «la jugement de Vlpranl-
MarvîHeeide la qincdie <qu'îl aontîm avecC^ste «i Brelan è eera-
jp3t;»aisleeeatMiieBtde«Q8 hoMnesen malâère de sl^lese signi-
fiai nea^ jenVanlîensâ la pbmae préoédewnMoi citée de d'OKfet.
I0 gaAi ohaiigeaât donc, et La Brnyèi^ y Aidai insemibiemmu 0
4lak bîeatââ teoi^itneie .siàcle êtài^ la pensée de dire aatMoeat,
de varier et de raîeuair la f jraie, a pu naltf« dans on ^aod
«0piit; eUe deviendra bientôt cbea d'autfes un tourment plein de
naiUiea et d'étinoellea. Les Leureu PetêÊmne^ ai bien acnonoéeiet
pnéiMurées^ar La Bruyère, ne tarderont pas i marquer la aeoende
époque. La Bruyère n*a nul tourment tenoare et a'édnte pat, anis
jle^déiàen^uéted'ua jurement neuf et du trait. Sur œ point
fl oanfiae nu xviu* siècle phas qu'aucun c^rand écrivain de sonife;
Vauvenargnest à quelques égaids, est plusdn xvii^'sîèoleque kii.
liais UM^*. La Bruyère en est encore (Aeinement, de son sièofein-
oon^Mniable, en ce ^*au «ilteu de tout oe travaii oomeon de nou-
veauté et de n^îeunîssement» il oe nsanque jama's, au fiand, d'un
certain go4t simiile.
Quoîqne ce soit ThauMne ei la société qu^il exprime surtont, le
(pittoresque, chez La Bruyère, VappUfue dqà aux «boaes de k aa-
aure plus qu*îl n-étaà orëktaire de aen temps. Comme il nonsdes-
aoK dans un jour favorable la petite ville «qui lui parak pLÎme nr U
pmcksatt ik La eellime ! Coaune îl nous montre graciecsemeot, dans
sa comparaison du prince et du pasteur, le troupeau, répandu par
la prairie, qui broute Therbe menue et lendre! Mais il n'appartient
qu'à lui d'avoir eu 1 idée d'insérer au chapitre du C(eur les deux
pensées que voici : a D y a des lieux que l'on admire; il y en a
«d'autres qui touchent et où Ton aimerait à vivre, j) — aDme
«r semble que l'on dépend des lieux pour l'esprit, rhuneur, la pas-
« sien, le goût et les sentimens. » lean-lacqnes et Bernardin de
Saint-Pierre, avec leur anKHir des Keux, se chargeronrde défe-
lopper un jo>ur tout^ les imanoes, closes et semmeiflames, pour
ainsi dire, dnns ce propos discret et charmant. Lamartine ne fera
4|ne tradmrepoétiquement le mot de La Bruyère, quandil s^écriera :
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ÉCRIVAINS aunoBC» ta uaskAUSTËA français. #19
Objets iDanlmés, ûvéz^r^m donc une ame
Qnï s*auacbe à noire ame et la focctt d'ainert
La Bruyère est plein de ces germes brinans»
B a déjà Fart (bien supérieur à celui des f rampons qu^exigeail
trop directement Boîleau), de composer un Kvre> srda «i avoir
Fair, par une sorte de Ken caché, mais qui reparratl, d^endroitr^a
eadroita, inattendu. Ou crcritau premier conpd*œil n'avoir affaire
qu*à des fragmens rangés les uns après les autres» el l'on mardie
dans un savant dédale ob le 61 ne cesse pas. Chaque pensé^'se
corrige, se développe, s'éclaire, par les environnantes. Puia l^hi^
prévu s'en mêle à tout moment, et dans ce jeu cootinoe) d'entréea
€D matière et de sorties, on est plus d'une fois enlevé à de sou-
daines hauteurs que le discours continu ne permettrait pas : Ni
Ui iroHbleSj Zénohk, qui ugient vote empire, etc. Un fragment de
lettre ou de conversation, imaginé ou simplement encadré au choK
pitre de% J^ujeniens : H ilimit q le Coprit dnm ceUe belle pentùnne iudt
un diamant bl-n mh en œuvre , etc», est hii-méme un adoraUe joya»
que tout le goût d'un André Cbéaier n'aurait fdm nm en œit9re et
en valeur plus ariistentent. Je die And^ Chénier à dessein ^ raaU
gré le disparate des genre» et des* noms; et chaque foi» (fue f a»
viens à ce passage de La Bruyère, le motif aimable
fille a véca, Myrto, la jeuae Tarentine, eta.^
me revient en mémoire et se met à chanter en. moi.
Si 1*00 s étonne maintenant que, touchant et inclinant par tant
de points au xviu' siècle, La Bruyère n'y ait pas été pkis invoqué
et célébré, il n*y a qu'une ré oose i c*est qu'il était trop sag)»^
trop désintéressé et reposé peur cela; c'est qu'il s'était trop applif*
que à Ibomme pris en général eu dans ses variétés de toute fs^
pèce . et il parut un allié peu actif, peu spécial ^ à ce siècle d'hos-
tilité et de passion. 11 convenait à un esprit calme et fin comme
l'était Suard, de réparer cette négligence injuste. Aujourd'hui
La Bruyère n est {.lus à remeUre à son rang. On se révolte, il est
vrai, de temps à autre, contre ces belles réputations simples eft
hautes, conquises à si peu de frais, ce semble; Onenrvent secoue;
8.
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116 REVCE DES DEUX MONDES.
le jong. Mais à chaque effort contre elles, de près, on retrouve
cette multitude de pensées admirables, concises, éternelles, comme
autant de diainons indestructibles; on y est repris de toutes parts
comme dans les divines mailles des filets de Yulcain.
La Bruyère fournirait à des choix piquans de mots et de pen-
sées qui se rapprocheraient avec agrément de pensées presque
pareilles de nos jours. 11 en a sur le cœur et les passions surtout
qui rencontrent à Timproviste les analyses intérieures de nos con-
temporains. J'avais noté un endroit où il parle des jeunes gens, les-
quels, à cause des passions qui les amusent^ dit il, supportent mieux
la soHtude que les vieillards, et je rapprochais sa remarque d*uQ
mot de Lélin sur les promenades solitaires de Sténio. J*avais noté
aussi sa plainte sur Tinfirmité du cœur humain trop tôt consolé,
qui manque de sources inépuisables de douleur fio ir certaines ptrtes. et
Je la rapprochais d'une plainte pareille de René. La rêverie enfln,
à c6té des personnes qu*on aime , apparaît dans tout son charme
chez La Bruyère. Mais bien que, d'après la remarque de Fabre,
La Bruyère ait dit que le chqlt des pcmées est invention^ il faut con-
venir que cette invention est trop facile et trop séduisante avec
lui pour qu'on s y livre sans réserve. — En politique, il a de sim-
ples traits qu' percent les époques et nous arrivent comme des flè-
ches : i( Ne penser qu'à soi et au présent, source d'erreur en poli-
« tique. »
H est principalement un point sur lequel les écrivains de notre
temps ne sauraient trop méditer La Bruyère, et sinon l'imiier,
du moins l'honorer et l'envier. Tl a joui d un grand bonheur et a
fait preuve d*une grande sagesse : avec un talent immense, il n'a
écrit que pour d re ce qu'il pensait; le mieux dans le moins, c'est
sa devise. En parlant une fois de M"** Guizot, nous avons indiqué
de combien de pensées mémorables elle avait parsemé ses nom-
breux et obscurs articles, d'où il avait fallu qu'une main pieuse, un
(ËÏl ami, les allât discerner et détacher. La Bruyère, né pour la
perfection dans un siècle qui la favorisait, n'a pas été obl'gé de
somer ainsi ses pensées dans des ouvrages de toutes les sortes et
de tous les instans; mais plutôt il les a mises chacune à part, en
saillie, sous la face apparente , et comme on piquerait sur une belle
feuille blanche de riches papillons étendus, cr L'homme du meilleur
« esprit^ dit-il, est inégal il entre en verve^ mais il en sort ^
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idUTAINS OIITIQIJBS ET MORALISTES FRANÇAIS. 117
€ alors, s*il e^t sage, il parle peu , il n'écrit point Chante-i-on
€ avec on rhume? Ne feut-il pas attendre que là voix revienne? j»
Cest de cette habitude, de cette- nécessité de chanter avec toute
espèce de voix, d*.av<oir. de la. verve à toute heure, que sont
nés. la plupart des défauts littéraires de notre temps. Sous
tant, de formes gentilles, sémillantes ou solennelles, allez au
fond : la nécessité de remplir des feuilles d'impression, de
pousser à la colonne ou au volume. sans faire semblant, est
là. n s'ensuit un développement démesuré du détail qu'on sai-
sit, qu'on brode, qu'on . amplifie et qu'on effile au passage, ne
sachant A pareille occasion se retrouvera. Je ne saurais dire
combien il en résulte, à mon sens, jusqu'au sein des plus grands
talens, dans les plus beaux poèmes, dans les plus belles pages en
prose, — ohl beaucoup de savoir-faire, de focilité, de dextérité,
de main-d'œuvre savante, si l'on veut; mais aussi ce je ne sais
quoique le commun des lecteurs ne distingue pas du reste, que
rhomme de goût lui-môme peut laisser passer dans la quantité s'il
ne prend garde, — le simulacre et le faux-semblant du talent, ce
qu'on appelle cAifirtf en peinture et qui est l'affaire d'un pouce en-
core habile même alors que l'esprit demeure absent. Ce qu'il y a de
chique dans les plus belles productions du jour est effrayant, et je
ne l'ose dire ici que parce que, parlant au général, l'application ne
saurait tomber sur aucun illustre en particulier. Il y a des endroits
où, en marchant dans l'œuvre, dans le poème, dans le roman,
l'homme qui aie pied fait s'aperçoit qu'il est sur le creux : ce creux
ne rend pas l'écho le moins sonore pour le vulgaire. Mais qu'ai-je
dit? c'est presque là un secret de procédé qu'il faudrait se garder
entre artistes pour ne pas décréditer le métier. L'heureux et sage
La Bruyère n'était point tel en son temps; il traduisait à son loisir
Tbéophraste et produisait chaque pensée essentielle à son heure.
n est vrai que ses mille écus de pension comme homme de lettres
de M. le Duc et le logement à l'hAtel de Condé lui procuraient une
condition à l'aise qui n'a point d'analogue aujourd'hni. Quoi qu'il
en soit, et sans faire injure à nos mérites laborieux, son premier
petit in-12 devrait être à demeure sur notre table, à nous tous
écrivains modernes, si abondans et si assujettis, pour nous rap-
peler un pou à l'amour delà sobriété, à la proportion de la pensée
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1^ . BsrcB m pjgpx
m Uttgaee. Ce swait baMCoiqf^ ééjà qm d'Mmb ««gMl 4» m
povveir iûreainsL
AojosrA'hiH que VArt pêàûpie de BMeau^ 6«l vArtaMBOMl
dérogé et n*a plna d* usage, b lecture du dbtpkfe dès^ Ouwtag^if
l' Esprit eerak euovre^ cbaqM auitin, pow le» esprite erîtK|i«i
€6 que la leelore d'ua akapiera de ïlmitatwn est pour les anNi
tendres.
La Bfuyire» après cela, • Mur d'autres i^ppKeaiiottB possMlt
par celte foule de pensées ingénieusement profondes sur lIioraiM
et sur la m. Â qui Vondaail s0 refermer el se prémunir eontne Isa
erreurs, les esagèratîoiis, les faux entrateemens, il fiiuéraiCy
comme an prenaer jour de ittS r conseiHer le morafisleimnianel
Par maUieury on n'arrive à te godier et on ne le découvre, poar
ainsi dire ,, que lorsqu'on est déjà soi-même au retour, phis eaf-
pable de voir te mal qm do'feire- le Men, et ayant <M)è épuisée
foux bie» des ardeurs t( des entveprises. Cesl beaucoup néafr*
moins qjue de sa voûr se eoÉMoier Mmiéme seckagrkier avec M.
SiMvn Bnrvi*
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DE
L'ASSASSINAT POLITIQUE.
Le jésuite Mariana, au zvr siècle, mit en jcèoe, daos son livre
imilHlé de Retje et retji< ins:Uuiionef Jacques Oémem frappant
Henri IH, et son récit dramatique implique une approbation véri-
table. Après la tragédie vient la dissertation, et le jésuite démon-
tre la légitimité du régicide* €*est de la scfaolastique appliquée au
Grime; c'est le sophisme venant s^offirir pour guide au poignant
de Tassassin.
De nos jours, on D*écrit plus en latin sur le régicide; mais chez
certarins esprits, et heureusement ils sont en bien petit nombre, il
4*est glissé cette désastreuse imagination, qu*assassiner un roi
qn*Qn n*aime pas, est un acte humainement îndififérent et politi-
quement ^orîeuz .
Cest (i'abord une étrange manière de ramener les rois an culte
d*une égalité fraternelle, que de les mettre eux-mêmes hors Thu-
manité. Vous frémissez à Tidée de friper Thomme obscur qui
TOUS coudoie dans les flots de la feule ; mais vous irez à votre fan-
taisie vous ruer sur le chef de Tétat; et parce qu*il est roi, il ne
sera plus pour vous un homme. Inepte et affreuse contradic-
tion!
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ISO RBTUE DBS DEUX MONDES.
Le cœur» par cette action > s*avilit autant que la raison. D est
lâche de frapper un homme qui ne peut ni prévoir le coup, ni le
repousser, ni le rendre. En vain on répond qu*on a mis sa vie
comme enjeu de cette partie , on a toujours lâchement attaqué celle
d'autrui. Là où la défense n'est pas possible, Tinfamie est pour
Fagresseur. Nous ne les appellerons pas des assassins, les insur-
gés de Lyon et de Saint-Méry : ils combattaient, ils moururent.
Mais aller frapper un homme qui se présente à vous paisible et
désarmé,
Comme un bon citoyen, dans le sein de sa ville,
faire siffler la balle entre sa femme et sa sœur, il n*y a pas de so-
phisme au monde qui puisse relever cet acte de la plus infamante
bassesse.
Voilà pour Thumanité. Que si nous entrons dans Pordre politique,
nous demanderons quel assassinat a jamais sus]>endu le cours
naturel des choses? D y a quatre ans, en esquissant le caractère et
les destinées de Lafayette, nous jetions en passant un regard sur
la liberté antique, pour mieux saisir l'originalité de la liberté mo-
derne, et nous disions : cr Regardez Rome après l'immolation de
César. Où va-t-elle? que veut-t-elle? César était mort ; mais la Uberté
n'en était pas plus vivante. Avaient-ils changé leur siècle par un
coup de poignard, Brutus et Cassius? »
Br utus et Cassius ont tourné bien des têtes ; mais il faudrait savoir
les comprendre et les juger. Écoutons le César français sur la
destinée et le meurtre du César romain : a En immolant César,
Brutus céda à un préjugé d'éducation qu1l avait puisé dans les
écoles grecques; il l'assimila à ces obscurs tyrans des villes du
Péloponèse qui, à la faveur de quelques intrigues, usurpèrent
l'autorité de la ville; il ne voulut pas voir que l'autorité de César
était légitime, parce qu'elle était nécessaire et protectrice, parce
qu'elle conservait tous les intérêts de Rome, parce quelle était
1 effet de l'opinion et de la volonté du peuple (1). » Jamais jugement
plus juste et plus sain ne fut porté sur une acâon historique. Brutus
se trompa lourdement; sa sanglante méprise ne releva pas la répu^
blique, et le fit seulement douter de la vertu.
{i) Précis des guerreê de iule* César ^ par rcmpereur Napoléon , pag. «ts.
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DE l'assassinat POLiTiams. m
- Mais enfin il avait pratiqué cette verta jusqu'au moihetit où il en
doutait à son heure suprême. Insensé qui parlez de Brutus et qui
vous réclamez de son patronage, savez-vous ce qu'était cet homme?
II Ait élève de Caton, il combattit à Pharsale; après le meurtre de
Pompée, et la grande scène d'Utique, il était le chef avoué d*un im-
mense parti, il n*obéit qu'aux provocations réitérées de la moitié
de Rome et delà république; on lui reprochait son inaction, qu*on
appelait sommeil; il fut mis en demeure de frapper, sous peine de
n'être plus réputé Romain. Mais vous, déplorable fou, qui, dix-
neuf siècles après, arrivez à la malheureuse imitation de Brutus^
qui étes-vous? Avez-vous qualité pour agir? qui vous a chargé de
frapper? La soc'été a-t-elle réclamé votre secours, votre bras?
Le régicide est une énorme chose. Deux grandes nations, l'An-
^eterre et la France, ont été la proie de violentes convulsions avant
d*abo\itir à cette tragique extrémité; et encore, au moment fatal,
elles en ont délibéré avec épouvantement. Les plus fermes courages
et les plus grands esprits sont partagés : Milton , la Bible à la main ,
commente le meurtre de Charles P*'; Saumaise le maud't en s'ap-
puyant sur d'autres textes. En France les soutiens de la république
se divisent sur cette redoutable question : beaucoup d'hommes des
plus dévoués à la révolution votèrent la vie de Louis XVI; le père
de Camille Desmoulins écrivait à son fils, le 10 janvier 1793 : a Mon
fils, vous pouvez encore vous immortaliser, mais vous n'avez plus
qu'un moment : c'est l'avis d'un père qui vous aime. Récusez-vous
pour le jugement du roi ; vous avez dénoncé Louis XVI dans un
grand nombre de vos écrits, vous ne pouvez pas le juger, jd Que de
doutes! que de perplexités dans les esprits! On se contredit, on se
combat, on tremble; l'immolation judiciaire du roi est arrachée à
grand'peine par une majorité de quelques voix.
On ne saurait nier la grandeur de ces fatalités historiques ;
mais quand une société les a traversées, qui donc a le droit de les
lui rendre? de lui en offrir la désastreuse parodie, et de la souil-
ler par des crimes pauvres et bétes? Malheureux! es-tu Robes-
pierre ou Crom well? Peux-tu défendre une société que tu ne com-
prends pas?
Ces aveugles fureurs feraient rebrousser les sociétés humaines,
ai la chose était possible; elles coupent, pour un instant, toute
isaoe au progrès ; elles frappent d'une apparente stérilité les con*
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m^ lBnB.n8 «BOX
quêtes dMidtet; fBm HmimittÊ^ tm st fi|nrMwtii^ les iflii-
taûom et les réfomet imprjMkaddeB; cies Bettntk»! «a f«te fal
Db«rfti4éBMKar«lii|«e po«r irif;ier» w sa flaœ» to pouvoir iA>eol»
el pririssafil d*ipi seidL Novs q-svods en France <|«e trop de paoto»
à BOBt prédpiler dans Fadciptioii d*am homno Goame s jmbok éa
Tintât et de b «edété; qoe sera*ce)oraqiie tt ctvUiaatîon bpoavwnim
esfittera tXkHBÊivfyà le poiivoîr i la défeadre» d4l4 méiDo pesés
«ireUel
La liberté medsrae a horrear de Tassasmaat ; elfe peat psoduôns^
elle peut excaser fasdear des guerres emles; le saag eoirie daasr
oe8kHleSyiifea)8aaaMMiis.ladi(aiiélittaiaîiien*y sucsooibe pas» etts
peut nésie y grandir; auûs lassassmat» BMÎsle gaet-apeas , «a» le
ooti|> fri^ipé par dec riëre ne seroot jamais iastruaieas de fiberlé.
Dans notre ctviiisaUon aMMlenie lechristiaaisaie et ti philosophie
8*aecordaal à repousser le meurtre^ la mort arbttraire de lliofRmQ
par l'hoBiaie. H n'est pas daas la destinée cie la démocratie d'aipaa«-
cer à coups de poignard oomioe une noareHe Frédegonde; ella
devra» comme elfe a dA jnsqu'iei» ses progrès è la pensée. Ihi;
bomme qtà vieal de d^»railre aa milieu de trop d*e«bK et d*indi£'
fésence, sa des pères do la révokitioa freaçaise, rabbéSyefs^
daaason rapport sur \sk première loi qai ait été fiaiie sur la presasv
noas a enseigné la aouireasté féconde de b liberté moderne. <r Les
pfatlosopbefs et les poUicistes, a*4-U écrit, se soat trop hAJtès de noas
déooarager ea proaonQan& que la Ubsrté ne peavaii appartenir
qa'à de petits peuples; ib a*ont sa lire Taveair que daas le passé...
Éfevoas-noas à de pbs kamtes espérances^ cachons q^ le terrn
taire b |)ias vaste» qœ bplos oombretisapopulaiioa se prête à b
liberté. Pearquoi en efiet sa iwtrameat ( b presse) qtii saura mai-
tre le genre humain ea oommuanaté d'ofûnioa , rèsKMtToir et Faai*
mer d'an même semimenl» l' unir dtt ien d* uae coastitaiion vrai ment
sadafe» neseraiè-ilpAS appelé à agrandir iadéfiaimsnt le domaiaa
de b liberté ?«...«
Voilà effiaditemeaâ b desKatariance de b déoMcralîe nouTdb;.
dfeest iUeibb pensée e* de b pse^e. C'est dams cette coarieiîoa
que nous nous sommes élevés avec énergie contre les Ijîs de sep*
tembre» qai n^oas^éfté à nos jenx qa*un8 tmaielatioa iautite et son-
damaabb de pnadpea sacrés. Le dogme de VkmUuid^i'm aAA
empAcbé aas ittuvalb lealatôre d'assassbal? il ae T^ait pas la
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BE LASSASSmAT FOtmQIK. SSB
d^apostafsier la Ifloerté de rinteUigence; on uguiee tes poî-
ipards quand on revêt aTfltr les anaes.
Qudques amis de M. Gnôot ont répandu le bnrit que t^aitenUft
en 85 juin Ini frayait le retour an pouvoir : œ brmh est une nor-
teBe mjore pour Thistorien de la Réoiution d'Avgkterre; ses parti-
MSBB étourdis ne se sont pas aperças cpie par ces ruaaaenrs ils ten-
da'ent à Faire de leur <^f une espèce de Tristan , de {prand prévte,
^a'on appelle dans les eitrémités yidentes. Jamais homme d'état
■'eut plus à se plaindre de ses aMîs que M. <jui2ot, et ses adversaires
politiques loi rendent plus de justioe.
Le gouvernement et la société ont chacun, dans ces tristes con-
jonctures, leurs devoirs à remplir. Nous reconnaissons volontiers
que le ministère n'a pas hésité à considérer Tattentat du 25 juin
comme l'acte isolé d'un insensé, qui ne pouvait être rattaché à au-
cun complot positif; il n*a pas songé à une convocation extraordi-
naire de la chambre des députés, et donne tous ses soins à une
rapide exécution des lois en ce qui concerne la juridiction de la
chambre des pairs. La cour souveraine qui siège au Luxembourg
estimera sans doute utile et salutaire d'mprimer à ce procès une
austère simplicité. L'opinion publique n'a pas approuvé la faiblesse
fastueuse de ses condescendances pour la vanité de Fieschi, qui
s'était fait un théâtre du prétoire aristocratique.
La société doit se sentir humiliée et blessée de ces actes extrava-
gans : c'est à elle de leur infliger le châtiment de l'opinion. On lui
demande ses applaudissemens pour de sanglantes folies ; qu'elle
réponde par son exécration et son mépris. Qu'elle condamne l'as-
sassinat politique à la même infamie que Vassassinat qui vole de
l'or. Faveur et sympathie pour les nobles efforts, pour le travail,
pour le talent; secours du gouvernement et de la société à la pau-
vreté laborieuse qui veut s'élever au bien-être et à la réputation par
d*honorables labeurs; indulgence et mansuétude intelligente pour
les passions sincères, si ardentes qu'elles soient, tant qu'elles restent
généreuses. Mais anathème de mépris, excommunication sociale ,
sur rinfamante absurdité de Vassassinat politique.
n y va de Thonneur de la civilisation française. L'expédient du
meurtre est anti-national ; la guerre et le duel ont toujours été dans
les mœurs françaises, l'assassinat jamais : doit-il donc aujourd'hui
recevoir du génie de la liberté droit de bourgeoisie?
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191 BKVUE DES DEUX MONDES.
Non', un peuple ne déprave pas ainsi ses instincts et sà'dignité,
et malgré la tristesse de quelques épisodes, la cause de la civilisa-
tion n*est pas prés de faillir. Les excès dés anabaptistes n*ont pu ni
déshonorer ni compromettre l'avenir de la réformé.' Les meurtres
de Tordre des assassins n*ont pas obscurci l'éclatante générosité de
la civilisation arabe. Cest Thonneur de la nature humaine que le
crime aboutit toujours à une obscure impuissance. La société, trou-
blée un instant à la surface, referme ses flots sur ce qui les avik
agités, et précipitant dimpurs débris au fond de Tabtme, elle con-
tinue son cours , sous Vattraction irrésistible des lois étemelles.
Lebhinier.
30jaiiil856.
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CHRONIQUE DE LA. QUINZAINE.
3o juin iêS0.
Les éTèoemens politiques de la quinzaine ont tout disparu devant Tacte
^'horrible démence qui, dans la soirée du 25 juin, eit venu surprendre
^ coustcmer Paris et la France. L'assassin est un nommé Louis Alibeau
deNtroeSy âgé de vingt-six ans et se disant commis négociant. Nous ne
reproduirons pas ici les détails donnés par les feuilles quotidiennes sur
f arrestation de ce malheureux , sur ses habitudes dépravées et son lan*
gage depuis qu*il occupe, à la Conciergerie, la chambre de Fieschi .
Le fanatisme d* Alibeau est froid et tacitt^mc; avec pKis d'instruction
que Louvel, il lui ressemble en plusieurs points. Comme lui, il a léng-
temps nourri son sinistre projet; depuis trois ans, il a conçu et entretenu
l'idée d'assassiner le roi , et si , jusqu'ici , il avait consenti à en ajourner
l'exécution , c'est qu'il attendait qu'une révolution vint renverser le gou-
vernement de juillet , et lui épargner ainsi la peine , les dangers et l'im-
mortalité de l'assassinat. On trouve ainsi, dans cet homme , ces espérances
vagnes d'un nouvel état social brusquement improvisé, cette attente de
Timprévu , cette invocation paresseuse de l'impossible, celte oisiveté mé-
contente, qui, tout en cherchant des distractions dans la débauche, se tient,
l'arme au bras, à la disposition, de l'émeute. Il est remarquable qu'Ali-
beau a été déterminé à hAter l'exécution de son crime par la tranquillité
même dont jouit la société; il appelait les convulsions de la guerre civile ,
et , désespéré par le calme qui régnait autour de lui , il s'est adressé à
l'atiassinat pour contraindre le pays à une révolution.
On ne saurait trop déplorer la confusion des idées qui précipite dans
le crime ces imaginations dépravées. 11 y a vraiment dans notre société
quelques hommes qui sont encore plus malades que coupables Alibeau
a lait quelques lectures ; on a trouvé chez lui un volume des Martyrs de
M. de Chateaubriand, et un volume de .^aint-Just. Quelques lectures de
pins et quelques vices de moins, il eût compris que les premiers chré-
tiens propageaient leur croyauce et leur foi par le martyre et non par
Tassassinat, et il n'eût pas cru se mettre à côté des hauU révolutionnaires
de l'époque exceptionnelle de 93, en dressant un guet-apens contre le
KM, le malheureux eût encore compris combien la société, dont il vou-
^Ise porter l'interprète et le vengeur, était loin d'accorder la moindre
sympathie à ses sauvages opinions. Étrange délire que de vouloir entrai-
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49S' KETUE DES BFXTX ■Orn>ES.
ser k sa siuke une société dans laquelle on n'a pas même su prendre la
moindre place par le travail, la verlu ou le talent. On ne saurait irop
s*élever contre ce pernicieux mélaujçe (fe vanité et de paresse qui porie
certains esprits à délaisser les nobles labeurs, la persévérance de tous
les jours dans un art, dans une profess on, dans la science, pour deman-
der à de brutales violences un n>)e éclatant^ qui les gorge de jouissances
et de bruit; ils ont oublié que, dans tous les temps, la réputation et le
bien-être n'ont été la conquête que de la constance. Pour tons les hommes
vraiment illustres, la gloire et la fortune ont toujours été lentes à venir.
Michel-Ange travaillait aussi rudement qu*un maçon.
La société devrait pourtant être comprise dans ses sent i mens et ses
volontés, car son attitude est un grave enseignement pour qui veut l'in-
terroger et la servir; elle est calme, elle se sent forte, elle ne se prend
ni à la colère m au désespoir, eUe est sAre dVUe-niéme et de ses desil-
Bées. OndiVaii q«e dans $m afMitkieplns apparente que réelle , cllesoo-
rit ironiquemoBt^es teotati^'esëe ceux qui veulent remporter là où elle
ne veut pas aHer, à aawmr en arrière ou au-delà ùos bornes nécessaires du
, présent et du siècle.
Il serait à désirer que les «haftls tfenctiminaires, qui représentent le
double intérêt du ^iveroement est de èa société , montrassent , dans leurs
actes et dans lears proclamations , un sentiment vrai de Tétat social. Les
préfets, à roccasion de Fattentat du 25 juin, ont adressé à leiurs adoii-
nistrés une proclamation pour expr mer et appeler riadigoation générale
delà France sur cet acte odieux. Plusieurs d'entre eux ont représenté
l'état et la société même à deux doigts de leur ruine, si Tassaisin eût
réussi dans son exécrable dessein. Ils oublient donc que la mort tragique
eu roi, si affreuse et si déplorable qu'elle Ot, ne saurait ébranler dans
ses fondemens la constitution Ce la société. N'y aurait-il donc plus de
kits, de Cliarte, dedyiiastie, de chambres, de magistrature, d'armée,
de garde nationale? N'y aurait-il donc plus de société , avec se traditions^
sa volonté, et la puissanoe de les faire triomplier. Il est fâcheux que dans
la baute administration on puisse noter une telle absence de tact. Afez
du zèleyfnessieurs, mais plusd'î abileté. On ne vous demande pas dtf
plirasesd'adnlatioB , mais de la bonne et ferme admi«istralioo.
Avant le 25 juin, a<rant d'être exckosivt'ment absorbée par rattentit
d'Alibeau, la presse ^notidienne avait passé uoe longue rewede lases-
aioB qui vient de finir. Les avis sévères ti 'avaient pas été épargnés à ms
iégislalears. A wa\ dire, quelques-unes des censures n'étaient pas sans
iSondement. Il s'est perdu bten du temps que réclamaient d'utiles travait
interrompus ou à comaMneer. Toutefois de r«veu «aènie des censeurs les
pHM austères, la chambre se reoammaade cette aimée par l'adoptioa de
deux importantes mesures, empreintes 4'one et l'autre d'un esqMritde
progrès et de perfeetiomiementootalbles. Nous voulons parler de la loi éti
it9%mmt$ et de cdie âe^ehemÂnsvécmaux, Deuxlois libérales et populaires,
ast-oe donc ^i pev ? One session est^tte absolnnient stérile 4|«and elle les
m proéuiles? Piatôears des dernières sessions du parlement anglais aat
4lle «oing léQOMlca eocorc.
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En Espagne» toajoart le mêmt aomwieil yfaéFaf. L'esprit ptibiic et la
goerra etriàa sembleni (tortnfr pare^tement. i^aîs la proclniiie session des
chambres ae tardera pa»à réiF«iHer m snrsaiH tevt le part. Pour fin-
stant*, les officiers de Tarm^ dn général écrans saiH les seiils qui ffornient
quelque sipie de rîe. Ai^déftratdes epératiena miNtafres^itioni organisé
des roaraes an ctacher. I^go» rses ait rioeher en BIscafe eè ce n'est que
moiitagBts et rarltis! Ces Ângtota doivent être contens. Nalie part ils
n'aaraieat tramré d^aossi tielles occasions de se renapré leroii.
En ^rtnga», dona lHAria a dissMit sam eérémenie lé ebamère de sev
dépoté», panée ipi^lls aniiPTil prétewdit dî9pu4er sériensemimt les loia
flnancières.qiti lenr étaient senantses , et peur bil areir contesté h droit
d*iavestir du eewimanrfement de rarmee so» noinrei époux. Qsand
nous regardions cette jeane princesse danser follement à Paris, il y a
quatre aàs, qui nous eOt dit qa>lle serait bteiHiMi imm reine si manfailse
tête, et si pe» rcgarr^ante aux eonps d'état ?
En Angleterre , ta grande querelle entre \»9 dei» ebambres R*a pas
fait beaucoup de pas rers rarcommodement. Les lords sont saisis du btH
descorporatiaao irtandatses réaineiidè par b»6 commancs^ et lenrsseigneQ«
ries ne paraissent pas fort ei»pres9ées de cbeisrr entre la paix et la
guerre. IXailifurs, bien quHI atteiK^e avce une impetience iérrense le
dénonemeot de la coUision , leparlemena ne demecire pas pour cela in»
aciif PîTeraeasréBts coflnqoas enl beauccmp égayé le débet su? ta ré^
diiction t'es droits- de timbre qu^erta vetér eonfémiémeiit anx réselntioDff
du chaecelîer cfe Téchiquier. L'anMndeneDt développé par M. Kearsly a
sarteiH diverti rassemblée. L*he«offable membre avait prepeaé, avec itne
imperturbable gravité, de dégrever le savons an lieu de dégrever lee
joumaox Puis, durant la môme diseiiesioii, eat survenue l^aimabledis<^
pute entre M. Roebork et te avétne M. Keaesiy i M Keersl^ avait déclaré
le disrovrs de M. Roebivrfc dégoélant; M. Roebuek a déclaré que
M> Kearsif ae s-'ètait pas assrx abssceu de trop boire è son dtneri
Ces Beiitîitesaes parlementaires n*bt^ jamais, ds reste, des suites bien
sanglanica, grâce à KinterventioA emntipalente an ipetàww, ifoi oaloM^ les
aniagoaistes les pl»s fougne^ix, en lesflsieant enfermer dans tea prisons de
la cbavtbra jusqii*à compMte p»riica«ia«. Aiasi , el ea verto des salutai-
res rêAMoM qn*inspire I» prison.^ sH^sl tevnwnée la terrible affaire entre
M. Treneh et M. Wason, qtti w% vwilaieia rien moins que a' aller entretoer
à Calais. Celledesir >i»hn BebhoMe et du eoèenel Sibtberp DesemMiit pae
<)«foir ae ceachiresi ainéaMnt. Sir John, IlerrompH, pendant qu'il par^
^it, par an ricanemeol âw eolonet, mwi ripestt^ pêtimenl? « H n^ a rien
<1^ si sot qB'on sot rire. » Là dea^nts ke eoleael de jeter fev et flamme.
Biennelepowait sattsl^re que le sang ivpaada, et veilà <fie soudai»
cettecalère8*apii«e et«ambe devant mie réaraetatieta iadinectedesir Jehs,
et quelques avis palemebi du Bftêok^r. M» CKConœl a bien e» égaèeerveet
sa petite altercation avec M. Richards; mais comme le grand agitateur
^ rigoureusement fidèle à son vœu dé ne plus se battre, ses affaires
^^bonneur soas les pkis faciles de toutes à arranger. Ces combats singu^»
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128 KEYUB DES DEUX MONDES.
liers de paroles seraient bien ridicules et bien intolérables, s'ils se répé-
taient souvent. Us ont été beaucoup plus fréquens cette quinzaipe qu'ils ne
le sont d'ordinaire. Il faut les attribuer à l'excitation que cause dans la
cbambre ie conflit avec la pairie. C'est de la colère surabondante; on se
bat avec qui l'on peut, en attendant la grande mêlée.
La chambre des lords a repoussé, à une immense majorité, le bill qui
tendait à introduire quelques indispensables réformes dans la cour de
chancellerie. C'est que ce bill était un acheminement à des réformes bien
plus graves. Il conduisait à remanier la juridiction monstrueuse des lords
jugeant comme cour d'appel. Il menait à séparer les fonctions politiques
et judiciaires du chancelier. Or, ces questions touchent essentiellement i
la constitution même de la pairie. On conçoit qu'à l'heure qu'il est les
pairs ne soient guère empressés d'ouvrir une voie aux assaillans qui les
battent en brèche.
Mais c'est hors du parlement que s'est jouée la principale scène. Le pro-
cès intenté à lorl Melbourne n'était au fond qu'un procès politique sur
lequel les tories fondaient de grandes espérances. Les tories ont fait cette
année une campagne peu honorable et peu dans les habitudes parlemeu-
taires du pays. Désespérant de détruire le caractère public de leurs en-
nemis, ils ont essayé de détruire leur caractère privé; ainsi ont-ils at-
taqué la moralité de lord Melbourne, de même qu'ils s'en étaient prisi
la probité d*0'Connel, au sujet de l'élection de Carlow. Cette seconde
tentative sans générosité ne leur a pas mieux réussi que la première.
Un jury anglais n'admet pas légèrement la culpabilité en fait d'adul-
tère; il ne se décide point d'après de simples présomptions, sur la
foi de témoins douteux. Bien plus, la loi impose une condition es-
sentielle au mari qui demande des dommages -intérêts. La loi vent
qu'il ait été vigilant; qu'il se soit montré le constant et jaloux observa-
teur de sa femme; qu'il n'ait jamais paru insoucieux de cet honneur dont
il vient réclamer le paiement. Or, tel n'était point le cas de M. Norton.
M. Norton n'avait été ni vigilant, ni jaloux; il n'avait nullement été un
sévère gardien deson honneur. Au contraire, il avait fermé les yeux) il
avait été volontairement aveugle. Ces considérations dictaient d'avance
le verdict qui a proclamé la double confusion des tories et de leur dé-
plorable instrument. Rien n'a manqué à celle de M. Norton. Il n'a pas
même obtenu cette précieuse fiche de consolation du fnihing qui eiA
rejeté les frais à la charge du défendeur; et l'on sait qu'ils sont considéra-
bles en Angleterre lorsqu'il s'agit d'une audition de témoins.
— C'est un véritable événement littéraire que la double publication
de VÉssai sur la lUiiralure anglaise et de la traduction du Paraë»
perdu de Milton,par M. de Chateaubriand. Nous ne pouvons quesignaler
aujourd'hui à l'attention publique ces deux ouvrages , que recommande
as9ez le nom de l'illustre écrivain. Nous les examinerons une autre foîi
avec l'étendue et le soin qu'exige une œuvre de cette importance.
F. BULOI.
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•flf
LES MORTS.
FRAGBfEirr INÉDIT DE LÉLIA. '
Chaque jour, éveDIée long-temps d'avance, je me promène avant
k fin de la nuit, snr ces longues dalles qui toutes portent une
épîtaphe, et abritent un sommeil saas fin. Je me surprends à
descendre, en idée, dans ces caveaux, et à m*j étendre paisible-
ment pour me reposer de la vie. Tantôt je ra*abandonne au rêve
du néant, rêve si doux à Vabnégation de Tintelligence et à la fati-'
gue du cœur; et ne voyant plus dans ces ossemens que je foule,
que des reliques chères et sacrées , je me cherche une place au
nflieu d'eux ; je mesure de Vœil la toise de marbre qui recouvre
la couche muette et tranquille où je serai bientôt, et mon esprit
en prend possession avec charme.
Tantôt je me laisse séduire par les superstitions de la poésie
dirétienne. Il me semble que mon spectre viendra encore marcher
lentement sous ces voûtes, qui ont pris Vhabitude de répéter
rédio de mes pas. Je m'imagine quelquefois n'être déjà plus qu'un
jfontAme qui doit rentrer dans le marbre au crépuscule, et je
(i) Haas la nouTeUe édition de ses œuvres que Tautear prépare, Lélia a été complète*
flMni refondue et formera trois volumes. Cette édition complète de George Sand paraî-
tni pir liTraison de deux volumes , imprimés avec des caractères neufi , sur beau papier.
TOMB VU. — 1.5 JUILLET 1856. 9
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iSO REVUE DBS DEUX MONDES.
regarde dans le passé, dans le présent même, comme dans une
vie dont la pierre du sépulcre me sépare déjà.
n y a un endroit que j*aime particul'èrement, sous ces belles
arcades bysantines du clottre : c*est à la lisière du préau, là oà
le pavé sépulcral se perd sous Therbe aromatique des allées, ci
la rose toujours pâle des prisons se penche sur le crâne des-
séché dont l'effig^ est gravée à diaqiie angle de la pierra. Un des
grands lauriers-roses du parterre a> envahi Tare lègem de la der-
nière porte, n arrondit ses branches en touffe splendide, sous la
voûte de la galerie. Les dalles sont semées de ces belles fleurs,
qui, au moindre sQuffle du vent, se détachent de leur étroit calioe
et jonchent le lit mortuaire de Francexca,
Francesca était abbesse avant Vabbesse qui m'a précédée. Elle est
morte centenaire, avec toute la puîssanee de sa vertu et de son
génie. C'était, dit-on, une sainte et .une savante. Elle apparut à
Maria del Fiore, quelques jours après sa mort, au moment où cette
novice craintive venait prier sur sa tombe. L*enfant en eut uee
telle frayeur, qu'elle mourut huit jours après , moitié souriante,
moitié consternée , disant que Tabbesse l'avait appelée et lui avaft
ordonné de se préparer à mourir. On Tenterraaux pieds de Fran-
cesca, sous les lauriers-roses.
Cest là que je veux être enterrée aussi. 11 y a là une dalle sans
inscription et sans cercueil, qui sera levée pour moi et scellée sur ïïkâ
entre la femme rehgieuse et forte qjui a supporté cent ans le poids
de la vie, et la femme dévote et timide qui a succombé au moin-
dre souffle du vent de la mort; entre ces deux types tant aimés
de moi, la force et la grâce, entre une soeur de Trenmor et une
sœur de Sténio.
Francesca avait un amour pronohcé pour Vastronomie. Efle avait
fait des études profondes, et raillait un peu la passion de Maria
pour les fleurs. On dit que lorsque la novice lui montrait le soir
les embellissemens qu'elle avait faits au préau durant le jour, U
vieifle abbesse, levant sa main décharnée vers les étoiles, disait
d'une voix toujours forte et assurée : Voilà mon parterre!
Je me suis plu à questionner les doyennes du couvent sur cft
couple endormi , et à recueillir chaque jour des détails nouveaux
me deux exiatanoes qui viMsit bientôt rentrer «Una la ma ^
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LBs «ours. 131
Cest ufie éhose triste q«e cet effacement complet des morts ; le
diristiantsme corrompu a inspiré pour eux une sorte de terreur
mêlée de haine. Ce sentiment est fondé peut-être sur le procédé
Héewi de nos séputtures, et sur cette nécessité de se séparer brus-
quement et à jamais de la dépouille de ceux qu'on a aimés. Les
anciens n'avaient pas cette frayeur puérfle. J'aime à leur voir por-
ter dans leurs bras Tume c|ui contient le parent ou Tami ; je la
feor vois contempler souvent , je Tentends invoquer dans les gran-
des occasions, et servir de consécration à tous les actes énergi-
ques. EHe firit partie de leur hértage. La cérémonie des funérail-
les n>st point confiée à des mercenaires; le fils ne se détourne
pas avec horreur du cadavre dont les flancs l'ont porté. H ne le
laisse point toucher à des mains impures. Il accomplit lui-même ce
fcroîer office , et tes parfums, emMème d'amour, sont versés par
ses propres mains sur la dépouilte de sa mère vénérée.
Dans tes communautés religteuses , j'ai retrouvé un peu de ce
respect et de cette antique afFection pour les morts. Des mains fra-
ternelles y roulent le linceul, des Senrs parent te front exposé
tout un jour aux regards d'adieux. Le sarcophage a place au mi-
lieu de la demeure, au sein des habitudes de la vie. Le cadavre
doit dormir à jamais parmi des êtres qui dormiront plus tard
à ses côtés , et tous ceux qui passent sur sa tombe le saluent comme
un vivant. Le règlement protège son souvenir, et perpétue
rhommage qu'on lui < oit. La règle^ chose si excellente, si néces-
saire à la créature humaine, image de la Divinité sur la terre,
religieuse préservatrice des abus, généreuse gardienne des bons
semimens et des vieilles affections , se fiait ici Famie de ceux qui
n'ont plus d'amis. Elle rappelle chaque jour, dans les prières, une
longue Uste de morts cpii ne possèdent plus sur la terre qu'un
nom écrit sur une dalle , et prononcé dans le mémento du soir. J'ai
trouvé cet usage si beau, que j'ai rétabli beaucoup d'anciens
■oms qu'on avait retranchés pour abréger la prière; j'en exige
la stricte observance , et je veille à ce que Fessaim des jeunes no-
vices, lorsqu'il rentve avec bruit de la promenade, traverse le
chttre en sitence et dans te plus grand recueillement*
Quant à ronibfi des faits de la vie, il arrive pour les morts plus
ifle m qu'ailleurs. L absence de postérité en est cause. Toute une
génératiim s'éteint en même temps, car Fabsence d'évènemens et
9.
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132 RETUE DBS DEUX MONDES.
les habitades uniformes prolongent en général la vie dans des pro-
portions à peu près égales pour tous les individus. Les longévités
sont remarquables, mais la vie finit tout entière. Les intérêts ou Tor-
gueil de la famille ne font ressortir aucun nom de préférence, et la
rivalité du sang n'existant pas, 1 égalité de la tombe est solennelle,
complète. Cette égalité efface vite les biographies. La règle défend
d*en écrire aucune sans une canonisation en forme, et cette pres-
cription est encore une pensée de force et de sagesse. Elle met un
frein à Torgueil, qui est le vice favori des âmes vertueuses; eDe
empêche Thumilité des vivans d*aspirer à la vanité de la tombe. Aa
bout de cinquante ans , il est donc bien rare que la tradition ait
gardé quelque fait particulier sur une religieuse , et ces faits sont
d'autant plus précieux. .
Comme la prohibition d'écrire ne s'étend pas jusqu'à moi, je
veux vous faire mention d'Agnese de Catane, dont on raconte ici
la romanesque histoire. Novice pleine de ferveur, à la veille d'être
unie à Tépoux céleste, elle fut rappelée au monde par l'inflexible
volonté de son père. Mariée à un vieux seigneur français, elle fut
traînée à la cour de Louis XV, et y garda son vœu de vierge selon
la chair et selon l'esprit, quoique sa grande beauté lui attirât les plus
brillans hommages. Enfin, après dix ans d'exil sur la terre de
Chanaan , elle recouvra sa liberté par la mort de son père et de son
époux, et revint se consacrer à Jésus-Christ. Lorsqu'elle arriva
par le chemin de la montagne, elle était richement vêtue, et une
suite nombreuse l'escortait. Une foule de curieux se pressait pour
la voir entrer. La communauté sortit du cloître et vint en proces-
sion jusqu'à la dernière grille , les bannières déployées et Fabbesse
en tête, en chantant l'hymne : Vent, sponsa Christi. La grille s'ou-
vrit pour la recevoir. Alors la belle Agnese, détachant son bou-
quet de son corsage, le jeta en souriant par-dessus son épaule,
comme le premier et le dernier gage que le monde eût à recevoir
d'elle; et arrachant avec vivacité la queue de son manteau aux
mains du petit Maure qui la portait, elle franchit rapidement la
grire, qui se referma à jamais sur elle, tandis que l'abbesse la rece-
vait dans ses bras, et que toutes les sœurs lui apportaient au
front le baiser d'alliance. Elle fit le lendemain une confession gé-
nérale des dix années qu'elle avait passées dans le monde, et.
le saint directeur trouva tout ce passé si pur et si beau, qu*il
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LES MORTS. 133
lai permit de reprendre le temps de son noridat où elle Tavait
laissé y comme si ces dix ans d^interruption n'avaient duré qa*un
joar, joor si chaste et si fervent, qu'il n*avait pas altéré Tétat de
perfection où était son ame lorsqu'à la veille de prendre le voile, elle
avait été traînée à d'autres autels*
EDe fut une des plus simples et des plus humbles religieuses
qu*on eût jamais vues dans le couvent. Cétait une piété douce, en-
jeaée, tolérante, une sérénité inaltérable, avec des habitudes élé-
gantes. On dit que sa toilette de nonne était toujours très recher-
chée, et qu'en ayant été reprise en confession, eDe répondit naïve-
ment, dans le style du temps, qu'elle n'en savait rien, et qu'elle se
faisait brave malgré eDe et par l'habitude qu'elle en avait prise dans
le monde pour obéir à ses parens; qu'au reste, eDe n'était pas fà-
diée qu'on lui trouvât bon air, parce que le sacrifice d*une jeunesse
encore brillante et d'une beauté toujours vantée faisait plus d'hon-
neur au céleste époux de son ame que celui d'une beauté flétrie et
d'une vie prête à s'éteindre. J'ai trouvé une grâce bien suave dans
cette histoire.
Sachez, Trenmor, quel est le charme de l'habitude, quelles sont
les joies d'une contemplation que rien ne trouble. Cette créature
errante que vous avez connue n'ayant pas et ne voulant pas de par
trie, vendant et revendant sans cesse ses châteaux et ses terres,
dans l'impuissance de s'attacher à aucun lieu ; cette ame voyageuse
qm ne trouvait pas d*asile assez vaste , et qui choisissait pour son
tombeau tantôt la cime des Alpes, tantôt le cratère du Vésuve, et
tantôt le sein de l'Océan, s'est enfin prise d*une telle affection pour
quelques toises de terrain et pour quelques pierres jointes ensem-
ble, que l'idée d'être ensevelie ailleurs lui serait douloureuse. Elle
a conçu pour des morts une si douce sympathie qu'elle leur tend
quelquefois les bras et s'écrie au milieu des nuits :
— O mânes amisi âmes sympathiques! vierges qui avez,
comme moi, marché dans le silence sur les tombes de vos sœurs!
vous qui avez respiré ces parfums que je respire , et salué cette
lune qui me sourit! vous qui avez peut^tre connu aussi les orages
de la vie et le tumulte du monde ! vous qui avez aspiré au repos
étemel et qui en avez senti l'avant-goùt ici-bas, à l'abri de ces
routes sacrées, sous la protection de cette prison volontaire ! ô vous
sivtoat qui avez ceint l'auréole de la foi, et qui avez passé des
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Kk BBTUB DES DEUX MONDES.
Bras d'im aiage kirfsftle S ceux d*im épotnc immortel I diastes^
Miantes de fEspoîr, fortes époirses de Isr Volomél me bénissez-
TOUS, dites-mot, et prier-rous sans cesse pour ceHe qui se phtt
arec vous plas qu'arec les TÎrans? Est-ce tous dont les encensoirs
d*or répandent ces parfums dans la nuit? Est-ce vous qui chantez
doucement dans ces mélodies de l'aîrt Est-ce vous qui, par une
sainte magie, rendez si beau, si attrayant, si consolant, ce cohi
de terre, de marbre et de fleurs où nous reposons vous et moîT
Par quel pouvoir r'âvez-vous fait si précieux et si désirable, que
toutes les fibres de mon être s'y attachent, que tout le san{j[ de mon
cœur s'y élance , que ma vie me semble trop courte pour en jouir,
et que j y veuille une petite place pour mes os, quand le souffle
dlvm les aura délaissés?
Alors , en songeant aux troubles passés et à la sérénité du pré-
sent , je les prends à témoin de ma soumission. 0 mânes sanctifiésT
leur dis-je, 6 vierges sœurs I ô Agnese la belle 1 6 douce Maria def
Korel 6 docte Francesca I venez voir comme mon cœur abjure son
ancien fiel, et comme il se résigne à vivre dans le temps et dans
l'espace que Dieu lui assigne! Voyez I et allez dire à celui que vous
contemplez sans voile : a lélia ne maudit plus le jour que vous lui
avez ordonné de remplir; elle marche vers sa nuit avec l'esprit de
sagesse que vous aimez. Elle ne se passionne plus pour aucun de
ces instans qui passent; elle ne s'attache plus à en retenir quel-
ques-uns ; elle ne se hâte plus pour en abréger d*awtres. La voilà
dans une marche régulière et continue , comme la terre qui accom-
plit sa rotation sans secousses, et qui voit changer du soir au mathi
la constellation céleste, sans s'arrêter sous aucun signe, san9
vouloir s*enlacer aux bras des belles Pléiades , sans fuir sous le
dard brûlant du sagittaire , sans reculer devant le spectre échcveïé
de Bérénice. Elle s'est soumise, elle vîtl Elle accomplit la loi; eBé-
ne craint ni ne désire de mourir; elle ne résiste pas à l'ordre uni-
versel. EUe mêlera sa poussière à la nôtre sans regret ; eHe touch©
déjà sans frayeur nos mains" glacées. Voulez-vous, 6 Dieu bon,
que son épreuve finisse^ etqtfawclelever du jour eHe nous suive
oft nous allons? »
Alors il me semble que, dans la brise qui lutte avec l'aube, 3
y a des voit faibles, confuses , mystérieuses, qui s'éfêvent et qui
retombent, qui s'efforcent die m'appder de dessous fer pièrrexmaSs
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qui œ penyQQt oa9 WMwr^ wuora ,l'QbsrtftçJ^4e lï» ^fef J^e itf^rr^
no iu^UUdi, jo r^a;r4« 4ina dalte ))laaplv^ a^ ^ sp^]jày^ pas, et «i
U c^VdQmQ,. 4obo»u«i ç^té40 ifnoji, w ni« ipoptr» p^ Maria d^
Wiore 4o^c^me|9l.AQdprlme sur l^pf ^m^^^ipMrche d^ ngive caveai^*
JSpi ce inop(M9m^-Ui > il ji; $t^CQ^ce9. de^ bruits éj^riMoç^si^seio de 1^
terre, et comm^ de« 3p»pir8 aoiis ine3,pied5, Mm^ tPMt f^it, tawt
jBe tait., dès que rétojl^ du pôle a, disparu* Voiphi^e grêle dos
qrpr^s» que la luoe dessîoaU 3ur lesjuurs, et qui, balancée par \fL
hrise, «emblait douuer le ruouvqmenf et la^vie au^ figures de 1^
fresque, s^ef&tçe peu à peu^ J^ peiuMre redevi^ut ^uiniobUe; l|i
Toix des plamps fait plîwse i ççUe dfis.w^au*- L'abucjte aéveilte
daBs sa caçiB, ^t V^ e^st coupé pajr des ^Qm pleins ^t d stinctii,
taudis que lefi.(jyaadJ5 ly^ blancs du. parterre se des.siueiit daps le
crépuacule et se dressent iwmpbil^/? de plaisir sous la rosée abon-
dante, Paus Tatteut^ du soleil), toul^s les iuquièt^s oscillatipns
.a'arrètmt^ tpu$ l^§ c^ei3 incertain? se dég^^gjçuï du wile fan^«-
tîquAk. C!es( alors q^^a rAell^rn^u^ les spectres s évauQuissent dans
ïair blanobi et qp^ les brui(J9 iu.a?tpUcables fput pla.ce à des har-
monies pures. QttçJkjt^pfois wi dernier ^uflle de la uuit secoue le
Iau^ar-ro8^^ froi?sj? çonwlsiyeiu^u> ae» broches, plane en touf-
npyant.sujvâa tétefleurin, e$.i;etoi9he avec un faible soupir, comme
^ Maria del Fîpre, ai:raQbée à son. parterre par la main de Fran-
eesca, se détachait avec effort de Tarbre chéri et rentrait dans le
domaine des morts avec un léger mouvement de dépit et de regret.
Toute illusion cesse enfin ; les coupoles de métal rougissent aux
premiers feux du matin. La cloche creuse dans Tair un large s.llon
où se précipitent tous les bruits épars et flottans ; les paons des-
cendent de la corniche et secouent long-temps leurs plumes humi-
des*sur le sable brillant des allées; la porte des dortoirs roule
avec bruit sur ses gonds , et Y Ave Maria , chanté par les novices,
descend sous la voûte sonore des grands escaliers. Il n*est rien de
plus solennel pour moi que ce premier son de la voix humaine au
coRimencement de la journée. Tout ici a de la grandeur et de Teffét,
parce que les moindres actes de la vie domestique ont de Tensemble
et de Tunité. Ce cantique matinal après toutes les divagations,
tous les enthousiasmes de mon insomnie , fait passer dans mes
reines un tressaillement d'effroi et de plaisir. La règle, cette grande
loi , dont mon intelligence approfondit à chaque insUnt rexcellence.
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136 REVUE DES DEUX MONDES.
mais dont mon imagination poétise quelquefois un peu trop la ri-
gidité, reprend aussitôt sur moi son empire oublié durant les
heures romanesques de la nuit. Alors, quittant la dalle de Fran-
cesca, où je suis restée immobile et attentive durant tout ce travaS
du renouvellement de la lumière et du réveil de la nature , je m'é-
branle comme Tantique statue qui s'animait et qui trouvait dans son
sein une voix au premier rayon du soleil. Conune eDe, j'entonne
l'hymne de joie et je marche au-devant de mon troupeau en chan-
tant avec force et transport » tandis que les vierges descendent en
deux files régulières le vaste escalier qui conduit à l'église. J'ai tou-
jours remarqué en elles un mouvement de terreur lorsqu'elles me
voient sortir de la galerie des sépultures pour me mettre à leur
tète les bras entr'ouverts et le regard levé vers le ciel. A l'heure oà
leurs esprits sont encore appesantis par le sommeil et où le sentiment
du devoir lutte en elles contre la feiblesse de la nature , elles sont
étonnées de me trouver si pleine de force et de vie, et malgré tous
mes efforts pour les dissuader, elles ont toujours pensé que j'avais
des entretiens avec les morts du préau sous les lauriers-roses. Je
les vois pâlir lorsque croisant leurs blanches mains sur la pourpre
de leurs écharpes, elles s'inclinent en pliant le genou devant moi,
et frissonnent involontairement lorsque, après s'être relevées, elles
sont forcées l'une après l'autre d'efOeurer mon voile pour tourner
l'angle du mur.
George Sand.
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VOYAGES
D'UN SOLITAIRE.
QQiiQiItlX^,
Oui y Albert, je sois parti sans prendre congé de toi, ni de personne,
selon ma louable coutume. Pardonne-moi ; je me mourais sur la lisière
de nos bois. Tu ne connais pas les affres de mélancolie que recèlent ces
puissantes forêts, quand les ombres d*automne s'amassent sur les étangs.
L.es oiseaux voyageurs étaient arrivés des montagnes. Chaque matin ils
passaient par bandes devant ma porte; je me figurais par avance les con-
trées qu'ils allaient visiter, les lacs, les vallées, les mers. Une inexpri-
mable angoisse me saisissait : j'avais besoin , comme eux, de secouer la
rosée de mes songes, et d'un coup d'aile vigoureux pour fuir mon propre
souvenir. A force d'errer dans les salles du vieux chAteaude Montmort,
j'ai retrouvé des ombres funestes qu'il faut quitter.
Ta ne sais pas ce que c'est que de n'entendre jamais d'autre écho que
celui de sa pensée vagabonde. Ma jeunesse se consumait là dans un sté-
rile amour de la création tout entière. J'étais noyé dans un océan sans
farme et sans rivages. Si je n'eusse pris la résolution d'en sortir, c'était
lait de moi; car ce pays, tout sévère qu'il est, a bien des charmes. Il
yoos retient par d'invisibles lianes, comme ces fleurs des eaux qui
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fSS liÉtdE DÉS t>Etfl MONDES.
n'ont point de racines, et qu*aucun orage ne peut arracher. Dans
vide qui m'entourait, mes idées prenaient en moi nu développement sarz^
bornes, et tout me manquait pour les exprimer. Il y avait des jours oït
j'aurais juré que j'étais né pour écrire. J'aurais pu dire à mon tour : Et
moi aussi je suis poète ! J'entendais «'es bruits que personne n'entemiait;
je voyais des formes qtfë péh*s«nfte ne tofait. Quand je faisais un pas le
matin sur la rosée de la grande avenue, il me semblait que la terre et
l'eau se lamentaient. Pendant des journées entières, sur le bord des prés,
je suivais des femômès qui ifont porni de corps; et il y tvait des idées
sans noms, sâhsinfag^s possibles dans aucan monde, qui ne me quittaient
pas. Mon ame était un véritable pandémonium où s'agitaient des larves
qui n'ont jamais eu vie. Peut-être eussé-je été musicien, si j*ensse pu
saisir cette harmonie sans souffle et ces soupirs sans voix qui passaient,
comme des brises, dans mon cœur. Quand le vent soufflait dans les bou-
leaux, je rêvais d'ineffables mélodies au fond des bois; mais ces chants
célestes ne dépassaient pas mes lèvres, et je ne sais aucun son qui en
puisse donner l'idée. D'autres joli rt, en m'éveillant , il y avait des heures
où je me retraçais malgré moi des images que j'aurais voulu peindre et
conserver toujours devant mes yeux. Cétaient des vallées, des paysages,
des climats inconnus sur cette terre. Pour les retenir, je ne trouvais non
plus ni couleurs, ni lignes, ni dessin. Je bâtissais aussi des architectures
prodigieuses {ui n'ont nulle part de modèle, des tours idéales dans les-
quelles je montais et descendais sans m'arréter jamais. Il y avait des bal-
cons d'où l'ou plongeait sur des horizons infinis, des balustrades où s'ap-
puyaient des femmes et des figures d^uue autre vie. Alors j'eusse pu croire
tire né architecte, si au moment de filer tons ces rêves par des lignes,
ils ne se ftissent eifacés comme le reste. De ces tours que je bAtissais dans
mes songes, de ces images à demi peintes, de ces mélodies sans voix, il
ne me restait i-len qn'un vague enchantement; mais aujourd'hui mes
fantômes m'importanent, mon propre chaos m'obsède; un aveugle ins-
tinct me pousse vers la Inmière; il n'y a que le soleil d'Italie qui puts^
dissiper mes odieuses ténèbres.
En passant à Tfantua , je suis monté sur les rochers qui bordent le lac.
Le jour était très pur. Du milieu des herbes fauchées s'exhalaient de petites
vapeurs capricieuses > telles que les songes des plantes. Les hautes Alpes
'étendaient au loin sur le ciel leurs eerdes de neige. Ah! les meilleurs
souvenirs de iha jeunesse errant sur ces montagnes, comme des chamois
poursuivis par te chasseur.
J'ai revu le lac de Genève. L«s Ims^es de Rousseau, r'e Samt-Preux^
deM"'* de Staêl, de Corinne, deByron, de Manfred, se bercent sur ces
flots pâles. Quand les ûmbi'es des inontagnes descendent le soir au fond
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VOYAfiBS JU'tK SOLITAïaS. 430
^^ Uc, ces bords sont dangereux. Vous entendez des voix connues qpî
^Us appellent. Vous vous penchez sur le flot dormant, et le fantôme
^oré vous invite à descendre au fond des eaux. Alors du côté de Meille-
^aye, on entend les troupeaux qui mugissent sous les châtaigniers ; la
dochc de Vevey sonne Tagonie de Julie; la mondaine Corinne s*assied
Bar le seuil des cliAlets; par les degrés des Alpes, Manfred descend à pas
pesaos, en s^appuyant sur son bâton ferré; pendant qu'à l'extrémité du
lac, le vieux château de Ghiilon biaochit comme la demeure commune
à tous ces F6\'es des poètes. Alors aussi, celui qui a un cœur frémit; il
s'arrête pour écouter l'écho. Il respire l'air puissant des montagnes; il
pense à ce qui aurait pu être, à ce qui a été, et se envient en soupirant
des jours qui ne reviendront plus.
Si l'on traverse les Alpes en été, elles sont à peine un obstacle. La
roule dn Simplon les a supprimées. Ce n'est que sur le versant de l'ItaUe
que les vallées sont abruptes; de ce cOté, la route devient un vrai menu-
meat d'art, et vous assistez à une lutte obstinée de la nature et de
rhoaune. Il y a des endroits où l'industrie semble vaincue par Tobstade;
mais c'est le moment où les ressources de l'art reparaissent avec le plus
de puissance. Cette roule s'élance sur les ravins, d'un bord à l'autre;
elle rampe, elle s'élève, elle bondit. H y a un intérêt dramatique à suivre
le combat de l'audaee humaine et de ces cimes si long-temps invain-*
eues. Ce monument de patience et de témérité est une sorte d'architeo-
Xore héroïque.
Malgré cela, c'est à la sortie de l'hiver qu'il faut observer les Alpes.
C'est là leur climat et leur saison natuvelle. Les pics de glace brillent
coaune des rosaces gothiques. Un silence lourd pèse sur ces vallées de
neige, où tous les bruits s'amortissent. A travers les frimas, on voit per-
cer Ics^ toits aigos des chalets. Du haut des pics les plus rapides, les avalan-
ches glissent comme des armées de géan8,,sous leurs-manteaux blancs. Les
Alpes semblent frissonner. Une puissance surhumaine vous oppresse, et
la terrible renommée de ces montagnes se confirme à chaque pas. D'ail-
leurs, même dans cette saison, on peut se laisser glisser à la ramasse, sans
presque aucua danger, depuis les sommais pisque dans les vallées ha-
bitées. La descente dure ainsi moins d'un quart d'iieure. Dans cette
course précipitée, les replis des montagnes s'affaissent et se nivellent sous
vos regards; la grandeur des objets, celle des distances parcourues, la
rapidité de la chute, et ces neiges inviolées, tout vous jette dans un
demi-vertige : il semble que vous soyez le premier qui preniez possession
de cette nature de glace.
IjCS lacs qui sont au revers des Alpes, le lac Majeur^ le lac de Côme, sont
déjà de la même couleur que les mers du midi, peut-être un peu moina
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140 RETUE DES DEUX MONDES.
bleus. Les petites Iles Borromées ressemblent à une création de TAriostel
Elles ont la même grâce que les inventions de VOrlando furioso, avec
quelque chose de plus sauvage. H y a en outre des pécheurs , un village
et une église, dans la plus grande de ces lies , qui ne semblent faites que
pour la fantaisie des poètes. Le doux parfum de la langue milanaise com-
mence là avec le myrte , Tolivier et le citronnier. L'enchanteresse des
climats du midi habite en cet endroit, sur son seuil. Dans le chAteau dés-
habité des Borromées , il y a des tableaux, des statues dormantes dans
les salles souterraines, au bruit des flots dormans; il y a de l'art et de Ta-
mour, c'est-à-dire, toute l'Italie. Dans ces lies lilliputiennes, la nature
s'est jouée d'elle<^méme; assise au pied des Alpes, elle sourit comme une
puissante Armide sur ces fantasques rivages.
Quand on aperçoit de loin la cathédrale de Milan , on dirait d'un édifice
de glace , bâti là de toute éternité , à la descente des Alpes. C'est la vieille
cathédrale gothique qui a servi de modèle à cette architecture; mais
combien le type austère de Cologne et de Strasbourg n'a-t-il pas été
altéré sous le ciel énervant de l'Italie ! La voûte ténébreuse du nord s'est
changée en un marbre blanc d'un éclat presque païen. Sur cette terre de
Saturne, le mysticisme de l'architecture gothique est dépaysé; le soleil
ardent du midi pénètre , avec une curiosité profane, jusqu'au fond de la
nef. Le trèfle et la rose chrétienne ont fait place, dans les omemens, au
laurier idolâtre. D'ailleurs il n'y a plus de flèche qui monte dans le ciel.
Soit que l'esprit de l'Italie se plaise moins dans la nue, soit que cette té-
mérité répugnât trop à la tradition romaine, il est certain que la flèche
gothique a toujours été un embarras pour les peuples du midi. Ou ibl'ont
séparée de l'église, et ils en ont fait un édifice distinct, comme à Venise,
à Florence, à Pise, ou ils l'ont supprimée comme à Milan. La cathédrale,
triste et rêveuse, des bords du Rhin s'est convertie, sous le ciel lombard,
à une foi sensuelle. De ses fleurs de marbre s'exhale l'odeur des citron-
uiers et des myrtes du polythéisme. Le Dies iras ne retentit pas sous ses
voûtes; bien plutôt l'écho de Lombardie y redirait des sonnets d'a-
mour. Ce n'est pas le Dieu crucifié qui a ici son symbole au milieu de
cette nature prodigue , c'est la Madone souriante sur le chemin des pè-
1 crins. Les statues innombrables qui habitent son église ressemblent aux
onze mille vierges de Cologne , ressuscitées dans de pâles corps de mar-
bre, que la mort païenne a ciselés.
De Milan , cette architecture , mêlée du génie du Nord et du génie du
Midi, prend trois routes : elle va aboutir, sur l'Adriatique, dans les pa-
lais vénitiens; sur la Méditerranée, dans le Campo-Santo de Pise; par le
chemin de la Tûscane, à Orviète : elle a suivi principalement les traces
tic l'esprit gibelin.
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TOTAGES d'un SOUTAIRE. J41
3c passe des monomeos étranges qui n'ont jamais été élevés, qui ne
«^écrouleront jamais, qui s'appellent Casliglione, Lodi, Rivoli; tout le
<^einiD de Milan à Venise est semé de noms semblables : ce sont des ma-
rais couverts de joncs, des pâturages suspendus sur des lacs, des avenues
de mûriers et de saules. Il y a quelquefois une maisonnette blanche qui
porte k son toit la cicatrice d'un biscayen, comme un soldat laboureur.
Sur le champ de bataille des environs de Vérone, les jeunes paysannes
font la cueillette des mûres. L'oiseau de Roméo et de Juliette chante, ca-
ché sous les vernes d'Arcole. Quand la nuit arrive, des myriades de
ïDOuches luisantes s'envolent de terre : elles s'allument, elles s'éteignent,
elles se raniment comme de petites lampes errantes pour éclairer les
morts.
H sonnait onze heures du soir au campanile de Saint-Marc , lorsque
fabordai à Venise. Il me sembla entrer dans le pays dies rêves. La lune,
en ce moment, sortait des nuages, sous l'iucantation des esprits embau-
més de l'Adriatique. Des gondoles, couvertes de voiles noirs, glissaient
â côlé de moi. Des deux côtés du grand canal, les ombres des paldi&
s'abaissaient et se confondaient, au milieu des flots, dans une architecture
fantastique, qui se bâtit là, le soir, pour les songes de la nuit. Cette im*
pression, reçue en arrivant, ne s'est point affaiblie par la suite. Après
avoir demeuré à Venise, après y avoir touché les pierres et les tableaux^
je n'ai pu détruire l'effet de cette nuit enchantée.
Yem'se est asiatique et arabe; elle est aussi bysantine, gothique, lom-
barde; mais c'est le caractère oriental qui domine, et celui sans lequel
elle reste incompréhensible. Ses vaisseaux ont rapporté chez elle les
styles et les formes de tous les climats : la coupole de Bysance, le minaret
du Bosphore, l'ogive de Mahomet, la citerne du désert. Rien ne lui
ressemble sur le continent ; elle est née de la mer ; elle est fantasque
comme les flots. Le Jupiter du Péloponèse, l'islamisme, le christianisme^
se pressent à la fois en ce lieu de refuge.
Toutes les fois que je vis l'église Saint-Marc, des milliers de pi-
geons voletaient sur les combles : ils se posaient sur l'épaule des statues^
sur leurs livres, sur leurs dais; ils becquetaient dans leurs coupes et
leurs calices : on aurait dit les oiseaux des légendes qui se penchaient à
Foreille des cénobites de pierre, pour leur apporter les messages du ciel.
L'église Saint-Marc est elle-même semblable à une vieille légende de
Bysance.. C'est la Sainte-Sophie de Constantinople transportée en occi-
dent. Un peuple de statues agenouillées habite les niches extérieures de
réglise, et semble de loin murmurer sur ses lèvres de marbre une langue
sacrée. Au dedans, toute l'histoire de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment est peinte sur im fond d'or. Une litanie étemelle sort aussi de toutes
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142 RBTCE DES DEUX MONDES.
ces bouches muettes. Vons habitez là au milieu de la cité sainte du
xi*siède. Cette foule de bieoheureui vous regarde» vous homme d'im
autre âge, qui pénétrez daus ce paradis du vieux degme. S'i s savaient
les langues humaines , ils vous demauderaient comme au pèlerin de Flo-
rence :
ITbû vieDS-to , toi qui nous ressembles si pea?
Avec cela, cette architecture est bien loin d'avoir la grandeur de Tarcbi-
tecture du nord : elle ue porte pas dans les nues la pensée religieuse
d'une rac? nouvelle; elle est plutôt opprimée sous le poids delà théologie
bysantine. Une décrépitude précoce s*y laisse apercevoir à travers ses
dorures: elle a les grâces ornées des pères de Téglise grecque, non la
sublimité sauvage du catholicisme d'Occident. Vous pensez à saint Chry-
sostome, à saint Basile, non pas à Tnrtullien, ni à saint Jérôme. Avant
tout f Saint-Marc est Téglise d^un peuple de matelots. Lorsque avec ses
petits dômes, qui s'arrondissent l'un >ur l'autre, on la voit du côté de la
mer, elle donne l'idée d'une nef bénie qui entre à pleines voiles dans le
port, chargée des chappes, des reliques , et des vases ciselés de Bysance.
Près d'elle sVlève la tour de son clocher à ogives. Cette tour isolée porte
les cloches et sonne les heures de la journée. Quant à la vieille église, elle
est muette; aucun bruit n'en sort pour marquer la siaccession du temps,
ni le changement de> heures; elle ne connaît ni soir, ni matin, ni deuil,
ni joie, ni glas, ni aubade : la cité sacrée du dogme ne connaît rien
qu'une heure , celle de Péiernîté.
A côté de Saint-Marc, le palais des doges est tout oriental; ses galeries
sont celles d^un palais arabe. Dans les ornemeus des ciiapiteauxsont
sculptés des plantes marine.^, des joueurs de mandoline et de viole,
double emblème de l'histoire et du génie national de la ville aux cent
tles. Les deux citernes qui sont creusées dans la cour font penser au dé-
sert. Venise n'a pas une seule source. A l'entrée des flots, elle est comme
Paimyre au milieu des sables. D'à «Heurs son palais des mille et une nuits
se termine par une prison d'état. Le sénat habitait entre deux tortures
continuelles : il avait sons ses pieds les cachots souterrains, et les
plombs sur sa tête. Quand vous voyez pour la prem ère fois, dans la salle
du grand conseil de TinquisKion, rayonner autour des nruirailles les ta-
bleaux de Véronèse et de Tintoret, ces fêtes de la peinture, dansées
enceintes lugubres, vous émeuvent malgré vous; car c'est au milieu de
toute la splendeur d'une architecture à demi mauresque, au milieu des
tableaux et des couleurs palpitantes de ces peintres , que cette aristocratie
enfbuissait ses mystères. Son gouvernement , qui fut une sorte de terreur
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VOYAGES d'un SOLITAIRE. 145
iMtioDaTe mêlée de volupté, était parfaitement à Taise dans ce palais,
%t(j\e et musée tout ensemble. Les supplices y touchaient à des plaisirs
choisis. Le petit pont par lequel les coorfamnés sortaient , pour être
poignardés ou noyés, est ciselé avec une élégance pleine de recherche,
^^ai TU un grand casque de fer dans lequel on broyait la tête des sus-
pects. Ce casque est lui-même d*une beauté étudiée. Venise poussa le
géoie des arts plastiques jusque dans la torture.
La vie de Venise était un prodige de chaque jour; en guerre perpé-
^ile avec la nature et avec le monde , sa victoire ne pouvait se prolon-
ger que par une tension extrême de tous les ressorts de l'état. Sa force
^a plus réelle consistait dans les combinaisons de son génie. De là, le se-
<^et sur tout ce qui la touchait était pour elle la première condition de
<^Qrée Dans un état ainsi établi sur le silence, ce n'est pas le lieu de cher-
cher des poètes, des orateurs, des historiens, des philosophes. Venise ne
^ait pas avoir, comme Florence, son Dante, son Boccace, son Machia-
^^- I^ parole écrite était l'opposé de son génie taciturne. An contraire ,
^ Peinture, cet art muet, devait être celui d'une société muette. Venise
^T précipita.
Oeqoi me frappe, c'est que la sombre sévérité du régime politique de
^^xiisc ne s'est jamais communiqué à sa peinture. Si vous ne considérez
^^ le gouvernement , vous vous figurez que toute cette société a été
<^Ksciuite par une terreur continue, et que les imaginations ont dû se
^'-■'vrir d'un voile lugubre. Si, au contraire, vous examinez l'art, vous
S"f>posez que ces hommes ont vécu dans une fête perpétuelle, et que des
iin^çinations aussi fougueuses appartiennent à un régime de liberté ex-
cessive. Titien et Paul Véronèse ont quelque chose de sénatorial , comme
Va^v^istocratie des cent lies. Ils ont la sensualité somptueuse, mais non pas
^^ ^éfërité ni la profondeur redoutable du conseil des Dix. Loin d'être
a^^ristépar le gouvernement, l'art exprima avec splendeur la splendeur
^^ Vétat; d'ailleurs un rayon détourné du Levant luit sur cesardens ta-
^^^ux. Ces imaginations de matelots se sont en partie formées au milieu
des bazars de Chypre et de Bysance. La peinture de Venise est à demi
orientale , comme son architecture.
Et véritablement, ces figures créées par l'art semblent aujourd'hui les
seuls et légitimes habitans de ces balcons et de ces galeries levantines.
An fond des palais, elles demeurent comme une aristocratie idéale et ta-
dlame.Sous les ogives humides des voûtes, le ver file sa soie; la gondole
passe en efOeurant le seuil; la foule se disperse sans bruit sur les
ponts. Quand le soir arrive, des bandes de mouettes et de procellarias
s'abattent sur la ville. Malgré cela, au fond de ces tristes palais , il y a une
fèîe qui ne finit jamais. Ces cadres suspendus aux murailles conservent
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M RBVUB DBS DBUX MOIfDBS.
Féclat des jours qui ne sont plus. Lorsque vous entrez dans la salle du ooo-
seîly yous trouTez encore la Venise patricienne toute parée , comme Inèi
de Castro dans son sépulcre.
Souvent des nuages violets , tels que ceux qui flottent sur les toilei de
Tintorety s'amassent sur la ville; leurs lignes droites sont comme tracées
à réquerre. La lumière se concentre alors dans une étroite bande à Tbo-
rizon. G*e8t avec une netteté incroyable que les objets se détachent sur
cette zone; mais, cordages, vergues, avirons, tout est gravé au burin dans
un ciel de cuivre. Du fond des vagues bronzées sortent le palais des dogei,
le campanile de Saint-Marc avec son ange d*or, puis, dans les tles, les
dômes de Saint-George, du Redemptor et des Gitelle La ville tout ea-
tière surgit de cette mer empourprée , comme la création de Tun de ses
peintres. Au milieu de cet éclat, on éprouve une impression de détresse
qui ne se retrouve qu'à Rome ; mais cette impression est beaucoup plus
extraordinaire à yenise , car là il n'y a point encore de ruines. Les pt-
laîs, quoi qu'on en dise , sont entiers. A cette magnificence seigneuriale
qui faisait, dans Venise, une fête éternelle , le temps n'a rien été encore.
C'est au milieu de cette fête que la ville a été frappée; elle est morte de-
bout.
On peut dire, en effet, que lorsque Venise acheva de tomber, elle était
morte depuis long-temps ; mais son gouvernement mit, à garder ce ca-
davre, la même vigilance qu'il avait mise à veiller sur elle dans la bônoe
fortune. Depuis la fin du xyii« siècle elle gisait sur son ht de parade;
pour cacher ce grand secret d'état, ce n'était pas trop de l'inquisitiun et
de la torture des plombs. Le premier qui franchit hardiment cette en-
ceinte ne trouva sous ce mystère qu'un fantôme.
Cédapiangere, signor! llya de quoi pleurer , monsieur, me disait le
vieux gondolier qui me ramena sur la terre-ferme; car le peuple ne laise
pas que d'être frappé de ces ruines , et il est fort attaché au lion de Saint-
Marc; ce qui n'empêche pas que Venise ne soit, par intervalles, la ville la
plus gaie et la plus folle de Tltalie; seulement cette gaieté exaltée est
quelquefois fort triste. Le carnaval de Venise ressemble toujours un pea
à la danse des morts.
Le canon des Autrichiens en batterie sur la Piazzetta, le grand dra-
peau de Vienne arboré nuit et jour en face de Saint-Marc, puis, en pers-
pective » l'hospitalité paterne du Spielberg, ce sont là, après tout, de
tristes siyets de fête. Les petits théâtres forains sont les seuls endroits où
la haine du joug tudesque puisse se montrer encore avec quelque liberté.
Dans ces pièces jouées en plein air, il y a toujours un caporal allemand
qui estropie, de la manière la plus burlesque, quelques mots d'italien.
Ainsi voilà Polichinelle vengeur des Dandolo, des Foscari et des Barba-
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YOTAOES d'un SOLITAIRE. itë
negro. En général, quel iemps faut-il pour que la petite comédie rem-
pl|K^ la cnmédie divine? c'est là, pour )out le monde, la vraie question.
II.
Après Venise I je n'ai séjourné qu'à Ferrare. Pour arriver à la prison
du Tasse, j'ai traversé une longue file de lits de malades dans l'hôpiul
Sainte-Anne. La prison est au fond d'une petite cour avec laquelle elle
est de plain-pied. Une grêle épaisse était tombée dans l'intérieur, car une
henre auparavant il avait fait un violent orage. La voûte de cette geôle
est si basse, que , dans certains endroits, on a peine à s'y tenir debout.
Cest là que le poète fut gardé sept ans comme une béte fauve de la mé-
nagerie de la maison d'Est. Pendant ce temps-là, Eléonore, dans le châ-
teau de Ferrare , écoutait les joueurs de luth; elle souriait sous les oran-
gers des villas, et pas une fois ses lèvres adorées ne s'ouvrirent pour
demander la grâce de celui que l'amour rendait à moitié fou. Le dernier
des ménestrels, il expia le long bonheur de ceux qui l'avaient précédé. Il
avait été l'amusement des heureuses princesses de Ferrare ; mais quand
il voulut prendre la vie au sérieux et que le baladin se souvint qu'il était
immortel, il fut réputé fou de la meilleure foi du monde. L'insensé, en
effet, qui livrait les trésors de son cœur au divertissement de ces jeunes
femmes couronnées , et qui cherchait dans les fêtes de la renaissance la
dévotion d'amour et |la passion profonde des temps passés ! Il avait dans
son cœur la passion de son Tancrède, et il croyait, lui seul, pouvoir ré-
chauffer de son souffle cette société défunte. Il embrassait des fantômes
sur son sein de poète, et il ne vit pas que le cœur des reines s'était glacé.
Epris du moyen-âge, il apporta le cœur brûlant d'un ancien troubadour
dans le tombeau orné de la féodalité. Il fut le Roméo d'une autre Juliette;
mais cette Juliette ne se ranima pas pour lui dans le sépulcre. Parce que
les chevaux piaffaient dans la cour, parce que les jeunes filles souriaient
comme avaient fait les châtelaines au temps des croisades , il crut que
l'ancien amour vivait encore, et qu'un grand cœur battait au sein de cette
société , sous la soie et les dorures* Le jour où il sentit qu'il se trompait,
sa tête se brisa ; il essaya de rompre le charme d'une main tremblante ,
eon una mono iremante: oh ! ce fut là une divine folie dont quelques-uns
ont hérité même de nos jours; mais ce fut une folie.
Après la prison du Tasse , je vis la maison d'Arioste. Un soleil bril-
lant rayonnait dans la chambre de messir Lodovico. Un chat lustré ron-
flait sur le seuil. Des pigeons battaient de l'aile contre le vitrail de la
feaêtre à ogive. A travers les portes des appartemens, j'entendis le vent
TOME vn. 10
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tt6 MrrOB DBS MCOX »MIDB6.
qai soufflait et soupirait oomme les lliiitdraes émiis de la feniaisie eu
poêle. SoD écritoire était sur une table. Je descendis dana le jardin. H
était alors tout en fleurs. J*y cueillis des œillets et des narcisses. Des pa-
pillons diaprés se posaient sur les gazons d'Espagne ; des poules glous-
saient dans la cour. Tout annonçait la demeure d'un bute heureux. Arioste
n'éutt point tombé dans le piège où Tasse se laissa prendre. De bonne
heure , il avait estiuié ce qu'il valait le simulaere qui l'entourait. H
n'aima pas ee qui ne pouvait aimer. Il prisa le moyen-Sge juste antuit
que le cheval de Roland qui n'avait qu*un défaut, à savoir d'être mon
Il ne demanda pas aux reines des larmes qu'elles ne pouvaient pienrer,
ni aux vivans un enthousiasme que les morts seuls possédaient. A k
vieille cour de Charlemagne et d'Artus, il donna la frivole beauté de
la cour de Ferrare. Il se fit des ioMgespour s'eu jouer; et le premier, il
sortit du sanctuaire de la fbi antique avec un éclat de rire. A ce prix si
cher, ses œillets fleurirent; ses colombes légères vinrent boire snr le
bord de sa coupe. Chaque année, le rossignol nicha dans les ros ers
de son jardin, pendant que Taraigiiée suspendit sa toile à la prison
du Tasse.
Il semble que dans toutes les époques qui ont été complètes , le rire et
les larnaes aient été ainsi mêlés, et que chaque siècle apporte avec loi
deux grands masques, l'un comique, Fautre tragique. Chez les anciens
Horace, Virgile; au moyen-âge, Boccaee, Dante; après eux» Arioste,
Tasse; plus tard encore, Yoltaire , Rousseau.
m.
A Bologne, les Autrichiens bivouaquatent sur la place. Les csasns
étaient en batterie , les chevaux seHés. Des patrouilles gardaimt les prin-
cipaux débouchés de la viHe. Cette image d'asservissement, quimeponr-
suivait depuis nnon entrée en Lombardie , me fit horreur ; et vraiment,
rien n'est plus laid que ces blonds lansknechts sons le soleil du raidi. A
Miiau , î'avab déjà rencontré leurs sentinelles à tous les coins de mes.
A Venise, j'avais entendu leurs canons dans la nuit, et j'avais vu leor
drapeau sur Saint-Marc. En ce moment, je sentis que je haïssais TAl-
Icmagne pour totit le mal qu'elle avait fait à l'Italie.
Oui , Albert, je connus alors la vieille haine accumulée par Dante, par
Pétrarque, par Machiavel, et je désirai avec ardeur de voir un jour l'Italie
marcher sur le cou de ces blêmes tudesqnes.
Autrefois , je te vantais leur génie ; tu te le rappelles ? .le voulais plon-
ger jusqu'au fond dans le chaos de ces esprits de ténèbres , parce que je
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croyais qa'un enthoosiasme darable les poussa t anx nobles entreprises;
mais leur essor n*a doré q^i'un moment. Une muse flétrie a déjà pris
chez eux la place des extases passées. Trop souvent ils couvrent sous des
paroles savantes dessentimens vulgaires. Va , crois-moi, ne cherche plus
dAM les deiM le eygae alleiuaid; H se mim aujoard*faeii tkms son cloaque.
J'ai aimé le ciel pâle de leurs pâles •vitlées. Dans ee tenps-là mon coMir
ne voyait, ne seatnt partant qae les imafes quil créait; je n'avais pas
coeitti lie myrte dans riso4a*BeJla , ni passé voe miH d'été au bord do lac
Bolièoe. Tous les boriaons étaieat pour moi également beanx, pourra
qu'il y elU place pow* oa rêve. Je ne Aiisais point de dlfTérence entre im
lourd cleKd'Aiitrîclie et an oiel vénitien. Mm, depuis que j*ai passé les
A^es, aaes yaiic» Dieu merci ! seat las de la lèpre tudesque. La perfidie
bavaroise , fiAfauaa bœearieê , m'est connue; et si pottr un si grand mal
taule parole n'éiail vaiM, je m'expliquerais davantage.
Depuis qoe les empereiin le rédiaaffeut au seleit lombard , qu'ont-ils
reaëu à lltalie en échange de ce qu'ils lui ont ravi ? Ne voient-ils pas
qae leur sang est trop froid peur celte ardente contrée? Leur génie qu'use
une heure d'exaltatioa n'est pas fait pour le soleil dévorant des enfans en
midi; le myrte est trop parfumé pour ces inaipides vainqneura; et
l'oreage de la Breaia ne raèrlt pas pomr les lèvres épaisses des seris de
Babsbeiirg.
Plan ! ttool cela ne peat durer, il fant que les manteanx bYencs dispa*
raisseot, et que les cavaliers frilaox repassent les monts. Ne «entent-As
pas 1^ leur langue hennissante rompt l'aecord de la mélodie toscane ,
et qae Icars nwmbfes grossiers n'ont jatnais été formés ëe -Dieu pour ha»
biiar, à Toiskre dea villas^ le jardin de TltaHe? Qu'ils consultent leura
mains rudes et calleuses., et leure sens hébétés. Ils apprendront d'eux-
mômes qœcette terre de volupté n^est pas la leur, et qn^ reste encore
aa-delà dea neat&, sons leurjcîel blêmissant, mainte glèbe qui reste
privée de lear swur aerviie : qu'ils retournent dans leurs vallées du
Danube, de lIEIbe et de ta âpnfte, s'atteler à leor ebarrae fftodale; 'et
alora, nona^looenNSS tant qu'un voadra les vertus de ces faométes Ger-
\ an^urd'huî, de œtte terre d*amoiirilsont fait une terre de haine.
L'enfaat qui^oommeneeà balbutier, la jeune fille sous son voile, Termite
dans sa ehapeUe, tout ee qui a un cœur peur aimer ou pour haïr, les
mandit en même temps. La vertu de l'Italie est de les détester ; c'est par
là qu'elle réonit ses peuples qu'aucune autre puissance n'avait pu rallier. Eh
bien! qu'elle la nourrisse cette haine sacrée, son seul et dernier refuge .
Qu'elle adere la madone de la colère , puisque la madone de ht pitié n'a
palasanver!
10.
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148 RBTOE DES DBOX MONDES.
IV.
Florence est toujours le commeouire vivant de Dante. L'architecture,
la sculpture , la peinture da xiy« siècle et la Comédie divine ont entre
elles d'intimes ressemblances. Dans le silence des églises moitié gothiques^
moitié lombardes, les fresques de Giotto, de Luppi, de Thaddeo Gaddi,
donnent une certaine réalité aux visions du vieil AJighieri ; et sous l'ar-
chet peint des archanges s'exhale encore la mélodie de ses tercets. Dans
les loges d'Orcagna , au bord de l'AmOy dans le fond des chapelles et des
cloîtres y sur le seuil des palais guelfes ou gibelins, partout le poète
pèlerin vous apparaît au milieu du paradis de l'art florentin.
Dans les temps chrétiens, Florence a été le vrai pays des formes. Tout
ce qui dans nos tristes contrées n'est que rêve, désir, espérance, regret,
a pris là un corps et une figure déterminée. Un contour achevé a circon-
scrit toutes les images rapides qui passent aujourd'hui dans nos cœors.
Jamais les peuples d'artistes et de ciseleurs n'ont connu les vains fantô-
mes qui s'élèvent dans le souvenir, et retombent sans laisser de traces.
Tout ce qu'ils ont aimé, tout ce qu'ils ont haï, ils l'ont touché au doigt;
ibont immortalisé le moindre de leurs songes; et ces cieux d'amour on 1
de colère que l'homme fait et défait sans cesse à chaque instant, ils les
ont fixés comme l'ombre sur la muraille.
Il est impossible de vivre à Florence sans s'y préoccuper de l'histoire
de l'art, car on peut en suivre là les moindres phases comme an coeor
même de l'iulie. C'est dans ce grand atelier que la tradition de l'anti-
quité s'est rencontrée avec l'idéalisme chrétien , etjque leur mélangea
produit ces formes sévères qui restèrent toujours inconnues'.à l'école de
Venise. Même au milieu du moyen-àge, on y garda la tradition des arts
païens. Dante y conversa. avec Virgile. Les sculpteurs de Pise donnèrent
aux cénobites du Nouveau-Testament quelque chose de la beauté des
dieux antiques, et les peintres abreuvèrent de nectar :olyrapién les lèvres
des archanges. Comme l'église romaine avait absorbé dans ses rites les
meilleurs souvenirs du paganisme, de même l'art florentin, qui fut aussi
une sorte d'église, conserva quelques-uns des linéamens de l'art antique.
De là naquit un genre de beauté qui, sans ressembler à aucune époque,
avait pourtant des rapports avec toutes. U semble que l'histoire de Flo-
rence soit comme la cité emblématique de Dante, et que l'on y monte de
cercles en cercles, avec chaque siècle , jusqu'à la suprême beauté. Peu i
peu une Grèce ressuscitée, sous les traits d'un ange mystique, s'y est as-
sise dans le ciel de l'art. Une Italie nouvelle, ,plus belle que l'Italie an-
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VOYAGES D'un SOLITAIRE. 149
9Dne» est sortie du tombeau de TEtrurie. Ce fut une Madeleine péni-
nte qui gardait encore , à travers les pleurs et malgré les macérations
sl^vangile, les traits et la beauté de la Madeleine pécheresse.
Quelque trace du génie étrusque s*e8t perpétuée là, à travers tous les
hangemens des temps, des langues et des institutions. Dès le xiv* siècle,
IQaad Rome chrétienne était seulement la ville du dogme, Florence jetait
déjà la ville de Fart. C'est chez elle ou près d'elle que le développement
épique de la tradition s'est accompli dans la poésie par Dante, dans l'ar-
ditectore par Giotto et Bruneliescbi , dans la statuaire par l'école de
Pise, dans la peinture par Orcagna et Michel-Ange. U faut remarquer
que Rome, qui a donné son nom à la plus grande école, n'a produit elle-
même ni poète, ni sculpteur, ni peintre. Elle n'a eu long-temps qu'un
art, i savoir, le culte et le rite catholique. Ses poètes, ses statuaires, ses
architectes furent ses papes. Lorsque le travail et la constitution de l'é-
glise forent achevés, alors seulement les arts séculiers arrivèrent de
tontes parts, pour recevoir là, par Michel- Ange et par Raphaél, le droit
de bourgeoisie dans la cité du dogme.
Oo répète souvent de nos jours que les époques les plus religieuses
sont aosii les plus favorables à l'art : cette idée est démentie par tout ce
que i*ai vu en Italie, et surtout à Florence. Tant que la foi fut pro-
fonde, les peintres, aveuglément soumis à la tradition de l'Eglise,
laissèrent leurs œuvres dans une sorte de divine enfance. Assurément le
génie religieux ne manque pas aux mosaïques byzantines ni aux peintures
snr bois des vieilles écoles. Que leur manque-t-il donc? l'art; il ne s'é-
mancipa qu'aux dépens de la foi. Les grands maîtres des écoles de Venise,
de Florence, de Parme, de Mantoue, furent contemporains de la ré-
fonneetde la confession d'Augsbonrg. Chacun d*eux soumit la tradition
reiigieQie à l'autorité de l'imagination, comme Luther la soumit à l'au-
torité de la raison. A quelle distance Michel-Ange, Léonard de Vinci,
Corrége, ne sont-ils pas de la croyance et de l'orthodoxie de leurs pères!
Ils changent à leur gré les types et les expressions consacrées; ils abo-
lissent à leur manière l'ancien rite. Ni Raphaël , ni Titien, n'approchent
de leurs pinceaux avec le tremblement de cœur et la dévotion de Fra An-
geljco ou de Masaccio. C'est au sortir d'un banquet avec la Fomarina ou
arec l'Arioste qu'ils substituent au catholicisme rigide de la tradition un
catholicisme vénitien, florentin, romain, qui n'a plus rien de l'unité des
rieilles fresques liturgiques. A la madone impassible des Bysantins ils
prêtent les passions et les airs de tête des femmes des lagunes, de Parme
>a d'Albano. Les différences, les caprices innombrables de la fantaisie
lumaine pénètrent pendant cet intervalle du xv* et du xvi* siècle ,
onune autant de sectes privées i dans le ciel du vieux dogme. Chacun
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ISO RETII£ BKS WSX MDNWtt»
86 fiait, sur la leile^soaévangUeiiMa image; irunité du YleuK sjmUk
est perdue sans retour. C'est Le temps de lapoésie, de ract, de la beaul^;
ce D*est plus le temps de la foi.
Au commencemeoty les gcaods-crucifix de CUnabué, eofiove sanglans,
représentaient la passion et Tascétisme du moyen- Age sur son Calvaire.
On dirait que les apôtres , encore frappés de terreur, ont peint eux-
mêmes, de leurs mains incultes, les fivesques colossales du x* siècle. U
dessin en est grossier; mais k Dieu nouveau est là. A travers ces traite
barbares ressort une grandeur apocalyptique. LaVierge^byzantine est as-
sise sur son trône; un repos •étemel illumine son front. Sa robe, où sont
brodés de secrets symboles, participe de cette immobilité céleste. Lei
douze apôtres, partout inséparables, iceraplisseot les coupoles des basili-
ques. II semble que ces personnages soient conçus hors du temps, au-
dessus dea mondes détruits. Dtans^ leur ciel tbéologique, ni joie ni tris-
tesse; tous ils sont investis d*une seule pensée, qui est la pensée divine. Bs
ne prient paa, ils n'enseignent pas, ils adorât Nous sommes auxiT
siècle.
Dans Tâge S]iivaDt,ju8qu'aa quinzième, la £aî atost pas mràs gruie*
Pourtant ces personnages sont sortis de leur ^MWtampta tien. Us ceoMnHi-
cent à errer. dans r£den de l'imagina tioa,'ei à quitter leiar sainle oisi-
veié. Sur les fresques de Gaddi, la& soldats endocmisautev du sépatert
Tide ouvrent leurs paupières; ils sl^é^eillent au jour noiAveaia. Le^Cbriit
s'élève du milieu d'eux, emportant l'étendard de 4a m^r^t. Le long da
murailles du cimetière des Pisan^, les Fîerges pâles de Giatto se gUasêat
à travers les .tombes comme des ressuscites. Le Umfis est venu où les
anges de GQzzolirde.Bu£taImaoco^ deJEiesolCyOnt embouché leiini<trMiiMB
d'or. Sur leuKS violes ils ont .pressé4eucs archets peoQttr)»é6;^att mUieu lie
ce silencieujLConoert, la madoncsourit pour la première £ois de cesoariv^
dont l'italie tout entière ae sent «noore émue. Sous ce ciei de mélodies
elle promène ^ et Ih^ danasesibras, le CUcist enfant. Cei fut là sans doute
le tempe le plus adorable 4e rart,js'Jl faut appeler.de oenomtoe^qui était
une prière,^un acte de £oi,.ouplAitôti«n ax-voà» d^e: l'humanité naufcagiée
et sauvée. Toutes les espérances, toutes les croyance&^Mraieut l'âge de ee
divin enfant que berçait sur ses genoux la madone de l'Italie. Les artistes,
réunis en confréries, connaissaient dans les moindres détours les secrets
de l'éternité. Il n'y a que les choses de la terre (pi'ils ignoraient. D'ail-
leurs leurs conceptions avaient dépouillé^ la barbarie des temps du chris-
tianisme primitif. Ils étaient sur le seuil de l'église et de l'art séculier,
appartenant cependant à l'une plutôt encore qu'à l'autre. Ce furent là les
derniers songes du genre humain dans le berceau du dogme catholique :
àkl que vont-ils devenir^ ces songes vôtus de pourpre et d'or?
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TÔYACKS ifm nOUTAïKE. 151
l^prs ta fin da xv* siècle, tout a changé. L'épogue de perfeeiîon dé l'art
M. arrivée. Ce qoe les figures ont gagné eti beadté, elles l'ont perdu du
KHé de Faustérité et de la croyance. Ce n*est plus le temps où le dogme
Kait revêtu de ses formes consacrées; c^est plutôt l'apothéose d*un paga*
BÎsme chrétien, ou, comme on parle aujourd'hui, la réhabilitation de la
onatîère divinisée. La madone est descendue de son siège sacerdotal; elle
est sortie du sanctuaire des basiliques. A l'ombre d'un pin, au milieu d'un
paysage deRaphaél, elle s'assied parmi les maures de la campagne sons
la figure d'une jeune fille d'Orbino. Au loin blanchissent les toits de son
filage de la Romagne, et le sentier terrestre par lequel elle a passé ré-
sonne sous les pas des cigales. Ou elle habite près d'Andréa Sarto , sous
les traits d'une Florentine de la Via Grande; ou elle se penche dans
l'aielier du Corrége et respire sur ses lèvres l'odeur des myrtes de Parme
et de Crémone. Le Christ lui-môme est devenu, sous le pinceau de Mi-
chel-Aoge, un autre Jules II, un pape irrité et militant. Ce n'est plus le
Dea enseveli dans les limbes de son ascétique passion. Les prophètes de
Jnda, les sibylles de Gumes et d'Ëphèse se rencontrent ensemble dans la
chapelle Sixtine. Sur leurs livres obscurs sont mêlés le judaïsme, le pa-
ganisme, l'Evangile, tout, hors la vieille orthodoxie. Ils épèlent ensemble
le mot sibyllin de l'avenir ; dans un siècle réformateur, ils sont eux-mêmes
le symbole d'un monde nouveau. A l'extrémité de l'Italie, le sensua-
lisme se déclare ouvertement dans l'école de Venise. Sur les toiles de Paul
Tèrooèse, le vin de Lombardie coule à flots éternels dans la cruche des
iioces de Cana. La cène des douze apôtres se prolonge nuit et jour, avec
la magnificence propre aux époux de la mer. La pauvreté évangélique se
ïceouvre de la pourpre du Titien, et le manteau des doges est jeté sur
les épaules des pêcheurs de Galilée. G'eo est fait ^ la chair est ressuscitée;
^Q fond des grottes mystiques, les saints, les patriarches, les pères de
l^gHse, les innombrables élus du moyen-âgearrivent et se pressent dans
iè paradis sensuel de Tintoret.
Aq milieu des monumens de Florence, Il en e^ an que je ne puis effa-
cer de mon souvenir , qui me tient lieu de tous les autres, et dont l'image
^este a fini par m'obséder : il est dans l'église de Saint-Laurent. Ce
monument terrible représente pour moi le caractère de l'Italie moderne,
telle que je l'ai comprise; il résume tout ce qu'il me serait permis d'af-
firmer sur ce pays. Je parle de la chapelle sépulcrale des Médicis, par
Michel-Ange. On pourrait dire tout aussi bien que c'est le caveau se-
paierai de Tltalie elle-même, et que c*est elle qui rêve sur ce tombeau.
Le mort est ceint encore de la cuirasse du moyen-âge : il appuie sur son
coude sa tête chargée d'un casque. Il pense , et c'est de cette contem-
plation qu'il a tiré son nom : il Pensosot Cette méditation da tombeau
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1d2 eeyue des dbux mondes.
est si profbadei que tous croyez voir passer sur ce front de pierre iei |
songes frissonnans du sépulcre. Il pense aux temps oubliés de la gloire
italienne, aux gonfaloniers des Guelfes, à la bataille de Campaldino; il
pense aux flottes de la Chiozza, aux murailles pavoisées, à rempereor
tudesque qui fuit devant la couleuvre milanaise ; et la mélancolie do
doux pays qu'en''erment les Alpes et que baigne la mer, est tout entière
scellée sur ses lèvres. Au pied de ce trône de mort, le Jour, la Nuit, le
Crépuscule, 1* Aurore, languissent couchés sur le flanc. Ces personnages
ont la solennité rêveuse qui se retrouve partout en Italie, au lever et u
coucher du soleil. Les rayons funestes qui attristent les marécages et li
campagne de Rome pèsent au front de cette famille des Heures géaotes.
Qu'attend-il ce Jour gigantesque pour se lever debout? La Nuit, sod
épouse funèbre, qu'attend-elle pour sortir de sa couche ? Jamais des jeux
humains n*ont vu un si étrange couple. Sont-ce des jours passés qui se
reposent d*avoir été? Sont-ce des jours futurs qui se préparent à la fi-
tigue d'être ?.L'un peut être comme l'autre. Levez- vous donc, Jour éter-
nel ! Aurore immense t famille sans parens et sans postérité! Pour qoe les
morts ressuscitent , ôtez la pierre de ce tombeau. C'est le tombeau de
l'Italie.
Au moment d'entrer dans la campagne de Rome, je quittai mon
vetturino. Pour voir de loin la ville à découvert, je montai un de ces
chevaux à demi sauvages qui errent aux environs. Comme j'allais passer
le Ponte-Felice, une jeune fille sortit d'une masure voisine : elle s'ap-
procha do moi en m'apporlant des pêches et des raisins de la monugne.
Ses yeux noirs brillaient au soleil sous la toile blanche dont sa tétc
était couverte; de longs pendans d'oreilles tombaient sur sesépaoies;
elle avait le teint des beaux marbres quand le soleil les a dorés; et,
avec cela, la taille d'Agrippine dans un corset écarlate et or, tel qœ
jamais sainte dans sa châsse n'en posséda de plus brillant ni de plus cha-
marré. J'arrêtai mon cheval , et je la contemplai quelque temps avec éun-
nement et ravissement , comme une madone rustique descendue de sa
niche.
Après la Storta, tout vous dit que vous approchez de Rome, cpasd
même rien ne vous la montre encore : une inquiétude indéfinissable
vous saisit. Au-delà de chaque tumulus, vous vous attendez à la trouver;
car, de ce côté, le Monte-Mario vous U dérobe jusqu'au dernier mo-
ment, et vous ne la voyez en plein qu'à l'instant où vous la touchez. Oa
ne sait de quel mot se servir pour décrire cette campagne. Sans village$|
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TOYAGES d'un SOLITAIRE. 1S3
lus fermes « sans babitaos , elle est aussi sans ombrages et sans forêts. Il
^ plus facile de dire ce qui lui manque que ce qu'elle renferme; point
Se murailles» point de haies pour diviser les champs; rien de ce qui fait
wlleurs la vie champêtre; point de chariots roulans, ni d'instrumens de
labour; point de prairies^ point de sillons; ni plaines, ni montagnes. La
^gure de ce terrain, rompu en terrasses et en ligne droite, a une sorte
^analogie avec la majesté des formes romaines; et la grandeur de ces pla-
teaux semble taillée sur le môme plan que l'architecture et que l'ordre
rustiques. Du côté de la Sabine, les redans de Tivoli, de Frascati, ouvrent
SOT la plaine de larges voûtes d'ombre ; l'horizon est fermé par la cor-
nicbe du Monte-Cavo. Ce qu'il y a d'étonnant; c'est que dans cet espace,
droooscrit de toutes parts, il y a encore plusieurs places que la géogra-
phie n'a point explorées (1), et qui restent en blanc sur ses cartes ,
comme si elles étaient au centre de l'Asie. A l'endroit où le sol se brise ,
k& ruisseaux encaissés roulent sous des arches de plantes grimpantes
et de vignes sauvages , où s'abritent toujours une foule d'oiseaux de ma-
rais. Le Tibre seul coule k fleur de terre dans son lit volcanique, où il se
recourbe et se replie sans cesse. En remorquant un bateau, des buffles
bruns laissent tomber dans ses flots, comme un fardeau, leur ombre
velue. Du haut des plateaux, vous voyez surgir une des tours féodales des
Colonna ou des Orsini, ou bien des aqueducs qui traversent la campagne
dans tous les sens, comme des escadrons rompus, ou, dans un ravin,
quelque petit pont recouvert de créneaux pour défendre le péage, ou une
misérable locande, d'un blanc mat, exhaussée sur des tas de débris, et
quelquefois sur un tombeau. Par delà de minces barrières qui, k de grands
intenralles, divisent cette campagne déserte, passent de noirs troupeaux
de cavales effarées : un seul berger les suit k cheval et armé de son grand
bois de latice. Plus on approche, plus la solitude augmente. Enfin , à la
descente d'un mamelon, vous apercevez à la fois , lÀ-bas dans la plaine,
un coin de la ville et une échappée du golfe d'Ostie : Rome et la mer,
ces deux infinis ensemble.
Si au lieu d'entrer, selon l'usage, par la porte du Peuple, vous entrez
par celle qai touche au Monte-Mario , vous aurez un spectacle afTreux ,
nais analogue à celui que vous venez de quitter. Au-dessus de la mu-
hille, vous verrez , pour inscriptions, des têtes de morts entassées dans
des cages de fer. Pour ma part, une des premières choses qui me frap-
pèrent en arrivant, ce furent ces crânes de morts qui ricanaient , comme
dans le préambule de la tragédie d'Hamlet, sur la porte de la ville éter-
nelle.
M Yoyea la carto de tir Gell. isai
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fS4 UTUX BBS nwx mokom.
B y a trois BloineSt celle de raotiqultéi» celle du mo^ea-âgies» cotte de
la renaissance»
La première a usurpé loutes les ruines de Tltalie aucienna» comm
tauies ses grandeurs : elle a quelque chose de monstrueux dans ses débri^
qui convient bien à Tempire que ces débris rappellent. Par exemple, lei
Xbermes de Garacalla» dans leurs masses informes, témoigneraieoi,
eux seuls , de Tespéce de délire qui possédait le monde sous les CésM
Dans cette Babel écroulée, on ne peut reconnaître aucun plan; ce qui
n'arrive jamais avec le génie grec» lequel conserve sa noblesse et sa cor-
rection jusque dans ses derniers débris. Malgré cela, une beauté sur
yage ressort de cette architecture orgiaque, A travers les lézardes, oq a
pratiqué un petit escalier en bois» qui conduit sur la cime de ce chaos dp
murailles. De là » on domine toute la viUe antique; vue de ce côté» ellei
le caractère babylonien des prophéties; car le vrai. caractère de la Roiae
païenne est d'être comme frappée d'une étemelle condamnation. JeoV
jamais passé sur le Forum sans remarquer l'inscription de l'arc de triom-
phe de Constantin : Au fondateur du repos (fatidatori quietU ). Étno^
moment de repos que le temps qui touchait aux invasions des Goths, dfii
Alains» des Hnos» des Vandales» des Lombards, ta vieille ville étaitlasM,
e% demandait merci. Parce qu'elle avait sommeillé une nuit» ellest
croyait sauvée ; mais ce qu'elle appelait le repos n'était <que le coromeac^-
ment de ses misères; et cette inscription est une ironie de Jebovabjeté
sur le Jupiter abattu du Campo-Vacciuo. Le culte catholique» qui sorg^ |
partout sur les ruines du paganisme, en fait autant de monumeos delà '
Providence. On dirait que Tarchange du christianisme les frappe iaceir
samment» et qu'il disperse de sa verge les dieux attardés dans cette iosh
phat de briques et de marbre» D'ailleurs» ces monumens ne sent point
défendus , comme ceux de la Grèoe, par leur beauté olympienne; ik
n'ont point été non plus oubliés sur la cime des monts : an contraire»
Us sont foulés et heurtés sans cesse, sur le graad chemin du monde» ptf
la vengeance du dieu jaloux. Jour et nuit, dans le Colysée» au pieddiB
la croix de bois qjui s'élève an milieu du cirque» l'orgueil delalWiM
patricienne et ses espérances superbes sont livrés à la dent des lions ia-
visibles.
Tout cela fait que Rome n'est jjamais si belle qu'à la lumière d'un granA
orage», tel que chaque été en amène plusieurs dans son puissant cUoiA*
JDe bonne heure» le sirocco s*abat sur la campagne; tout se tait comme!
l'approche d'un oiseau de proie. Dians l'atmosphère^ nage une vapeur
brûlante. La tôte des hauts pins de la villa Pamphili se balance à l'horuao*
Des bandes de goélands et d'oiseaux de mer remontent d'Ostie; ils s'a«
battent sous les voûtes des ponts déserts. Le Tibre change de couleur; il
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rmde^omme imlIenTeînferniif à travers sacampagiffi maadfte. On entencF
des Minpifs cfal sortent par iMntfTée des rocaîlles de Roma-Yecchia. Quanti
tes^kiirs plas Tréquens jailKssent, ils entourent (fune auréole de colère
h etme du Cotisée» Ta tour de Néron, les créneaux du môle d'Adrien» et
les baots obélisques des places. On dirait que le sépulcre du vieux monde
ifonvre et se ferme sous une main invisible. Alors les ruines, que dorait
auparavant un brtlfant soleil, sont pins blêmes que des spectres. Une
odeur fade s'Ahale des orties en fleur des Thermes. A mesure que
les nuages entassent leur architecture flamboyante, ils deviennent
couleur de sang. A la fin , leur cité vagabonde crève sur te front de la
eité condamnée. (Test Fheure où les chiens égarés s'abritent dans le
tombeau de Geeîlia Meteila. La petite porte de bois qui ferme le jardin
des Césars, sur le mont Palatin , s'agite en criant sous les pieds des bou-
quetins et des chèvres errantes. Si en ce moment T angélus tinte à la élo-
ebe de Saînt-Omiphre , ce faible son est bientôt répété par mille autres;
à peine ce dernier bruit se meint , qu'un immense murmure s'exhale de
ferre. Les confréries âts morts élèvent leurs chants lamentables sur le
penchant de TAventin. La Rome chrétienne s'agenouille sur le sépulcre
de la Rome païenne; tout redit au loin d^jns la nuit : Miserere î miserere t
A la Rome du moyen*âfge appartiennent les cloîtres bysantins, les
banliques, les peintures en mosaïque. Ces dernières surtout, quoique
peu remarquées, sont certainement les monumens qui sont le plus em-
preints de Tesprit des premiers témpsdu christianisme. L'époque qu'elles
reproduisent est eelTe oà Fart, tout sacerdotal, n'était qu'une dépendance
de la liturgie. D*ailleurs, dans ces peintures se retrouve la même barba-
rie que dans la tangue des pères de l'Église, avec le même genre de su-
biîRrité quand elfes s'élèvent jusque-là. Leurs rapports naturels, dans
Rome, sont avec les catacombes, avec les coupoles lombardes ^ avec le
chant grégorien , avec le vieil orgite de Bysance , avec la poésie des Kta-
oîes et du Dies irœ. Je me souviendrai hnig- temps de celle de Saint-Paul
Iréfsdes murs. On sait que cette basilique du rv« ou du v« siècle a été
brûlée de fond en comble en 18^. Quand je la vis , H ne restait que
Ftpaîde du chœur; mats cette partie, la seule qui ait été sauvée , était
ausaf la plnsprécîense ; car elle est remplie , du haut en bas , par la pein-
tiffe la phi8 gigantesque qui existe assurément. Le Christ qui en feit le
«•jet est debout; il est grand de toute fe hauteur de l'église. Ses pieds
ttuebent le pavé, sa tète soutient la voCtte. Quoique ce oolosse soit certes
d'ime forme barbare, la refigion qni règne dans ses traits , dans sa pose,
tes seo geste, est si profonde, que j'en ftis-saisi comme de la vue d'un por-
tnUfllargiqtie, esqnîssétpar lu main d*un martyr. Le Christ des premiers
âges^dlait là pensif sur les raines de son égKse. Sous ses pieds croissaient
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156 RETUB DIS DEUX MORBES.
les ronces de la campagne. Les cigales altérées criaient aatoar de loi ; et :!
mon cœur, plus altéré mille fois que les cigales y 8*élerait par bonds ji»- '
qu'à rimpression de cette foi perdue dont ces pierres portaient le témoi- la
gnage. J*a?ais beau me retirer et changer de place , cette grande pto-
pière s'ouvrait et s'abaissait toujours sur moi. Je voyais passer les naa^
au-dessus de sa tête , et à quelque distance de là blanchir les murailles
de la ville. Tout cela rappelait la légende du Christ voyageur à la porte
de Rome. D'ailleurs, je n'étais pas seul; au milieu des fats de colooDes
épars,il y avait une dizaine d'ouvriers qui sciaient des pierres en sifflant,
emblème frappant de l'état de l'église spirituelle, et du petit nombre de
ceux qui la relèvent. Depuis ce temps-là , j'ai vu les cbefis-d'oeuvre da
Vatican; mais rien ne m'a paru d'un effet plus saisissant, ni phis apoca-
lyptique , que ce Christ du iv* siècle, debout ^nr les ruines de sa basi-
lique, au milieu des broussailles et des buffles de la campagne de Rome.
Les murailles qui entourent la ville, avec leurs petites portes, flanquées
de tours, sont à peu près du même temps; elles réveillent des impresaioDS
analogues. Quand on aperçoit de loin ces murs lézardés et leurs cbétili
créneaux, il est impossible de se défendre d'une immense pitié. On se
figure cette Rome dont les faubourgs touchaient à la Propontide et à
l'Armorique, et qui se resserre de plus en plus à l'approche des invasions
barbares. Elle se retire peu à peu comme une eau fétide et tarie;
d'abord elle se cache derrière le Rhin , puis derrière les Alpes , et soo
inexorable ennemi la suit à grands pas ; et le jour arrive où elle est tout
entière enfermée, comme un archer blessé , derrière les créneaux delà
Porta Pia et de Saint- Jean de Latran. Qui n'eût cru que c'était là sa der-
nière heure? Mais quand cet abri lui manqua , elle jeta le glaive et prit
la croix. Alors la foule se retira et disparut par mille chemins; d'elles-
mêmes les portes se refermèrent sur une Rome nouvelle , plus redoa-
tée que l'ancienne. Au loin, la campagne resta frappée de stupeur; et
c'est le sentiment que Ton vit au milieu de ce perpétuel miracle qoi
exalte à la longue les plus froids, et qui fait de Rome le séjour le plus
extraordinaire et le plus sérieux de la terre.
Si l'on veut voir combien cet effet est propre à ce pays, il faut comparer
Rome à Athènes. Au milieu de sa forêt d^oliviers, Athènes restera tou-
jours païenne. Les hommes auront beau la changer et la détruire; %
n'empécijeront pas son ciel de s'épanouir, ni sa mer de sourire dans onc
perpétuelle olympiade. Sa campagne restera toujours riche et féconde.
Ni la douleur ni la passion du Christ ne pèseront snr elle comme sur
l'horizon romain. Toujours ses petites églises seront les desservantes des
temples; Périclès y fera oublier saint Paul; et jusqu'à la fin des temps,
Athènes ressemblera à ces jeunes catéchumènes dont le cœur restait
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TOTAGBS d'un SOLITAIRE. 157
païen quand leur boucbe était d^à chrétienne. An contraire , dans Rome
tout est chrétien , jusqu'au paganisme lui-même. Le Christ a si bien pris
possession de ce pays, qu*il y est partout visible. H faut fermer les yeut
pour ne le point apercevoir à ses côtés. La courte épée des légions a
TaiDCUy et lia arboré son vexillum sur les colonnes triomphales. Les
hommes se sont creusé les uns aux autres des tombeaux , et lui s*est cou-
ché à la place des morts dans le sépulcre. Ib ont élevé des temples à leurs
idoles, et lui est entré dans le sanctuaire, k la place de leurs dieux. Ils se
sont bâtis des prétoires pour y rendre la justice, et lui s'est assis, comme
la justice éternellement vivante , sur le siège du préteur. Us ont élevé
des cirques pour y voir le combat des gladiateurs, et lui s'est assis sur
les gradins du Colysée, pour y voir l'empire, ce grand gladiateur, tomber
sous répée des archanges. Il semble ainsi que le paganisme latin ne fut
rien, en lui-même, qu'une pompe magnifique et vide, préparée d'avance
pour couvrir la nudité du christianisme, au sortir du désert de Bethléem .
Mais ce qui achève de donner à Rome ton caractère, ce qui fait qu'elle
est elle-même l'emblème permanent du catholicisme , le voici : Au-des-
sus des ruines, des basiliques, des mosaïques , au-dessus de l'antiquité et
do moyen-âge, la coupole de Saint-Pierre s'élève comme la domination
visible de la papauté. Rien n'est plus facile que de faire la critique menue
de cette église géante. C'est dans ses rapports avec Rome tout entière qu'il
faut la considérer. De presque tous les endroits de la plaine, et surtout
des hauteurs de Frascati , d' Albano , du Monte-Cavo , vous apercevez tou-
jours au loin, dans le désert de la campagne , ce dôme qui marque la
place de Rome; c'est la triple couronne et la mitre de \A ville étemelle.
Home, avec tous ses siècles, ne fait pour ainsi dire qu'un seul monu-
ment, dont l'unité est analogue à celle du catholicisme. Ses fondemens
iont cachés dans les catacombes des martyrs; sa tète est chargée de la
coupole de la cité nouvelle. Si le dôme de Saint-Pierre manquait k Rome,
elle serait toujours la ville des tombeaux par excellence, mais elle ne
serait pins l'emblème visible de l'Ëglise triomphante. Il lui manquerait
sa tiare.
Cette Rome de la renaissance est en quelque sorte une Rome ressuscitée
sar le tombeau de la Rome des martyrs. L'image que les chrétiens du
loofeo-âge se faisaient de la cité de l'avenir, semble avoir été réalisée, en
puiie , par la sculpture et par la peinture du seizième siècle ; cet art ne
An lai-même si puissant que parce qu'il accomplit sur terre, quoiqu'en le
nhaissant, l'immense idéal qui avait obsédé le cœur des hommes. La ville
des âmes fut Téritablement alors bâtie de pierre et de dment; et la Rome
do papnisme , du christianisme , du moyen-âge , de la renaissance , com-
prenant tous les temps , toutes les formes , devint l'image de la cité de la
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18S uvuK.nE8 BBim
provideiioe oa de Phistoire onîTerselle. Aussi, lorsque TcnuToyes deloio^
sur la place de Saint- Pierre , l'obélisqve projeter eon ombre rar le méri-
dien tracé à sa base , cette aiguille colossale d'aoe colossale horloge m*
laire semble marquer silencieusement l'heure de Féternité dans la fifie
étemelle.
Pour achever cette Rome catholique, les deux artistes de la papaoté,
Michel- Ange et Raphaël, se sont partagé le double génie de TégNse. Le
premier a reçu Tinspiration de la Bible , le second ceHe de TEfangiie.
AJnsi l'Ancien et le Nouveau-Testament de l'art ont reçu à la fois km
deux révélateurs.
L'école de Venise répondait au génie d'une aristocratie seosnelle , ceHe
de Florence aux traditions d'une démocratie chevaleresque et lettrée;
Pécole de Rome représenta rinstitution souveraine par excellence, la pa-
pauté. Lespeinires ascétiques du moyen-âge étaient dans on rapport!»*
turel avecrarebttectareascétii|«eq«i*ils décoraient de leurs fresques, aree
Féglise de Saint-François-d' Assise et le cimetière des Pisans;Jes Floreo-
tins avec leurs églises patrMia'ea et le baptistère de la comoitine; Fiesole
avec les cellules des cloître»; Titieuataee Le palais des doges. Raphaéi et
Michel- Ange introniaërent Tart sor le Saint-Siège. Leur génie poavait
èdater partout; leur vraie place était au Vatican.
Si l'on veut voir d'un seul coup-d'oeil l'auvre épique de la traditioi
chrétienne, il suffit de regarder les fresques de Raphaéi. Les traosfor-
mations continues de l'art y sont d'autant pkis sensibles qu'une partie dt
vieux génie liturgique palpite encore et revit sons oes formes noo^eUes.
Cet idéal s'est développé dans Tart de la même manière qoe le dogna
dans l'église. Ce n'est point en un jour que Téglise, oette madone des
tombeaux , a revêtu les pompes et la gloire de la papauté ; elle a passé
par le martyre. Avant de s'éveiller anx joies dn siècle de Léon X , eliei
chanté, dans le sépulcre du moyen-<âge , ses litanies de mort. De nésie,
la peinture de Raphaéi n'est pas l'cravre d'un seul homme. On poerrail
rappeler une peinture épiqve, parce qu'elle a résumé tont ceqni l'a pré-
cédée, tellement liée à la tradition, qu'elle semble souvent indépesdails
de la vohmté et du choix de l'artiste. Elle anssi a langni dans les lé-
pnlcres des cénobites. Elle s'est dérobée tm monde palen> avec les formes
bysantinea, au fond des cataeemëes ; eMe a vécu dans les eenBles<dnqDt-
terzième siècle, et ^ans le Campo Saoto 4es Pisans. Ausai ^ daDSSoa
triomphe , elle garde quelque chose de son martyre. Sons sa beanté épi*
Doule au soleil de la renaissance, rojo» reconnaissez les traces ^l'aseé-
tiameet de la donlefir^u moyeft-âge. Raphaël représente 4a traditieB dt
l*figlise. Il y a en Ini du Penrgîrk, dit Masaocio et dn Irère Aafèli^pie.
Tant antre est Micïhel-Ange. ft ii^ ni maître ni pnasé. Si na dèoovfra
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voYiÉflin D^oi saur AiMu IM
^lui une (Oananté véritable atec Dante el l^a seulpteurs pîsaoSyyil tieoi
de Tâpreté des discordes civilas^ de la véhémeiice de Savaoarole , de l'ea»
prîi tumoltueus des Guelfe» et de& Git>e4fii»» il a par-dessus tout l*esprit
d*infaillibiliié qui ne doit riea qu'à lui-même. li fait, il accroît lalradi-
tioD^il ne la reçoit pas. Il gouxrerney il règne de U même maaièreque le
pspe. Il est le fils aloé du dieu de Taru Daas son plttlooisme biblique , il
entrevoit des- idées , des formes que lui seul a aperçues; il les impose au.
mo&de, et le monde s'y soumet. Ses œuvf'CS sont desdéereta; son dieu eat
le dieu de rexconununication; sa madone est celle de la vengeance; sooi
ciel nienace. Des nuages de colère portent aux quatre vents son Jebovab.
Daos U cbapeHe Sixiine^ ses propriétés écrivent sur leurs livres d'or la
bulle d'interdiction des empires futurs. Ses sibylles de Cumeset d'É*
pbèse sont émues par avance des ana thèmes du moyen-âge. Il y a en iuîi
do Grégoire VU, comme il y a du Léon X dans Raphaël.
Maiscette Rome de Tantiquité, du moyen-^ge, de la renaissance, est
eimore iacoraplàte et morte; pour lui donner la ^e , il faut y ajouter les
fttesdt] catholicisme.
Un des principaux omemeas de ces fêtes est le peuple même de Rohh»
et de la campagne ; il fait comme partie nécessaire des cérémonies et du
rituel de la papauté. Il adore pour adorer, il prie pour prier. C'est un ar-
tiste en matière de foi, au moins autant qu'un dévot de profession; car,
méroedaus l'idoUtrie du mendiant romain , il y a un certain désintéres-
iemeoL Quand , au temps de Noèl , les pi^ruri descendent des mon-
Isgne8,.la Voie Sacrée résonne sous Us>sourieffs ferrés des bergers. A tous
lescoins de rue, on entend le murmure descbaluB4eaux.et des musettes.
d^Eraadre, qui éveillent leCbrist aouveau-né. Ces rites rustiques cbaap>
gent avec les saisons ; ils rappellent le temps de la primitive ËgUse , où le
peuple était acteur dans la liturgie. Les femmes de la campagne ontaossî
00 caractère de beauté q^ji s'allie avec les caodt4abres, avec les statues»
tvec les tableaux de l'Église romaine. Lorsque les femmes d'Aibaoo , de
îiwli, de Frascati, se Rassemblent sur les degrés de Saint- Pierre , il est
rire que Ton ue retrouve pas parmi elles des, airs de tète des sibylles de
Bapbaél et du Dominiqun. Cette ressemblance entre les monumens d#
hn etee peuple de pèlerins est une des.cbotfes «qui eontribue le pbis à
iWmoaie et à la magie des fetes de Rome:.
Eafia^ le grand jour aiTii>e ; le soleil de PiU]ues se lève sur les monta
de la Sabine. Depuis la veille , les pèlerins s'assem^lentvaur la place da
Saint-Pierre. Vers le milieu du jour, les portes du balcon s'ouvueiu; U
ae lait un grand silence ; la foule tombe à geoeuc. Sur ce faite des arts»
des mines, des souvenirs^ parait, assis sur son trône, un bomme vèttt
4thïdL0C^, couvert d'une «mitre. C'est celui eu qui tous les morts s'u
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100 RETUB DBS DEUX MONDES.
sent , et qui est la parole et la vie de tout cet horizon muet. On apporte
devant lui un livre que des prêtres à genoux soutiennent sur leurs épaa- i
les y comme le livre des destinées humaines; il en lit quelques lignes i '
haute voix; le silence est tel, que lorsqu'il ferme le livre, le bruit de
cette page froissée s*entend au loin. Puis , seul au-dessus de cette Rome
à genouxy il se lève debout : étendant les bras sur elle pour Tenceindrede
la miséricorde divine , il prononce les paroles connues , à la ville et n
monde f les cloches éclatent , le canon gronde, la foule se relève. Un cri
d'enthousiasme païen s'échappe encore de cette terre épuisée ; Rome re-
naît et vit des siècles de siècles en cet instant. La campagne déserte, les
ruines, le môle d'Adrien, qui est tout près, le Tibre , l'assemblée des
pèlerins, et au sommet de tout cela, sous le dôme de Michel- Ange, cet
homme éternel et sans nom , le pape , le seul habitant permanent et Tim-
mortel pèlerin de la cité catholique , il n'est personne qui ne reste frappé
pour toujours d'un si extraordinaire spectacle.
Heureux , m'écriai-je en moi-même , le lendemain en quittant Rome,
saisi encore de Timpression de la veille! heureux ceux qui croient, si ce
sont là les sentimens de ceux qui doutent! Se peut-il qu'une institution
semblable vienne à mourir? Est-ce fait de la foi des aïeux? N'ai-je
vu ici qu'un fantôme, une ruine sur une ruine, ou est-ce mon cœur qui
est mortT
O ville grande et glorieuse, puisque tu renfermes encore la seule ques-
tion qui occupe l'univers et qui mérite d'être débattue ! ton chef restera-
t-il le chef du monde, et toi resteras-tu la reine des reines? seras-ta
comme toutes les villes que se sont bâties les hommes? auras-tu ton le-
vant et ton couchant? ou, comme la ville de Dieu, répareras-tu éternel-
lement tes brèches ?
Si celui qui t'a bénie hier venait à mourir demain, et à disparaître sans
saccèsseur, y aurait-il une solitude semblable à la tienne? Alors, toi, la
ville des ruines , tu saurais pour la première fois ce que c'est que d'être
désolée; car, tant que ce vieillard habite la même tombe que toi, ton
désert est rempli ; il est l'époux, tu es l'épouse. S'il se meurt, tu te meurs.
S'ilrenatt, tu renais.
Pèlerin du doute, j'ai fait ce que font les pèlerins de la foi; j*ai visité
les tombeaux; j'ai touché dans les catacombes les os des martyrs. Les pas-
sans qui me voyaient auraient pu dire : Voilà un fidèle croyant. Mais
eux priaient, et moi j'écoutais; eux adoraient, et moi je cherchais à ado-
rer ; et quand je m'agenouillais comme eux , mon esprit rebelle se tenait
debout, au milieu de l'église, en face de l'hostie. J'aurais pu, comme on
autre , prendre pour une marque de foi les amusemens de ma fantaisie,
et les ébranlemens de mon imagination. Mais ce leurre, à mou avis , plas
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^1
1
YOTAGBS d'un SOLITAIRE. 161
\ impie que le blasphème ne in*a point séduit. Entre le poète qui rêve et
\ le fidèle qui croit , il y a , quoi qu'on en dise , tout un abtme. Je préfère ne
Tien croire, je préfère ne rien aimer, plutôt que de croire ou d'aimer
quelque chose à demi.
Je ne crois pas en toi , reine de toute croyance; et s'il en était autre-
ment, je le confesserais de même ; mais je t*adore, mère de toute beauté.
Ta es pour moi l'étemelle madone assise sur tes ruines, et pleurant dans
ta campagne au pied de la croix du monde; et si tu veux que je dise
qaelque chose de plus, je le dirai encore : Mon cœur privé de toi est plus
fide en te quittant que ta vide Maremme, et mon désert plus grand que
tOD désert, depuis le pied des montagnes jusqu'aux rives de la mer.
VI.
Lorsque j'arrivai à Naples, le Vésuve était en pleine éruption. Pendant
le jour, la lave roulait ses flots noirs du côté de l'Annonziata et de Pompéie.
Vers le soir, les torrens se changèrent en une ceinture ardente qui se
nouait et se dénouait dans les ténèbres. Jattendis impatiemment le len-
demain pour monter sur le bord du cratère au milieu de la nuit.
A huit heures du soir, je partis du petit bourg de Torre-del-Greco.
Après une heure de marche j'arrivai à l'ermitage. La nuit était fort noire.
J'allumai ma torche; l'ermite me souhaita bon voyage; je repris mon
chemin avec mon guide ; J'eus bientôt atteint le pied du cône. A cette
distance, fêtais trop près du volcan pour le voir; seulement j'entendais
au-dessus de ma tète des explosions que les échos grossissaient d'uue ma-
nière formidable, et une pluie de pierres qui roulaient de choc en choc
dans les ténèbres. Du milieu de tout cela, sortait un grand soupir comme
d'un homme qu'on lapide. Lèvent éteignit ma torche. J'achevai de gravir
b pente dans une complète obscurité. Mais au moment où j'atteignais le
sommet, une lumière infernale éclaira le ciel. Voici le spectacle que j'eus
alors devant moi.
Le sol tremblait; il était tiède au toucher. A travers ses crevasses
brillaient les filons de feu d'une fournaise cachée. Du milieu du grand
cratère où j'étais, un nouveau cône s'élevait qui paraissait tout en flammes.
De l'embouchure de ce gouffre s'exhala une haleine immense et long-
temps contenue. Celte aspiration et cette respiration, profondes et régu-
lières comme celles d'un soufflet de forge, s'élevaient du sein de la mon-
tagne oppressée. Une détonation terrible les suivit. Les pierres flam-
bantes furent lancées en gerbes à perte de vue, et se précipitèrent avec
TOlfB VII. 11
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m
fracas êot les bords chi e^e. Lft> «ctrpemcoi^l kt^icarreideto ■!•••
UgBe fareot un insunt éclairés comme en pleki jour. Par des «ifar-
lures fort éloignées du cratère on veyak la lave sowrdre du soi. SUa
s*écoulait en pétillant par quatre bouches; un peu après la moaUfas
poussa de uouTcau son géanisseneBi de y6aaic> Au nioflMBt de Feiplo-
skm, jejeui les yeuxdndVié de k mer ;j'aperçu0<JNaléaeieineot dopa»
tics bâthtteBS à TaBcre. La moatafoe trembla $Êm fort; mais les flair
B'e» furent point éaniSy et rien ne me paroi plus bea» que le aommeU da
la mer souriante soua ce volcan décbatné. La baie de Naplca reasemblait
ainsi à i* Angélique d' A rioste sous les ailes éMnëuca et la gueule de la Chi-
mère. Je m*assis sur cette terre trembianle; la nature était saisie d*iia
vertige auquel je m'abandonnai avec délices. Ces intervalles rapprochés ^
de bruit et de silence, de lumière et de ténèbres, le calme de la nuit, le
calme non moins grand de la mer, cette montagne émue en sursaut, tous
ces eiïets contraires, se fortifiaient l'un par Tautre. Sans m'en rendre |
compte, je trouvais dans ce spectacle une foule d'images applicables i
Pétdt moral dans lequel j'étais «lors, etqni av«it beaucoup empiré depais
ma sortie de Home.
Je pasMi la nuit sur ce sommet. Quand le jour parut , je pua me raaa>
sier à loisir de la vue de ce gdfc fomani qui e'étendait à mes pieds. Aa
loin , nie de Gaprée, qui a la forme d'une galère antique » fermait l'm*
trée de la haute mer. Le soleil se leva de l'autre cùté de Pompéie; il se
balança quelque temps sur les tombes comme une torche de funéraiUee^
Ce fut le si^al poor une infinité de petites barques de quitter le rivagi
dans une foule de directions. J'entendis en ce moment le bruit des villes
et des villages qui s'éveillaient. La brisede mer commença è ftaire frissoa*
ner les vignes suspendues aux peupliers comme des tyrses gigantesques;
un instant après, la lumière étiaceia sur les flots ridés; nne vapeur do-
rée, comme la poussière des étoiles , s'éleva à TborixoD; l'eir se chargea
dé parfums; tonte la nature parut enivrée comme dans une iètepaleoae;
et aussi long-temps que le volcan continua de s'agiter^ cette Campaaia
chrétienne ressembla à sa sibyHe balbutiante sur le trépied.
Dans Naples , la ville des sens , je remarque que les manumens les plus
oonsidérablea pour l'art sont les lambeaux. Encore ces tombeaux appar-
tiennent-ils presque tous à l'époque de la domitiatian espagnole. Il j a«aM
aiogulière flerié dans ces morts^ debout sur leurs mausolées, la dague on
lali«o»f*eà la main; ib semblent réguer encore sur les vivaus qui rasent
au-dessous d'eux le sol d'un pas furtif. Les tours d'Anjou que baigne la
mer tiennent aussi cette terre prisonnière. Le palais de Jeanne-la-FoUe^
abandonné aux flots qui s'en emparent chaque jour, le bel arc d'Aragon^
SMitd'aitttrea témoins de la conquôce. Tous les peuples ont laissé ici , dans
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ine^araliltAHttr» particulière^ des traces de leur domiiiaCioii. lïn'y »qae
Im^ PiapolilaÎBS qcd soient abseos des menumeos de Naples.
Ce peuple-mime se chaufTe à son soleil, il est le seul de ritalie qui ne
assoit ^Menais. apparteiMi à liM^méme. Sans passé, il n*a point de regrets;
aea^ 9ivemf, il n'a point di^ désir. Il erie, il gesticule, û tend ses fUeu, il
«ourty RdéclaQie,iimu8e, il menace, ei tout eela k la fois. Polichinelle est
son héros. Cependant,, duseift fie oe s^berisme jneadiaot, quand une ame
lient à s'éveiUer par hasard, du. premier couip eUe atteini à un. spiri-
tualisme ou à une énergie saas bornes. Pytbagooe H sou école, saint
Tliomas-d*Aquin, Yico, Spagnoleito, Sah^or Rosa, ee furent là d'é-.
traoges lazsaroni.
Vers le mitieii du jour, les matelots de la Cliiaa^ de Sicile, de Malte,
Élasséient en cerelis sur le mOle ; une voile ombrage l'auditoire qui at-
tend iflipaliiQfli ment son iaipruyjaateur; enfin oe dernier parait; il est
léttt de la iHsre des matelots; à sa main il tient une baguette au lieu de
h hranchfi de laurier de ses aueétres. Les yeux des laazaroni dévorent
ë'anvBce sur ses lèvres. Fliistoire {fOi'ii va raconter, i aotùt il chante d*une
Tnix encouée un récitatif sur une moUulatioo plaintive auquel se mâle le
fémissement des vaisseaux dans le port; tantôt il redescend à la prese
parlée,, selon la nature et les cireeastanees plus ou moins lyriques de son
lécit. Il raconte les gestes du chevalier Rinaldo, ou ceux, d'un infortuné
krigand de Calabre. Le noble public , nMle pubheOf redouble d^aAten-
l!Î0B, le dénouement est proche; mais voilà que lea cloches sonnent Vanet
la chanteur s'interrompt; il fait le signe de laceoii avee une prière au
nom de la neriueuse assemblée. Acàtà de lui le même soleil olympien,
^ai rase le tombeau de Virgile, dore d'un dernier ra^foa le front de Po^
Ikhinelle assoupi à Tai^ de son thjéâtre; la toiie se baisse, la fouie se
disperse de toutes parts; un jour de phls^a passé sur l'empire de Masa-
■îeUa.
Pendant ce temps, le. jeune moine des Gamaldules, sur la montagne
«Ond à ses pieds les murnuiffes qui s*élèveat du rivage.. MiUe images
d^ne vehipté païenne ^entourent d'un cercle de damnation. Il entre dans
an cellule et il prie; et la brise apporte jusqu'à lui les soupirs de la Chiaa
et de la Villa-Reale. IL oirrre son saint bréviaire, et le démon ressuseitéi
ée le grande Grèce y écrit en se jouant, du bout de sa griffe, de»litanic8
d'amour. Su r lui s'abaissent des cienx magiques ; des. charmes s'attachent
à ion scapulaire, et dans son calice il boit à longs, tvails le philtre dea
imoLorablea regrets. Heureux si la vieillesse boiteuse se hâte de ghicer
amcmoraA^ant l'âge. U n'y a que In. mort qui paisse le délivrer ée oce
anmllcs déliées^.
lÉh i amla«t.qaf iii s'enttmreé'ixL tripbi dltoe^quand aea |»iix renenniEe^
U.
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16& EBTUB DES DEUX MONDES,
Pansilippe, Gaprée et la blanche Nisida ; car c'est là que les soQTenirs le
délient et que les sermens se faasseut; les projets héroïques, les doulean
fécondes s'oublient sous ces cieux d'où pleut Tamour. Une volupté plus
dangereuse que celle od se convient les lèvres humaines , s'échappe i
toute heure des monts , des lacs, des étoiles palpitantes. Une sjrène éter-
nelle languit sous ces vagues assoupies ; celui-là seul qui a échappé à ses
embrassemenSy peut compter sur son épaisse armure.
Quand les Romains se corrompirent, ils se dégoûtèrent de la grandeor
et de la sévérité de Rome; ils cherchèrent une nature enivrée comme
eux, monstrueuse comme eux. S'ils avaient pu arracher Rome à ses
tristes et graves fondemens, ils l'auraient fait. Le mélange de volupté et
de terreur qu'ils cherchaient au temps de Tibère, de Néron, de Cali-
gula,se trouvait sur ces promontoires de Gaprée et de Misène. C'est II
qu'ils vinrent établir leurs fôtes, et jouir en paix dans cette nature païenne
des derniers jours du paganisme. Les villas des Césars, sur le golfe de
Baie, étaient tout près des lacs Averne et Achéruse, des Champs-Elysées,
de l'entrée des enfers, comme s'ils avaient voulu redoubler rinsolence de
leurs fêtes par cette opposition. Ce grand festin de la société romaine,
à quelques pas de l'Achéron, fut le festin du don Juan antique chez le
commandeur. Les petits lacs voisins des enfers brillent, dans le fond des
cratères éteints, comme dans des coupes de lave; sur leurs bords rampent
quelques guirlandes fanées d'églantines, pauvres fleurs qui ont survécu
à l'orgie de l'empire. Le christianisme, qui partout en Italie s'est emparé
des ruines païennes pour y placer ses chapelles ou ses ermitages, a laissé
celles-ci désertes, comme s'il eût désespéré d'en éteindre les voluptés re-
naissantes. Je montai sur le cap Misène; les trompettes infernales qui trou-
blaient en cet endroit le sommeil de Néron, n'y retentissaient plus; la
grève se taisait; le golfe vide étendait dans l'ombre ses bras décharnés. Il
était tard. La mer était phosphorescente , les étoiles brillaient. Je fis à k
Dage une partie du chemiu de Misène à Pouzzole, au milieu du bruit des
cloches; à la lumière pâlissante de la lune se mêlait la lumière électrique
des flots; eux seuls gardaient encore le souvenir des voluptés impériales.
Peu de jours après, je visitai l'Ile de Gaprée. Les couleurs dont Tacite
fa peinte sont encore celles qui lui conviennent le mieux aujourd'hui. Bor-
dée de brisans et de rochers perpendiculaires, eUe n'est guère abordable
que par deux points, la petite et la grande marine: mais une fois qu'on a
franchi cette enceinte de murailles, on trouve des vallées, des vignes, des
sources gazouillantes, des ombrages sous des oliviers , un monastère , et,
sur les côtes, deux villages, Capri et Ana-Gapri. Ce dernier est juché
aur une cime escarpée au haut de laquelle conduit un escalier taillé dans
le roc. Les toits des maisons sont aplatis en terrasse comme dans le Levant,
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T0TAGB8 d'un 80UTAIRE. 165
H, en général , les inyasioDS des Sarrasins ont laissé à toute l'Ile quelque
<âio^ d'oriental; elle tient de la Grèce et de l'Afrique. Le château déman-
telé de Barberousse regarde, sur un autre pic, le palais de Tibère. Par
sue singularité qu'un poète relèverait , la demeure de l'empereur est en-
fouie aujourd'hui sous des touffes d'absinthe, la plante du Gûlgotha. Un
ermite habite dans ses ruines. On a en face la haute mer; sur la gauche,
le golfe de Sorrente et les pics d'Amalfi. De là le Vieil empereur,
arec l'instinct de l'orfraie, qui lui a succédé dans son gtte, couvait des
jeux tout son empire; il voyait de loin arriver la tempête qu'aucun na*
Tire ne devait éviter. Au fond, le monde antique était comme dégoûté dé
lui-même, ^t se fuyait par toutes les routes ouvertes. Ceux qui étaient à
sa tête sentaient vaguement qu'il se préparaît un changement étonnant
contre lequel ils ne pouvaient rien , et cette impuissance les poussait au
désespoir ; ils ne savaient si le mal était dans leur cœur ou dans les peu-
ples , on dans les grands, ou dans les dieux ; mais ils savaient qu'il fallait
périr, et que l'univers tout entier était du complot. De là cet effroi pro-
digieux et cet infatigable soupçon qui ne leur laissait pas une heure de
relâche. Lié à son rocher, le Prométhée païen sentait son agonie ; il se
débattait avec fureur sous le vautour chrétien. Tibère entra le premier
dans cet égarement. Quand il se fut entouré des brisans de Gaprée , il
crut que tout était dit; mais la cause secrète qui faisait chanceler le
monde romain, ne servit qu'à aggraver son vertige. Un malaise in-
croyable atteignait l'un après l'autre les hommes au faite de la société
antique; et, comme c'était la main d'un dieu nouveau et inconnu qui
commençait à les tourmenter sans répit, ils mirent à combattre cet ad-
versaire invisible et qui était en toutes choses, une manie insensée.
Après le palais de Tibère, la merveille de Capri est la grotte d'azur. D
n'y a pas fort long-temps qu'un voyageur, en se baignant au pied des
rochers, la découvrit par hasard. L'ouverture de cette caverne marine
est tournée sur le golfe et fort basse; pour peu que le flot s*élève, il
l'obstrue en plein ; et si l'on ne choisit bien son jour et son heure, on
court le risque, après avoir franchi la voûte, d'y rester enfermé, ainsi
^e celann'arriva. Depuis plusieurs jours que la mer était fort agitée,
J'attendais un moment de calme. Un matin, ce moment sembla venu; des.
matelots me réveillent au jour; un peintre et un médecin dont j'avais fait
la connaissance à mon arrivée dans l'Ile, se joignent à nous. Nous partons.
Quoique le temps commençât dès-lors à fraîchir, nous pénétrâmes sans trop
de peine dans l'intérieur de la grotte en nous couchant à la renverse dansun
hatelet construit exprès pour cet usage. D'un seul bond nous voilà au séiu'
de la montagne , sur un petit lac que recouvrait une haute coupole. L'eau
était parfaitement unie et transparente. La lumière plongeait dans l'ou-
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f$tUve^ UHIée eii^9(NPi)iFfily ei reîaUlîssiil à k sarCiOft derèfta coomos
à travers un prisme , tout ipiprégpée de la raoileiir asurèe des fl^tts. Les
fsrois du rocher, ies stalaciiies rugueuses , qai affecisiit miiie fbniHS
iMsanes» tout éuil d'un bl^u^ f^ncé. Ce Ma être là Is cûsque de ssphir dv
Vii|irëae dje Pi^pies. Le peintre camiiiesça à dessiser et nous à nsoser^
isang^ Dous apercevoir que ie veut soufflait a» delrarai Quand nous em
l^mes la r<warque, i) était t^p tard ; Forage s'était kvé. D» sein d9 la
Bumtagne sortaient des magissemens comme d'un troupeaa de bonrfs
marins, et d'autres fois, des eiplosions comme d'une batterie d^un fort,
lies vagues aebevèrent bientôt de boucher l'ouverture. Le bassin d»
k grotte, si tranqiiiUe une heure auparavant , se seulova k son teor^
aous restâmes plongés dans une obscurité livide. Quand le flot se reti*
tait, on découvrait au loin les ravins qui 3e creusaient dans le goUe. A,
trois ou quatre reprises nous essayAmi s de suivre la lame; mais à peine
étions-nous prés de l'ouverture, que la vague remontait et déferlait avee
fureur. EUe soplevait notre barqae perpendieulairemeat; après l'aveir
tenue quelques instansoellée k la votte, elle finissait par la rejeter dana
Veofoncement de la caverne. J'avais assez l'habitude de nager pour tenaer
de sortir su large et d'aller chercher du seoomrs: j'en fis la propontisttf
]|iais ce moyen n'était ^ère plus praticable que l'autre, àcaiiae dca
Tiolens ressacs qui ae cessaient de battre rentrée. Il fallut prendre
notre parti et nous disposer à passer là la nuit. Nous étions dëyà établis
sur un rocher en terrasse, quand» au coucher du soleil, la mer baissa.
Une heure après, aeus: crûmes entendre des voix d'hommes. Des hahi^
tans de Capri , qui aovs avaient vus partir le matin, avaient deviné astre
embarras. JUs tentèrept de nous remorq|uer, ce qui ne réussit néanmoins
qu'à la nuit close et quand le vent Uit tombé. On était akurs au milieu
de l'équinose; nous devions nous attendre à rester emprisonnés 1à toute
«ne semaine. Ainsi finit cette petite aventure qui eus pu être sérieuse, qai
te fut que plaisante. Comme en Kaiie a)as tes henia et maâàeurs sont aS^
trtbués à des Anglais^ on ne manqua pas, dans l'fte, de If appelât l'histeirs
des trois milords*.
Au moment de (ynîttûr L'Ile, j'entrai dans l'égHsa. La messe venait éa
Inir; une jeune fitte des environs, belle coaune elles lèsent satMmit dtf»
oeslhss, était à genanx. C'était un dimanche; elle étaitsealeet trèspsrét^
sur son prie-Dieu iir ; avait une tête de nmrt avec kiqiuills eUe eatfvsFsait
tout bas. Qoand elle baissait, oemne iaMacteteine éaas l|<désert, sa tê»
briHante éerm sar ce erftne vide, il paraiatait ricaner; SMia elle aa prl»
«fu'wae ^kis de férvedit; die ùe n'easendit psf wèaie maiiehar àedcê
dfelTe sor le pnré. Oh.! cfétait une aif^^ease inwgo qns^ bt eealéssIaB #
eeies janos finnaBs t ea mwrt ntusa tt rtttlear.
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a j a 4 Nwfk& w iia«g0 <|9i ^ faw>Pt^kc^v^h4(^ CiqiMrè^* J^^ jour 4f
la TowsaÎDt, le» tôfes dos flaorts «oa^ evlevéeç des UMnbeaw : on lei
place au nûlieu des^aFeaiu des ^Mes«ntr^iiesderges plliu»ié6. Chaque
mort a Boa uom écrit sor le freoi. JU fioule ?»eiU Ie4 visltcir. Ga qu'il y %
d?«iiFaordioairey c'aat qu^^iq peuple^ seQ^el<i&ièpioi|;iie à ce gpectacto
«aciwe borreur, soit qu'il y ait daos le fond de C9 paya un a^élaage 4t
aensualitè et 4'aieé(ia»e qp'^uoim tepips^ D*a eCCacfi , soitque la traditiep»
«t io«a (ait; <sar le ia0i|Ae u^f^ se re^iH^re eu ^Icile, et 3U|taut à Pa*
iarme.
De Capn, j'aberdai à Sorrev^tfi. Je vis la maison 4e la aoaur du Tasse ^
«t TeacaUer par oîi le malheureux poète, déguisé en pèlerin , mouta pooc
chercher un refuge centre ]*égareaieot de son cœur. J*ai toujours trouvai
que ee golfe éhlouissant a quelque reaseinblance avec la poésie de la
Jérusalem déliviyàêy où rayonne a^ssi taat de soleiL Mais il y arait, outra
ceky dans le cœur dn poète, nœ inguéri^ble tristesse, qjoi ne se re^
tfovye nnUe part dans les objets en Italie, si ce n'«st dans les Tases d^
iBarbre des viUsa, ei^ les orties en fleurs croissent au souille de la n^r
laria.
En snivant à pied l^s détjoiups 4u golfe» le cheaain me rainenaà Pomr
péie par Ventrée que IVmi appelle justement ta rue des Tombeaux. U y n
je ne sais quoi de frivole dans ces ruipea. Vous toucbez de trop prés aujiL
deuils menus de la ?ie das^s l'antiquité : ii manque entre elle et yQQ$
cette perspeetiire qaâ Tagriandst dans ses misères; d'aillenrs, les cari-
catiB^es dent ces murailks sont peiates leur dleot tout sérieux : vous êtes
ià aa miliett du commérage de^ morts d'une petite ville de province. G^
a*cst point nne5odii>me condamnée par le feu céleste, mais le sarcophage
^pieafien d'une eowtisatte de Caçipanie. Il semble que. ces tombeani:
naient laits peur des morU de théâtre, et qpe vous assistiez à une bouf-
Jbnaerie, eà fipme et Athènes aéraient parodiées à la JMS d^ns d'tnfiid-
Bac0l petites proportions. Tant que j'errai dans ces petites rues , j'entendis
à travers (es bniAissemens de la brise, dans les vignes, tes éclats de rii^
liaus des courtisanes, le pas tardif des vieillards de Ménandre et de Té-
jeaccy et 4'éQbn alTixynté des vers de G^^olle, ^ ébranlaient la porte de
«i maîtresse. IMiais quand je montai sur la terrasse élevée d'un théâtre»
^(«iie je regardai taaaer, Gi^m^ et, temt près, le Vésuve, dont la la^
^otttimiait de eoitler, je vis bien que œ jeo était séyrieux, et qpee'étajt
am moins une noble eamédîe qui se jottaii là au pied de ce volcan»
Des raines ^ fo»t »n contraste absolu avee eelles 4e Pompéie sont
;^kn de IVeaUim, sieuées à l'ettuémilé du golfe de ^leme. La plage
^'elles oœiipent eM pestUodtieUé.Le jour oùjete vis,elie éliHOrlai|,lipi
iBatiii, enmflM im ier à cbeval reiigi dans nne iforge.^ea meofUgiMi»
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iGê RBTUB DES DEUX MONDES.
presque aussi nues que la plaine, ferment ce grand et vide horizon. Pa-
rallèlement à la mer, les trois temples s'élèvent du milieu des joncs et des
hautes herbes. Sur cette grève, où le flot est toujours ému, ces colonnes
cannelées figurent des groupes de femmes naufragées et enveloppées des
plis transparens de leurs tuniques. La ligne horizontale de la mer se com-
bine avec la ligne de l'architecture, qu'elle prolonge à l'infini sur un plan
d'azur. Les vapeurs» que le soleil soulevait en ce moment de l'herbe des
tnaremmes , entouraient les portiques pythagoriciens d'une atmosphère
dorée. L'air était doux, quoique fort malsain. Point de vent, point de
nuages, point de murmure dans la campagne. Ces ruines, les seules ha-
bitantes de ce déserf de la grande Grèce, semblaient avoir communiqué,
à tout ce qui les entourait, leur silencieuse rêverie.
J'entrai dans une hcanda délabrée qui est tout près de là : il y res-
tait un Galabrois malade. Cette masure, sous ce ciel de Pythagore,
rappelait les demeures ensorcelées que l'on rencontre dans le livre fié-
vreux d*Apulée. C'était le môme dénuement avec la même magie dans
les souvenirs et les noms environnans. Je demandai à mon misérable hôte
quelque nourriture : il m'apporta du lait caillé et du pain. Je m'assis
près d'une table; mais au lieu de manger, je m'endormis sous l'air
pesant et le vampire de la maremme , car la chaleur était encore exces-
sive , quoique l'on fût en octobre. J'eus alors un rêve qu'il m'est difficile
d'oublier. L'Italie, que je venais de parcourir, me paraissait tout entière
privée d'habitans; mais, peu à peu, toutes ces images d'art que'j'avais
rencontrées et adorées le long de mou chemin, se réveillèrent du froid du
marbre et se détachèrent des cadres des tableaux : ces conceptions idéales
devinrent des personnages réels, qui se mirent à marcher çà et là , à la
place des habitans qui n'étaient plus. C'était comme un peuple de ressusci-
tes plus beau que le peuple des vivansqui avaient disparu. Les innombra-
bles figures, nées de la fantaisie des Vénitiens, secouèrent, les premières, la
poussière qui les couvrait. Elles s'assemblèrent à pas légers sur le Lido,
et murmurèrent entre elles une langue gazouillante, et colorée comme
les flots de l'Adriatique. Monna-Lisa, de Léonard de Vinci , se pendia
pour se mirer au bord du lac Garda; les Sibylles, de Michel-Ange, s'as-
sirent dans la campagne de Rome; et le Jour et la Nuit , de la chapelle
Saint-Laurent , se soulevèrent en frissonnant, comme de célestes bohé-
miens. Dans le Campanile de Giotto, montaient et redescendaient, sans
repos , les bienheureux anachorètes de Fiesole, qui , n'étant plus retenus
par la crainte des vivans, quittaient les cellules et les fresques des cloîtres.
Sur tous les rivages, que d'anges et d'archanges descendirent du vieux ciel
' de l'art byzantin, et vinrent se reposer sur la plage en fermant leurs ailes
'. d'or I De leurs violes toscanes ils tiraient des sons ineffables, et tels que
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VOYAGES d'un 80LITÀI1UE. 160
ceox que j'avais imaginés dans la forêt des Dombes! Us chantaient des
poèmes entiers, dont j*a?ais autrefois balbutié les premières syllabes en
suivant le sentier humide des prés. A la fin, je vis aussi la Vierge au
voile, de Raphaël, passer dans le jardin des Césars : elle y cueillait des
fleurs nouvelles, en même temps que deux enfans, et elle souriait;
car aucun des doutes de l'homme ne s'était encore communiqué à ces
filles de Tesprit de Thomme. Elles avaient gardé toutes seules la foi des
vieux siècles et Fétemel amour dont la terre était privée. J'entendais une
voix qui disait : a Sainte, sainte à jamais est la terre dltalie, qui nous a
ix>urris de ses mamelles et vêtus de son soleil d'été. »
VIL
Après avoir parcouru l'Italie dans ses détails, si je la considère dans son
ensemble, je trouve que ses lignes principales peuvent être marquées de
la manière suivante :
Au revers des Alpes, dans cette Lombardie, incessamment foulée par
r Allemagne, l'architecture du nord a pour son monument la cathédrale
de Milan. Cette architecture suit le chemin desempereurs et des inva-
sions gibelines : elle s'insinue dans Gênes, Pise, Padoue; elle traverse
Florence, Sienne ; elle pèse dans Arezzo sur le porche et le berceau de Pé-
trarque. A la fin, elle se rencontre, avec le génie guelfe ou romain, dans
Orviéte, où elle achève de s'énerver et de se décomposer sous l'influence
de la tradition antique, et de ce climat devant lequel ont toujours suc-
combé les hommes et les formes du nord. L'ogive s'arrête comme Attila,
aux portes de Rome; elle ne les a jamais franchies. A l'extrémité des
Alpes tarenlines, Venise regarde l'Orient; elle fait le lien de l'Italie avec
l'Asie. En descendant le long de l'Adriatique, le vieux royaume lom-
bard a son mausolée dans l'église de Ravenne. Cet héritier de l'empire
romain est Vinu mourir là, loin de Rome, sous ces voûtes lombardes;
son fantôme s'engouffre avec le flot dans le tombeau de Théodoric. Sur
la mer opposée, Pise bâtit dans son Campo Santo la nécropole de l'Italie*
Cette commune, composée de statuaires et de matelots, cisèle comme
un phare la tour penchée de son beffroi ; elle radoube la nef de sa cathé-
4irale, comme une galère en construction sur la maremme. Au milieu de
ces deux mers, au centre de l'Apennin , Florence accomplit le mélange du
géale chrétien et du génie païen. Sur la nef gothique du xiii« siècle, elle
exhausse le dôme de la renaissance; elle couronne le moyen-âge avec la
coupole du Panthéon. La fleur du génie étrusque s'épanouit là en terre
chrétienne. Écoutez ! les portes de bronze de son baptistère s'ouvrent et
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i^ ' féritticot 'tn^ Yrscss Mf tin iioalrésii''iiés <|iii Tàpppltcfit Danto^
SoeeMe, Hac^hlàtel, G^lèe, Miéfael-Ange, et dool fes tagissemens s'en-
tendent juÈtfie frair-âcM les AlpM. fîfltre Florence et Peronse, sur le
chemin deé érdres mendîuiSy llèglisé nifi(f<|oe de Sahit-FrsnçoIs^Aff-
«ise s'enfooit à demi sots tenre, A l'hisUr des catacombes, pour fuir It
Imnièreetle parfum de noiKe : architecture ascéthine dans le pays de
l*ascètisme , elle te lûonche» comme ^on saint , dans le tombeau. Phs
loniyà Rome, siège, eomme la papauté sur son trône, Téglise de Saint-
iHerre sur sa côHine. Phis de symboles de douleur comme dans l'ar-
chitecture du nord ou dans la bysantine; ni croix, ni sépulcre : c'est
Ici l'emblème du Christ régnant, ou plutôt le temple d'un Jupiter chré-
tien. La fête du Dieu ressuscité à Pâques est celle qui convient à ces
splendides murailles, non pas la plainte de la vieille église au jour des
morts: le Te Deum éclate ici de lui-même sous ce dôme triomphant,
'non pas le Miserere. Toutes les formes d'architecture se pressent dans
ftome , la grecque, la romaine, la bysantine, la lombarde : il n'y a que
l'arabe et la gothique qui n'ont jamais pu non s'y établir, mats s*y mon-
trer. Celles^i se retrouvent dans le royaume de Naples, à la suite des
invasions normandes, espagndes, sarrasines. Par ce côté, lltaHe se rat-
tache à l'EspAgne mauresque comme par Venise à l'Orient. Enfin, à l'en-
trée de la Galabre, les temples de Poestum rejoignent la igrande Grèce et
la Sicile. Tous les rapports de l'Italie, dans l'architecture, sont ainsi éta-
l>lls. Par le nord, par le midi, par l'est, par l'ouest , cette grande cité de
rart se lie à tout ce qui l'entoure. C'est entre le monde grec d'an côté, et
le monde germanique de Fautre, que s'est développé le génie de l'Italie.
Ces deux limites Sont marquées au midi par les colonnes de Pœstum;
au nord, par la cathédrale de Milan.
La position de Vltalie, de Ce grand promontoire qui s'étend entre
l'Europe etTOrient, fait qu'il lili est difficile de supporter les conditioos
médiocres. Lors même que l'empire romain n'eût cherché qu'à gar-
der son berceau, il aurait été entraîné à la conquête du monde.
Pour conserver la Cisalpine , il lui fallait les Alpes et les Gaules. Par
Test, il touchait à flllyrie et à la Grèce, par le midi à l'Afrique; il prê-
tait le flanc, par l'ouest, à la Sardaigne et à l'Espagne, en sorte que,
quel que fût raccroissement des provinces, l'Italie restait toujours au
centre de l'empire. Jamais pays lie fut plus convié aux conquêtes, m
mieux situé pour les retenir.
Mais ce qui avait Tait sa force dans Tantiquité lit sa faiblesse chez les
modernes. Le jour où elle cessa de conquérir, elle fut conquise. Les Al-
lemands et les Français l^itaquêrent par le nord; les Espagnols, par les
flancs; les Arabes et les Normands, au midi. Les deuls Bysaûtins fîireot
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wwMm é'«r wmnâBMé ITt
trop feMei foar rl<m enitf^preiidre snr cite, éè <Mr «5i^. 4>éii«Éf^
Pise, Venise, qui lui ceignaient les reins, eussent suffi, de resté, ](MMÉ^
la protéger sur la mer. Par inalilèiit;,iil<«iaBqHaît ^liMfiaiafibce de terre
pour garder les débouchés des Alpes. Lltalie n'eut jamais de Thermo*
pyics.
€ette pinssaMedetterreiw wrait probablement fMrméei la longiie»
sans rétablisseneiit de la papauté qui prit sa piaeé. Le nègue de fespril
ftilcoooédéâi'ItatieeneompeontioD de «a faiblesse maiéi;ielle. Elle da*'
Tint l'arche saiole où sa «onsarva tle dogme du geare humain. Dans là
lime des Gibelkis et des 'Guelfes , rAHeBMgoe repi^sanu k force malé»
rialle, indélibérée, enivrée d'eik^-mèase ; l'iulie, latradltian, le droit
écrit, ou pluiM lecfaristianlsnie, avec lequel aile '^identifia auraojeiif*
âge par rétablissement de l'Eglise. Elle fut martyre eomme lai, fiagaUéé
comme lui , crucifiée comme lui par les Pilâtes francs et tudesques* Mais
e*esa des «reliques de son s^ulore que smrtit le mirade de la dvilisatioii
BM^deme.
Llitf e a revécu plusieurs fois. Bile a porté des^cIvilisalioDs noa-aeuld*
ment difliMraotes' les «nés des anilres ,iiKki oonSraireB
£llea éeé soccessivnneiit étrusque, grecque, latine, romaine, diti^
tiemie, kmterde, allunande, aspagaale, .firançalae. Chacune de cas
ionnca a MssèeneUe désirâtes qui aoot enaora ^rMomiainables anjoQP*
d'bui. Sacerdotrie aoqs lesiEiruiBqBes , gnarrière at>otatiérialtele saos loi
Bamaifis, elle est radavenne spirkualiste etarfisie sous ks papes. Att
XV* sièck , iorsquîeVe fut près 4e périr^ e*tst CQCore^ette qui , parCbria^
tophe Colomb, découvrit k UTouiteaa-'ffoàda. iDe sod lit >de moft, k
grande aïeule se >soulef9a,'etiénNpi|ik jema Ella de l^Oaéaa pour hd
remettre sa couronne.
Tant que la libertés eu quelque place chez elle, ses poètes ont parlé :
Dante, Pétrarque, Arioste, Tasse, ces quatre fils Ay mon du moyen-Age,
se sont succédé sur la brèche. Quand la parole fut interdite, ce pays ne
resta pas muet pour cela. La sculpture , la peinture , ces arts silencieux,
exprimèrent sous mille formes le génie de lltalie subjuguée; et même de
DOS jours, la musique, cette langue inarticulée, continue d'exhaler la
plainte sonore de ce grand tombeau de Memnon , qui commence aux
Alpes et finit en Calabre.
Aujourd'hui , le sentiment que l'on éprouve partout en Italie est celui
d*nn sol depuis long- temps foulé et obsédé par l'étranger. Cette pensée
est au fond de tout , cachée sous la magnificence des arts comme le poi-
son sous la fleur des maremnes. En un mot, cette terre a perdu la pos-
session d'elle-même, non le désir de la recouvrer; et c'est ce noble
tourment et cette impuissance affreuse qui la rendent si tragique et si
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172 RBVUE DES DEDX MONDES»
belle. A diaque moment les hommes pourraient répéter là le vers de Xe^'
poète:
Et, saas espoir, wn» tItods de d^in.
Ceux quiy à l'iieure où j*écris, ont en maiu les affaires de l'Espagne,
cette sœur de l'Italie , et qui , voyant les manx infinis de leur pays, cher-
chent pour remède l'intervention d'un peuple étranger, et, en général,
tous ceux de qui dépendent ces pesantes questions , ne devraient jamais
cesser d'avoir les yeux tournés du côté de l'Apennin. Ils apprendraient
laque le despotisme le plus violent qu'on puisse imaginer est un bienfait
en comparaison du salut qu'on doit à la conquête dissimulée sous le nom
de protection. La première de ces tyrannies ne fait mourir que des
hommes, la seconde abolit l'état; celle-là tue le présent, et celle-ci l'a-
venir.
J'ai lu en Lombardie le livre de Silvio Pellico , et j'ai admiré autant
qu'un autre la sainteté de cette ame de martyr; mais Dieu éloigne à jamais
de nous le règne de semblables vertus! Elles sont de celles qu'il faudrait
souhaiter à ses meilleurs ennemis. Si cette résignation sublime, si ce dé-
sistement de la volonté humaine était le dernier mot de l'Italie, rien ne
resterait qu'à verser sur elle d'étemelles larmes; car elle aurait juste-
ment toutes les vertus des morts. Au contraire, tant qu'il reste nn es-
poir et un souffle dans ce grand corps, je trouve qu'il est convenable de
ne point abandonner trop tôt la haine enracinée par Pétrarque et par Ma-
chiavel; la seule passion, après tout, qui empoche les morts de se dis-
soudre. Il ne faut pas que les peuples tendent les deux joues à leurs
ennemis. Gela n'est ni chrétien, ni pafen, ni divin, ni humain.
Ed. Quinbt.
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u
LES CÉSARS.
I.
^ NoQB voudrions faire ici une suite d*études, non sur des époques,
mais sor des hommes, non de Fhistoire , mais de la miniature his-
torique, de la physiologie humaine. Nous voudrions savoir quelle
sorte d*homme c'était qu*un Tibère, un Domitien, noms répé-
tés tant de fois , et qui apportent à nos esprits des idées si com-
plexes, si peu comprises. Nous voudrions faire comme le philoso-
phe Apollonius, qui vint d'Asie pour voir Néron et pour apprendre
•r quelle sorte de bête c'était qu'un tyran. »
Un homme, quelquefois presque un enfant, doué tout uniment
du pouvoir de vie et de mort sur cent vingt ou cent quarante mil-
fions d'ames intelligentes, sur toutes les rives du bassin de la
Méd'terranée (cet admirable et éternel théâtre de la civilisation et
de r histoire), sur tout le monde policé, en un mot ; et cet homme,
un fou, un fou furieux et sanguinaire, faisant tomber les têtes
au hasard, massacrant par partie de phisir; et cet homme sup*
porté, honoré, adoré, par tout ce qu'il y avait alors au monde
d'orgueil, d'intelligence, d*énergie; — et cet homme, quand aa
lK>iit de quinze ans un proscrit plus heureux avait prévenu le més^
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iS4 mÊmmm
sage du lictear par un coup de poignard ( pour une insurrection^ on
n*en parle pas), remplacé à sa mort par un homme tout pareil ; et
Tordre social de cette époque fondé sur Finexplicable délire du
souverain et Tinexplicable patience de ses cent quarante miDioos
de sujets : voilà le problème qu'on nous propose, sans y songer
beaucoi^ » quaad on nous iracenle eette histoire au oollége.
D y a «n(e raison à tout cela t les masses ont souvent tort , elles
ne sodt jama's absurdes. Chercher cette raison pourrait être un
des objets de notre travail ; poser le problème est déjà quelque
chose d'assez curieux; descen ire dans le cœur de ces hommes si
puissans par les circonstances, si faibles parla pensée, si démesu-
rés par leurs crimes; examiner ce qui se passait là; faire la phré-
nologie de ces têtes historiques, bu risque d*y retrouver la bosse
de la sainteté, comme on Ta trouvée chez Lacenaire; déterminer
quel était le mobile, la passion , la institution d*un Caligula; foire
enfin une place dans la nature humaine à ces idiosyncrasies si
étranges : c'est pour la science, ce nous semble, un assez curieux
travail. Nous ne voulons pas faire autre chose.
Ce sera donc tout simplement un peu de biographie intelligente;
ce ne sera pas de la philosophie de Thistoire. Pour connaître les
hommes, il ne suffit pas détabUrim système séries ^okitioos fa-
tales de k Booiélé , ni de faire oMime certain historien {ykitosophn^
qui intitule «n ch&pit^ : « fin q«ioi rhuaaaité eât une Heur. »il
fifttt de la vérité et de la véalité, des détails préds, de JaUqgrapbkk;
il faut descendre dans la ^e privée, obèse à laquelle en ne veoi
plus croire à «ent «m de disianoe; U fem admettre que Icb anciens
avaient , t)0fliime nous , une* vie 'domestique, eomme nous 'des ma-
nies, comme nous des petitesses^ qu*tl» avaient , eux aussi, leur vie
det»rrefMir, de ^barét, de café et d Opéra.
Qa-em^^^w 4e .peuple roman, par exemple? Un John Aull^
mais un JobH Btall oisif , parce qu'il était Ubre et ^u'^ avait de9
esckifVes, iMiant sdus les rostres, écoutant la journée durant sas
conteurs "de ^nouveUes, tandis que John Bull, esclave affaire^
sillonne ^siroitoirs; mais, du reste, ennuyé comme lui, hargn^usr
comme lui., «doué de sens comme lui. Quand il était pauv^-e^
mendiant iine spty^tuia à la porte d*un grand; puis, aHant aux
bains, que les grands payaient poirr lui; puis, achetant quel^
ques léCuflMs au marché, le reste du Jour se couchant sur la plMQ,
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LB8 CiSABS. ITS
4pi*^rès twt a ittdt ItaHe». Qomtâ il éttil fkhè, dédai*-
(Béas, dur» Scr, «vaut raisoiiiitMtaeBl «a femm et ses enfeaa,
beMieo«p plus eeitx de ses «ffraDoliis ^m avaient de Vesprit, «c
crax de ses 'esclaves qui ranMisaiem ; d« reste, bien élevé, ins-
trait, parlant grée comme un diplomate russe parle français; ayant
«ne bibliothèque en bois de citron, des meubles en cèdre, des
figurines, des bronces, des staitues volées aux temples; ayant des
prétentions de connatssenr en feit d*arts, sans s'y connaître;
amenant, ponr se distraire à table, un bouffon, des gladiateurs,
un phitosophe; ayant aussi un caisinier grec, comme on a un cui-
sinier français à Londres, des parcs, des chevaux , des châteaux
au-delà de toute idée; se feisant construire une viUa sur une
jetée en mer ; avec tout cela bonhomme au fond, brave i la guerre;
mais fort ennuyé d'être riche, et qumid Tidée lui «n venait, se lais-
sant un beau jour mourir de hm.
Qu*était-€e que César? Un vrai hères de roman anglais, être qui
semble imaginaire à force d'aceempiïsnemens de tous genres (Byron
ne fut qu'un César manqué) , d*une noble naissance (descendant de
Vénus, disato-on, de la déesse qui donne I9 fortnne), d*un beau
TÎsage, avec une taille haute, un regard de faucon dans ses yeux
noirs (^/t oechi yrifagni, dit Dante), une peau blanche quH avait
grand soin d'épifer, le front diauve (mais il savait se coiffer de
manière à dissimuler ce défsut); il était admirablement bien pei-
gné, et portait sa toge lâche, signe d*excessive élégance. -<-* Avec
cela, poêle, orateur, grammairien, ce n*est rien encore; mais fa*
Tori de toutes les belles Aoniaines, mais jovial, courtois, généreux,
flMÛs le seid homme humain de son temps, poussant la délicatesse
des nerfs jusqu'à faire enlever de l'arène et soigner les gladiateurs
blessés. Aussi disait-on de lui : « C'est une femme, m Mais surtout
poussant jusqu'à une gigantesque hauteur la plus puissante res-
source des grands hommes : l'art de s'endetter.
D faut comprendre la vie politique d'alors, et par l'Angleterre il
est aisé de la comprendre. On achète un siège aux communes, on
aolietait de même l'èdilité ; c'était le début. Conune le peuple nom-
mait et que le peuple était nombreux, l'élection , de même q«e dans
tons les pays où la loi électorale est assise sur de larges bases,
réIectioB était fort chère. On y laissait son patrimoine. Geiae place
^êdae ne rapportait rien; seulement il fallait donner des jeux au
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176 REVUE DES DEUX MONDES.
peuple. Si le peuple était coûtent de vos jeux, il vous
préteur; 8*il les trouvait trop mesquins, i) vous laissait là sans pha
et sans patrimoine. Aussi, ceux qui voulaient faire fortune don-
naient-ils des jeux magnifiques, et pour cela empruntaient au Uttx
légal de 12 pour cent plus Tusure. Vous sentez que cela derait
aller loin. Mais prenez garde : devenu préteur, on passait d*abord
un an à juger le s/t//fcidtiim ou le mur mitoyen, à protéger ForpheliB
et la veuve sous les yeux des consuls, sous Tinspection du sénat,
sous la férule des Gâtons; alors les profits étaient petits. Mais as
boni de Tannée on allait en province. Une province, c*était uo
royaume entier; c*était la Sicile, la Grèce, la Gaule, la Bretagne, la
Syrie, les deux bouts du monde. Une province, c*était la joie de
rbomme ruiné ; c*était là qu'il donnait rendez-vous à ses créanciers
pour Tapurement de leurs comptes, là qu*il levait des tributs pour
la république et pour lui, là qu*il prenait des esclaves, qu*il preaait
des statues, qu*il prenait de Targent, des vases d*or et des dieux;
quUl pillait les citoyens, les villes et TOlympe, qu'il devenait artiste,
dilettante. Mécène, et protégeait les arts en volant des cbeb-
d*Œuvre. Après la préture, revenu à Rcmie, s*il n'avait voulu que
s'enrichir, il se reposait sur sa chaise d'ivoire au sénat, comme on
ministériel émérite à la chambre des lords, montrant à ses amis sa
magnifique galerie, protégeant les sculpteurs grecs, et passant
pour connaisseur. S'il avait de l'ambition, sa carrière était plus
qu'à moitié faite; il était homme de guerre, homme de tribune,
«énateur, consul, tout ce qu* 1 voulait; il était Sylla, il était César.
Voilà la carrière que rempht César, comme nul ne l'avait rem-
plie avant lui. Ce grand seigneur, ce dandy, cet enfant gâté de la for-
tune, avant d'être seulement entré dans la carrière , devait déjà
plus de 6,000,000. Après sa préture en Espagne, où ses créan-
ciers faillirent l'empêcher de se rendre (il fallut que le riche Cras-
sus se fît sa caution), il devait 45,000,000; il n'avait pas agi
comme les autres , il n'avait pas cherché à s'enrichir en Espagne,
n avait compté sur d'autres moyens de fartune; il lui fallait des
victoires, des conquêtes lointaines, une révolution dans son pays,
et il ne fut peut-être si grand homme que parce qu'il eut des
créanciers.
En un mot, c'était un homme heureux ; à la guerre il ne fut pas
battu une fois; deux fois seulement sa victoire resta douteuse; la
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LB8 céSABS. 177
fortiuie le combla jasqu*à son dernier jour, eHe le fit même mourir
comme il aYait souhaité, elle lui troura une vingtaine de niais
comme Brutus et Cassius, pour lui épargner les ennuis de la vieil-
lesse, la honte d'un revers , et les souffrances d*une maladie.
Qaand on foit descendre l'histoire à tous ces détails, elle se rap-
proche bien plus de notre temps. Le premier mouvement, en lisant
rhistoire, est de trouver toutes les époques différentes, le second
est de les trouver toutes pareilles. Cela mène à une grande vérité,
réternelle similitude de Thomme; Atez le costume, détachez la
toge, ouvrez le manteau; ce n*est plus le Romain, le Français ni
le ChimMs ; c*est Thomme; les mêmes passions, la même intelli-
gence, la même vie. On a étudié Thistoire bien petitement, si on
n*a pas compris cela.
Pardonnez-moi ces quelques mots en faveur de la nature hu-
maine, que tout le monde s*accorde à sacrifier à une prétendue
nature historique. Quoique dans le fait le premier empereur ro-
main fût César, j*aime mieux laisser là sa biographie, trop pleine
de grandes choses, et commencer à Auguste.
Celoi-là ne semblait pas né pour être un grand personnage ;
quand on vint lui dire que César était mort et qai\ était nommé son
héritier, fl eut grand' peur. Il faut dire id de quoi se composait
la succession de César : c'était d'abord une vengeance à poursui-
vre ; si elle ne s'accomplissait pas, la proscription ; si elle réâssis-
sait, le pouvoir : de toute manière, une guerre à soutenir, des lé-
gions à payer, des amis onéreux de tous genres à garder à son
service; mille privilèges de toute espèce accordés aux uns et
aux autres par le testament de César, ou par des testamens
qu'Antoine avait supposés, à conserver en dépit du sénat; des legs
immenses à solder au peuple romain. Telle était cette succession
qu'il fallait accepter ou refuser; les guerres civiles ne souffraient
pas de bénéfice d'inventaire, et les premiers agens qu'il devait
se procurer pour réclamer ses droits d'héritier, c'étaient des
soldats.
Les légions, les vieux soldats de César virent donc venir à
leur front de bataille un pauvre jeune homme blême, boiteux,
tout tremblant; il avait peur du tonnerre,, croyait aux songes et
aux présages; fl ne parlait en public qu'après avoir appris son dis-
cours par cœur; U craignait le froid et le diaud, ne sortait que
TOKS VII. 12
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178 REVUB nS BMJX MONDES.
te tèle ûonYOTt^ «eT^ymok qa'm Wàèie. Tonte YmmtiHSfÊâe m
Boquait de tt rotufe. EélMt cependant ifvM gnede fuirille di
bovrg de Velletri, tt mb père» le premier de et reee, élaîl ?ew
s*éubGr A Roaie. Haie eeo graad^père, disek-oa, avail «ci béa-
quer (liaei nsarier). — Ta mère t'aeomertde firiae, — h» disak
celle genlilhommeiâe reaiaiiie, qui le préleadaîl pelk-fils d*iiB nee-
nier. Ce n'itail deac ai ta naissaiioe, ai le oovrage, ai racUrilé» ai le
{péoie, ai rhmnamli de Cèaar ^Octave en an joar araîl fut pém
Irob oeals sénatearo), c*éiaîl loate aatre ohoee, el il fallail levtt
aulre chose.
Les graads honmMa œnuDeaoenl une guerre dTfle, «i halrik
honane ta êaiL Mais il n*«ei gaène donaé de Tadiever à eeW qà
y a pris une pari Irop active. Henri IV » s*il eàl élé trop bon pro^
leslanty n*eûl pa en iiair avec la Ligoey arec laqaene, roas le
savex, 9 ne fil qae transiger. Bien prîi i BeMpane de a*a¥oir élé ea
92 qu'an petit tiettteaant d'arlilerie; saas qaoi, qu*aur»t pa être,
au 18 brumaire, le royaliste ou le patriote de M, homme dé^ elass^
homme déjà usé, hoauae d<§à jeté aa rebut avec tout son parti?
Entre la position de toas ces hoaaaes, Octave, Henri IV, Bonaparte,
Louis4^liiHppe, 3 y a aae aaàlogie qui me frappe : c*est qu'aacaa
d>ttx n*avait d*avanoepris parti irrévocaUemenC pour personne;
edi»-li, chef des proleslans, était aUé à la aiesse après te Stiat^
Bardiéleaiy; cdai-cî n*avait pas traité Antoine, l'ami de César,
mieax que Bratas BieaBtrier 4e César; eet autre avi»t fusflé
des royaHstCB dans te rue Saint-Uonoré, et sauvé des ém'grés sa
Italie, comme Heari IV assiégeant Baris ftnssât, dans son humanité
et dans sa pelitiqae, passer des vivres aux Parisieas. Tel autre,
soldai républicain de 88, venait de conquérir un titre de coar
aous les Bourbons. C'est à ces hommes-li, hommes de politiqae
ambigué, mais halrile, teanmefrsanB parti et qui se trouvent être da
parti de tout te monde, qa'il appartient de venir, quand on est hs^
quand on est dégoAté, quand tes partis sont ioml)és en dîscrédlit
auprès des masses, apporter ce grand bien, alors tant apprédé»
tepaix. Quand te Ligue touchai sa fin, il s*étabiit entre les proies-
tans et les catholiqaes, ou pour mieux dire, entre les royalistes et
tes ligueurs, an tiers parti, oetai des politiques, c>si-è-dire des
gens qui mettaieut de côté te grande question de te guerre civile, h
question refigiease. làiasi se résolvent, cbea tes homan», tes ^aa-
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àm^Mmiom pdi)ikfiied,'én %» «niel de cMé. <fe p«ni4l quilK ft
FhDnSadaiff« Méffippée, tt à Rome 1w Géorgiqaes ik ¥ir^e et
ïmmtiûveê dVarace.
eoUTO'ii'Mi pâ9 de pêtHe A devenir chef de ice parti, il iTetit
qa*à ne s'attacher fortement à aucun autre. Les forces vives du
(HMi ariâdoeratique , Brnt«»-et Cassios, avaient quitté l*ttsflie ;')enrs
t«|irè0eÉfafl9 à Rome , c'écait Cicéren et de vieux sénateurs ; An-
toine régnait à Bonie, non connne consul, maist^onmie chef de parfi,
mais comme exécuteur testamentaire de César; Il donnait des char-
(ps, concédait des privilèges, nommait des sénateurs, dotait des
filsB, isdsait des rois , dominait enfin comme une bacchante tont ce
penpfe qui voniidt surtout être dominé : tout cela en vertu du tes-
tanent de Géaftr; le testament de César ^rtalt infini, on découvrait
flÉ.iMniveau eodicllle chaque jour. -Octave avait aieheté -une armée ,
hdTespectnetrx héritier de Oésardont le nom était ainsi profané.
D mit son armée an service du sénat conn^ Antohie; on applau-
iSc, m te ftoa, on le dhargea de fleurs âe rhétorique; mais tont
en rembrassant et en se donnant Tair de le proftéger, CScéron dn*
sait tout bas : <r c*^sM un enfnn'qn'ff fsntélever povr s*en défeive. »
Noos ne pearvons vendre ici le •calembonrtdn grand orateur, qtd
en a Ml encore bien d^aatrira : ihnandum pneram, toUendum.
Ot enfiint (il avait vingt ans an fAus) joua tontes les vieilles
tém du steau A la prem'èrie bntaMe, Antoine finTaincu; mais les
ikBmt^aonadlsnirépabKoains torem tués stQienreusementpotirOetave,
qa'cD te iMpçottna d'avoir aidé le for des ennemis. BébarrassM
ainsi de ses anriliaâres, en qui fl voysSe des espions du sénat, H
draogeatodtâ eotfp départi, et sfunit à Antoine vafaicn, dommni
sawiiiie prioctpal >motff de sa Afifeetten le calembour ticéroiiieti
qtfe-voas menons de citer.
^tetsta, aseodé à Antohie, prit tes pencbans de ce nouvel affié.
L%aKe, qui leur fut livrée sans défense, fut inondée de sang. Bans
cette prosorîptioa comme dans tontes les autres, depuis te ^sisLïtt
SjrHa jusqu'à Tincorruptibte Robespierre, toutes tes passions pri-
vées, toutes les haines, toutes les vengeances vinrent à la curée;
tane proscription fut d'autant plus abominaUe, que les passions
poétiques qui en étaient le prétexte, étaient d^à arrivées à teur
pérjode derefiroidissement.
Bmtus et Cassius avatent fait la faute énorme de quitter lltaKe,
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180 nEvuB nm deux «ondes.
ignorant qu'une guerre ne s'achève que là où eUe commence.
Octave et Antoine, bien rassasiés de proscriptions, menèrent eiifii
contre les meurtriers de César leurs légions qui ne troiiraknt
plus à piller en Italie. La grande quesUon était avant tout : nov'
rir les soldais.
Brutus et Câssius se firent tuer à Philippes en abjurant la verti,
comme si c'était la vertu qui les eût menés là. Antoine et Octave
se partagèrent le monde, c'est-à-dire le reçurent pour le partager
entre leurs vétérans.
La tâche d'Octave était difficile; avec cette Italie dévastée en
tous sens, couverte de maraudeurs et de brigands, il fallait £aâre
face à toutes les légions qui se trouvaient toujours mal payées, aux
paysans italiens que l'excès de la spoliation finissait par poussera
la révolte, aux spoliateurs et aux spoliés tout à la fois, à Antoine
qui sourdement animait ceux-ci, à un fils de Pompée écumearde
mer, se disant fils de Neptune, qui tenait la Méditerranée et intercep-
tait les convois de blés ; brillant flibustier, qui, avec un peu plus de
perfidie, aurait un beau jour retenu et rançonné l'héritier de César;
au peuple de Rome, qui, jusque-là, indifférent à ces combats, se
révolta, se battit trois jours durant dans ses rues, quand il s'aper-
çut qu'on le faisait mourir de faim. Tel était l'état de l'Italie.
De toutes ces hostilités simultanées naquit la paix. Les soldats
l'ordonnèrent entre Auguste et Antoine, et pour la sanctionner^
firent épouser à celui-ci la sœur d'Auguste, Octavie. Les soldats
devenaient arbitres des familles ; et, du reste, c'était peu de chose
dans une famille qu'une jeune fille et un mariage : on se débarras-
sait si vite de Tune et de l'autre. Le peuple, qui avait un faible pour
le jeune pirate, fils du grand Pompée, ordonna également la paix
entre Sextus et Auguste. La part des deux triumvirs fut nette*
ment faite : Octave resta à Rome, travaillant patiemment, laborieu-
sement, habilement, à pacifier, à soulager, à fortifier l'Occident;
Antoine, à Alexandrie, jouissant de l'Orient comme d'un festin de
bacchanale; Auguste, épousant ou répudiant qui il voulait ; Antoine,
mari de la sage Octavie, dont le frère était à craindre, et voisin de
la belle Cléopàtre. Il en résulte que tandis que l'un resta un digne
Romain et un époux fidèle, Tautre oublia dans les orgies d'Alexan-
drie la majesté de Rome et la fidélité conjugale, double crime que
son rival dénonça au sénat, et dont il fut puni à Actium.
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Les CÉSARS. 181
Telle est en quelques lignes Tbistoire de rélévation d'Auguste.
Miôs que trouvaitril dans Rome, devenue son bien par droit de
succession et par droit de guerre? Beaucoup de lassitude, beau*
coup d*épuisement, aucun principe. César était mort à la tflche en
Youlant établir trop tôt sur les ruines de Taristocratie romaine une
société nouvelle, cosmopolite, nivelée; il avait détruit et n'avait
rien fondé. Le peuple, pour qui il avait travaillé, adorait son nom,
mais De s'était pas soucié de prendre les armes pour Antoine , le
chef du parti extrême chez les césariens. Le parti contraire, ré*
publicain et aristocratique, était resté livré aux vautours, comme le
cadavre de Brutus sur les plaines de Philippes. Mais ce qui était
effrayant, c'était le désordre de la société. D faut se figurer une
terreur de quinze ans, une lutte de quinze ans entre un Danton et
un Robespierre, pour comprendre ce qui pouvait en rester; il faut
songer que, pendant une période de trente ans peut-être, pas un
personnage un peu notable ne mourut dans son lit; il faut se sou-
venir que chaque homme un peu important d*alors donnait à son
affranchi de confiance deux meubles nécessaires , un stylet pour
écrire ses lettres et un poignard pour lui donner la mort quand
rheure viendrait; il faut -songer à ce qui pouvait rester debout
après une telle anarchie. Le sénat que César (et après lui Antoine)
avait flétri à plaisir et mêlé de tous les barbares quUl avait vaincus,
était une cohue sans dignité et sans loi. Les chevaliers, c*estrà-dire
ce qui avait fait l'aristocratie d'argent , avaient des places d'hon-
neur qu'ils n'osaient aller prendre, de peur que leurs créanciers
Devinssent les y saisir; leurs quatorze bancs au cirque étaient
presque déserts. Rome était pleine de bravi; sur les routes, on ar-
rêtait les voyageurs pour les faire esclaves. Tout cet empire, pillé»
^lévasté, mis à sec par tous les partis, demandait de quoi vivre, et
Codait à Auguste non des mains suppliantes, comme disent les
poètes, mais bien plutôt des mains mendiantes; les patriciens et les
grandes familles lui demandaient de quoi payer leurs robes de
pourpre et leur cens de sénateur ou de chevalier ; la population
oisive et toujoûrscroissante de Rome, du blé pour vivre; lltalie, des
laboureurs ; les provinces, une diminution d'impôt ; le monde tout
entier était comme un mendiant aux pieds d'un seul homme.
Le fils du banquier de Velletri était bien mieux placé là que le
)rillant César. Ces corc'^tères pAlcs, incertî>inq, éqi'î^'orj^es , irai«
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tÊà REYUB MM MRIX llOIfDBS.
fur .impriM^p^» nottsie Mmiflft biMi.Oct«v« ne ë^appvfft ni sm* «
pi»ieîpe«iiiin'«onT»fli;11^iâMrelni^ealeiBent fr secourir t^hactui,!
Be fShdier personne, fl ^afvâtété eroël qnnnd 11 «rrit eu à sootsrfr'
«ne lutle ^idlenie; la 4tilite ^ie , fl fm dénient. Il savait qu'en po*
litique, (fiioi qti*en ident dit âes niais sangafattir^s, eeMmfietmom
Détotticbe, presquesesl riche en oe temps; ridie de son patri-
moine , <ric^ de la sa^^sse atee laquefle il arait su faire écoBOffli*
quememla guerye d^fle, ridhe des legs de ses amis, qui, sehmlt
coutume romame^ne mouraient ^ptts sans lui laisser quelque chose
de leur bien. A¥ec oette^fortnâe bien ménagée, il soulagea tooth
monde , paya les legs énormes de César, donna des secours au
grandes ftH!nffles'(CHisant ainsi sa pensionnaire de ruristoeratie M
ennemie), pôtiça'ettranqiiniisa1%^Iie, fit venir du Mé d*Egyple,f^
maître du^n^or immense des Tietémées, au Ken de le gavder pour
lui-4néme, eomme^t firii tout autre, et méme^Oésar,!! mit danafk
dreulatioflicellemasse énorme d*ore< d'argent ;'rintéMt defatigeilt
m baissa, «lies terres d^ItaHe augmentèrent de râleur, fl yatik
des répidjiteains , i^*est-à«dire des arisioerates, ^'émit la même
chose ; 'de quoi se faÉsent«*fls 'flid^pés? Tout se passait légelleineflt;
Octave 'ii*èiait point toi, Dteu Ten gsrrde, il il- était pas même dieti*
teur, eomraeiMrit eu<iU'folie de f^re son onde C%sar, qui, liii, w
saFrait pas si'bien'Ia»valenr desmcfts. Au contraire, quand on dffé
Toulu le nommer Acelie digËité, il'awdt supplié à genoux, la top
€»tr*ouyerte, qu^onla liii épargnât. îl s'irritait si onTappéiait se-
gneur.'Le séfiat^ravâfk dédaré'grand pontife, dignité répofblimiiie;
tribun, dignité i^épiA)lioeiSne;eonsM, autre digni^ vde la répdMi'
que : ^ainsi , «ans dianger un tHre , «et arec un scrupille -de U^itSA
qui eAt enchanté Gaton, Octale réaiiissait toute la puissance ré-
gieuse , domestique et niil'taire : la république if était pas détruite;
au contraire efle vivait incarnée en lui. Rappelez-vous nos mon-
naies, où on lit encore : République française , Napoléon empereur.
Voilà pour les républicains ; restaient les deux grandes puissances
de répoque, le peuple et les vétérans. Les vétérans éta^t Tarmée
de César, Fermée d'Antoine, Fermée d'Octave; tout un peuple de
soldats qui vivait de guerres civiles et qui les entreprenait à prii
fiât, comme les condottieri italiens. La guerre finie, il fallait ks
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me province, on mettait les yétèt^Ltmà iewr fàêitiB^ et, ettmpé» aiiMi
tes on près des avtrts, ils éiaSeiit prêts à Mmclier au premier mot.
OfelaTO, q«i leseraignsii, leur donna des terres, mats en les dis^
persant. Ce«x qui restèrent sous les armes, Aies envoya combattre
fur le Ktm , guerre lointaine et pauvre, eà il «*y avait rien à piRên
B les mit lofai de l'Italie, loîn de Rome aetant qu'il plit.
Venait le peuple. Le peuple était un suMme itiékinge de tous les
Mneos^ divers qui avaient passé par la vieiHe Rome; mi-parti d*a!P-
franch» et d'bommes Kbres, de vieux KoMsias et d^étrangers, de
firecs et de barbares, de citad^et depro'Hiieiaux, admirable eo-
kne qui s*appe)ait le peuple romain, el savait parfois soutenir lu
dignité de oe titre ; enfisnl gâté de toutes les puissances, que F aris^
tecraiis patricienne si opulente s'était cependant ruinée à divertir,
psor lequel on feisait tenir les gladiateurs de^ la Germanie, les re*-
itàim de la Guide, tes lions de rAtlau, les danseuses de Cadix, les
eirsfes du Zabara, à qui<>n donfnuit de magnifiques spectades et en
même temps du pain pour qu'il ne Mt pas obligé d'aller travaffler eu
sortant de tii : el à quoi c^-M travaillé, 6e peuplegentilhokmneT Tous
Im nétiers étaient frits par des esdaves. R lui fMkrit en outre (car
les Grecs lui avaient donné des prétentions'tfartiste) que sa ville Mt
Me; et s*3 logeait dans un taudis au septiStne étage, dans quet-
qoes-nnes de ces maisons énormes oii s^isfaHait toute une tribu,
comme nos maisons de location dufeubourgSaint'Maroeau, il fallait
<|v'ii oe promenât les jours de pluie sous ^es portiques corinthiens,
qn^il fit ses affaires et qu*i} entendit burler ses Sfvoôais dans des b»-
fSiqaes opulentes; que ses bains fussent de ittarbre, ses statues de
imirbre, ses théâtres de marbre et de porphyre : tel éliat le goAt
de cette redoutable majesté.
Auguste, successeurde raristoeràtie, déficit, comme elle, nourrir
k peuple, Tamuser, lui embeHtr sa belle Botne. Il Mlait qu'à ses
frais et par ses soins les Wés d'Egypte et de Sieie vinssent nourrir
fc prolétaire romain , trop accoutumé à recevoir le pain de la main
«te ses maîtres pour qu'on p4t songer à le fcii^ vivre autrement. II
fellait jeter l'argent sur le Forum aux hommes , aux femmes, «at
enfens , à tout ce que la dignité de citoyen romain appelait à pren-
dre part à cette aumône solennelle; du reste, il s'en fallait é bien que
rttunèneftt quelque chose d*tiuniilîant,<|!f il gavait dans Vannéet^
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184 BEVDE MS DBUX HONDBS.
jour OÙ, par suite d*un vcdu, Aogusie lui-même , assb à la porte dt
palais y tendait la main aux passans.
Le peuple avait-il faim? il demandait du pain à son maître; avait-
il soif? il lui demandait des aqueducs, il lui demandait le rin iboi
marché. Auguste ainsi supplié refusait quelquefois; mais après tem,
c'était chose commode qu*un tel tyran. Le peuple s*ennuyaîl-il? û
demandait des jeux. Et alors T Afrique, TAsie, TOcddent» toûL
s'émeut pour lui envoyer des acteurs, des bouffons, des philo-
sophes, des bétes féroces, descombattans, des monstres, des sal-
timbanques; on lui montrait un jour un rhinocéros, un autre m
boa de cinquante pieds; au cirque, il y avait des courses dedK^
vaux, et des luttes à là grecque; à TamphithéAtre, des gladiateurs;
SkVL théâtre, des histrions et des pantomimes, nouveau genre de di-
vertissemens , et que Tantiquité aima jusqu*à la fureur ; à tous les
xoins de rues, des bouffons parlant toutes les langues, car cette
Rome aux cent têtes les parlait toutes ; les jeunes gens des grandes
familles venaient jouter devant le peuple, des chevaliers veaaieac
devant le peuple faire les gladiateurs dans Tarène.
Avec le cocher des courses {agitator)^ le pantomime, le gladia-
leur, était le favori le plus intime du grand seigneur romain, Tidole
la plus chère du peuple ; c'était là conune les coureurs de New-
Market, ou les boxeurs en Angleterre, les protégés, que dis^e les
amis, les commensaux du sporuman romain; on vivait avec eui
sur le pied de Testime comme un turf-genileman avec un jo<dLei. Soos
la république, le gladiateur avait encore rempli un autre rôle, on eo
achetait par bande (familiœ) pour les faire combattre devant soiaui
festins, aux noces, aux f unéraiOes; on en avait aussi pour garder au-
près de soi, pour s*en faire entourer au milieu des sanglantes dis-
cussions du Forum, pour trancher à coups d épée les délibérations
de Rome républicaine; mais sous Auguste, le gladiateur perdit sa
fonction pohtique, il ne garda plus que sa position sodale sur le
même pied que le pantomime, Yagiiaior, le sculpteur, et un peu au-
dessus du philosophe. Aussi, ces gens4à sentaient-ils leur im-
portance : a César, disait le pantomime Pylade à Auguste, sais-ta
qu'il t'importe que le peuple s'occupe de Bathyle et de moi I »
Rome ne pouvait avoir trop de fêtes, ni trop de monumens; les
4>bélisqu|^ de TÉgypte 8*élevaient sur ses places, Teau vierge loi
^tait amenée dans les aqueducs d* Agrippa; tous les hommes qui
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LES CÉ8AR8. 185
étaient restés riches après les guerres dySes reeeraieiit de César
Tordre de travailler, comme lui, à rembeffissement de la dté-reine,
Balbus lui faisait un théâtre; Philippe , des musées; Agrippa, son
Panthéon, cent dnquante fontaines, cent soixante-dix bains gra-
toits; Asinius Pollion (chose singulière), un sanctuaire à la liberté;
f Voyez cette yiHe, disait Auguste; je Tai reçue de brique , je la
laisserai de marbre. »
Maintenant, au miKeu de cette Rome devenue si beUe , si volup-
toeise, si pleine de sécurité, on voyait passer un homme simple-
ment vêtu , marchant à pied , coudoyé par chacun , habillé comme
Fabius, d'un manteau feit par ses filles. Cet honmie allait aux
comices voter avec le dernier prolétaire; il allait aux tribunaux
cautionner un ami, rendre témoignage pour un accusé ; fl allait chex
tin patricien célébrer le jour de naissance du maître de la maison ,
OQ les fiançailles de sa fille. Il rentrait chez lui : c'était une petite
maison sur le mont Palatin, avec un humble portique en pierre
d'Albe, point de marbre, point de pavé somptueux, peu de ta-
bleaux ou de statues, de vieilles armes, des os de géant, un mo-
bilier comme ne Teût pas voulu un homme tant soit peu élégant : ce
qu'A avait eu de vaisselle d*or du trésor d'Alexandrie, 9 l'avait
fait fondre; de la dépouiHe des Ptolémées, il avait gardé un vase
de myrrhe: il se mettait tard à table , y restait peu, n'en connais-
sait pas le luxe si extravagant alors ; avec du pain de ménage , des
figues et de petits poissons, le maître du monde était content: à le
voir si simple, qui aurait osé dire que c'était un roi? Un soldat
l'appelait en témoignage : «r Je n'ai pas le temps , disaitril , j'enverrai
an autre à ma place. » — <r César, quand tu as eu besoin de moi^ je
n'ai pas envoyé un autre à ma place, j'ai combattu moi-même, d et
César y allait. Il fallut que, déjà vieux, à la célébrat'on d'un mariage»
9 ftt poussé et presque maltraité par la foule des conviés, pour qu'Q
cessât d'aller aux fêtes où on l'invitait.
Et pub, cet homme pacifiait T Italie et le monde , c'était le con-
dliateur universel, l'homme des ménagemens et de la paix. Il r^
mettait les vieilles dettes, déchirait les vielles enquêtes, fermait
les yeux sur les usurpations consacrées par le temps, sur tous
ces droits à demi légitimes qui restent des révolutions, et auxqueb
il est si dangereux de toucher; il passait le jour et la nuil à rendre
ia juscfoe; malade, U écoutait chez lui les plaideurs. Il ne pre^
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UTUB wm mm mondes.
MK pM JBÎIik QBM0 pMT lSMBén69 il CMNNUBMWt « W^^
«■Mda NionMM'i|Manuildîl: <r Nite otwrieft, iî le dérfr wm
Mnq«0foolpe«r tosr €iMir;»€flADiiéttimîlàTîMr»:«lieft
laisse fAs alhv èlanvmcMr^le len èse» et ne twHtt pas trap âii
dit da Dttl da mms, c^eat Uam asaaKsi «n ne aMVs tn ftalpaa. •
Ca pouvoir fiit oartanenevtie piosdoiUL de la leire; parwltai
d^hommages que la flatterie lui adressa, il y ea a un qui, daai
Fantiquié, semble fvafqueéftraDVB» et ipridknina biettidiaéice
4B*était sa poiiiiqne; la jo«r ai Auguste mmrakdanaBoaie, asai
Inaait périr anciro^riaMMi.
Mais ilestnn phéwHnéiisà olMeFTor : destqnetseinqni arrifait
animnn Angwtepour lemter ka guerree oivâas^ s"îi$ aortant m
pa«, dans Faaage da km aouvataiaelé » ée la Kgne da jnsln KiKffi
et de poHtiqDe éqmvaqne qn*îia adoptent d^ordintlre, e*aatprot-
qne tonîaufapour réagir caotiB le parti qn'ik ont aantena daai
knr principe etipii leaapanés anpouvoir* Leaf)iartis<orîent i Tàh
yatîtuda cowa ai<n lenr devait de la reeaiMMiBimooa si nan a«
h— awaufiBttainginiimAi tfestfa^iBieféaotiQnnécaaaaireuHeimff»
ëereMiMii, aei^ très bien qu'il démît élre rai da iont le naads
et non ées pniliastans^ et ifne s^l se derait à q«eiqu*nn, c'élail pea^
être plus eneonàia Ligne «me qni H avait traneieé qu'ans roph
fiateaqainvaieaaiOQalialiu ponr lai, BoMpartn, afnnt mine d'être
ansperenr, Banaparte qnî avait été patriale» relevait le colla et il
■obleaBe, «t panr piimira ennemi, 9 avait las compagnons de m
victoire, Pitlif0ni,.llorean^ Benmdoite, nomme Henri I¥ le nmfé-
almldelKraR.
Celadait être: «n parti vainqueWfOH^se^ireîl «el/na oom*
prend pas <»tÉe aranaassièn tariiaon formelle aans laqueHeflass
iamrinentpasè» gnatitndrtlas; H se croit, oamiMles émigrésds
iSik^ ou les pntmQiaade ISao, des draitsOTciamftalaans bama;l
ne reconnatt de droits à pernsmieaiitte que lait iliieii*imnginapm
de*réAédnrvlujfmasBtaiu,4na san>ehef, pliant le genoodevnmb
Ugue, s*estbîtcatMiqimàSainl**D6ma, etqoeai Henri <¥ ml
nntré dana Paria, c'eatiavac k oensenteaMnt et m maînteaaait k
^^dpe da la Iigim.nae«oaBpriendpaB, lméaiigi^,laclMifie da
flaint4)neB, ni M palrieie, lea «rapa da fosil dans ks niea da
fiariscaoïmlmaoatinnaieaEsarritréade lASO; vaîlèpowni^ aiecm
4lmf estlmfaae, BantiMwbkntétnrdisismiaNM aveoaMicftn4
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I
hMiiffeit, c'est Iitt <|H*iI £uil^ relevés;, imUasodélé aevitwMr wm
dièe absolue, «ulle coaibiaaisoB natîoBale ne fiirele sur um «fIlo«-
lÙBue; dans lo«(e SQdélév il fiant «b pe» de chaMpue deae.
La vieille Rome, la Rome arisle€«alM|He éiail' vaioeiiey bttttie à
Iharsale et à Philippes, où son parti était mort les armes à la main ;
battue dans la cité où ses mœurs , sa foi, ses lois étaient mises en
imUi; battfHe daas k» temples «è Toa ft'ttdorait plus que des dieux
kti^s&ssy battue dans le séMlqui dtaîl ainli el méiè de barbarefw
It par cette raison même, ce foc la vieille^K^aie,. la Reoie avietoerar
tique (|o*AugpMte checcàa à relever. Celte réaietie», cette restau^*
BitioD tessemUe à ee^que testant Nap^léo» ea relevaat le coke»
rétablissant une noblesse ^ rw^wiinit une e^w,^ reffatianl de la «Of
raie, de la bienséaace , de V baoneur à la faew< àm siècle passé. Ces
deox aiioaiîons aeit admrableiDeni aiialo0Biea; cbacmi dies deux
yrineea» frappé de e^ <|iii manquât aii régpiae nouveau^ dierebail è
h retrouver dans TaacieR régime; Tun reluisait te weiUe Rome»
Favtrek vieille PraMS, laissant de eôté dans Fane- ek dans TaiHre
ee qû riBeoiBflM>daÂt, Tun Taristocralâe réywbliea«at„ Kamre lee
privilèges qui entouraient et gênaient la royauté*
Ni Fan ni Taiitre nf «vaieKt ^i graad toct. Certea, aeus Aneoite,
f^tle décadence de la moraMté et de la vie ropaaioe était u» mak
Baas Tantiquîté, les sooîélés vepo^ent tentée sur la natienalilé»
w la foi, les institutions ^ les mœurs de €lia<|yie pays , les natî^iialft*
tts étrangères i Roaie avait été vaincue^,, la naïkNialité romaiaa
Micpsat à son uiur, quel liea reslait^il a» monde? Ce fÊoblèam
V'Augosie fat loin de résoudre, en cberehant à r-elever les mœiurs
Mumiea^ tourmeAta>Ie monde quaise aièeles du^rsuUi.
L*ea^eprise étaitdifieile; Aa^^ste, f^^ennooayQpréseiKkecomme
l^eaneaiî des îastituAiens de la répablique, chercbaii des> questeui^
des tribuns, des candidats ^x chaiies répubUcaiiies, etn*en trovH
vaiipas: si qcie^|«^*iis dans iUme était Romaim, c*é9aiit k^seuL
B entYeprit la restanratiei^de la vieille Rome axée ieirteeahiéra«*
Aieu Uvoiahil qiiele lilre de citeiea rimiani ne fiMjplus prodîgné»
H q«e ie febm des provinces n'inondit plus la eité romaine*.
\m ihéAire, il v^ului foire i evivA* UMiiétm les djatiaeiione amiqcee^
linon le prenaiec bisne atu séoat^Mipa, les auivans au dwva*
mm, aégunky^lmmm wmié$émMVMmm^ lea* adnltee àm
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188 RETUB DBS DEUX MONDES.
enfansy les citoyens des affranchis, les Romains des étrangers, les p
hommes en manteau de ceux qui portaient la toge. D vit un jour
toute une assemblée vêtue de cette ignoble pœnula qui simulait
la toge ou dispensait de la porter. Voilà donc, s*écria-t-il, en rapp^
lant ironiquement une parole du poète :
a Rorcanos rerum dominos gcntomqiie togatam. d
Mais ce n'était rien, il fallait relever la moralité romaine, restrein-
dre le luxe bien autrement dangereux, alors qu*il n*y avait pas
d'industrie; rebâtir les temples, doter les pontifes, réhabilterle
mariage qui semblait prêt à passer de mode : voilà où la vieille
Rome avait mis sa force, et hors de là, en effet, quels principes de
force, de moralité , pouvait-on lui connaitre?
Mais c'est là aussi que le siècle résistait davantage : Auguste en-
richissait les collèges de prêtres, dotait les vestales, et cependant
les vestales lui manquaient. Nul citoyen romain n'offrit sa fille pour
une place vacante, il fallut descendre aux filles d'affranchis: Au-
guste jura, dans sa colère, que si ses petites-filles n'eussent pas
passé l'âge, il les aurait présentées ; Julie, a-t-on observé, eût fiiit
une étrange vestale.
Mais la grande plaie du temps , c'était le célibat. L'antiquité igno-
rait ou ne subissait pas la loi fatale de Malthus; ce fut toujours la
dépopulation qu'elle craignit pour les états; le mariage , sans être
pourtant un joug bien lourd et peut-être même parce qu1l pesait
peu, était un joug que tout le monde repoussait. Au bout de quel-
ques années, de quelques mois, on quittait sa femme, on quittait
son mari pour en prendre un autre. César eut trois femmes, Au-
guste quatre ou cinq; chacun des membres de sa famille fut marié
cinq ou six fois; mais le célibat semblait plus commode encore, et
joint à la débauche, à la diminution de la culture, au luxe égoïste
des familles riches , il dépeuplait l'Italie.
Ce ne fut qu'à la fin de sa vie, quand sa politique fut bien affer-
mie, qu'Auguste osa demander au ^nat des lois qui ne nous
sont connues que par fragmens, mais dont l'ensemble formait un
système qui paraîtrait aujourd'hui bien étrange; elles faisaient des
célibataires comme une classe d'ilotes qui ne pouvaient ni recueiWr
un legs, ni remplir une charge; du mariage et de la paternité, ua
mérite suréminent qui dispensait de tous les devoirs pénibles, qui
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LES CÉSARS. 189
attirait toutes les fevenrs. Ainsi, d*an c6té, les anciennes lois re-
nouvelées contre Tadultère, le divorce restreint; de Tautre, le
mariage commandé et honoré : c'était pour les mœurs tout ce que
les lois avaient à faire dans le cercle étroit de leur pouvoir.
A ces efibrts pour une restauration officielle de Tantiqnité ro-
maine, à ces désirs du maître , naquit , en réponse , un concert
de louanges, d'espérance, de moralité et de sentimentalité ro-
maine, enfantées par toute la flatterie de ce temps-là, par toute
la cour poétique du César. Il ne faut pas nous étonner s*il ne crai-
gnait pas les souvenirs de Tancienne histoire, s*il permettait à ses
poètes de célébrer le noble trépas et Vatroce courage de Caton,
siraijriculture des vieux Sabins, si les fastes de la Rome quirinale,
si toute la mythologie de la Rome païenne étaient les sujets de leurs
chants; s'il pardonnait à Tite-Live ses sympathies pour la liberté
aristocratique de Tancienne Rome, et se contentait en riant de
rappeler Pompéien : c'est que dans le fond, fl n'avait point à défen-
dre le parti de César.
Cest une merveille comme tous les beaux esprits de ce temps se-
condèrent à leur manière cette réaction religieuse et morale, qu'Au-
guste voulait comme d'autres l'ont voulu dans une position pareille,
parce qu'après tout possible ou impossible, la position le conseillait
aux autres et à lui. Pendant qu'au sénat, il lisait le discours du
vieux Métellus de proie creanday (témoignage qui prouvait au
reste combien étaient anciennes les anciennes mœurs, et comme de-
pu's long-temps on se lamentait sur leur décadence), pendant qu'il
écrivait sur la table d'airain où il rendait compte de sa vie publi-
que : cr J'ai proposé à la république les exemples oubliés de nos an-
cêtres, j> son Horace et son Ovide devenaient de vrais Romains.
9 Rétablis donc, écrivaient-ils, 6 fils de Romulus, si tu ne veux ex-
^ pier innocent les crimes de tes ancêtres, rétablis les temples
« écroulés de tes dieux, et leurs statues noircies de fumée: soumis
« aux dieux, tu règnes sur le monde; oubliant les dieux, tu as ap-
« pelé des maux affreux sur la malheureuse Italie. Erydne, riante
« Vénus, mère de notre César; chaste Diane, toi qui donnes de glo-
^ rienx enfans aux épouses fidèles ; Apollon, dieu du soleil, puis-
« ses-ta dans ta course ne voir rien de plus beau que notre Rome!
< Dieux puissans, si Rome est votre ouvrage, donnez des mœurs
c pures à la docile jeunesse; à la vieillesse, donnez un paisible re-
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^ù REVUE DIKS MUX «ONDES.
a pos; aax fils deRomaluA, dooneBlapuMsancet, IftfiéieDiiditéetlt
9 gloire. Déjà la foi, déjà la paix, déjà la bienséanee et raaiiqiia
a pudeur reviennent parmi nous avec la vertu si loa^tamps négiK
a gée ; les maisons sont devenues chastes , U a*y a ph» d'aéukère^
g les lois et les mœurs ont détruit Tinfaioe débauche ; il a*y a pas d&
9 ailles sans châtiment,, et les mèras se glorifient d'enfans semUib*
Q blés à leurs époux« ^>
La littérature, dit-on, est Teipressioii de la société : rhommeoHK
la femme d*esprit qui a imaginé «elte maxime ne pensait pas sans
doute à cette candeur patriarcale delà littérature, à cette poési0
de rage d*or dans un sîède, dont nous aUona chercher à montrer la
réalité. Déjà, quand Tltalie, dévorée par la guerrecivife, n'avait plus
de bras pour culti^^eir ses champs et domer du pain à ses popahh
lions errantes, quand le peu qui reslait de laboureurs étaient
chassés de leurs chawps pat les e0filurioiis, pendant que les viUei
de rÉtrurie étaient eft femme e« «e» campagnes désertes, que disait
la littérature :
Tityre, tu patnlae recubans sub termine fagi.
Voilà comment la littérature réfléchit la soeiélé^
Si vous voulez savoir qjisel était ce siàde , voyez ce qai se passât
entre Auguste et lui; il y avait une lutte entre le prince et Room*.
Les patriciens,, depuis loog^tamps accoutumés à regarder eonms
iaviolable la douce liberté du célibat, avaient jeté un cri de terreur
à la vue des lois matrimoniales qui kuir étaient imposées; pendant
les jeux publics, les chevaliers interpeUèreat Auguste d'adondr sa
loi, et pour défendre leur célibat,, ils lui cttèreat fièrement rexeoip
pie des vestales, q Si vous vous aulorWez de leur es^emple, virez
comme elles , » leur répondit-nl : puis il leur montra les fife de Gtf «
ïwanicns, Torgueil de sa famiUe et 1 eqpoîr de Tempire. B hii felfait
cependant concéder quelqjue chose au sénat „ qui ne s^ancemmodait
ni de la pureté des restâtes^ ni de la chaste palernilé de Genm-*
Cette loi contre le célibat^ qui portât cependant le nem de deas
consuls célibataires , ne fut (|ur'une preuve, et il y en a taat d*aiiirafr
de limpuissance des pouvoirs piiUics sur les mceiura. AugMteen
vint lui-même à plier devant la licence de son tenips» et anus Tibère
ces lois sibeltes, dmi Moniiiiiqdw faii Vélogs, éimm AtM fm^
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U8 GiSAM* fit
■i0ilatBMiaK>dUié60. QoelepJMiTtireil^pradoo^^ IKm^
fUreyies-oombieB peu Aupnit «• fifaidt obéir ;€oitibieo H eit wai
4ii*il n'y a ai «m (enps ni i» pays quîne «aelM s'iimrgtr lonqa*a«
Vattaye daaa co cpi'it aime! Sm aidMraUa paraâla, son poèia
Horaee, ayait biMi pu ehamar <r la loi maritale, jk dépbrer «ru^mècb
fécond» «riaies, qui amfit ioaHlé ba vÉriagea, las hnilkis, b
Tîeux aang ronmin^ » H avait faieo ^ chanlar RaflM, ranmie lom i
aoap à 11^ d'or par la M Pappia I\)ppea(leaaoin8 de8<d0«x eom*
Mb «élibatairet ); ma» aa iwfl^)kiitaiioa pour Auguste a'écaic pat
aBée aa-^elà dos paroles, ea um on latiitfr Tanstàre Torta dao
feauBoa {peffanaîiiosy « qaî ne so Aaal|ia3 à un briHaat aéducieur, a
iln'^tarildoveiiMiiifidèlem àkiteliaCUoé, siàlairoMpefMoBa^
rine, m à riaooastaate Lydie, ai A tant d'iewtres beUeo filles da
f Asie, dont Rome était pleine, qui faisaient trembler les mères
poar lowra Als» et poar qtn Tépoaso i paiae Bsariéa était abandon-
aéo par soa épona.
Et AngiMaa loi-mèa», ee réIssTBMilswr de la via pwMiqiie , ce pré»
ffet des OMBiars (maj tsier momm.), oanme il a'était fiit appefer so«
lenneHeaMil, ne savait-^s pao ses nmiagoa et ses divorces? H
Oaudia» œtloeaiant qa^ avait éponséo par pcriitifae^ renvoyée
prosqae la Joar même, parce «pfM avait itaqpa avec sa baUa<-
mère; tê seo «nion précipitéte airec livie, qto*i avait enlevée «»-
œittto A aott mari; ecfépoiÉ9edaliibère<qu*ill')avait lorcéde ré»-
padior, eaeeiate également, pour mettre an lie« d'elle inUe, sa
peUio-fifie;et tons^los marlagsa qa'iè avait noois on brisé» isiail
gti, dans son impodiqué AlaiHet M'appisMKlissait^oa pas as thAft^
tleA des'ifflasiOBStoaftreaeaaHaura^imsavaît-^afMtthsinCnm
dasa jaiussaee, ai ne lisai^oa pa» las ittisibtes reproches qu'An*
taioe lui adressa dans ai0 leHre presqaaamicBie? Et ne searnive»»
Bai-on paa que cepioax eestanraténr de la rdqpoa avait figné
époBottdans unefimoa^A sas «nis*etsc»-osiirtisaiis avaient r6pré>*
aiaté t#iit: l'Olympe?
El même, tandis qa* Auguste» vîen etachcwata artgae d'aae
prospérité nioiâe, travaiMâ ainsi A la rtfbime des mœurs, quels
aenia répéimt la tfoulè «a ibMtve , quels noass lisaia^dle aflficMs a«
Forum? Ceux des amans des deux iuKss, sa petile^le etsaiëei;
leurs désordres étaient publics, qu'Auguste les ignorait encore.
Cétaient elles pourtant qu'il avait élevées, comme d^antiques Romair>
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1^ RBVOB BE8 DEUX MOriDES.
nesy à filer la laine et à rester à la maison ( domi mansù, lanam fecii);
c*étaient elles dont il avait foit consigner dans un journal toutes
les actions et toutes les paroles, afin qu'elles apprissent à les ré*
gler, qu*il avait éloignées tellement des étrangers , qu*il écrivait à
un jeune patricien : a Tu as commis une indiscrétion en allant vi-
siter ma fille à Baia. » Ses petits-fils avaient reçu de lui-même leur
première instruction, y compris la natation et Talphabet; il s*était
même attaché ( chose bizarre ) à ce qu*ils sussent contrefaire soa
écriture. Il ne soupait jamais sans les avoir couchés au-dessous de
lui ; en route ils marchaient devant lui , ou se tenaient à cheval au-
près de sa litière. Par des adoptions, par des divorces, par des
mariages, tout-puissant dans sa fomille comme dans la république,
il avait arrangé à lobir et en toute satisfaction les combinaisons
de sa dynastie.
Mais il y a une fetalité contre les combinaisons de ce genre; oe
sont comme les pactes de famille dans les états modernes. La mort
et rinfomie se mirent dans la dynastie des Césars. Pendant que ses
deux petits-fils lui étaient enlevés en dix-huit mois, Auguste était
obligé de punir de mort leur propre confident, de renfermer son
fils adoptif Agrippa, ame vile et insolente; de mettre à mort un
de ses plus chers affranchis qui avait séduit des femmes romaines;
mais rien ne Taccabla comme les désordres des deux Julies; 3
s*en plaignit au sénat, non par lui-même, mais par une lettre dont
il chargea un questeur; il n'osa se montrer au dehors, il pensa
feire mourir sa fille : elle avait une affranchie qui, compromise
dans les fautes de sa maîtresse, se pendit de désespoir. <r Que n*étais-
je plutôt, disait Auguste, le père de cette Phébé 1 o Sa fille, reléguée
dans une tle, fut privée, par ses ordres, de tout bien-être dans sa vie,
de toute communication avec le dehors ; il fallut, avant qu*il Tautori-
sàt à voir personne, qu*on lui donnât un signalement du visiteur:
son âge, sa figure, et jusqu'aux signes particuliers, comme disent
nos passeports, quitus corporis notis tel cicatricibus, tant il craignait
qu'un de ses amans n'arrivât jusqu'à elle. Sa petite-fille, après sa
condamnation, eut un enfant, il défendit qu'on relevât. Ces deux
femmes et Agrippa étaient Tobjet de sa perpétuelle douleur ; fl n'y
pensait pas sans s'écrier avec le poète :
Mieux vaut vivre sans épouse et mourir sans enfaos.
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IBS CÉSARS. 195
Dent soin, par son testament, de les exclure d'avance de son
tombeau, et quand le peuple, moins sévère et moins romain que
lui, osa, après cinq ans, demander leur rappel, il lui répondit par
cette imprécation : a Je vous souhaite de pareilles femmes et de pa-
reiUes filles, i»
Ainsi s'achevait cette triste fin d'un beau règne , cette doulou-
reuse vieillesse compromise dans une lutte inégale contre son
temps, et qui avait fini par le mettre en hostilité avec son pays,
avec sa fomille, avec lui-même. César et lui avaient, comme cela
n'est que trop fréquent, poussé tour à tour trop loin deux prin-
cipes contraires; César, méconnaissant ce que Tesprit romain avait
encore de puissance, avait voulu faire une Rome cosmopolite, la
faire grecque, gauloise, espagnole, tout plutôt que romaine, flé-
trir son sénat, se jouer de ses institutions, le traiter enfin comme,
après le 18 brumaire, Bonaparte pouvait traiter la république
avortée de l'an m. Auguste, et cela est toujours, éprouva la réac-
tion de ce mouvement, il se fit ultra-romain, soutint de la main
raristocrat'eméme, si pesamment écroulée; voulut relever, sinon
la foi, du moins les temples, faire une Rome romaine, comme l'avait
déjà tenté Sy lia.
n ne faut pourtant pas se tromper, ni méconnaître l'étonnante
puissance de ce génie romain : les combinaisons d'origine et de
position qui avaient donné son caractère et son individualité essen-
tielle à une petite peuplade italienne campée dans les marais du
Tibre, avaient certainement produit un des plus miraculeux phé-
nomènes de la nature de l'homme. La forme gouvernementale, qui
est sans aucun doute la plus puissante pour imprimer aux choses
on caractère de grandeur, d'accroissement et de durée, l'aristo-
cratte une, despotique, héréditaire, mais en même temps sansr
cesse rafraîchie, et renouvelée dans les rangs du peuple, était née
de ce caractère si un et si homogène à lui-même, mais doué aussi
d'une force si grande d'abstraction et d'absorption. Il y a eu quel-
que chose de tout cela dans l'aristocratie d'Angleterre, dans la no-
blesse de Venise, .dans le sénat de Berne, institutions qui ont été
d'une longue vie et d'une grande puissance, parce qu'elles ont eo
l'unité de l'homme sans avoir sa courte durée.
Mais au temps dont nous parlons , l'aristocratie romaine ne sub-
sistait plus; les plus grandes familles étaient éteintes ou perdues de
TOMB VII. 13
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194 RETUB DBS D£VX MONDES.
dettes; an teaips de Qaude, il ne restait presque pas dscdes que
César ou Auguste avait élevées. L*ataiosphère de cette époque
comme celle de la n^tre, était peraicieuse i toute aristocratie; les
familles patriciemies redevenaient peuple et rentraient li d'où ^
étaient sorties. Un Scaurus était marchand de charbon» oom
avant leur élévation, c'est-à^lire peut-être trois siècles auparavant,
les Ciecilius étaient bouchers. Chose remarifiiable et curieuse qie
ce mouvement des familles I
En outre la grande base des institutions romaines, la foi reG-
gieuse manquait. La révolution religieuse de ce siècle n*est pas ea-
core bien comprise; nous n*avons pas le temps de la développer
ici, quoiqu'elle soit un des plus notaUes phénomènes de Tesprit
bumain. Disons seulement» et ceci mériterait d*étre s^rofoadi,
que rantiquité avait toujours compris une religion non comme in
dogme , mais comme une coutume ; non comme une vérité abstraite
et générale, mais comme une loi du pays, comme une portion de laaa-
tionalité; il en résulta que le monde entier étant réuni sous les méats
l<»s,rantagonisme des peuples étant remplacé par une alliance oUi-
gée, les nationalités tombant, les religions tombèrent avec elles; le
Grec n*eut plus de croyance dès qu'il cessa d*étre Grec; le Ro-
main n*eut plus de dieux quand sa Rome devint cosmopolite. De là
le scepticisme et l'incrédulité au temps de César.
Au temps d'Auguste ( et cela devait être } commença une réac-
tion; Auguste l'aurait bien voulu romaine, mais cela n'était pas
possible. Elle fut vague, ubiquiste, indéfinie : quand toutes ks
nations se rapprochaient par la vie sociale et par la pensée, l'idée
d'un dieu romain ou d'un dieu grec, la croyance d'un Jupiter
olympien ou d'un Jupiter capitolin, le dogme de la nationalité des
dieux, si naïvement exprimé dans la prière, ou plutôt dans h
sommation peu respectueuse que les Romains adressaient aux dieox
d'une ville assiégée : cr Dieu de cette ville, que tu sois homme, oa
que tu sois femme, sors de la ville, et viens avec nous; b tout
cela devenait évidemment trop absurde. Au lieu des dieux de la
nation, on chercha les dieux du genre humain; on les prenait
à rÉgypte, à la Syrie, à la Judée; partout on empruntait qad"
que divinité, quelque pratique, quelque purification, quelque
prière. Ce fut le plus superstitieux de tous les siècles. Les Usto-
riens n'écrivent pas deux pages sans parler d'an présage» d'une
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LBS CiSARfl. 19S
prédietkm, on dfjOfBOoge. Rome eroyait à tout, excepté aux dieux
de Rome.
Et cependant (c'est pour en arriver là qne nons venons d'in-
difuer tant de fait» qui mériteraient bien d'autres développe-
mens), le nom romain, les institutions romaines, la puissance que
ce nom et ces soHventrs prêtaient à cette machine vermoulue, à
cet arbre sans racine que soutenait son propre poids, tout cela
dora au-delà de toutes les limites qu'il eût été raisonnable de loi
assigner. Toof cela dura quatre siècles , contre des ennemis de
tout genre, contre les barbare», contre les peuples de rempire,
contre la philosophie, contre le christianisme, tant il y avait là
une vertu primitive, ime force de durée et de vie. Merveil-
leux chef-d'œuvre de l'esprit humain I privée de son principe,
n'étant ^s animée de son esprit, sans l'aristocratie qui était son
bot, sans la foi qui était sa base, la Rome de l'aristocratie sacer-»
dotale dura long-tenqps, et laissa au moyen-ège ses monumens,
sa langue , son droit , et Rome une seconde fois reine du monde.
Cest que dans le sénat même, si abaissé malgré les efforts d'Aur
guste pour le relever, on se sentait toujours les héritiers de Taris-
tocratie andenne, et qu'on savait encore se faire révérer par les
sotfvemrs. — C'est que le peuple si vil, si frivole, si dégénéré, ee
peuple du cirque, du théâtre, voulait être encore le peuple-roi, se*
révoltait parfois, commandait atrx Césars, les sifflait ou les applau-
dissait comme des acteurs, leur proclamait ses volontés entre les
facéties d'un bouffon et les combats des gladiateurs, et chassé du
Forum régnait au théâtre. Cest que les légions (objet digne d'une
étude toute particulière) formaient dans le peuple un peuple à part,
bien autrement romain, qui avait une foi et un culte, le cuhe êe
ses aigles, auxquelles vous savez qu'on offrait des sacrifices; que
dans l'armée on servait souvent toute la vie, et que le fils y suc-
cédait au père : véritable nation militaire d'où sortirent jusqu'aux
derniers jours de l'empire des hommes de trempe romaine, dès
Probus, desStrKcon, hommes rudes, sévères, antiques, souvent
d'origine barbare , mais Romains de cœur. C'est qu'enfin les prd-
Tînees eltes-mémes, frappées de tant de grandeur et de souvenirs,
voyaient moins avec haine qu'avec envie, crainte et admiration,
rédfice sans base delà nationalité romaine, et songeaient, non à la
détruire, mais à y pénétrer.
13.
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196 RBTUB DBS DEUX MONDES.
Ainsi se balançaient dans Tempire Tantiquité rcmiaine et la paû-
sance des mœurs nouvelles , la nationalité restaurée par Auguste
et le cosmopolitisme introduit par César. —Rome était si grande,
et son nom si puissant, que Ton ne demandait pas mieux que d*étre
Romain, pourvu que cela ne génAtpas (ce qui est le patriotisme de
bien des pays et de bien des époques) , pourvu que Ton n*eût ni une
table moins somptueuse, ni des vases moins beaux , ni de moins
belles courtisanes; s*il ne s'agissait que de porter la pourpre
comme consul, ou de brûler un peu d* encens aux pieds de Jupiter
Capitolin, ou d'étaler à la suite d'un brancard funèbre les images
poudreuses de ses aïeux , on était Romain.
Mais il aurait fallu aller plus loin, il aurait fallu que les ricbes,
pour faire vivre les pauvres, se résignassent à vivre comme eux. La
question du luxe était tout, il s'agissait entre la vieille Rome et la
Rome cosmopolite d'une vaisselle d'étain ou d'une vaisselle d'or,
d'une robe de laine ou d'une robe de soie (ce qui était un déshon-
neur pour un homme, ne vesiis setica liros fœdaret. Taqte.), d'une
matrone romaine à respecter ou à séduire (les affranchies et les
étrangères étaient toujours licites), d'un faisan ou d'unattagen de
moins sur la table, d'un souper de 200 sesterces (38 fr. 6J c),
comme le prescrivait Auguste, ou d'un souper de 400,000 sesterces,
comme le faisait Vitellius.
Pour juger sainement cette question, il faudrait bien comprendre
toute l'antiquité. Le luxe ne pouvait être pour elle ce qu'il est pour
nous, un échange de travaux et de richesses entre la classe ou-
vrière et la classe opulente, plus ou moins utile à l'état, plus ou
moins avantageux à la classe inférieure, mais enfin portant avec
Jni quelque compensation du mal qu'il peut faire ; la population ou-
rrière était esclave, ne possédant que par grâce un salaire quel-
conque de son travail, ne pouvant proportionner aux besoins et
aux circonstances ni son prix, ni ses produits, n'étant animée enfin
ni par la concurrence, ni par le courage que la liberté donne, ni
par l'espoir de la fortune. Ce que nous appelons industrie, n'était
qu'un service d'esclave à maître, un office domestique forcément
accompli ; ce que nous appelons commerce n'était, chez les Romains,
qu'une usure dévorante pour le pauvre; l'industrie libre date des
corporations chrétiennes au xi* siècle, le commerce moderne date
des croisades.
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LES CéSARS. 197
Dans cet état de choses, ragriculture était la seule ressource de
la population libre et inférieure ; mais tout ce qui était donné au
luxe y était pris sur elle, et la multitude des esdaves s'augmentant
avec tous les autres genres de luxe, une grande partie des terres de
lltaHe ne fut plus cultirée que par eux. Les lois somptuaires n'étaient
donc ni tellement inutiles, ni si mal entendues, et ce ne sont pas du
tout des déclamations poétiques que les invectives des écrivains
contre le luxe, les efforts des législateurs pour le restreindre, les
coutumes sévères que cherchaient à mettre en honneur ceux mê^
mes qui ne les pratiquaient pas.
Que devenait en effet la population libre de 1 Italie? D'un cAté
les guerres civiles lui 6taient ses terres, ou en la réduisant à la
misère, la rendaient incapable de les cultiver de long-temps; de
Tautre, l'homme riche faisait cultiver les siennes par des esclaves,
ou mieux que cela, les changeait en parcs, en villas, en jardins. Les
vieilles races italiennes, vers la fin de la république, étaient pour»
chassées de toutes parts. Ces malheureux entraient dans les lé-
gions et allaient laisser leurs os aux extrémités du monde, ou
bien ils gardaient de misérables troupeaux sur les Apennins, et
souvent n'ayant plus de leur bétail qu'une peau pour se couvrir^
ils gagnaient des cimes plus désertes, erraient de canton en can-
ton, vivaient de brigandage, pères de tous les bandini des Abruz-
2es : c'est à ces hommes-là qu'un vieil Italien comme eux, Catilina^
en homme habile, avait donné le signal de leur liberté, et c'est
leur présence et leur situation qui expliquent l'importance de cette
coiquration de quelques jeunes gens contre l'empire romain. Les
plus heureux afOuaient dans Rome pour y vivre mendians et oisifs
de la vie du peuple romain : mais n'arrivait pas à Rome qui vou-
lait; et toute cette Italie enfin, réduite à trois ou quatre mille riches^
dievaliers ou sénateurs, à deux ou trois millions de plébéiens dans
la viDe de Rome, à un ou deux millions peut-être de cultivateurs
libres, à une multitude sans nombre et sans nom d'étrangers, d*escla- ^
ves, d'affranchis, de barbares, de soldats, d'usuriers, dé Juifs, de
Chaldéens, de magiciens d*Égypte, de Grecs surtout (Grœculi). qui
dierchaient fortune de toutes mamères, et qui tous, à défaut
d'autre, prenaient l'Italie pour patrie et pour nourrice; ce beau
pays en arriva à Tincontestable malheur de ne pouvoire suffire à seç
pruniers besoins , et de demander du blé à la Sicile; puis, la
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199 REVUE DBS BB0X MONDES.
SicBe (UfittllMt/ à VÈgYt^} puis, ÉprèÀ YÈff^, aux 66te8 afri-
caines.
Voilà à qsets mavt Auguste Toalut porter remède. — Sa deslioét
est une des f^s complètes qne le moiid^ ait Toes; sonverain Kbre
et paifflide de Tunirers civilisé, il vécnt ce qa1l ftdlatt de temps
pour voir une génération nouvelle, ignorante des souvenirs a»-
denSy succéder à la génération que Pbarsale et Acttum avaient dé*
dmée. Son règne fùt un temps de repos entre la guerre civile et
les^ tyrans y un moment où tous les anciens partis disparurent sans
qu'il s*en formât un nouveau, où tous les peuples conquis accep-
tèrent la conquête, où tous les peuples barbares du dehors furent
repousses, et comine si le monde eût eu besoin de se reposer pour
se préparer à un nduvel ordre de destins, comme si Virgile avait
eu raison de saluer le nouvel âge sibylfin et les mois de la
grande année qui allait nattre, Auguste ferma le temple de Janus^
et Dieu, pour la prenoulère fois, donna la paix à tout l'Occident
civilisé.
Au milieu de cette gloire , Auguste naviguait doucement entre les
lies du golfe de Naples (bien phis beaux alors que le Vésuve nn
jetait pas de lave sur ses rivages), se reposait dans ces belles dtés^
écoutait des flatteries et des poèmes, voyait folâtrer avec une
douce joie de vieillard la jeunesse grecque dans ses gymnases,
causant, riant, plein de gaieté, lorsque la douleur l'avertit qpie sa
mort était prochaine; il prit alors un miroir, s'arrangea les che-
veux, et, tourné vers ses amis, leur dit comme les acteurs i la fin
du spectacle : cr N'ai-je pas bien joué le mime de la viet montres*
TOUS codtens et applaudissez, j»
Pour comprendre les empereurs romains, il ftiut avoir bieii
étu4ié Auguste et Tibère; le premier donna i 1 empire sa fonai
légale; il en fit, psw* abst dire, le droit public: le second M
donna la puissance réelle, parce qu'abandonnant les traditkMis
romaines et les teiÉtadves de resuuration auxcfoelles Augusi»
s'était attaché, il chercha aWeurs le fondement du povroir d'ml
seul. Tibère seul et sa poiitiqlie rendent explicables rincreyaM^
puissance et l'incroyable sécuriiè de ses successeurs.
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LES HIEROGLYPHES
ET
LA LANGUE ÉGYPTIENNE,
▲ PAOPOS
DE LA GRAU MAIRE DE M. CHAHPOLUON.'
Les anciennes écritures de l'Egypte, qui de tont temps ont été l'objet
é'iine rire cariosité, ne figuraient encore dans nos musées que pour une
Men faible part à la ira du siècle dernier. Depuis cette époque, de riches
collections d'antiquités égyptiennes nous sont venues des rives du Nil; le
Louvre a tu se former un musée nouveau , consacré tout entier à l'Egypte
^autrefois; et bientôt un obélisque, enlevé aux ruines de Thèbes, se
dressant sur une de nos places, va nous montrer f écriture sacrée des
Egyptiens, les hiéroglyphes employés à la décoration de nos monumens
pobKcs.
Parmi les objets précieux pour la science, dont l'Europe s'est enrichie
fl) Nm» ft*rroM pat batotai de ilgiMler à r«t«Qiitfoii eét arUdte d'iii en bomoMt qui,
ftf le«r étude approfondie de la langue copte, aont do très peUt nombfe ém joget eott«
féieaf à écouter dana oae <Hieation aiaai difiklle^lMéreaanCe. Noua voidrionaaiirtMt
mener la critique savante à discater devant un public moina restreint ces problèaes
dbnt les conséquences historiques sont faites pour attacher tous les esprits éclairés. De
quel intérêt ne serait-il pas d*entendre en un sens différent Topinion des autres critiques
»M»raHmM€ftiBBtpollfoii, eeBedtaiMy,d^ttIietioinieT (fV^cKKAi
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rSOO RBVUB DBS DBUX MOlfDBS.
depuis un petit nombre d'annéeSy se trouve une pierre noire portant one
triple inscription. Elle est connue sous le nom de pierre de Rosette, parce
qu'elle fut trouvée par un ingénieur français dans les environs de la ville
de Rosette. Enlevée aux savans qui accompagnaient notre armée d'Egypte,
elle figure aujourd'hui dans le musée britannique. Cette pierre offre à a
partie supérieure, qui est fracturée, quatorze lignes d'écriture hiérogly-
phique; au-dessous de cette première inscription il en existe une deuxième
beaucoup plus longue, en caractères égyptiens cursifs, appelés caractères
vulgaires ou démotiqnes: enOn, la partie inférieure est occupée par une
inscription grecque plus longue encore, au moyen de laquelle nous appre-
nons que les trois inscriptions ne sont qu'un même décret tracé en carac*
tères et en langages différons.
Si de tout temps on avait considéré l'écriture hiéroglyphique comme
purement idéographique, c'est-à-dire comme n'ayant aucun rapport di-
rect avec la langue parlée, on avait toujours aussi regardé l'écriture égyp-
tienne vulgaire comme procédant par les mêmes moyens que nos écritures
ordinaires européennes. C'était une bonne fortune que la découverte
d'une inscription égyptienne alphabétique. Bien des essais furent tentés
pour retrouver l'alphabet égyptien. Un savant suédois, M. Akerblad, dé-
montra d'abord que les noms étrangers étaient susceptibles d'une lecture
analogue à celle de nos écritures; mais l'alphabet qui résulta de l'analyse
des noms propres étrangers n'eut aucune prise sur le texte égyptien.
Toutes les tentatives de déchiffrement demeurant infructueuses, leséra-
dits renoncèrent bientôt à marcher plus long-temps dans cette voie. lU
y étaient entrés convaincus que l'écriture égyptienne vulgaire était al-
phabétique comme la notre; ils la quittèrent emportant des doutes nou-
veaux, et se demandant de quelle nature pouvait être cette écriture vul-
gaire.
Cependant l'alphabet obtenu par la lecture des noms propres renfer-
mait, comme nous allons le voir, le germe d'une brillante découverte. Un
savant anglais, le docteur Young (1) , reprenant cette pierre de Rosette
abandonnée depuis quelque temps, se mit à rechercher, par une opération
toute matérielle , et à comparer entre elles les expressions des mêmes
idées dans les trois textes. Il reconnut promptement que dans une foule
de cas, et surtout dans les noms propres étrangers, les caractères du texte
, vulgaire n'étaient autre chose que des abréviations des caractères hiéro-
glyphiques. La conséquence obligée de cette remarque était que la mé-
thode, pour exprimer les noms propres étrangers dans l'écriture hiéro-
glyphique, pourrait bien être analogue à celle dont faisait usage l'écritore
(I) Yoyef , dans U UvraiM» dn 15 décenOtre 18» , TarUcto inr Toom, par M. Aii«a.
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LES HIÉROGLYPHES ET LÀ LARGUE ÉGYPTIENNE. 201
vulgaire. Le docteur Young tenta donc, sur le nom de Ptolémée, le seul
qui fût conservé dans le texte hiéroglyphique, ce qui avait été tenté avec
succès par M. Akerhald sur les noms propres du texte vulgaire. On sent
combien peu de ressources doit offrir un seul nom pour arriver à une
analyse exacte. Le docteur Young rencontrant juste pour le fond, c'est-à-
dire reconnaissant Texpression phonétique des noms propres étrangers, se
trompa dans quelques détails; Falphabet qu'il forma, incomplet, inexact,
resta inapplicable.
Vint alors M. ChampoUion, qui donna la vie à une découverte demeu-
rée stérile, et qui, la fécondant par un principe auquel n'avait point songé
le savant anglais, étranger aux études philologiques, lui fit produire les
résultats les plus importans, les plus inattendus. Remplaçant l'alphabet
informe de son devancier par un alphabet certain, riche, complet, il nous
montra les noms de rois grecs, ceux des empereurs romains, sur des
monumens que l'on avait toujours regardés comme remontant à la plus
haute antiquité.
L'on a voulu faire du docteur Young et de M. ChampoUion deux rivaux
se disputant une même découverte; c'est une erreur, comme il est facile
de s*en convaincre. Quelles sont, en effet, les prétentions du docteur
YouDg? Nous les trouvons consignées dans les dernières pages sorties de
sa plume, dans la préface de son dictionnaire démotique : a Ce fut alors que,
dit-il dans une lettre adressée à l'archiduc Jean d'Autriche, pour la pre-
mière fois il fit connaître l'identité originelle desdifférens systèmes d'écri-
ture employés par les anciens Égyptiens, observant qu'on peut reconnaître
dans le nom enchorial ( en écriture vulgaire ) de Ptolémée une imitation
éloignée (loose) des caractères hiéroglyphiques dont se compose le même
nom. J'ai étendu ensuite la même comparaison au nom de Bérénice. »
Quelle est, d'un autre côté , la découverte revendiquée par M. Champol-
lion? Ce n'est point d'avoir reconnu que l'écriture vulgaire n'est qu'une
tachygraphie des hiéroglyphes; ce n'est point d'avoir cherché dans les
cartouches ( petits encadremens elliptiques) des noms écrits alphabéti-
quement de même que dans récriture vulgaire, mais seulement « d'avoir
fixé la valeur propre à chacun des caractères qui composent ces noms, de
manière que ces valeurs fussent applicables partout où ces mêmes carac-
tères se présentent (1). »
Ainsi, avoir démontré que les écritures sacrées et vulgaires sont de même
nature, voilà la part qu'il n'est point possible de contester au docteur
YouDg, et c'est la seule qu'il réclame. Cette identité de nature entre l'é-
crîtare hiéroglyphique et l'écriture démotique conduisait naturellement à
fi) PrécU du Si/iUme hiéroglyphique, deuLièma édiUon, pag. ti.
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nSYUB «M DBOX MOHBSS.
enayer ^r \m noms de l'intcriptioii hiéroglyphique les procédés de ke-
tore employés psr M. Miorhla4 sor rinscripUoD démeiique.
Jwir fixé la valenr prêpre à chucmt, des caractères h ^agli^hiq^eg fsé
eamposeni les noms propres, mlà la part que réclame M . Chatnpollion, et
qoe personne ne lai conteste, il n'y a point ici découverte disputée : il y t
deux déconcertes tout-à-fait distinctes. Celle du savant français est venue
après celle de M. Yoong; mis elle n'en est point une oonséqœoee
ohligée.
J*arrive aux premiers résultats de la découverte de Talphabet des hié-
roglyphes phonétiques. ll« Champollion, en lisant au milieu des sculp-
tares hiéroglyphiques les noms des empereurs de Rome , a ranrtené ea
deçà du point initial de Tère chrétienne des constructions , des décort-
tiens, qui difléraient assez peu des sculptures les plus anciennes pour que
des personnes hahiles, des savans distingués, les aient considérées comme
vieilles de plusieurs milliers d'années. Par les noms d'Auguste et de Ti-
bère écrits sur ses murailles en caractères hiéroglyphiques, le temple lie
Dendérah avee son sodiaque est revenu se placer dans les premières as-
nées de notre ère; par ceux d'Adrien, deTrajan, d'Antooin, le petit
temple d'Ësné, égaleoieiit décoré d'un zodiaque, est redescendu jusque
dans la première moitié du second siècle; et par ceux de Septime-Sévére,
de Caracalla, de Géta, le grand temple d'Esné, offrant on zodiaque de
même que les deux précédens, s'est trouvé ramené jusque dans la première
moitié da m* sièele* Et ce n'est pas seulement sur la lecture des nomi
étrangers, au moyen de l'alphabet phonétique, que s'appuient tons ces
d^alaoemens. Des recherches d'un autre ordre ont rendu la démonstration
complète. D'une part, MM. Huyot et Gau, portant l'œil de Tarehitecte sur
les monumens de l'Egypte, avaient assigné à chacun d'eux l'âge précisé-
ment que leur donnent les lectures de M. Champollion, avant de savoir
que l'on fit aucune lecture sur ces monumens. D'un autre côté, M. Le-
tronae se trouvait conduit aux mêmes résultats par les nombreuses in-
scriptions grecqnes4racées sur les temples égyptiens. D'après ces inscrip-
tions il nous appreMitt}ue, vers la fin du ii« siècle, les Égyptiens tenaîeitf
encore à décorer Ie4 murs de leurs temples de ces mêmes sculptures, de
oes hiéroglyphes si Bwltipltés dont ils les recouvraient dans de plus anciens
temps.
Des rascriptions lûérogiyphiques sculptées sur les temples égyptiens,
an ii«, au iii* siècle de notre ère » et peut-être plus récemment eu'^ere,
puisque l'on trouve des édifiées inachevés dans cette Egypte snpérieore,
où les antiques usages religlevx 4» paganisme égyptien se sont mainte-
nus sans obstacle jusque dans le vi* siècle : voilà un fait de la plus haute
importance, conuBeaous sÈk&ÊA &a i
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LES HIÉRO«LYI«BB ET LA LAIIOUB ÉGTPTIBNIIE. 9BS
Vont possédons me langae égypiienney désignée plas ordfamhreraent
le nom de langue copie : elle nous est donnée principalement par
des Tersions de l'Ancien et du Nooveao-Testament. On a longnement et
savamment disputé sur l'origine de cette langue , de fort habHes critiquies
ont exanriiié la question sons toutes ses faces. Un premier résultat de
leurs laborieuses reeherdies, aujourd'hui généralement admis, c'est que
la langue copte est la même que la langue égyptienne de l'époque des
f4iaraons , sauf les changemens que le temps et d'autres circonstances
peuTent apporter dans un idiome usuel. Un autre résultat, c'est queia
vernon copte de F Ancien et du NooTcan-Testament a dà être faite, au plus
4ard , dans le conrs du second siècle , et que cette yereion , qui a joui, dès
l'origine, d'une autorité égale à celle du texte grec, qu'elle a prompte-
meot remplacé, représente fidèlement le langage desbabitans de l'Egypte
4an8 les premiers siècles de l'ère chrétienne. On sait le caractère d'im-
mntabililé des livres sacrés.
Kotts avons donc la langue dont faisait usage la population égyptienne
à r^>oqoe oà Septime-Séyère, ardent persécuteur des chrétiens et pro-
tecteur zélé de l'antique religion, faisait recouvrir de légendes hiérogly-
phiques le grand temple d'Esné. Nous pouvons désormais tenter, avec es-
poir de succès, l'interprétation des hiéroglyphes qui recouvrent les tem-
ples d'Esné, ceux de Denderah , tons les édifices de l'époque romaine ;
nous avons hi langue contemporaine.
L'objection la plus sérieuse que Ton ait faite contre la possibilité d'in-
terpréter l'écriture hiéroglyphique, c'était ngnoranoe où nous étions de
la langue an moyen de laquelle on exprimait les idées que rappelaient
'ses caractères. Le dictionnaire symbolique d'Homs-ApoUonnous apprend
que certains symboles, outre les sens divers dont ils étaient susceptibles
d'après les qualités de Fobjet représenté , pouvaient encore avoir ud sens
dépendant du nom de cet objet ; de ce fait , d'Origny, dans son Egypte
nnctentie, concluait que la connaissance de la langue égyptienne est in-
dispensable pour comprendre les hiéroglyphes, et que, cette langue ayant
diangé avec le temps, les hiéroglyphes sont indéchiffrables, a En effet ,
disait-il, le même caractère ne représentant plus le même mot, ce carac-
tère ne peut plus faire entendre ce que le sculpteur avait prétendu qu'il
signifiait, d II eût fallu, suivant lui , connaître la langue épyptienne de
chaque époque pour en interpréter les monumens. D'Origny, de même
que tons les savans d'alors, regardait les hiéroglyphes comme antérieurs
de beaucoup à l'époque romaine.
Plus tard , Zoéga, dans son ouvrage sur les obélisques, admet comme
d'Origny, et par les mêmes motifs, une étroite liaison entre les carac-
tères hiéroglyphiques et la langue de la nation qui les employait comme
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904 RBVUB DES DEUX MOHDES.
écritare; mais cette liaison fut pour lui, comme pour sou deyancier, une
circonstance qui compliquait le problème, au lieu d'en avancer la solalioi.
Il était luin de soupçonner que la langue copte fût contemporaine de
l'écriture hiéroglyphique.
Cette langue va donc nous être du plus grand secours pour rinler-
prétation des légendes hiéroglyphiques sculptées sur les temples par ceux
qui l'ont parlée. Disons plus » elle est la seule voie possible pour arrîTer.
Je ne saurais mieux faire que de citer, à ce sujet , les paroles de M. Chaui-
poliion lui-même. Après avoir parlé ( Introduction de la grammaire é^p-
tienne ) des tentatives infructueuses faites pendant si long-temps, en de-
hors de la langue copte, pour interpréter les inscriptions hiéroglyphique!,
il ajoute :
« Les études égyptiennes ne pouvaient compter sur aucun progrto réel,
puisqu'on voulait parvenir à l'intelligence des inscriptions hiéroglyphi-
ques en négligeant précisément le seul moyen efficace auquel pût se
rattacher quelque espoir de succès, la connaissance préalable de la lamgte
parlée des anciens Égyptiens, Cette notion était cependant le seul guide
que l'explorateur pût adopter avec confiance dans les trois hypothèses
possibles sur la nature de cet antique système graphique.
a Si , en effet, l'écriture hiéroglyphique ne se composait que de signes
purement idéographiques, c'est-à-dire de caractères n'ayant aucun rap-
port direct avec les sons des mots de la langue parlée, mais représentant
chacun une idée distincte , la connaissance de la langue égyptienne parlée
devenait indispensable, puisque les caractères, emblèmes ou symboles,
employés dans l'écriture à la place des mots de la langue, devaient être
disposés dans le même ordre logique, et suivre les mêmes règles de ceii-
structionque les mots dont ils tenaient la place; car il s'agissait de rap-
peler à l'esprit , en frappant les yeux par la peinture , les mêmes combi-
naisons d'idées qu'on réveillait en lui en s'adressant aux organes du sens
de l'ouïe par la parole.
<x Si, au contraire, le système hiéroglyphique employait exclusivement •
des caractères de son , ces signes ou lettres composant l'écriture égyp-
tienne, sculptés avec tant^e profusion sur les monumens publics, ne de-
vaient reproduire d'habitude que le son des mots propres à la langue
parlée des Égyptiens.
a Eq supposant enfin que l'écriture hiéroglyphique procédât par le
mélange simultané des signes d'idées et des signes de sons, la connais-
sance de la langue égyptienne antique restait encore l'élément nécessaire
de toute recherche raisonnée, ayant pour but l'interpréution des textes
. égyptiens. A
ta question ainsi posée d'une manière toute nouvelle par la lecture des
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LES miROGLTPHES ET LA LAKGUE ÉGYPTIENNE. 205
noms royaoz , le problème si long-temps insoluble du déchiffrement des
hiéroglyphes laissant entrevoir une solution non seulement possible, mais
probable, mais prochaine, on dnt songer à rénnir tous les élémens qui de-
raient faciliter, accélérer cette solution; d'une part, tons ces monumeos
déAcorés depuis le commencement de Tère chrétienne, n'avaient été, n'a-
Taient pu être qu'incomplètement dessinés.D'un autre côté, la langue copte
ne nous était que très imparfaitement connue, et nous ne possédions qu'on
fort petit nombre de manuscrits, dont la plupart avaient été rapportés
d'Egypte en 1(174 par Vansleb. Il était indispensable d'aller copier dans
tous lenrs détails des monumens auxquels chaque jour emporte un dé-
bris, et de recueillir dans les monastères qui les avoisinent les nombreux
et précieux manuscrits que tons les voyageurs y ont vus ; manuscrits qui
ne sont phis compris de leurs possesseurs, et que mille accidens divers
peuvent anéantir chaque jour. Cette double mission appartenait naturd-
lement à M. Ghampollion , dont les riches découvertes en avaient fait
sentir la nécessité. Il fut donc envoyé pour arracher à la destruction et
livrer à la science ces inscriptions , dont le sens ne pouvait plus nous
échapper, et les restes de cette langue copte, qui seule nous en pouvait
fournir la clé.
Mais pour remplir la double mission dont il s'était chargé , il eût fallu à
M. Ghampollion un tempsdouble de celui dont il pouvait disposer ; car il
ne s'agissait pu seulement de choisir et d'acheter : maintes fois les moines
égyptiens ont refusé de vendre des manuscrits qu'ils ne peuvent lire; il
eût fallu copier ce que l'on n'eût pu obtenir autrement. M. Ghampollion
dut s'occuper d'abord des monumens* La moisson fut tellement abon-
dante, qne le temps fixé pour la durée du voyage était entièrement écoulé
avant qu'elle ne fût épuisée. M. Ghampollion fut obligé de revenir,
rapportant un portefeuille riche, inappréciable, ayant fait tout ce qu'il
était possible de faire pour fournir à la question un de ces deux élémens
indispensables, la connaissance exacte des écritures^ et laissant à d'autres
les fatigues nouvelles par lesquelles on pouvait obtenir le deuxième élé-
ment, la connaissance complète de la langue copte.
Privé d'une partie des moyens qu'il avait lui-même jugés nécessaires
au succès, M. Ghampollion n'hésita point cependant à marcher en avant-
n se sentait trop près du but pour ne pas essayer de l'atteindre à l'aide
des ressources dont il pouvait disposer. Placé naturellement sons l'in-
fluence des brillans résultats que lui avait fournis la lecture des noms
propres par la méthode alphabétique, il fut entraîné graduellement, par
des rapprochemens heureux, par le succès apparent de quelques essais,
à considérer l'écriture hiéroglyphique comme étant plus qu'aux trois
quarts de nature alphabétique. Assurément cette opinion, si contraire à
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906 BSTVfi BBS DBOX MONDAS.
la ivsiyaiiee fénértle de tous ks temps, avait de quoi aédulee vd eipot
liardi. Plus «lie était neuve» pkis elle bouleversait les idées oniverseUe-
BientatolsaSy plus ea devait espérer de gloire à la souteoir. M. Gbam-
poIMMi emreprît de le fiuire eu opposition avec tous les témoigna^
iustaniqMS. £o effet, les écrivaios de Tanliquité s*accordent à nous dire
que réorkufe htéreglyphique dif.érait essentiellemeni de notre méthode
sÂphaMUiitte; il est vrai que tout en nous apprenant ce qu'elle n'était
pas» ils sont loi^ d'expliquer aussi clairement ce qu'elle étalL
Dîeëope de Sicile » au livre in de sa Bibliothèque historique, parle dci
caractères hiéroglyphiques employés par les Égyptiens. Après avoir dit
que ces caractères offrent à nos yeux des animaux de tout genre, des
parties du corps humain, des ustensiles, des instrumens, principale-
ment eeux dont font usage les artisans, il expose dans les termes suIym»
les mottfli qui leur ont fait donner ces formes : a Ce n'est point, en et&t,
par r0ÊiÊmhlageé€$êyUabe8 que chez eux l'écriture exprime le diseoun,
mais c'est au moyen de la figure des o^U rslrocés, et par une interpré-
tation méam^horique basée sur l'exercice de la mémoire. » Plus bu,
après avoir donné divers exemples de celte manière d'employer les hié-
roglyphes, il ajoute : a C'est en s'attachant aux formes des divers carao-
tères qu'ils arrivent , au moyen d'un exercice prolongé de la mémoire,
à reconnaître par habitude le sens de tout ce qui est écrit. » Ce qu'il y a
de fort dair dans ces paroles, c'est que l'écriture hiéroglyphique ne (ior-
mait peint des syllabes, c'est-à-dire qu'elle ne se rattachait point, comme
.notre écriture, aux idées par rinlermédiaire des sons, mais bien par la
forme, par la figure de eieè caractères. Ce qui est beaucoup moins clair,
c'est la manière dont ces figures exprimaient les idées. On reconnaît ce-
^pendant, par les détails dans lesquels est entré l'historien, qu'une figure,
outre Vdù^ représenté directement, pouvait représenter métaphori-
quement ou d'une manière détournée un grand nombre d'autres idées;
€0 qui est eonAoraae, du reste, aux notions que nous fournit le diction-
.aaire symbolique d'Homs-Apollon.
Au témoignage de Diodore, l'historien grec , j'ajouterai celui d'Am-
jnien Maicellin, l'historien latin. Cet écrivain s'exprime de la maoiére
suivante au sujet de l'écriture hiéroglyphique : a Les anciens Égyptiens
n'avaient point, comme aujourd'hui, un nombre de lettres déterminé et
d'un emploi facile pour exprimer tout ce que peut concevoir l'esprit bu-
main, mais chaque lettre représentait un mot et quelquefois même une
phrase entière. » Cela est assez positif; Ammien compare les anciens
procédés des Égyptiens à ceux qu'ils employaient de son temps, c'est-à-
dire à l'écriture alphabétique.
Saint Clément d'Alexandrie, parlant dans ses Mélanges des voiles
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LES HlÉROGLTMIft ET LA LAMGVB iGTPTiENNE. 207
mytténMttdoBl on ft'est phi souTent à entourer It fcieoee pour n'en per»
mettre l'abonl qn'atix iaitiés , cUe f—ie exemple de ces obaueles mol-
tipilés Tusage qui , de son tenps, e'est'à-dîre rerg la fin da ir siècle,
régoaiteocorecbez les Égyptteus. L*on ne pouvait atteindre que par des
degrés successifs le terme le plusile? é de finstruction, qui était la science
des hiéfoglyplies. Il résulte bien clairement de là que la science des hié*
rogifpbes n'était rien moins qu'une chose ISiciley et l'on pourrait, avec
toute apparence de raison , affirmer que saint Clément n'a point tu dans
les hiéroglyphes une écriture presque entièrement alphabétique. Il parle
cependant de l'emploi des caractères hiéroglyphiques comme caractères
alphabétiques. L'écriture hiéroglyphique , dit-il , s'emploie suivant deux
méthodes; Tune représente les objets d'une manière propre à chacua
d'eux à l'aide des premiers élémeoSy c'est-4-dire des lettres de l'alphabet :
car, quand il s'agit d'écriture , les premiers élémens sont les lettres àè
l'alphabet; nous trouvons, en effet, ces lettres désignées plusieurs fois
sons le nom de premiers èléfmns d$ VèerUurê dans la Préparation évaiH
géliqne d'Eusèbe. L'autre méthode représente les objets d'une manière
figurée ou symbolique; c'est celle dont viennent de nous parler DIodore
de Sicile et AmmienMarcellin. De cette distinction faite par saint Clé-
ment, il résulte qu'il a voulu signaler la méthode an moyen de laquelle
on écrivait les noms étrangers si fréquemment employés dans les déco-
rations hiéroglyphiques; mais il est évident, par l'ensemble du passage,
qne cet alphabet hiéroglyphique phonétique ne pouvait être qu'un ac-
cessoire peu considérable du système total. Il devait servir à exprimer
des noms propres étrangers, des noms de peuples, de pays, de villes,
des mots empruntés aux langues' étrangères , quelques mots de la langue
égyptienne elle-même , lorsque pour représenter une action faite par des
étrangers , ou à la manière des étrangers , on voulait éviter l'emploi d'un
symbole qui , rappelant le mode d'action égyptien , pouvait donner une
idée fausse. La pierre de Rosette nous offre un exemple assez remarqua-
ble de l'expression alphabétique d'un mot égyptien; il est question
d'écrire le décret en lettres sacrées, en lettres vulgaires et en lettres greo-
q«es ; un même symbole , rappelant les procédés d'écriture employés par
les Égyptiens, se trouve répété deux fois pour exprimer les lettres sa-
crées et les lettres vulgaires de l'Egypte; mais, comme la méthode
récriture des Grecs diUérait complètement de celle des Égyptiens, quand
il s'agit d'exprimer les lettres grecques, ce n'est plus le symbole précé-
dent que l'on emploie, c'est le mot lettres y emprunté à la langue égyp-
tienne qee Ton écrit à la manière alphabétique. Les symboles égyptiens,
nppelant à la fois une action , et la manière de faire cette action, il aura
f tlki recourir à la méthode alphabétique toutes les fois que Pon aura
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206 &ETT7E DBS DEUX MONDES.
voulu faire abstractioQ de la manière d'agir, et rappeler seulement son
résultat. Quelque eitension, cependant , que Ton donne à l'emploi de
cette méthode y on sent qu'il sera toujours fort limité, puisqu'il n'est
qu'une addition faite après coup au système égyptien par suite des rap«
ports de i'É^ypte avec les étrangers. Le texte de saint Clément d'A-
lexandrie ne favoriserait donc pas plus que ceux des autres écrivaias
l'opinion qui attribuerait à l'écriture hiéroglyphique une nature presque
entièrement alphabétique.
Plutarque, qui ne s'est point occupé du système graphique des Égyp-
tiens, dit quelque part à propos du nombre vingt-cinq, que ce nombre
est celui des lettres égyptiennes. Il dit ailleurs que l'ibis tient le premier
rang parmi les lettres des Égyptiens , mais il ne dit pas un mot de l'usage
que 1*00 faisait de ces lettres, ni de l'importance du rôle qu'elles pouvaient
jouer dans le système de l'écriture égyptienne. Il n'y a donc pas de raisoo
pour voir là autre chose que l'alphabet hiéroglyphique dont nous veooni
de parler à l'occasion de saint Clément, d'autant plus que saint Clé-
ment et Plutarque, les seuls, parmi les écrivains de l'antiquité, qui
aient parlé d'hiéroglyphes employés à la manière de nos lettres alphabé-
tiques, nous ont conservé l'un et l'autre le seul exemple connu d'écriture
hiéroglyphique analysée, et que cet exemple procède exclusivement par
la méthode symbolique.
Si donc chez les apteurs anciens on a trouvé l'indication de la méthode
alphabétique employée pour écrire les noms étrangers, on n'y saurait
trouver de même que l'écriture hiéroglyphique était d'une nature près*
que exclusivement alphabétique; bien loin de là, l'opinion adoptée par
M. Champollion est en opposition directe avec tous les témoignagrs de
l'antiquité. Cette circonstance nous rendra naturellement plus sera-
puleux dans l'examen des preuves alléguées à l'appui du système noa-
veau ; cependant il ne faudrait pas les condamner sur ces seuls indices;
il n'est peut-être pa$ impossible que tous les auteurs qui nous ont parlé
de récriture hiéroglyphique se soient mépris sur sa nature.
La mort n'a point permis à M. Champollion de publier lui-même les
résultats de ses longues recherches, les principes qu'il avait déduits de
ses immenses travaux , sa Grammaire égyptienne^ qui est, dit-on, le ré-
sumé complet de tout son système. Cette grammaire n'est point encore
tout entière entre les mains du public. La première moitié seulement i
paru; mais cette moitié suffit pour que Ton puisse apprécier le système
tout entier, et l'apprécier sans injustice. L'auteur, s'écartant de la mar-
che ordinairement suivie dans les grammaires, a mis avec profusion dans
cette première partie de longues phrases hiéroglyphiques, empruntées
aux monumens de toutes les époques , depuis les temps les pius reculés
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LES BIÉR0GLTPHE8 ET LA LANGUE ÉGYPTIENNE. 209
jaiqo*aa ni« siècle de notre ère; et toutes ces phrases sont accompagnées
de leur traduction complète. Nous pouvons donc juger la méthode nou-
velle par ses résultats , par les applications qu'en a faites l'auteur lui-
méine. La juger ainsi n'est pas difficile; nous savons que la langue copte
était la langue de l'Egypte aux premiers siècles du christianisme; voilà
notre pierre de touche. La nouvelle méthode sera bonne dès qu'elle pourra
lire car les temples d'Esné, sur ceux de Denderah , des mots , des phrases
appartenant à la langue copte qui fut contemporaine de ces monumens.
Tout système de lecture qui , essayé sur les édifices dont nous parlons ,
ne reproduira ni les mots, ni la syntaxe de cette langue , ne pourra pré-
tendre à aucune confiance. M. ChampoUion nous l'a dit lui-même, dans
la langue copte est la seule démonstration possible de la bonté d'une mé-
thode de lecture appliquée aux inscriptions hiéroglyphiques; Nous par-
tiroBS de ce point.
Autant que l'on en peut juger, M. ChampoUion a fait les premiers
essais de sa méthode, non point sur les monumens de l'époque romaine,
mab sur les édifices réputés les plus anciens. Trouvant là, par ses lec-
tures, des résultats fort différons de la langue copte, il s'est expliqué le
peu de ressemblance par la grande antiquité des textes qu'il traduisait.
« Il n'existe, dit «il dans l'introduction de sa grammaire, aucune langue
qui, comparativement étudiée sous le rapport orthographique, à deux
épo^es aussi distanies que celles qui séparent les textes appelés coptes
de la plupart des textes égyptiens hiéroglyphiques, ne présente des va-
riations et des changemens bien plus notables encore. x> Mais si la plupart
des lextes hiéroglyphiques sont d'une haute antiquité, il reste aussi de
nombreux monumens de l'époque romaine, et ceux-là sont contemporains
de la langue copte. Il est donc présumable que ces différences si notables
dues à l'action des siècles vont s'effacer peu à peu à mesure que nous
allons arriver à des monumens plus voisins de notre époque , d'abord aux
édifices construits et décorés sous la domination grecque et à la pierre
de Rosette en particulier, puis à ceux des premiers temps du christia-
nisme, et enfin que la différence sera nulle, ou presque nulle, quand
nous arriverons aux décorations hiéroglyphiques exécutées sous Trajan,
Septioie Sévère, Caracalla, Géta.Ehbien! nullement. Les différences no-
tables que reconnaît M. ChampoUion demeurent exactement les mêmes à
toutes les époques, et les lectures faites sur les temples d'Ësné, couverts
de leurs légendes hiéroglyphiques au iii* siècle de notre ère, diffèrent
tout autant de la langue copte, contemporaine de ces édifices, que les
lectures faites sur les plus anciennes murailles dcThèbes. L'influence des
siècles n'est donc pour rien dans ces différences. La conséquence à la-'
quelle on serait conduit par Tappllcation de la méthode nouvelle, c'est
TOME TU. 14
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910 UTI» BBS nSDX MORMSa.
qu'il y avait ea Egypte, au iii* siède de l'ère chrétienne , deux langmi,
différant très notablement Tune de rautre, tant pour les mots que pour
lasyntaxe, dont Tune, absolnmeùt inconnue jusqu'à nos jours, s'eah
ployait sur ks moaumenSy tandis que l'autre, la langue copte, était i
l'osage de la population. Mais où est la démonstration de FezisteDce
d'une langue monumentale différente de la langue copte , ailleurs qae
dans la certitude de la méthode qui l'a f^it découvrir? où peut être h
certitude de la méthode nouvelle, ailleurs que dans l'identité des résul-
tats qu'elle fournit avec la langue copte que nous eonnaissons ? La mè*
tbode ne saurait être démontrée par la chose nouvelle qu'elle nous fait
connaître , en même temps que cette chose nouvelle serait démontrée par
la méthode. Je me hâte de dire que M. Champollion, tenant les yesx
constamment ixés sur les monumens pharaoniques, n'a point été cob-
duit comme nous à voir deux langues contemporaines; il a vu seulemeot
deux états d'une même langue, dont l'un, celui que nous connaissoDS
(l'égyptien moderne, la langue copte), ne différait de l'autre, qn'il ap-
pelle l'égyptien antique, que par suite de l'action des siècles. Mali
la conséquence à laquelle nous sommes arrivés est forcée; elle ressort de
tous les exemples cités dans la grammaire de M. Champolltoo.
Comparons, en effet, avec la langue copte les traductions, que nous
donne l'auteur, des inscriptions de l'époque romaine; vous allez voir «la
diférence n'est pas suffisante pour qu'il faille reconnaître dans ces tra-
ductions une langue tout-à-flàit nouvelle. Nous rencontrons d'abord qb
groupe que M. Champollion lit eniety et qu'U traduit par Dieu: mais
dans les livres coptes, Dieu n'a jamais été rendu autrement que par noirff.
Un autre groupe est lu par M. CbampoUioo tfe ou etf, et rendu par le
mot père: mais pour représenter l'idée père, la langue copte ne conaatt
pas d'autre mot queidl. Un troisième groupe, connu pour représeoter
l'idée roi , est lu par la nouvelle méthode sohI oo sontea , tandis qoe la
langue copte n'admet pas d'autre expression pour ridée roi que ovn»,
erro. Un quatrième groupe qui répond à l'idée fih , est lu par M. Cbam-
poUoB 5t ou s«, tandis que la langue copte n'a point d'autre met que
schiriy schirê. Sans nous arrêter à citer des mots isolés, ce qui nouseoo-
djuirait à reprendre en détail tous les groupes lus par M. Champolliooi
citons des phrases entières. Sur le pronaos d*Esoé, dont, comme doos
l'avons dit , les sculptures portent le nom de Septime Sévère , M. €ham-
polUon lit cette phrase : Der chet enter eiterpe peu , qu'il traduit ainsi, H
aux autres dieux de ce temple. Â l'^uxplk» de erpe , mot réeUetneat
oopte, mais qui n'est point obtenu au moyen de la nouvelle méthode,
puis<|u*il répond à un caractère symbolique , rien dans cette lecture a'a
le moindre rapport avec la langue que l'on pafl«it e»]âgypte «y tempsde
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LES HliROGLTJPimS BT LA LAHGDB ÂGYPTIENNE. 2tl
SepCtee-fiénrère ; pour obtenir la traduction ci-deisas , il eAt fallo , dans
eeite laogneyineitm kenaute eniepeUrpe. Sor le même pronaosM. Oham-
y<dlion Ut encore : pti iMi^ri tfe ênnenier^ et tradoit» le fiU ehérif Vaille
eu ftr% des étenx: mais pour traduire de la sorte, il faudrait lire en lan-
gue copte 9 pschere emmerii pscherpemmUe ente peiAi êimeHOUiê, Tous
een amtSyjMi, otfai, ife, ênitr, sont complètement étrangers aux vocabu-
laires coptes y et la construction de la phrase n*a pas le moindre rapport
«vec la syntase égyptienne. Noos pourrions citer de même toutes les
autres phrases empruntées aux sculptures des temples d'Esné, celles qui
appartiennent aux temples de Deuderah; chaque citation nous obligerait
à répéter les observations que nous venous de faire. Que Ton examine
dans la grammaire elle-même toutes les traductions d'inscriptions ^-
^rlenant à l'époque romaine , et que l'on ne s*en laisse point imposer par
les caractères employés, qui sont bien réellement des caractères coptes,
on verra qu'elles ne contiennent pas un seul mot copte, pas un seul, ob-
tenu au moyen de la nouvelle méthode; et que, quand il se rencontre , «e
qui est rare, quelque mot de cette langue que Ton parlait en Egypte au
u« siècle de notre ère , il répond à un caractère symbolique sons lequel
M. Champollion place le nom copte de l'idée qu'il est supposé représen-
ter. L'examen des fcagmens empruntés à Tinscription de Hosette nous
donne absolument les mêmes résultats. Enfin , la langue copie ne se r«-
trouve pas sur les monumens de l'époque pharaonique plus que«ur ceux
de répoque grecque et de l'époque romaine. Où donc est la démonstra-
tion que devait nous fournir la langue copte, et que seule, de l'aveu de
M. Champollion, elle pouvait nous fournir? Nous obtenons par les .pro-
cédés de lecture qui nous sont proposés une langue nouvelle, qui, loin
de pouvoir démontrer la certitude de ces procédés, aurait besoin elie-
«éme d'être démontrée. Dés cet instant la nouvelle méthode est jugée.
Le sens d'un grand nombre de caractères et de groupes hiéroglyphi-
ques a pu être déterminé d'une manière certaine, indépendamment de
toute leeture : c'est là ce qui a égaré M. Champollion. Profondément
convaincu à prUtri de rexcelleoce de ses procédés, il est arrivé à étendre
sur le mode de lecture une certitude qui ne s'appliquait qu'à la significa-
tion. On sait la prodigieuse élasticité de l'art des étymologistes; au moyen
de c^t art, il est aisé de rattacher bien ou mal le premier mot venu à
quelque radical ayant à peu près le sens dont on a besoin; et cela est
d'autant plus facile, que la langue sur laquelle on opère est plus impar-
faitement connue. Eh bien ! c'est dans la voie des étymologies que s'est
engagé M, Champollion , pour rattacher sa langue nouvelle à la langue
copte; c'est par des rapports étymologiques qu'il a cru masquer les diffé-
rences profondes que nous avons signalées. Ces rapports l'ont séduit;
14.
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212 RBVDE DBS DEUX MONDES.
nous le coDcevooSy il est Tautear de la méthode DoaveUe. Mais noos qn
examinons, libres des préoccupa tioos par lesquelles il se trourait dominé,
tous ces rapprochemeos, quelque ingénieux qu^ils soient, ne sauraient oooi
faire illusion, et nous rejetons un système qui ne s'appuie que sur dei
subtilités étymologiques.
La confiance de M. ChampoUion dans la sûreté de sa théorie Fa entraîné
graduellement si loin de la langue copte, que , quand , pour l'interprétt-
tion des passages purement symboliques, il est obligé de faire à cette
langue quelques emprunts, il en néglige constamment les règles les pin
simples. Parcourez sa grammaire, tous y trouverez sans cesse Tartide
pluriel indéterminé associé aux noms de nombres, combinaison quels
syntaxe copte n'admet pas plus que la nôtre. Vous rencontrerez à chaque
page, sous un symbole qui parait exprimer l'idée de totalité , le mot ail
( préféré, je ne sais pourquoi , au mot nim, du dialecte thébalque, et au
mot ijtbfn, du dialecte mempliitlque) ; vous trouverez, dis-je, ce mot
accolé à un substantif que précède un article simple ou un article posses-
sif; vous le trouverez également employé d'une manière abMlue , comme
dans cette phrase: gouverner tout. Or, de ces deux emplois la langue
copte ne permet pas plus Tun que l'autre. Les mots jo, tête, rat, pied,
TOy bouche, ne se montrent dans la grammaire de M. ChampoUion qu'avec
les articles simples ou possessifs; petrOy ta bouche, netrat^ tes pieds, en-
senjoy leurs tètes, tandis que dans les livres coptes les mêmes mots n'ad-
mettent pas autre chose que des terminaisons, comme rof, sa bouche,
jos, sa tète, raiou, leurs pieds. Ajoutons que les articles possessiù pt>.
net, ensen, sont complètement étrangers à la langue copte. Le mot eM,
qui , dans les livres coptes, ne se rencontre que précédé de l'article singu-
lier masculin, et qui, n'admettant jamais de complément, signifie Vautn
d'une manière absolue, se montre constamment, dans la CramfMin
égyptienne, au nombre pluriel et suivi d'un ou plusieurs complémens.
M. ChampoUion emploie comme verbe le mot maif qui ne peut entrer
que dans les adjectifs composés du genre de mainouty aimant Dieu, et il
écrit maif y qui aime lui , quand il faudrait écrire etmai emmof. Nous pou-
vons indiquer encore certains mots qu'il compose, tels que celui-ci: se
rem oHro, les portiers; ce mot, s'il était possible, signifierait ceuxqoi
emportent ou qui enlèvent la porte, et non point ceux qui l'ouvrent; mail
rem ne se compose jamais avec un verbe actif, c'est ref que l'on emploie-
rait dans le cas présent, et l'on dirait : ne refouenro. Ces négligences, et
bien d'autres encore , qu'il serait trop long de citer, montrent à quel point
M. ChampoUion avait perdu de vue les règles de la langue copte; elles
suffiraient, quand même l'art des rapprochemens étymologiques dont il
a fait usage serait moins trompeur^ elles suffiraient pour faire douter da
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LES HIÉROGLYPHES ET LA LANGUE ÉGYPTIEMlfE. 213
Il réalité des rapports qu'il a cru apercevoir entre cette langue et les ré**
soltats de ses lectures.
Assurément les théories de M. Champollion sont fort ingénieuses; elles
sont séduisantes, il y a du vrai sans doute , mais nous venons de voir
qu'il n'en faut pas demander la démonstration à la langue copte , et nous
savons que dans cette langue se trouve la seule démonstration possible.
Le problème du déchiffrement des hiéroglyphes n'est donc point encore
complètement résolu, comme on a pu le croire. D'heureux détails sont •
trouvés y ils resteront; mais les bases de la solution ne sont point encore
arrêtées. 11 faut revenir au point où nous avait amenés la lecture des
noms étrangers. Cette lecture nous a fait connaître qu'il existe de nom-
breuses inscriptions hiéroglyphiques sculptées à l'époque où l'on parlait,
sur les bords du Nil , la langue copte , que nous possédons. Trouver le
rapport de ces écritures sacrées avec le langage de ceux qui les ont tra-
cées, voilà ce que nous devons encore nous proposer. Il est cruel de ré»
trograder quand on se croyait près du but; mais nous savons au moins
aujourd'hui que le but ne saurait nous échapper. M. Champollion nous a
laissé des copies exactes des légendes hiéroglyphiques de toutes les épo-
ques; les riches salles du musée égyptien renferment assurément tous les
élémens nécessaires pour arriver à une connaissance complète du système
graphique des anciens Egyptiens. Malheureusement le dépôt des manu-
scrits coptes ne s'est point enrichi de même par le voyage de M. Cham-
pollion; il est toujours borné à une soixantaine de volumes, parmi les-
quels se trouvent un grand nombre de doubles; ce que M. Champollion
n'a pu faire , faute du temps nécessaire , il serait à désirer qu'on le fit
aujourd'hui II existe, comme nous l'avons dit, dans les divers monas-
tères de l'Egypte , de nombreux manuscrits qui , tout en nous permettant
de rectiûer et de compléter la grammaire et le dictionnaire coptes , et
d'acquérir ainsi une connaissance aussi exacte que possible de la langue
égyptienne, seule clé des hiéroglyphes, nous offriraient assurément des
documeos précieux pour l'histoire politique et religieuse de l'Egypte de-
puis l'ère chrétienne, et peut-être pour l'hisioire antérieure , des rensel-
gnemens importanssur la géographie, sur les croyances , les usages , les
mœurs. Les résultats d'un voyage de recherches ne sont point incertains.
La vallée du Nil présente à faire une ample moisson dans les trois dialectes
de l'ancienue langue égyptienne; moisson que le temps et l'ignorance
apfMiuvrissent chaque jour.
D' DciAani.f.
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DE L'ESPAGNE
ET
DE SON HISTOIRE.
GOmiSSPONDAIIGB , Mtflf OIABS ET ACTES DIPLOMATIQUES
OOECBBHAMT LES PRÉTBETION8 ET L'AVÉNEMBflT Wm LA Uàmom
J>B BOORBON AU TRÔNB D*BSPAGNBy AGCXUlPAAHéS
D*UM TEXTE HISTORIQUE ET PRÉCÉDA D*UME
UfTRQOUCXlOIf 9 PAR M. JUfiMEI.
On éproave une émotion également vive en entrant pour la pre-
mière fois au parlement d'Angleterre et aux archives des affiadres
étrangères de France. Sous les voûtes de Saint-Ëtienne» I*histoîre
des trois royaumes est concentrée tout entière, depuis Haropdeo
jusqu*à O^Connell. II semble qu*on voie passer devant soi, >le fceat
chargé des soucis du pouvoir, ces générations d^hommes poiitiqiies
qui se transmirent, comme un dép6t national, Thabileté par laqatele
-on use de la bonne fortune et la persévéranœ qui triomphe de b
mauva'se. En Angleterre, négociations diplomatiques et intrigués
de cour, prédications de la chaire et déclamations des hustingsy
tout depuis trois siècles aboutit à cette petite salle.
La France manque d*un foyer lumineux où soient venus conver-
ger ainsi les rayons épars de son histoire. Une partie s'en faisait
dans les cours souveraines, les assemblées du clergé, ou les états
provinciaux, une autre dans les salons de Versailles ou les bou-
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DB L'ESrA«FfB BT K SON HISTOIRE» 215
âmes des mallrefltoa. CepeAdtat , Hnrscpe ¥%m vev^ ooMprendre les
annales de la nioiiarchie, non d*apré6 les œorres académiques,
mais daas leur réalité pratique et igaorée , lorsqoe Ton tient à saisir
la physioDOBAÎe Tirante de Tandea régime, c'est à Thôtel de la roe
des Capucines que Ton doit commencer cette étude entraTée jus-
qu'ici par une réserTe rarement justifiée*
Ce fut une tradition constante pour tous les princes de la maison
do Bourbon, qœ le gouTernemeat se résume dans la direction des
affaires étrangères, et que le roi ne peut abandonner la conduite
de celles-ci, sans compromettre le son de sa couronne , et sa sAreté
personnelle. Personne n'ignore que Louis XV lui-même, ce roi de
sérail, qui, du fond du Parc-aux-Cerfs, lirra le Canada et la marine
française à 1* Angleterre, laissa partager la Pologne, et Toyait de
sang-froid Tenir la réTolution, avait une diplomatie secrète fort
active, devant laquelle tremblèrent le duc de Choiseul et le duc
d' Aiguitton ; agence mystérieuse dont le comte de Broglie fut le
chef, Favier le publiciste, et qui enrôla dans sa franc-maçonnerie
poUtîque H. de Vergennes et le chevalier d*£on. Conçoit-on dès-
lors que des écrivains aient pu se croire en mesure de tracer un ta-
bleau quelque peu sérieux des derniers siècles, sans la connaissance
des seuls documens qui pussent les foire sortir des banalités histo-
riques?
Si depws quelques années, les publications successives des tra-
vaux du général Grimoard, de Leroontey et de Hazure , celle des
mémoires du due de Saint-Simon surtout, ont répandu quelques
idées moins erronées, rien de plus inexact encore que Timpres-
sion généralement conservée en France et en Europe, du gouver-
nement de Louis XIV (1). Personne nignore sans doute que ce
grand roi gagna des bataiUes grâce aux généraux qui conduisaient
fl) On pourrait citer à rappvl de ceUe atsertion vn IWre réeeument pvblié en Angb-
t»tt ior le fi^jet même qnï nous occupe, ptr un noble écrivain (BUtory of the war of
ike MuficeêMkm m 9pain , by lord Habon, London, MBS ). nani cet onrmge, remar*
qnable comme oravre liltéraire, Taoteor ne lenble s'être S<iis^ d*»iic«B dMfi^ngéf
fradltionneU contre la France, qui forment le fonds de Topinion polltiqae à laquelle tt
■ppafUent. H 4*élève, par exemple, avec violence contre la paix dUtrecht, non moins
Ipipii ieisimsnl réelmée par les JnKrêu de la ftrawStj Bf eUgne qne par les nôtres, et que
lc« colUslom de la régence avec U coor d*Bsp>gne devaieM Uenlêl jâstlfier amx 3Pe«s def
cÉbineU les plus bosiiles à rétablissement de Ia maison de Bonrbon i Madrid, eomflieà
I \m plitt préveiras eestn Itetenslon de nnavcace française.
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216 REVUE DES DEUX MONDES.
ses années, i Louvois qui les organisait , à Colbert qui çréparah
le nerf de la guerre : mais la cause principale de ses succès de-
meure enveloppée de mystère. On attribue à la force ce qui appar-
tient à rhabileté, à la fortune ce quHl conviendrait de rapporter i
Tadresse. L'idée qui lia tous les plans politiques de ce long règne,
la prévoyance qui les conçut un demi-siècle avant leur exécution et
qui les poursuivit pied à pied, la souplesse qui tira parti des évène-
mens y la corruption qui triompha dçs hommes, tout cela échappe
pour ne laisser saisir que des effets sans cause. On ignore jusqaao
nom de ces nombreux agens auxquels le disciple de Mazarin aimait
à conGer, non Téclatant appareil, mais la réalité de la puissance
politique. On dirait que le public juge le siècle des magnificences
royales, à la manière de ces visiteurs d'usines, devant lesqoek
rindustrie fait couler à pleins bords la lave brûlante ou tisser ses
toiles légères, et qui, satisfaits de ces brillantes manifestations,
n'ont ni curiosité ni loisir pour s'enquérir des forces motrices et des
procédés de la science.
Le xvif siècle fut l'époque delà grande diplomatie, delà diploma-
tie de haut style, qui unissait à la connaissance pratique des hommes
la vaste science léguée par làge précédent. Ce fut par elle qœ
Louis XIV, jeune encore, éleva la puissance française, et que h
Hollande parvint à fonder la sienne. Guillaume m fut le prunier
diplomate de son temps; et s'il finit par abaisser le roi de France,
c'est que celui-d, après avoir perdu M. de Lionne et les hommes for-
més par Mazarin, n'avait plus guère, pour seconder sa vieillesse,
que des ministres étrangers aux traditions de Munster et des
Pyrénées, manquant également d'autorité pour résister aux haines
de l'Europe et aux passions de leur mattre.
Toutes les entreprises de ce monarque, depuis la guerre de dévo-
lution qui commença si glorieusement son règne jusqu'à celle de
la succession d'Espagne qui le termina par des péripéties si diver-
ses, toutes ses négociations, depuis le congrès d'Aix-la-Chapelle
jusqu'à celui d*Utrecht, étaient contenues en germe et ménagées à
dessein dans l'acte fameux de 1659. En en dressant les stipulations,
qu'accompagnèrent des renonciations équivoques et des clauses
mal définies, Mazarin s'était beaucoup plus occupé d'ouvrir des
chances à l'avenir que de garantir la sécurité du présent. Mettre la
France en mesured*bériter de TEspagne, soit en dépeçantsesposses-*
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DE l'bSPAGNE et DE SON HISTOIRE. 217
rionsy s(nt en recaeiflant la monarchie tout entière; créer au roi
très chrétien des prétentions que la force saurait bien ériger en
droits; lai ménager dans tous les cabinets de l'Europe , depuis la
cour du roi catholique jusqu'à celle du plus mince électeur, un pa-
tronage qui mit à sa solde les princes ou leurs ministres, leurs favo-
ris ou leurs favorites, tel fut le legs que Tltalien fit à la France.
Jamais pensée ne fut servie par un corps diplomatique plus intel-
ligent et plus soumis, plus fanatiquement dévoué à la gloire person-
nelle du souverain et à Tagrandissement de Tétat. Dans son sein le
secret demeurait inviolable ; chez lui, le sentiment de la force n*ôtait
rien à une prudence minutieuse dans les détails et peu scrupuleuse
dans les moyens. Ce n'était jamais qu'après avoir préparé le terrain»
sans laisser au hasard rien de ce que l'habileté pouvait lui Ater,
que ce gouvernement, si superbe dans ses formes et pourtant si ré-
servé dans sa conduite, se livrait à ces actes d'éclat dont il avait
d'avance calculé la portée et mesuré toutes les conséquences.
Louis XIV, qui, dans sa jeunesse, avaiteuM.de Lionne pour
endormir l'Europe sur ses projets, trouva, sur ses derniers
jours, M. de Torcy pour le réconcilier avec elle. En 1668, le che-
valier de Grémonville avait signé à Vienne un premier traiié de
partage de la monarchie espagnole, demeuré secret jusqu'à nos
jours (1) ; en 1713, Mesnager négociait à Utrecht, sur des bases
sinon semblables, du moins analogues; et à travers tant de vicis-
situdes et de calamités, il renouait la chaîne long-temps interrom-
pue des saines traditions politiques.
Sous la régence , le caractère des négociations politiques change
avec celui des évènemens. Ce ne sont plus ces vues ambitieuses el
hautes, ces projets persévérans et à longue échéance, attributs
d'un pouvoir sûr de lui-même. Il faut acheter des appuis au dehors
pour résister aux ennemis du dedans; on est, d'ailleurs, en face
d'Alberoni, boute-fou dont il s'agit d'éventer plus encore que de
combattre les projets téméraires et sans suite. L'intrigue succède
à la politique, l'imbroglio à la guerre ; on assassine les courriers^
au lieu de livrer des batailles; à Madrid comme à Paris, on dépense
à soustraire et à déchiffrer les dépêches, les soins que don Louis de
Hard et Mazarin consacraient à composer les leurs. Cellamare
(i) DocomcBtpiiblléf par ]l.lllsDet, tom. II, ptrt 3^ aeet S;
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1M8 RBTUI BES DBOX MOmMtt.
Gonspire dans le iMMidoir de Sceam» ateo quelques pédaM et qari-
qiaes getilikhoiliBes endettés; le duc de SainuA^nan riposte êo
Espagne par «ae contre^xHispiratioii, dont le priadpd personnage
est la nourrice de la reine.
Dubois, supérietir à tout ce monde, parce qa*fl est mieui as«s
dans sa corri^tion , prend sans peine le premier rôle ; il lance dans
toutes les cours des nuées de gens d*église et de gens de lettres
qui servent le maître et le ralet, selon leur goût. 800,000,000 et cinq
années d'angoisses sont dépensés à procurer au misérable la
barrette de cardinal. Laûtau, Tendn, Rohan, négocient sncœ^
givement à Rome Ce grand sacrilège; des ambassadeurs spt-
ciaux vont à Vienne, passent et repassent les Pyrénées, pour inté-
resser le roi d*£spagne et Fempereur à la plus grande affaire de
répoque; Tun d*eux, usé par les soucis et les fetigues, meurt lu
champ d'honneur comme Roland à Ronceveaux (1] ; George II
d'Angleterre et Jacques DI le fomélique se rencontrent dans cette
négociation , et la conquête du chapeau occupe la diplomatie de h
régence , autant que eeUe de la Flandre et de la Franche-Comtéi
arait occupé la diplomatie de Louis XIV.
Celle de Louis XV se distingua par son incessante activité et it
perpétuelle impuissance. Il n'y avait plus dans la chancellerie fran-
çaise ni bases arrêtées, ni long projets d*avenir. La direction des
af&ires appartint successivement à tout le monde, et Von essaya
un peu de tous les systèmes, en ne retirant, ainsi que cela devait
être, de ces tentatives contradictoires que de constantes hunsKa-
tions et une déconsidération erobsante.
On rêve un instant lanéantissenent de l'empire; cette idée est
embrassée avec ardeur , le roi de Prusse Tinspire et la foraenti,
prenant en pitié Tincapacilé politique et ïîmprévoyance de ses
alhés^ Dans ce pêle-mêle de négociations, lui seid suit invariaUf-
ment ses vues, sachant y foire coiicourir les événomens et les koB-
mes, les intrigues des cabinets et les engooeraens de TopiaisB.
Frédéric n renouvelle i son profit la position qu'au début de sM
règne Thabileté de son ministère avait faite i Louis XIV, il poarasit
contre Tempire les projets que odui-ci avait formés contre rfispafnt*
(t) L*abbé de Mornay-MoDtcherreaU, mort dans les Pyràiées en lereauit de u i
aion à Viadrid.
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DE L'B^rAGW ET BB 80M H890IRB. S|^
]>» Wtêmb 6*«perQ9ir «epeadant qu'elle jo«e gramèf^menl va
je« dedope, eiqii'ui seid iméfèt esl ea actioa daask criae oà eHd"
se troave si gratukemeot engagée; elle abaadoane alors ses allia»*
eea, 8*en crée d^autres pour les quicter ei les reprendre encore, Ra-
pide et mobile dans ses impressions , loarmeatée da besoin d*agir^
en même temps qu*inci^ble de mesurer les conséquences doses
défltiarcbes , die va toujours au-delà du but et découTre de plus es
plus sa faiblesse, alors qu'elle affecte à tout propos de Caire parade
de sa force* Le système autrichien est substitué à Talliance prus-
sienne y et les femmes, alors ofCcieUement entrées dans lesafÛrea^
embrassent la nouvelle combinaison comme un caprice de cœur. La
France s'engage sans but et sans motif dans des complications aussi
daqgereuses qu'imprévues; elle prend pour elle toutes les chargea
en se désintéressant à Tavance de tous les bénéfices éventuels. Une
gverre phis honteuse eacore par la légèreté des vues qui y présidé*
rent que par les humiliations qu'elle attira sur nos armes, est sui-
vie d'une paix désastreuse, mais nécessaire.
Après s'être agité sans motif, en se repose sans honneur. On
laisse périr une grande nation sans avoir même le triste mérite de
deviner l'attentat déjà presque consommé. Le prince de Roban (1)
en soupçonne bien quelque chose; mais le duc d'Aiguillon lui dé^
fend même d'arrêter sa pensée sur un projet si peu vraisemblable
et si contraire aux assurancss qu'il reçoit chaque jour du comte de
M^rcy, ambassadeur de Timpératrice. Il linvite à abandonner un
fil qui ne pourrait que Tégarer, et à ne pas donner de suite à des
révéhitions dont le seul résultat serait d'inquiéter inutilement le
roi. Malheureuse Pologne! malheureuse France 1
Notre diplomatie se relève un instant par la probité de Louis XVI
et le talent de M. de Yergennes. Les négociations qui amei^ent In
conclusion du traité de 1783, après la guerre d'Amérique» boM
dignes des bcms temps de la scienoe. Les intérêts coloniaux et p<^
|() nerrii^ cudiMU de Bokaa, alofs tiahftUAdew à ViMBt. Vttiicv HT 1*^^^^^
mtk^f les dénëgaUoAsJoarnaiières du duc d^Aigaillon, il se cnit enfin obligé d*en écrire
ÉtiéiOemait aa roi. ta lettre fut remlae à Mme tltfbarry, ^dl ta lin pttbliquedienlt i ViOk
de lis utmptn. On ealMiftl do iirlsee de Xota» oovrm m ptéfHÊk i* OannUiev^»
llPMéi 4\iae telle auag» cwftre aa lète , ae Uml dVn auén«er Teffitt et de préparer te
ihl|rifc de l^tambaMadev. On sait que ce fut pour vaincre le reiaenllment dé la prineetae
fMttlmKciÉ'tt^aBBApIdfiaMdahsUfittaleafbMdiicDlllér, rtihOei prélndei d« 1^
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2M BBTVB 1IB8 DHTX MORDES.
litîque&y furent largement étudiés et garantis par on ensemble de
dispositions heureuses. Si Tinexpérience en matière économique et
commerciale 6t à cette époque commettre quelques fautes , ce fo-
rent là de ces erreurs inséparables d'une première éducation et
qui ne compromettent pas Tavenir.
Quand la révolution eut commencé à gronder sur l'Europe, la
diplomatie 6t silence. Entre parties qui se considèrent comme en-
nemies naturelles, les négociations sont impossibles. La paix ne
peut avoir à leurs yeux que le caractère d'un armistice , et le droit
des gens n*est plus que le droit de la guerre. Brissot avait déclaré
du haut de la tribune que la France tenait pour ennemis tous les
despotes, pour alliés tous les peuples libres ou aspirant à Tétre. D
fallait dès-lors rappeler ses ambassadeurs d'auprès de tous les rois,
pour en accréditer auprès des clubs et des sociétés secrètes. Aux
manœuvres propagandistes furent opposés des moyens aussi peu
moraux et plus impuissans qu'elles. On se flattait alors de dominer
une révolution en achetant ses chefs; jamais les hommes ne furent
estimés plus cher et ne valurent moins, car jamais ils ne furent
plus subordonnés aux idées, dont ils étaient les instrumens et non
les promoteurs. La diplomatie des comités de la convention, qui en
fit plus qu'on n'imagine , a je ne sais quoi de sombre et de sauvage;
celle de la contre-révolution est d'une fabuleuse niaiserie.
Lorsque enfin Tégoîsme eut ranimé Tambition en triomphant de
la terreur des uns et du fanatisme des autres, ceux-ci aspirèrent i
la paix pour jouir de leurs conquêtes, ceux-là pour s'en faire ad-
juger quelque portion en faisant acte d'empressement. Alors s'ou-
vrirent les conférences de Bftle, et l'on vit bientôt des mains teintes
du sang de Louis XVI presser celles de ministres d'un petit-fils de
Louis XIV et du roi qui avait conduit en personne la première
coalition contre la France.
En 1789 s'ouvre pour le droit et la science diplomatiques une ère
nouvelle, sur laquelle les publications officielles ne peuvent proje-
ter encore aucune lumière. Les questions européennes ne sont pas
résolues d'une manière assez complète et assez définitive, pour
qu'il n'y eût pas imprudence, de la part du pouvoir, à fournir des
armes aux passions et aux intérêts hostiles. D'ailleurs, tout gou-
vernement qui se respecte doit, à ceux qui l'ont servi, la protection
du silence pour leurs derniers jours. Quand des vœux ont été ex-
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DE L*£8PA61fR ET M SON mSTOIEE. 2Sf
primés pour que les archives des affaires étrangères s*oiiyrissent
aux investigations savantes, quand on a conçu la pensée de les
faire concourir à la grande collection tûstorique commencée par
M.Goizot y toutes les convenances prescrivaient donc de se reporter
à une période dont les intérêts fussent complètement en dehors de
ceux qui s*agitent aujourd'hui.
Le choix qui a été fait est sans doute le plus heureux, peut-être
même le seul qui se pût faire. En retraçant brièvement l'histoire
de la diplomatie moderne, nous venons de voir qu'une époque
seule s*y présentait avec cette harmonieuse unité de vues qui per-
met à rhistorien de suivre largement le cours d'une féconde pensée.
Ce n'est guère que sous Louis XTV que la France, jeune, forte et
pleine d*avenir, s'est trouvée en mesure de fiiire de la politique
selon un plan arrêté, en y rapportant, pendant un demi-siècle,
lottCes ses vues, en y faisant concourir toutes ses démarches.
Répétons-le : la succession d'Espagne fut l'idée-mère de la poli-
tique de Louis XIV, celle qui lie toutes les parties de son règne.
Cette grande affaire fiit pour le xvii* siède ce qu'est pour notre
&gelavenirderempire ottoman. Toutes les questions n'acquéraient
de véritable importance qu'autant qu'elles se rattachaient à ce
grand problème, dont la menaçante solution resta près de cinquante
ans suspendue sur l'Europe. Cette époque est féconde en ensei-
gnemens : on verra ce qu*en présence d'une inévitable catastrophe
la prudence suggérait aux uns, l'ambition inspirait aux autres.
Ce n'était pas seulement la dynastie qui s'éteignait en Espagne,
Tétat Im-méme semblait prêt à descendre dans la tombe. Loub XIV
ne mit tant de prix à épouser l'infante, fille atnée de Philippe IV»
que parce qu'il convoitait ce grand héritage; et s'il donna les re-
iHMiciations exigées comme conditions du mariage, ce fut en les
invalidant et en protestant à Tavance contre elles. La naissance d'un
prince qui vécut près de quarante années ajourna ses espérances
et les craintes de l'Europe , sans dissiper un seul instant ni les unes
Biles autres, tant semblait irrévocable l'arrêt de mort que ce grand
royaume portait au front!
Lassé d'attendre , le roi de Fratice , du vivant même de Charles II ,
fit valoir par les armes une partie de ses prétentions, en se réser-
Tant de ]es exposer plus tard tout entières. Des traités de partage
forent passés avec les principales puissances de l'Europe, et ces
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2SB RETVB l«8 »IUX mOKtMB.
traités faspeat le principe direct ou éloigné de tontes les guerres ds
ce temps. Cette négociation fioit le thème de toutes les inyestigaiîomi
despublidstes; il en sortit une guerre qui mit en contact, sortooi
les chanps de bataille de l'Europe , toutes les illustrations du grand
siède. L'empire et la France , la Hollande et T Angleterre, en atten-
daient rissue avec une égale perplexité; et pour grandir les tristes *
scènes qui se Jouaient àTËscurial autour du lit du monarque moa^
rant, derrière les confiesseurs et les caméristes on découvrait dans
le lointain Thalie, la SicSé, les Pays-Bas, les royaumes de Colomb,
de-Pizarre et de Cortez, attendant qu'une signature disputée à ane
main défaillante décidât sur quel empire le soleil ne cesserait ja-*
mais de briller. Unité d*aetion, universalité désintérêts, grandev
et nationalité du résuttac, ce sujet offrait donc à un écrivain fran-
çais toutes les conditîoiiB prescrites par les rhéteurs pour deveair
la grande éjwpée dipéùmadque des temps modernes, si Ton veut bieii
me passer le mot.
tJne telle entreprise était nm œuvre de sagacité et de labeor
comme il s*en fait peu dans un temps où les études sérieuses avor-
teni sons les ambitions hÂtives, et où (habitude parait prise de
suppléer par des généralités aux faits que Ton ignore. Oa ne poin
vait penser à livrer à 1 impression deux cents volumes in-461io de
correspondances et de mémoires; outre qu^une telle pubKeation
était matériellement impossible, elle eût été inutile, car eBe neâl
pas vulgarisé la science poKtique. II ne s'agissait pas non plus d'é-
crire un livre, comme il s*en est fait déjà de fort bons, en s'ap-
puyant sur deis documens authentiques. Ce qu*il importak, c'éfiaît
de faire connaître tes correspondances eltes-némes, siû<Hi dans
toute leur étendue , du moins dans leur esprit et dans leovs foi mes,
dams ce quelles ont de phis incNviduelv H foltait mitieT le poblîc k
ces préoccnpations de diaque jour, qui font de la vie de rboMNi
d*état une existence si agitée et souvent si dramatRine.
Montrer comment se développe une pensée fêeonde servie ptf
d'kabfles instrumens, comment Vesprit de conduite fait reoeoer i
chaque heure des fils que les évènemens sembler briser; dégager
la politiqw des abstractions pour l'observer soumise k foutes las
inSuenees personneltes, à toutes lee variations du tempéraneat,
de l'humeur et du caprice; ftùre voir^ énftn, œ que la vralewr des
lK»Mi6if 6t# et^ i^oute à une sintafMNi, tel detadt être le rètullil
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DE ï/E^àmm R M son arroiRB. ÎB
d*im trafaîl dont 9 apparteatit à k Fruoe d*a¥Otr VinitiatiTe. Ce
bot ne pouvait être atteint qae par des puMicaiions originales, en-
cadrées dans un texte destiné à les réunir sans prétendre les com-
ment^. H fallait que Fécrivain s'effaçât devant les iBualres norts,
représentés après deoi siècles dans toute la vérilé de leurs poissions
et de leurs paroles 1^ plus secrètes; et povrum le t>uc eût été
complètenient «anqué, si Ton n'avait su se placer asseï haut poar
saisir Tensemble d'une négociation dont chacun des acteurs n'aper-
cevait que des fftoes isolées» si l'on n'en avait coordonné tontes les
parties, en conservant à diacune leur couleur spéciale.
Une révélation reçue de Madrid nécessitait, en effet» des ouver-
tures à Vienne; un mot échappé i Londres modifiât notre attitude
en Hollande. Tous les princes allemands, depuis l'électeur de
Brandebourg jusqu'au plus petit évéque rég^é par la France (1),
toutes les puissances du second ordre, le Portugal que Louis XIY
payait pour faire la guerre, la Suède qu'il payait pour rester en
paix, s'engrenaient comme des ressorts accessoires dans le Jeu
d'une mécanique immense. Les correspondances contemporaines
doivent donc s'éclairer l'une par l'autre : un rapport de l'abbé de
Saint-Romain, agent secret i Lisbonne, exfdiquera une dépêche de
l'archevêque d'Embrun , ambassadeur à Madrid ; et c'est une lettre
de M. de Gravel, ministre i Ratisbonne, de M. Gomont, envoyé à
Cologne, ou de M. Millet, plénipotentiaire à Berlin, qui édaircira
des soupçons conçus par M. de Grémonville» à Yi^Mie, ou le comte
d'Estrades, à La Haye.
Le soin de réunir ces documafis précieux et de les éclairer par
une haute critique revenait de droit à un écrivain qui a eu le bon
goût de rester fidèle à ses premères études, alors que de plus
éclatantes fortunes pouvaient l'inciter à les abandonner. Les lettres
profiteront d'une conduite pleine de convenance, si ce n'est d'habi-
leté, et qui, sans compromettre l'avenir politique de M. Mignet,
s'fl vent un jour en poursuivre un, lui in^>ose aujourd'hui, comme
BB devoir de position, de graves et honorables travaux.
Sur son œuvre de jeunesse^ on avait pu deviner en lui plusieurs
{!) Vom emploie id cette expression dans le sens qn^elle eut eonsUmmeot
Wtfs H V, pew indiquer tes présens et les sttbTentiopi faits p«r na fvl,etfén
luunblemeDt la permission de signaler cette lacune an DictionnaiM éifAcsSimii
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S2Ï IIEYUB DES DEUX MONDES.
des qualités qui constituent l'historien-publicistey rAIe éminent oà
Tappréciation de la pensée s'unit à Tétude des honuoes» et qui tieot
par un bout à la vie philosophique» en pénétrant par l'autre dans
les réalités de la rie usuelle. Son Histoire de la révolution franç^tm
se plaça hors ligne par un style ferme et réfléchi, par une manière
toujours impartiale» je dirai presque impassible, alors même qoe
l'auteur était encore impressionné par les passions et les préjugés
de l'homme de parti. Ce livre signala l'un des premiers la transitimi
du libéralisme de l'ère critique et révolutionnaire au dogmatisme
d'une école qui cherche à se rendre raison d'elle-même, en 8*ap-
puyant sur l'autorité d'une grande idée sociale.
M. Mignet vit avec Seyes toute la révolution dans la suprématie
politique du tiers-état, et dégageant cette idée des phases sanglan-
tes qu'elle dut traverser pour se faire jour, il la présenta comme
un droit supérieur à tous ceux qui disparurent devant elle.
Ce qui fit la puissance du jeune écrivain, ce qui imprima à ses
déductions une sorte de rigueur mathématique, était pourtant
recueil, sinon de son talent, du moins de sa doctrine. En subor-
donnant les faits aux idées, il dut s'exposer à en altérer quelquefoù
le caractère, et surtout agrandir l'importance et la valeur des per-
sonnes qu'il contemplait à travers l'œuvre immense où elles étaient
engagées. De là une tendance à accepter tous les é vènemens, comme
s'engendrant forcément les uns les autres, à chercher dans une
pensée générale la justification des foits particuliers, au lieu d'y
voir le produit spontané des passions et de la liberté humaine.
Je crois de toute mon ame à la philosophie de Thistoire, parce
que je crois en Dieu et en la Providence. Je sais que Tesprit humain
suit une irrésistible impulsion et que le monde intellectuel a «s
lois, comme Funivers physique. Je crois, par exemple, qufl ne dé-
pendait d'aucune puissance de ravir à la société française les con-
quêtes de la révolution de 89, et qu'il est également impossible
d'empêcher que les résultats de ce grand mouvement ne deviennent
européens. Mais j'estime que les faits pouvaient se présenter tout
autrement, et qu'un peu plus d'intelligence chez les uns, un peu
moins de corruption chez les autres, certains accidens, même de
circonstance et de détail, auraient imprimé un tout autre coors,
non aux idées qui viennent.de Dieu» mais aux évènemens qui vien-
nent des hommes.
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DE l'eSPAGNE et DE SON HISTOIRE. 22S
Ce qui ressort surtout de Thistoire sérieusement méditée» c'est
la puissance de Tindividu, non quant aux résultats définitifs, mais
quant à la manière dont ces résultats sont acquis aux nations. Un
bomme de plus peut leur valoir dix ans de calamités de moins; et
la proposition contraire est aussi malheureusement vraie. Je ne
sais, par exemple, rien de mieux que Tétude des archives des af-
faires étrangères pour montrer combien la sphère de Faction per-
sonnelle est large encore, bien qu'elle soit circonscrite dans celle
des nécessités sociales. En se trouvant plus rapproché des réalités
politiques» M. Mignet aura dû modifier une disposition qui est celle
de tous les esprits supérieurs au début de la vie. Il suffit d'appré-
cier la haute sagacité de l'écrivain dans les argumens et le texte
historique, où sont si lumineusement enchâssés les documens of*
jBdels, et surtout dans la belle introduction qui les précède, pour
voir que ces années d'expérience et d'étude ont conduit son talent
à sa plus entière maturité.
Cependant nous aurons à signaler bientôt, en appréciant ce
morceau lui-même, une dissidence qui nous paraît tenir à un cer-
tain tour d'esprit que M. Mignet a conservé de sa première manière.
Si, comme nous le croyons, le point de vue selon lequel il apprécie
le fait le plus funeste, selon nous, aux destinées de l'Espagne, la
succession féminine, manque de vérité politique, il faudra, ce me
semble, l'attribuer au besoin de justifier les phénomènes histori-
ques, par cela seul qu'ils se produisent, et de rationaliser les ac-
ddens, en les élevant à la dignité de principes.
Dans ce vaste prologue, si beau d'ordonnance et d'harmonie,
d*nne éloquence sobre, mais pleine, oii l'on voit se nouer dans le
lointain des âges le drame que les évènemens vont bientôt trancher,
M. Mignet s'est attaché à mettre en regard la fortune pâlissante de
rEspagne et celle de la France, qui chaque jour s'élève plus forte
et plus radieuse, et finit par absorber sa rivale en lui imposant sa
dynastie. C'est la lutte de deux grands peuples également favorisés
du ciel, mais auxquek leurs institutions ont préparé des destinées
si différentes.
On nous permettra de traiter ce morceau comme une œuvre à
part, comme l'une des conceptions historiques les plus remarqua-
bles de ce temps; nous parcourrons donc rapidement à notre tour
la route que M. Mignet a si largement frayée, nous inspirant sou-
TOME VII. 15
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226 RETUB DBS DBUX MOTIDBS.
Tent de sa pensée , prenant aussi quelquefois nos réserves contre
elle.
Ce qui saisit le plus vivement le voyageur en parcourant la Pé-
ninsule ibérique, c'est la stérilité des plus beaux dons du del. Uo
rempart de quatre-vingt-douze lieues la circonscrit et la protège,
ne lui laissant que deux étroites ouvertures sur TEurope, et cette
conflguration qui semblait, plus que toute autre cause, de?oir
assurer à TEspagne un système politique dont Tintérét national fût
la base, ne Ta pas empêché d*user sa force et ses ressources dans
les querelles continentales les plus étrangères à ses développemeas
intérieurs. Six cent cinquante-six lieues de côtes lui ouvrent d'ex-
Cellcns ports sur les deux mers; et loin d'appeler dans son sein le
commerce du monde, ces ports ont été les canaux par où sa force
et sa richesse se sont écoulées vers des plages aujourd'hui perdues
pour elle. Sur son sol si divers d'aspect et d'élémens, où la science
se complaît à trouver comme un résumé de la création tout en-
tière (i), les productions de toutes les zones se touchent et se con-
fondent, et nulle contrée n'offre pourtant un tel aspect de misère
et de désolation ; les arbres y manquent comme les hommes, les
eaux comme les moissons. De grands fleuves, qui devraient doter
ce pays du plus beau système de canalisation du monde, y portent
la ruine et la stérilité, torrens impétueux grossis aux pluies de
rhiver, lits infects et desséchés sous un ardent soleil.
Cette lenteur à s'engager dans les voies de la civilisation moderne,
cette constante misère à côté de tant de richesses, tiendraient-elles
à un défaut inhérent, à la constitution physique de cette contrée,
à la barrière qui la sépare du continent? M. Mignet semble le croire.
On pourrait répondre que si son isolément a nui à l'Espagne, cest
que les circonstances politiques où elle s'est trouvée engagée l'ont
empochée d'en recueillir le bénéfice, et que les mers qui entourent
la Grande-Bretagne assurent sa sécurité intérieure et sa nationalité,
sans être unobstade à aucun de «es développemens. Nous pensons,
pour notre compte, qu'ici tous les reproches doivent porter sur les
institutions et sur les hommes, qu'aucun ne peut s'adresser à la
nature, ci ce n'est peut-être celui d'une trop grande fécondité.
(I) «. Boryde Sahit-Vloeeiit. Sas donnéetont été tUténlenint reproMtet pv lidDi*
«MAMiiiMU); Meeiéhmi0 de Upana y HmrnfoL Madrid , ttt».
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DE L'ESPAGHB BT DB 8011 HISTOIRE. SSHT
Tout accose, en ce pays, une position manquée, quelque chose
â^exceptionnel et d'anormal. Il est yis bto que le déiFeloppemenl
Bâtard de la société n*a pas parcoam au-delà des Pyrénées ses
phases nécessaires. Si la Rnssie souffre de la civilisation en serre-
diaude improvisée par Pierre-le^Sran i » TEspagne est malade ausd
(Tun vice organique caché dans les profondeurs de son histoire.
Après une résistance héroïque, la Péninsule subit, comme le
reste du monde, le joug de Rome. Les arts et les mœurs de Tlialie
t'acclimatèrent vite sous son beau ciel, et ses steppes les plus sao*
rages attestent encore, par d'imposantes et voluptueuse nnnes,
que la conquête de cette contrée fat plus complète que celle des
Gaules. A la chute de Tempire, FEspagne chrétienne et romaine
reçut aussi du Nord le flot régénérateur; la barbarie y épandil le
firoon de sa force fécondante, et Tempire des Goths primait alon
odoi des Francs, nos rudes ancêtres.
Mais, au commencement du viir siède, un feit nouveau se pn^
duisit qui jeta la Péninsule en dehors des voies suivies par les au-*
très nations européennes. Les Arabes y détruisirent la puissance
des Goths, et, sur les ruines d'une société romano-germaine, ih
élevèrent cette civilisation sarrazino, mosaïque brillante et légère
dont leur architecture semble encore la vivante image. Cependant
le grand cataclysme sous lequel succomba la civilisation chrétienne
en Afrique et en Asie, ne devait pas ;*y reproduire. La partie la
plus énergique de la population s^enfnit vers le nord, jetant dans
lès montagnes des Astnries, de TAragon et de la Navarre les bases
de royaumes voués dès l'origine à une guerre incessante et impi'»
toyable : croisade entreprise pour recouvrer les tombeaux de ses
pères, et dont chaque enfent recevait le signe avec l'eau de son
baptême.
Pendant que les autres nations se mêlaient, en s'éfendant hors
de leurs frontières, pour réagir ensuite sur elles-mêmes, et qve^
par ses transformations successives^ le régime féodal enfontaft tour
i tour l'aristocratie des barons, la démocratie des communes et la
suprématie des rois; pendant que les conquêtes de Fagriculture, de
la navigation et du commerce, hâtées par les croisades et uneséciK
rite plus générale, imprimaient un mouvement progressif à la so^
ciété française, l'Espagne restait vouée à la même œuvre, qu'ela
suivait avec une courageuse et patiente obstination.
15.
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218 RBTUB DBS DEUX MONDES.
Durant huit siècles, qui virent, selon les historiens castillans,
livrer trois mille sii cents batailles rangées, ce peuple ne se délassi)
de sa vie armée qu*en répétant en chœur les chants chevaleresques
qui grossissaient chaque jour cette vaste épopée cyclique. La
guerre devint pour lui quelque chose de sacré ; il la fit avec une foi
forte et impitoyable, et la destruction des Maures prépara ceHo
des Indiens.
Son expérience sociale n'augmenta pas plus que sa sécurité in-
térieure. Au lieu de s'étendre sur le sol, pour le féconder par k
travail, de se grouper, comme elle le fit en France, autour des
demeures féodales et des abbayes , la population de TEspagne sa
jeta dans de grandes villes, les seules qui pussent efficacement
résister aux attaques des armées musulmanes. De là cette dispro-
portion notable entre la population urbaine et celle des campa-
gnes dont les désastreuses conséquences se sont étendues jusqu'à
nous. Au sein de cette société organisée pour une guerre éternelle,
les terres étaient sans valeur, parce qu elles étaient possédées sans
sécurité. Aussi furent-elles distribuées aux chefs militaires, bien
plus comme des territoires à défendre que comme une source de
richesses à exploiter. De là Tîmmense étendue de ces possessions
qui eussent fait de l'aristocratie espagnole la plus colossale du
monde, si l'incurie des hommes et des lois ne les avait rendues
stériles.
Le régime féodal fit peut-être répandre en France autant de
sang qu'au-delà des Pyrénées la longue croisade contre les Mau-
res; mais les victoires territoriales remportées par nos rois sur
leurs féudataires, les conquêtes politiques faites par les commu-
nes, avançaient chaque jour l'œuvre commencée, et la société mo-
derne sortit enfin de ces couches, laborieuses. La puissante uniié
de l'empire de Charlemagne avait créé pour Tavenir des titres aux
rois de France leurs successeurs; en Espagne au contraire, aucun
iien ne rattachait les diverses dynasties princières à un même centre
de suzeraineté féodale. Ces dynasties, d'ailleurs, n'exerçaient
qu'un pouvoir fort limité, autant par l'autorité des chefs miliuires
qui marchaient de pair avec elles , que par la turbulente puissance
de ces populeuses cités, où l'insurrection éclatait sitôt que les
Maures quittaient le pied des remparts.
Cependant, lorsque le royaume de Grenade eut succombé sooi
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DE L'eSPAGHB et BB soif HISTOIRE. 5B9
les armes chrétiennes, et que FEspagne se troara réonie s'^ns le
sceptre de Ferdinand et d*IsabeUe, une nouvelle ère s*oavrit pour
ce pays, qui parut rentrer enfin dans le mouvement imprimé
aux autres sociétés contemporaines. Le pouvoir royal commença
às*y développer, assez fort pour créer Funité nationale, trop fai-
ble pour étoufler le goût et Thabitude delà liberté. Les privilèges
anarchiques de T Aragon, qui légitimaient la guerre civile et Tim-
posaient comme un devoir, les institutions aristocratiques de la Cas-
tille, les fueros de toutes les vflles, subirent Taction de la royauté
et s*harmonièrent avec elle. Le justiia d* Aragon vit s'abaisser
ses prérogatives, égales, sinon supérieures, à celles des princes
souverains; l'exorbitante influence de la noblesse propriétaire
d*nne grande partie du sol des deux Castilles et de Léon fut atta-
quée par la force et minée par Tadresse. Ferdinand eut Thabileté
de se fidre élire, avec le concours de Rome, grand-maître des
trois ordres militaires, et de rattacher ainsi ces corps puissans à
la couronne. En s'appuyant sur les vieilles mœurs et les institutions
particulières à la Péninsule, il usa de tout sans rien détruire; c'est
ainsi qu'il fit de la Sainte-Hermandad un moyen de police et un
instrument de pouvoir non moins énergique que ne le fut en
France rétablissement des troupes soldées.
L'Espagne rentrait donc enfin dans la voie générale des peuples,
après avoir dépensé sept siècles à une œuvre glorieuse, mais sté-
rile; elle commençait à subir les influences auxquelles d'autres
nations devaient des destinées déjà plus pacifiques et plus prospè-
res. Si les vues patriotiques de Ferdinand avaient continué d'être
appliquées, on ne saurait douter que ce beau royaume, au lieu de
la splendeur factice et passagère du règne suivant, ne se fût
Aevé à cette puissance forte et permanente que donne la mise en
œuvre de toutes les facultés natives. Un étranger vint suspendre
violemment ce travail intérieur, et rejeter l'Espagne dans la po-
sition exceptionnelle dont elle commençait à sortir. Le Gantois
Charles-Quint, avec son cortège de ministres belges et de soldats
allemands, porta à la nationalité espagnole un coup dont elle ne
se releva plus. Au lieu de se faire l'instrument de la grandeur
naissante du royaume, il fit du royaume l'instrument de sa gran-
deur personnelle, et le roi d'Espagne disparut devant Tempereur.
L'œuvre de Ferdinand et d'Isabelle fut dénaturée par leur petit-
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9BB ^BTVS ms bevx aoHDB.
Ife. AiirHM;4k ffégleg y eKufaéraace de la vie populaire, on préCèrt
Fatccindre et la tarir dans sa aomrce, et, selon l'csage de teu les
despotisnies, on eoupa Parbre po«r eueîHir le froit. Lès orastoses
sMsemUées des corth se tarent devant les armes étrangères, hs
TÎDes jouèrent leurs libertés dans des luttes inégaies. PadiUa dt
Tolède, Bravo do Ségovie, Maldonflbda de Salamanqoe, ponèteit
sur réchafaud leur noble tête, et ce sang héroïque cooia cons»
la sève d'un tronc frappé dam ses racines et qpii voit bientôt jptfr
ei tomber sa couronne de verdure.
Le mauvais succès de l'insurrection des villes et Tédatsiite vea»
geawee qui en fut tirée, frappèrent au coeur le génie municipfd alors
quil commença'tà s'épanouir. L'babileté et la fortune de renpe*
reur, les vice-royautés d'Italie et d'Amérique, les commandemeat
enRandreet en Allemagne, étoufKèrent en même temps la superht
indépendance de Taristoeratie espagnole. Contens du privilège dt
se couvrir devant leur maître, de le servir à sa cour et dans wm
armées, les grands ne parurent plus dans les province» dont ib
possédaient la presque totalité du sol; et un gouvernement ombra-
geux 6t à cet égard une prescription de ce qui avait cessé d^
d*étre dangereux pour lui. Un corps aristocratique sans actioft
dans le gouvernement ne peut garder ni popularité ni imporiaaos
politique. Ses richesses sont un effet sans cause, et comme une
anomalie que lui font expier le mépris du pouvoir et la haine dei
peuples. Aussi la grandesse, sans racines dans la nation, fnt-^
prhnée à la cour des princes autrichiens par les fevoris du pias
bas étage, et descendit promptement au dernier degré défiai-
puissance et du rachitisme. On ne lui conserva pas mémo ces vaim
simulacres de liberté, dont on crut devoir amuser la vanité des
procureurs des villes, dans les parades solennelles jouées parla
royauté absolue.
Ainsi se desséchaient tons les germes d*avem> au sein de 11
triste Espagne. Pendant que son nom dominait les deux mondes,
que ses flottes en couvraient les mers et qu*elle versail son sa^
sur tous les champs de bataille, la cause nationale y sueoooibak
aous des principes d'autant plus désastreux , qu'ils revotaient d<9
apparences phis briMmces. Les intérêts de l'empereur en Aliéna»
gne, en Flandre, en ftaKe, les développemens du système oeloflil
Mqnel elle s^abandonnait avec une^si funeste^jenianee, épiriaèrent
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DB L*j(aPAG9IB AT hR ^Olf BIffVOIRE. M
809 farcQ^, el pcurtéreitf un^coup «lortal i aonayioitlwna 61 à «m
iadttstrie iiais8«iUe ; ri« ne se fit pew eA)e, quoique tout se fil«tt
flOQ ooœ ; elle ^taii devctfitte TaDoefisoire des nombreux et loiMàit
domaioes annexés à sa coiiroMe« Ce fiM aûisi que le pays qui, par
sa coafigiiratioii sé<Hi^a()]Mque, semblait le mieux garanti oontre lea
iailueiices éiraiigères, les subît par le mauvais effet de ses institua
tions politiques, plus complètementei plus long-temps qu'audua
l^tre n^aume du continent.
Giarles-Quint comprit oependaut la fausseté de sa position et
toute rioanité de sa gloire. l\ expia Vuae au monastère de Saint»»
Ju&t, et rectifia lautre en délivrant enfin TEspagne de rAutricb^
et de Tempire. Son fils vécut en roi péninsulaire, « enfermé à 1 £»-
curial comme dans un monastère; » il saisit une occasion heureuse
de conquérir le Portugal, seide possession que les rois catholiques
dussent envier, car elle est indispeasataJe à leur sAreté intérieures
et Lisbonne est un point fatal par où VEurope.meoacera toujours
le gouvernement de Madrid. Mais ce prince n'avait été débarrassé
que d'une trop faible partie de Théritage paternel; il f&dlut lui oon*-
server le reste, et des flots de sai^ ca^tUlan ooulérent dans les
Pajf 6-BaS| peur prévenir un démembrement'que TEspagne aurait pu.
saluer comme une victoire. Avec Tétroitesse •obstinée de son esprit
la froide exaltation de son ame , il se jeta dans les querelles relit-
gieuses de son temps, échoua en France et en Angleterre et se dé-
fendit en Espagne en faisant, du tribunal de 1 inquisition, la machine
de compression intellectudle la plus ccdossale que put concevoir
l'esprit humain. La Péninsule, où le travail féodal avait été subite^
ment arrêté par Tinvasion sarrazine, qui, au x\' siècle, commenr
$ait l'œuvre nationale de son organisation politique, lorsqu'elle fiit
si brusquement interrompue par Charles-Quint, se vit donc rejetée
en dehors de toutes les idées européennes par la main de plomb de
Philippe II. Pour avoir raison du protestantisme, il atteignit Tesprit
humain en sa source même, préparant ainsi pour la venir au
dûgme religieux , si malheureusement associé à son pouvoir desr
poiique, des épreuves plus redoutables que cdles qu'il était appe^
à traverser dans le reste de l'Europe.
a Philippe, dit M. Mignet, séquestra la royauté dans une solitude
abrutissante, il la rendit invisible, sombre, hébétée; il ne lui j|^
connaltire les év^oemefts que par des rapports^, les hommes qqip
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S3â AEVUB DES DEUX MONDES.
par des défiances. ïl porta si loin le soupçon, qui! éleva son ffls
dans la crainte et dans Fisolement; il ne lai permettait pas de s*eih
tretenir avec sa fille, à laquelle seule il se confiait, et qui seule sou-
lageait sa vieillesse accablée d*infirmités et de revers. Au moment
où il fallut quitter la puissance qu*il avait voulu étendre et qii*3
avait craint de perdre, il rejeta sur la Providence son propre ou-
vrage, rincapacité de son successeur, d
Philippe II avait imposé la stérilité à Tintelligence, Philippe ID
atteignit la terre elle-même. Depuis long-temps huit cent mille
juifs chassés d'Espagne avaient emporté tous les germes d'une
industrie naissante ; plus d*un million de Maures, chassés en trois
jours, firent alors un désert de la partie la plus fertile du
royaume.
Sous Phi ippe IV, un ministre entreprenant voulut relever sa pi-
trie de son irrémédiable déchéance : <r il ne vit pas que son repos était
de la paralysie, et que remettre en mouvement ce pays malade,
c'éta't le faire tomber; » sa chute en effet fiit profonde : la Franœ
et la Hollande lui enlevèrent des provinces, TA nglc terre des colo-
nies; le Portugal recouvra et maint nt son indépendance; la ré-
volte éclata au royaume de Naples et jusqu'au sein de la Catalo-
gne. Le sang de Charles-Quint s'était épuisé comme celui de Cllâ^
lemagne ; et son arrière-petit-fils remit, en mourant, sa couronne
à un être dégradé de corps et d'esprit, roi idiot d'une monarchie
décrépite.
La vie de Charles II se consuma dans les sales intrigues des fic-
tions étrangères, pour se disputer un pays dont l'intérêt n'était
pas plus consulté que les vœux. Les prétendans arguaient, non de
l'assentiment national, mais de la volonté du roi devenue la loi
suprême, ou de la loi fondamentale en matière de succession, in-
stitution funeste à laquelle on doit remonter comme à la source
principale des calamités de l'Espagne.
M. Mignet professe une opinion contraire , et conmae il y a grand
profit à tirer des erreurs d'un homme d'esprit, nous donnons ses
raisons, qui, si elles ne nous ont pas convaincu, pourront en con-
vaincre d'autres.
« n ne restait à l'Espagne que sa loi de succession pour la tirer
de son anéantissement. H fallait que le continent vint de nouveau
à son aide^ et que l'esprit européen, s'y introduisant à la suite d'une
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DE L*£8PAGNB ET DE SO:f HISTOIRE. 235
dynastie nouvelle, ranimât et la flt sortir de rimmobilité pénin-
salaire o& elle était retombée.... Les dynasties, et les lois de suc-
cession qai président à leur maintien ou à leur remplacement, sont
d'ordinaire appropriées aux besoins des divers pays. La loi espa-
gnole différait de la loi française , comme l'intérêt de TEspagne dif-
férait de rintérét de la France; elle appelait à la couronne les
femmes qui la portaient dans d'autres maisons en se mariant. Ces
mariages amenèrent la réunion des diverses parties de la Péninsule,
et lai procurèrent Taide du continent par Tavénement de princes
étrangers qui lui apportèrent d*abor J les forces de TEurope pour
la faire triompher dans ses luttes de religion et de race, et plus
tard ses idées pour la faire sortir de l'immobilité péninsulaire où
elle devait retomber.... La France, au contraire, en admettant les
femmes à la couronne, eût renoncé à sa nationalité; elle pouvait
entretenir son mouvement par les chocs non interrompus du reste
de TEurope et opérer sa formation par sa force intérieure. Aussi
se réserva-t-elle des moyens particuliers de perpétuer sa dynastie.
Elle plaça des rejetons royaux dans plusieurs provinces à mesure
qu'elle les conquit , afin que les branches pussent , au besoin , rem-
placer le tronc. La loi des apanages fut la conséquence de la loi sa-
Uqne. Le pays le plus remarquable par son unité le fut aussi parla
durée de sa dynastie. »
Le savant historien paraît avoir étudié les annales de l'Espagne
sous la préoccupation de cette idée que Tisolement géographique
de ce pays était pour lui le principe d*une infériorité constante qui
devait être corrigée par Teffet de ses institutions. Mais cette position
péninsulaire n'était-elle pas, au contraire, l'un des plus grands
bienfaits dont la Providence pût doter un pays si heureuse-
ment assis sur deux mers, et les malheurs de l'Espagne ne tien-
draient-ils pas h ce qu'il lui fut presque toujours interdit d'en re-
cueillir le bénéfice?
11 est difficile, ce semble, de concQier la valeur théorique que
Ton attribue à la succession féminine et le biftme si judicieusement
déversé sur cette perpétuelle exploitation de l'Espagne au profit
d'intérêts étrangers. Si la succession des femmes hâta l'union des
divers royaumes de la Péninsule, elle eut aussi pour résultat de pré-
venir toute assimilation entre ses élémens constitutifs, toute agglo-
mération vers un centre principal. En France , la conquête terrilo*
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fit RETOB tofr »EDX «OHOB».
Ttalèrflnft pftT «MMer r absorptk»* morde ; m Ee^Mstie, la l'èiiiiiéi
pM irmriê^ d^ètâds )itdépéiM}aft»les nHfflaltfil en ftice de la conroime
èé Castnte « IM» une anHude ^éjgalM et de comptet îsotemetti. Voyez
eMore, a«eomnenceniefitd« xvnrsîède, Ténergiqve concours que
lesétatd de CastiRe prêtaient à PMttpped* Anjou, et celui quelet
pi^orâices dépendantes de l'ancienne couronne d* Aragon accor-
diftient à Farehiduc.
' lie principe qui a fondé la nattenalité française eât concovnii
fonder aussi la nationaliié péninsulaire. L*efFet de ta loi salique eAt
éW pliïs lent peut-être, mais certainement il e^t été plus s4r. Notre
régime des apanages n'était pas même à cet égard d*une rigoureuse
niécessité; à Textinction des branches régnantes, mieux eôi râla
fecewrir, an besoin , à la succession bfttarde qui onna au Portugd
Ite fondateur de hi dynastie d'Arîs, et son chef m^me à la maison de
BragMce, qued'engagerrEspagne dans un système qui ne lui pr^
qu*me force ftictioe en échange de la force native dont eBe fa dè-
ponillait.
On vient de dire à quel abaissement politique la dynastie autri-
ctnenne avait conduit l'Espagne; la dynastie française ne servit guère
mieux ni sa prospérité , ni sa gloire.
Le plus grand malheur qui eût pu arriver alors à la Pénînsufee^
été la réalisation du mot fameux de Louis XÎV. Ce n'étaît pasTrs-
péFance de rattacJier un grand royaume au mouvement générafl du
«vende qui inspirait an monarque français le v(eu qu*fl n*y eth plus
de Pyrénées. Dans sa bouc^, ce désir avait une portée parement
y^ikîqne. Il entendait dire seidement (pi*Aranjuez serait une dé-
]^êiidance de Versailles comme Trianon , et qu'il y régnerait p«
procureur. S'il ne l'avait pas ainsi compris, Louis XIV n eût p«
manette de s'en tenir au traité de partage de 1700 et de repousser
krtestament.
Quant aux bienfaits dont l'établissement de la maison deBourbott
^plustardte pa<^ de famîHeont pu doter FEspagne, ils sont au
tfOi«is problématiques. Après Fhllfppe V, plus occupé de ses irttfi-
gtiesen France et des prejeis d'Aimé femme et d'un ministre amht^
teux dur lltialie qeie des inriérêts vitanx de sa patrie adopifre, srt
aôcoessenrs s'engagent dansdes^oiAits maritimes souvent sfans hoi
eifOlyoursaans profit. Si, effif^ieederAngleterre,ranfance franco-
espagnole était onebevreuse nécessité pour les deux pays, la corn»
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DE VmPàmB BT DB SOU HltTOIRB.
«Bmiaiitéd»dyii»tien*mi Alt pas le principe, car eHe retaortait lii^
ianaturo das chaaas. La branche des Bourbons, tra&i|riMitée a»-
delà des Pjréoées, subit, d'aiHeors, promptement rinfhienoe db
rinnnGOnlité pèninaulaîre, d*ane manière aussi çomplèce que la triste
dynastie qu'elle aviût remplacée. Sous des règnes obscurs, IEb-
p9gaè ceiltkuia de courir rapidem^it vers sa décadence; aides
tentatives sou¥ent irréflécbies de réforme eurent Meu dans aoa
organtoatkm civile et •nancière, dans le oours du xvnf si^
de; sa ^ Macanasà Jovellaaos, de Tintendant Orr j à d*Aranda^
iieridsh-Blaaca et Olavide, on suit le progrès ecHiataat d'nneéoeie
^oononiqoe et administrative dans le sens de la centralisation aso-
deme, il n'y a rien là qui se puisse directement rapporter à 1* in-
fluence de la dynastie française; des essais analogue» avaient lieu en
jkitaidie et en Toscane pour ne pas dire en Russie; c'était ccmime
felmnÉcia retentissement des idées et surtout des passions contenu
poraâKs. Ces novateurs, {dus théoriciens qu'hommes de pratique >
^pn la royauté ne secondait que par boutades et que le penjrie r»-
fwsoait toujoars, échouèrent contre les intérêts et bien plus en^
corecontiïeles m«iur8;le mouvement essayé par Charles m était
sans radaes et sans avenir, ses ministres le oonçurenu tpop à la ma-
mèpedeiosephclldans les Payais. Tout cela était pour aboutir
aux turfâtttdeade son svccesseur, qui monta sur un trène qu'on
disait solide, parce cpi*aatour de lui il se ftûs^t un profond sikûice':
■ois ce silenee Ait imerrompu par un coup de tonnerre, et de^
pnb OB jour une nue orageuse envdoppe l'Espagne et son avenir.
La succession étranc^ n'a donc imposé à ce pays que des eth
erifices tout aussi inutiles à son avancement intellectuel qaà ses
intérêts nationaux. Peut-être en Tappréciant autrement, ne se éè-
ftige4-on po» assez des impressions contemporaines, et*paree qu'on
espère ^rajourd'hui la r^énération de l'Espagne d'un retour à sa
vieBlc loi de aoocession ftmialne, est^on disposé à transformer en
principe de progrès ce qui n'est qu'un accident heureux.
Autant que persmme, je ferme des vœux poar la consolidation
dn gouvernement dont le sort est si étroitement lié dans la Pénin^
aale i cehii de tous les hommes de quelque poids, par leurs lu-^^
Buèreaeu leur position sociale, gouvernement auquel il manque
beaucoup sans doute en force et en dignité, mais qui, dans sa chute»
«ignaler ait le triomphe de la démagogie des viOes et de la déma*
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996 RËYUB DES DEUX MONDES.
gogie des campagnes, deux souverainetés également illégitimes
parce qu'elles sont sans intelligence. Hais qu*est-il besoin de rappe-
ler que si le trône d'Isabelle II est devenu le point de ralliement
delà grandesse et de la classe moyenne, des hommes de Tindas-
trie et de la partie éclairée du clergé, il le doit moins à la valeor
de son titre qu*à Tobligation où fut ce gouvernement de s'appuyer
sur des intérêts jusqu'alors impitoyablement repoussés et pro»-
crils? 11 n'y aurait sans doute aucun avantage pour TEspagne iœ
qu'elle fût un jour gouvernée par tel prince étranger qu il plai-
rait au caprice d'une jeune reine de choisir, et cet avenii' Tinquiète'
rait à bon droit, si, avant de redouter les inconvéniens possibles et
fort éloignés d un système dynastique, il ne lui fallait s^assurerles
avantages actuels d*un gouvernement éclairé et libre.
Ce qu*on attend, en effet , de cet universel mouvement dans les
hommes et dans les choses, qui, après s'être abrité derrière une
intrigue de cour, a 6ni par devenir une révolution, c'est rétablis-
sement d'un pouvoir entièrement nouveau , sinon dans ses formes,
du moins dans ses maximes, qui repousse le passé de l'Espagne
comme un legs stérile et funeste, et la fasse enCn sortir des voiesoi
en poursuivant richesse et gloire , elle n'a rencontré que misère et
corruption. L'Espagne a pour jamais perdu les Amériques, et son
gouvernement vient de le proclamer pour la première fois; si die
conserve encore aux Antilles et dans la mer des Indes les pins
belles colonies du monde après celles de l'Angleterre, ces établis-
semens ne sont plus de nature à la détourner d'un système pure-
ment intérieur, le seul qui convienne à l'exploitation de son magni-
fique territoire, à la réforme de ses institutions civiles et de ses
mœurs.
Effacée du nombre des grandes puissances de TEurope, qu'elle
s'en fasse oublier pendant un siècle, comme ces malades qui se
retirent loin du monde pour soigner une santé débilitée par nn
mauvais régime, ou des infirmités de jeunesse; que revenue de
théories déjà visiblement en baisse dans son sein, et mise par nos
armes, s'il le faut, à Tabri d'un absolutisme qui ne triompherait ui
jour que pour s'ab'mer dans l'anarchie, elle reporte toutes ses
pensées sur elle-même, n'étudiant son passé que pour s'en éloî-
gner.
Tout gouvernement qui comprendra l'Espagne, s'attachera d'à-
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DE L*ESPAGNB ET DE SON HISTOIRE. 2*^7
bord à y mettre le trayail en honneur, à y faire fleurir la mora-
lité privée , étouffée sous un formalisme religieux sans intelligence
et sans vie ; il invoquera le concours du clergé auquel il fera une
large part dans cette œuvre de régénération , en lui étant toute
possibilité et dès-lors toute tentation d*exercer désormais au-
enne action politique ; il s*attacbera à détruire, par Fascendant de
rindustrie et de Vesprit de propriété, ces habitudes vagabondes et
guerrières de la démocratie rurale , retrempées dans la longue
lutte de la Péninsule contre Napoléon, et que Ferdinand VU a si
malheureusement excitées aux plus mauvais jours de sa puissance.
En changeant le vieux système d*administration , en traçant des
routes et creusant des canaux dans de vastes solitudes, il réunira
des provinces étrangères les unes aux autres, il confondra de plus
en plus la population des villes et celle des campagnes , que leurs
antécédens historiques , autant que Tincurie souvent calculée du
pouvoir, ont constituées dans un état presque permanent d'hosti-
lité; un gouvernement réparateur mettrait, en un mot, TEspagne
à bois neuf, en greffant les idées européennes sur ce sauvageon
admirable de vigueur et de puissance.
n n*en est pas de cette contrée comme de la France. Celle-ci a
pu rester Adèle à presque toutes ses traditions politiques ; celle-là
est malheureusement condamnée à les répudier. Quelque profonde
qu'ait été la révolution de 89, elle n*a guère changé les rapports
de la France vis-à-vis de TEurope, parce que sa puissance s*est
développée selon des conditions naturelles et normales. Nous avons
pu ajouter à Tœuvre de nos pères sans en déplacer les fondemens.
L'Espagne, au contraire, refoulée dans les voies intellectuelles par
l'inquisition et l'absolutisme claustral , dans celles de la politique
et de l'industrie par le système colonial et l'éparpillement de ses
forces, entre dans une ère nouvelle, n'ayant àproflter que de
ses fautes , car chez aucune nation le passé ne fut aussi coupable
envers l'avenir.
Ce contraste entre notre gouvernement, fort de l'harmonieuse
unité de ses parties, et un pouvoir gigantesque, produit des cir-
constances et inhabile à les dominer, est tracé dans l'introduction
de M. Hignet d'une manière large et lumineuse. Cest la philosophie
de l'histoire descendue des abstractions pour poser le plus impor-
tant problème des deux derniers siècles.
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EBVUB DBS DBUX MONDES*
Les deux volumes publiés n*en donueut pas la 8(dittion;ibBi
vont que jusqu*ea 1668 et s*arr6tent à la paix d'AixJa-ChapeUeqoi
suivit la première guerre de Flandre. Près d*un demi-siècle devait
s*écouler encore avant que le sort de l'Espagne f&t irrévocable-
ment fixé. Lorsque ce grand monument national sera achevé, nou
embrasserons 9 dans son ensemble, une négociation dont noas
a*avoDs pu esquisser que las prémices,
Louis DB CâbmL
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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
êéjvfltl
Les afTaîres d'Angleterre continuent d'olTrir an spectacle chaque jonr
plus intéressant et plus varié. Il importe de suivre avec attention jusqu'au
déDouement Faction an peu lente, mais curieuse et compliquée, da
drame politique de Westminster.
Si la guerre a décidément éclaté entre les deux assemblées législa-
tives, c'est bien la chambre des lords qui a voulu cette collision. La
chambre des lords se souvient que la prud^jice et la timidité lui ont mal
réussi en 1832. Aujourd'hui qu'elle n*aperç<>il nul danger menaçant &
rhori7on , elle s*av se de courage et de hardiesse. Ce nouveau système,
dont rinertie actuelle de l'esprit public semble justifier remploi, est-il
également bien calculé poir garantir longuen.ent Texistence de la pairie?
Yoilà ce quMl s'agit d'oxaminer.
— Plus de concessions! se sont écriés les lords. Nous avons été jua-
qo'à présent trop prompts à reculer. Nous ne céderons plus un pouce de
terrain. L*liabileté consiste à défendre les muiodrea positions qui gardent
l'accès de la place.—
Les conférences s'entament avec les communes au sujet de raccom-
modement proposé sur le bill des corporations irlandaises. Durant les
dernières années, dans ces sortes de coarérences, la courtoisie avait
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19.
2&0 RETUE DES DEUX MONDES.
presque triomphé du ▼ eil usage. On avait daigné recevoir les communei
sans se couvrir et debout. C'était une impardonnable Taiblesse. Désormais
on s*assiera comme par le passé, et Ton enfoncera m(^me davantage son
chapeau. Si vous aviez vu peut tant les nobles lords en habit de ville,
coidés de cet étrange chapeau à cornes, qui ne ressemble pas mal â
celui de nos ordonnateurs des pompes funèbres, vous douteriez que ce
retour à la rigoureuse étiquette aristocratique soit un moyen fort efficace
pour restaurer la dignité de la pairie.
Mais voici venir une occasion plus sérieuse de montrer son autorité. Ce
même bill des corporations irlandaises, déjà si cruellement maltraité
par leurs seigneuries, se représente enfin devant elles timidement réa-
mendé par les communes. La séance est grave et solennelle. Lord Mel-
bourne et lord Uolland avaient renouvelé leurs avertisscmens énergiques.
Voyant quelle aveugle passion entraînait la chambre, lord Grey lui-même
avait rompu un silence de deux ans. Il s'était avancé seul entre les deux
partis prêls à en venir aux mains, et avait proposé un dernier moyen de
conciliation. Mais ses conseils, pleins de sagesse, ne sont plus ceux que
Ton écoute , ce sont les ressenlimens acharnés ac lord Lyudliurst qui font
la lui. C*est rcx-chancclier tory qui gouverne malmenant les pairs sons
la responsabilité du duc de Wellington, leur chef nommai. Lord Lynd-
hurst ayant déclaré que les lords ne peuvent se désister de leurs principes,
une formidable mojorité repousse à la fois et les amendemens de la se-
conde chambre , et le sous-amendement plus pacifique encore de lord
Grey.
Ce rejet prononcé, tout espoir d'arrangement avait dû s'évanouir. La
conduite ultérieure des communes était dictée d'avance. La politique les
avait poussées à trop accorder peut-être; il ne leur était plus permis de
rien céder honorablement. Aussi la séance dans laquelle lord John Russe!
vient demander rajournement à trois mois du bill mutilé, n*a-t-elle
point rintéiél dramatique de celle des lords; mais le langage que lient le
ministre est singulièrement vigoureux et significatif, o II compte que II
pairie ouvrira les yeux et se rangera prochainement à Tavis des commu-
nes, autrement il désespérerait du salut de la constitution britannique;
car il ne concevrait pas, ajoute-t-il, de constilutidn plus impraticable
que celle qui autoriserait Topposition déterminée, persévérante, inflexi-
ble , d'une chambre haute paralysant toutes les mesures de la chambre
élective et méconnaissant l'opinion générale du pays.» Ce sont là les
propres paroles de lord John Russel, le fils du duc de Bedford, l'ao
des plus illustres rejetons de Taristocralie anglaise , et conséquem-
ment l'un des plus intéressés à la conservation des privilèges de cette
aristocratie; ce sont les propres paroles du même ministre qui déclarait,
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R£¥UE. — CHRONIQUE. 211
il y a moins de six mois, que la réforme ne devait seulement pas songer
aux changemens organiques.
Ainsi la pairie est mise en demeure^ et non plus uniquement par les
radicaux y mais par les wbigs eux-mêmes. II faut qu'elle cède, et avant
peu, ou le maintien de la constitution devient impossible, c'est-à-dire
qu'il devient indispensable de réformer la pairie. Cédera- t-elle cepen-
dant? pourra-t-elle céder? Engagée comme elle est dans le chemin diffi-
cile où l'a jetée lord Lyndhurst , pourra-t-elle revenir sur ses pas? Vrai-
ment, pour une petite satisfaction qu'il a donnée à leur orgueil , ce n'est
pas encore ce dernier vote des lords qui a beaucoup assuré leur avenir,
non plus que cette dignité dont ils sont si jaloux.
La chambre des communes, qui continue d*étre patiente et de ne se
point décourager, vient de consacrer encore une fois le principe d'appro-
priation du bill des dîmes irlandaises. De ce que la majorité réformiste,
qui Ta voté, s'est trouvée moins nombreuse qu'elle ne l'est d'ordinaire,
il ne faut point conclure qu'elle se soit af/aiblie ou divisée. Il s'agit ici
d'nne question à part , d'une question religieuse, non point d'une question
de liberté politique. Il y a en Angleterre, et surtout au parlement, nom-
bre de consciences libérales qui n'ont pas secoué le joug du préjugé pro-
testant. Pour elles, retrancher le moindre denier du revenu de l'absurde
église anglicane importée en Irlande, ce serait une sorte de sacrilège.
Cest déjà beaucoup, et on ne devait pas l'espérer, que dans une cham-
bre élue sous la double influence du clergé et des tories, il se soit rencon-
tré plus de trois cents membres résolus à établir la tolérance et l'égalité
religieuses, et qui, à force de persévérance, aient su rendre ces principes
presque universellement populaires. Si les lords eussent été raisonnables et
habiles, ils se fussent néanmoins bornés à concentrer leur résistance sur le
terrain de ce bill des dîmes irlandaises. Au moins cette position était te-
nable . Ils avaient de leur côté une imposante minorité dans les communes.
Mais leur opposition , aveugle, violente, systématique, ne profitera qu'à
leurs adversaires. Avec le simple refus d'abolition de la dlme, O'Con-
nell eût sans doute agité l'Irlande plus vivement cette année que les précé-
dentes ! il ne l'eût pas unie et soulevée comme un seul homme, ainsi qu'il
va faire armé d'un rejet du bill des corporations. La lettre qu'il vient
d'adresser à ses compatriotes, et qui leur recommande le rétablissement
de l'association catholique sur une base élargie et plus solide , aura cer-
tainement des résultats aussi prompts qu'efficaces. Que Ton calcule l'ac-
tion de ce puissant levier que ne retiendra plus , mais que soutiendra et
fortifiera la main du gouvernement lui-même.
Les whigs ont été bien inspirés, le jour où ils se sont raUié le grand
agitateur, et les tories^ au contraire, sont bien imprudens et maladroits
TOHS TIL 16
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lEiâ aSTVB DBS DBUX MORDIS.
4e routragsr et de le pousser à bout chaque joiir. 0*CoBiien ét^t le n-
dical dont Taristocratie avait le moins à redouter. Ce n'est pas «oi^ptt-
meot un avocat opiaiâtre du h9lUU et du suffrage universel. Teutterriblc
nÎTelenr qu'en Fait fait , il n*â guère du tribun que la parole rive etptr-
Csts grossière. Au fond c*est un homme d'état réritable et plus propre
pfiQt-ètre à fonder qu'à détruire. Qui sait toucher et mettre ea moen-
meat comme lui les ressorts nécessaires au goaveniement d^irae nalieB
ou d'un parti ? Il a compris que Titistant n*est pas venu de gouverner pir
le menu peuple, en dehors du pouvoir éledoral ; il s'adresse donc asx
éleeteurSy à la ehisse rao^^une, aux ridies, de même qu'au peuple,
et voici que sans rien perdre de sa soweraiiM autorité sur le pays»,
il range sons sa bannière le marehand , le bourgeois et ie lord. Ce ii*est
pas d'aujourd'hui d'ailleurs qu'il nourrit le projet de cetto invincible
agrégation : sàr qu'il était des masses, après la dernière sessieo, il
avait lait un appel pressant à la noblesse irlandaise et favait en partie
déjà attachée à sa cause. Il n'est pas de moyen qu'il néglige; Uodts qoe
dans les meeiingtt publics, il entretient l'ardeur des multitudes et soo-
tiettt leur enthousiasme , la presse répand partout ses prodamations et
ses manifestes. Et il n'a pas eu assez de œs milliers de voix «es feorHes
locales publiées sous soo inspiration. H lui a folki une tribune plus haute
d'où il parlât ou fit parler selon ses vues à la Grande^retagoe tout en-
tière. C'est ainsi qu'il a fonilé et qu'il conduit la Serae de Dnbiin , qui
plaide aujourd'hui dignement et largement pour toutes les libertés de
l'Irlande. Si étroite que soit son alliance avec les wfaigs , CTConnell ae
s'est pour tant pas séparé des radicaux; il n'est pas moins libéral qu'eux; il
est seulement meilleur politique , il comprend mieux lesteniporisationset
lesmésagemeuMque l'intérêt de la liberté Im-méme eiige. A vrai dire, le
parti radical pur n'est pas sans pouvoir ffans le pays, mais il n'est nulle-
ment appelé, quant à présent, à mener seul la marche des réformes. Un ^t
remarquable et qui vaiait bien la peine d'être constaté, quoique notre
presse n'en ait pas dit un mot , c'est la retraite récente de M. Harvey, l'on
des oignes distingués de ce parti à la chambre des communes. Bl . Hartef
y représentait Sovihutnic , le faubourg le plus populeux de Londres. La
lettre publique qui contient sa démission est fort curieuse et mérite la
ifcture. Il se plaint amèrement de ce que ses commettans lui aient rogné
son mandat. Ils lui ont, dit-il, interdit le droit de presser l'administratleo
et de l'atuqnerau besoin , selon qu'il le jugeait nécessaire. Ccst pourquoi
il abdique ce pouvoir législatif qu'on ne lui laisse plus Kbre , et il rentre
dans la vie privée. Certes ce n'est pas là un symptôme qui annonce que
Topimon se défie des whigs Et en effet, leur attitude VTS*à-vis de ta pai*
rie JQStiiepleiûeflieDi la coofiaaee que montre ea eux TAngleterre.
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ftBVI». — GHftOllIQDB. Slf
Le parlemoit a entamé la diacussioii du bill qui prétend réfonacr le
temporel de I*égli8e anKiicane. On conçoit que régliie elle-même taoe*
tionoe les principes de celte mesure débonnaire, et qn'elleati la magot*
Bimilé de Tappuyer. La douloureuse réforme, en effet, pour le clergé»
que celle qui laisse è Tarcbevéque de Cantorbéry un traitement de 15,060
lîffes sterling, et, proportionnel iemeot, des revenus analogues aut
éréques inférieurs dans la biérarcbie !
Mistress Norton n'a pas quitté Londres pour Paris, ainsi qu'on l'avaH
assuré. Il était au contraire question , la semaine passée, d'une fête bril*
Isole que le duc de Devonshire devait lui donner en manière de ré-
paration d'bonneur. C'est dommage que celte générosité ait tout l'air de
demeurer un bruit de salon. Il eût suffl d'une mazurque dansée à De^
^mahire^ousê par sa grâce avec mistress Norton, pour réhabiliter par*
toutail.ears la petite-fllle de Sberidan. Mais tout ami qu'il soit du minis<^
1ère Melbourne, le noble duc aura réfléchi que le monde eicluslfda
Wêtt'EiÊd se compose de dix tories contre un whig. Il n'aura pas eu It
coorage de compromettre si gravement sa haute autorité fashiooable.
En Espagne , la guerre civile s'est un peu ranimée, devançant le rérefl
prochain de la guerre parlementaire. Il ne parait pas toutefois que le
retour de Cordova à l'armée ail amené jusqu'à présent la réussite des
savantes t ombinaisons stratégiques qu'il annonçait. Loin de là, ont dit
quelques correspondances, l'une des colonnes de Ylllaréal se serait portée
sur les Asturies à travers les Anglais et les chrisHnos. Cette évolution
Aït-elle rét^lle, le gouvernement de Madrid n'aurait pas à s'en effrayer
beaucoup. Ce ne serait encore là probablement qu'une de ces trouées té->
méraires, mais sans résultat, qui exercent depuis trois ans l'agilité des
troupes carlistes.
La nouvelle du désastre de Sauta -Anna n'est plus douteuse. Voilà
le Mexique sans président et son armée sans géuéral. Ce double échec
pourra faciliter promptement le triomphe de l'insurrection de Houston.
Le Texas se précipiterait vite alors daus les bras des Èiats-lJuis, dont
rhypocrite convoitise oe cherche depuis long-teuips qu'un prétexte
beonéte pour s'emparer de cette riche province. L'esclavage est chez
elle en suprême honneur; n'est-ce pas là un titre sufGsant et qui la rend
digne d'être agrégée d'emblée à la grande république fédérative? Ainsi
l'admission du Texas, une fois votée par le congrès, l'Union cesserait
même d'être également partagée entre les états à esclaves et les états qui
interdisent le trafic de la race noire. Les premiers gagneraient la majo-
rité; ils seraient quatorze contre treize. L'honorable conquête qu'aurait
ùûte la terre-modèle des pays et des hommes libres!
16.
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su RBTUB DBS DBI7X
Notre session législative a été définitivement close cette semaine. Li
chambre des pairs avait été le seul rouage de la machine oonstitutioQ-
nelle qui edt fonctionné durant la quinzaine. On a remarqué, sinon lei
rapides débats de ses dernières séances, au moins quelques-uns des dis-
cours prononcés par difTérens pairs, itf. Gautier a déploré vivement ft-
bligation qui contraint la chambre de voter sans discussion et à la bite,
chaque année, le monceau des budgets accumulés. Peut-être, en edct,
serait-il convenable que la pairie pût les vérifier à loisir. En tout tu,
elle doit comprendre qu*il ne s'agit pour elle que de les enregistrer pare-
ment et simplement. Nous imaginons que l'exemple de FAngleterre doit
faire autorité en matière de gouvernement représentatif. Eh bienl ca
Angleterre, les lords ont aussi le droit d-amender les lois de finance;
mais, de fait, jamais ils n'en usent. S'ils s'avisaient d*eu renvoyer ooei
la seconde chambre avec un seul chiffre altéré, leur amendement serait
soudain foulé aux fûeds par les communes. C'est pourquoi , tandis qu'elics
votaient dernièrement les résolutions du chancelier de Téchiquier, teo-
dant à diminuer le droit du timbre des journaux, chacun se disait:
a Enfin , voilà un bill contre lequel ne pourra rien la méchante volonté de
la pairie, b Le discours semi-diplomatique et semi-carliste de M. de
Noailles n'a guère paru qu'un pâle et lointain reflet de celui de M. le doc
de Fitz-Jamcs à la chambre des députés. On se serait peut-être ég^é
davantage aux dépens de M. Bigot de Morogues, à propos de sa boutade
obscurantiste, si elle n'eût été suggérée par des circonstances qui ne
donnaient nulle envie de rire. Le vote du budget de la guerre n*a pis,
bien entendu, soulevé sérieusement de nouveau la question d'Alger. Il
n'a été qu'une occasion de prouver encore que le gouvernement compreod
bien la volonté du pays, en voulant lui-même résolument le maintien et
la protection armée de notre colonie. Il n'est plus désormais permis d'ea
douter; Alger sera une France africaine, qui n'aura qu'à grandir et à
prospérer sous le regard de la mère- patrie.
La liste des nouveaux fonctionnaires, publiée mercredi, a semblé,»
premier aspect , quelque peu bigarrée. Les uns y ont trouvé de la gancbe;
les autres, du centre gauche ; ceux-ci, de la doctrine ; ceux-là, une légère
nuance de légitimisme. Nous ne serions point, pour notre part , disposés
à blâmer beaucoup ces sortes de mélanges. A moins qu'il ne s'agisse de
noms tout-àfait dévoués au gouvernement déchu, il n'est pas d'un mauvais
exemple que, dans le choix de ses délégués, l'administration consulte les hi-
mières des candidats plutôt que leuropiuion. L'admission aux emplois des
capacités diverses, indépendamment de leur manière de penser, pourrait
aider aussi à l'accomplissement si souhaitable de la réconc.Iiation générale
des partis. Parmi les nominations nouvelles, quelques-unes ne sont qoe
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REVUE. — CHRONIQUE. 245
des actes de justice et de réparatioo. Le choix le plus remarquable,
celui de M. Oufoure, montre qu*il D*y a plus d'exclusion inflexible , pas
même contre Fextréme gauche. C'est en effet de ce côté de la chambre
qu'est parti M. Dufaure pour arriver au conseil-d'éiat M. Dufaure,
ancien signataire du compte-rendu , est l'un des hommes parlemen-
taires dont l'influence a été le plus laborieusement acquise ; son débit
est terne, son argumentation serrée; il résume une discussion avec une
vigueur et une clarté remarquables , et enlève un vote de la chambre,
non pas par un de ces coups de tonnerre , une de ces éloquentes sorties
familières à M* Berryer ou à M. Dupin, maison échauffant graduelle-
ment son auditoire; on croit toujours en entendant M. Dufaure n'avoir
jamais le courage de l'écouter jusqu'au bout, et il est difficile de ne pas
partager à la Gn un avis si bien déduit. La nomination de M. Dufaure et
celle de M. Félix Real, sont deux loyales satisfactions données aux opi-
nions de la gauche modérée. Il faut espérer que l'on ne se bornera pas à des
témoignages d'estime envers les hommes, et que la presse aura bientôt
à constater d'autres améliorations qu'on est endroit d'attendre et d'exiger.
Nul mouvement ne se fera dans la diplomatie. M. Guizot n'a pas
plus sollicité l'ambassade de Londres qu'on n'a songé à la lui offrir : le
poste d'ailleurs n'est point vacant. Le général Sébastiani n'a pas la
moindre envie de l'abandonner, et il ne s'agit pas davantage de l'en re-
tirer. Sa santé, aujourd'hui rétablie, le rend, dit-on, très su flsant près
du cabinet de Saint-James. Il est du moins certain que notre ambas-
sadeur, qui vivait dans une profonde retraite l'an passé, a fait grande
figure durant toute la présente saison: il a ouvert ses salons au monde
fashionable, et donné des féics à Manchester-Square, qui ont rivalisé avec
les plus splendides routs du West-End.
— Un journal annonce qu'un de nos collaborateurs , M. Sainte-Beuve,
est sur les rangs pour la place vacante à la bibliothèque de Saintc-Geue-
Tiève. Ce bruit n'a aucun fondement.
— Les poésies de M. Jean Rcboul se recommandent elles-mêmes in-
dépendamment de l'intérêt qu'excite leur auteur. Un talent incontestable
s'y produit. Le vers est partout élégant, correct, harmonieux, bien
coupé. L*auteur sait tous les secrets de la nouvelle école; il les sait trop
bien peat-ôtre. Nous lui voudrions moins de savoir-faire et plus d'origi-
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MA REVW (Mi BBDX MâHBBS.
nalfté. rimagliie qiTil eût gafné à noios étndier let dkierws
46 MM. Hago et Lamartine. Il fût demearé davanta^ loi-meme, m
e*eAt été pour lai toat profit; car, Il faut bien le dire, dftos cette trea*
laine de movt^anx lyriqeei qQ'il nous donne, il n*y a rien ftbsolnment du
boulanger de Nîmes. Nous ne reconnaissons pas à un seul passage le paèie
ouvrier, le poète du peuple, et c'était le poète du peuple, le poète oé^
¥rier surtout que nous étions curieux de voir. Noos regrettons sincèr^-
ment que M. Reboni n'ait pas tiré de sa position tout le parti qu'il fNMi-
vaît. Plus il eût été simple, plus il nous eût dit son humble condition et
la lotte de sa mute contre le labeur de sa vie , plus il se fdt élevé , plasfl
eût grandi , pins il eût en de chance de se faire un grand nom à pirt,
rival peut-être de œui de Bnrns et de Hogg. Mais avec rmstrameflt
poétique quil possède, M. Heboul ne se doit point décourager. Qui
s'inspire de sa situation ! qn'H nous dise uniquement ses propres émiK
tlons, et non point celte des autres. Qui sait? Ne pourrait-il pasabn
devenir quelqae cbose comme le Bnrns de la France? Noos ne loi sooliii-
Cerions pas, qaant à nous, d'antre gloire.
-— M. Jules de Saint-Félix vient de publier un roman sous le titre db
Clèopûtre. Qu'on se rassure , ce roman n'est pas une réimpression de cela
de la Galprenède. Les Komafns de M. de Saint-Félix ne portent point te
justaucorps de buffle , les manchettes brodées et la longue épée des raf-
finés de la cour de Louis XHI; son€aton n'est point galant, sonBratos
n'est point dameret. Sa Cléopatre n'a jamais mis le pied à Thotel Ram-
bouillet; il hri faut les portiques de marbre et les écoles d'Alexandrie; H
lui faut pour amant ce gros soldat qui péchait des poissons tout cuits et
mangeait un sanglier à son repas. Ce roman de M. Saint-Félix est vrai-
ment une étude curieuse et qui mérite d'être lue avec quelque attention.
JLes erreurs de détail ne manquent point, mais l'ensemble est original et
vrai, le style a de l'ampleur et de la solennité.
— Les livres qui ont la bonne fortune d'une nouvelle édition , sont rares
aujourd'hui. Le Chemin de Traverse, de M.Jules Janin, est du petit doiD'
bre de ces livres que le public adopte. La troisième édition vient de pa-
raître entièrement refondue. Nous consacrerons prochainement un article
à l'auteur du Càemin de Traverse.
— La quatrième livraison de Richelieu, Mazarin, la Fronde ef le Règ»^
de Louis XtV, par M. Gapefigue, parait diez le libraire I>ofey. 0!*
éaxL volumes vont jusqu'à la mort de Maxarin. 1}ne grande curiosii^
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RCTOS. — CBRONIQUB. S47
Mfadie à celte pablîcation , qnl contient : 1* fliistofre municipale de
Ptris daraiit la fronde, d'après les documens de Hnôlel-de- rilte;
9* fliistoire provinciale et parlementaire de cette époqiTesi dramatique,
et par conséquent la fronde à Lyon , Marseille, Toulouse, Rouen, etc...;
STInstoire des métiers, confréries, associations industrielles, des pam-
phlets et de la littérature frondeuse; 4^ Tbistoire diplomatique des traités
deMnnster, Westplialie et des Pyrénées, d*après les pièces et documens
inédits.
— (^ Simon de George Sand , que nous avions donné dans la Kevue, a
reparu en un volume, il y a quelques jours, et il est déjà à sa seconde éili-
tion. Ainsi un premier succès se trouve confirmé par une nouvelle sanc-
tion de Topinion publique, qui , toujours impartiale et juste, répond à sa
manière aux absurdes pamphlets de la presse anglaise, si paternellement
et si amoureusement introduits par la Hevue Britannique dans le monde
partsien. Ce fait est important à constater, car il accuse un progrès réel
et incontestable dans cette grande masse du public, qui lit sans préven-
tion et juge arec équité. La donnée de Simon^ que tous nos lecteurs con-
naissent, est simple; l'auteur s*est placé entre les réalités les plus commu-
nes de la vie provinciale et les haol es régions de la poésie intérieure et de
rhoanenr fdéal. Nous avons tous connu maître Parquet, le vieil avocat de
province; nous avons dîné avec lui , nous avons ri de sa bonne et franche
gitpté, et si nous aA'ionsun procès dans son département, rous ne vou-
drions pas confier à d'autres mains qu*aux siennes la direction de nos
afTarres. Fiamma n'est pas précisément de sa famille; mais elle s*y est
sans peine acclimatée; et, trop fiere pour être vaine, elle n'a jamais fait
sentir è ces bonnes gens qu'elle n'était pas des leurs. Superbe , indépen-
dante, dédaigneuse des préjugés et des lois sociales, et quelque peu
parente, j'imagine, de la Sylvia de Jarqties^ elle est, comme elle, fille
delà montagne ; le soleil du Midi a échanffé son ame et bronzé sa peau.
Maftre Parqnet, c'est la vie positive, même un peu trop matérielle;
Fiamma, c'est l'idéal , c'est la poésie, la contemplation, le détachement
mondain . Mais commentées deux âmes étrangères, filles de patries si éloi-
gnées, se sont-elles rencontrées? et connnent à la première rencontre
ncse sont-elles pas à jamais séparées? Parqnet a un neveo , ce neveu
aime Fiamma, il en est aimé; Simon est donc le lien des deux natures;
c'est par lui qu'elles communiquent et qu'elles s'entendent. Avocat,
comme son oncle, il songe à l'avenir, il a besoin d'une carrière et feiiil-
fette le HitVelin dps Lot<. Voilà Phomme extérieur; mais Thomme inté-
rieur liabite ailleurs que dans l'étude; ses insli cts sont poétiques : Il
aime la solitude , il s'y délasse , il la cherché; c'etit là quMl a trouvé
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S4S RBVUB DES DEUX MONDES.
Fiamma. Ces deux âmes sœurs se sont bientôt reconnues , elles ne yenlest
plus se séparer; mais si l'idéal les unit, le positif les divise. De là des com-
bats, des larmes , des doutes , une longue attente ; mais les nobles insUodi
re(nporient , la victoire leur reste.
COMMERCE DE L'ILE DE CUBA.
Un économiste distingué, M. Ramond de la Sagra, auteur d'une his-
toire de rile de Cuba, vient de livrer à la publicité de nouveaux doco-
meus statistiques sur cette Ile (1) , dont il a le premier fait connaître tOQlc
l'importance. Nous lui empruntons les résultats suivans, qui démontre-
ront mieux que tous les raisonnemens l'intérêt qu'ont les métropoles
elles-mêmes aux développemens industriels et commerciaux de leon
colonies.
La prospérité croissante du commerce de l'tle de Cuba n'est pas doe
seulement au développement de son industrie agricole, mais bien phis
encore à l'ensemble des mesures protectrices et des réformes introduites
dans l'administration de la douane.
Une révision des tarifs était le premier besoin du commerce. Le gon-
vernement local , loin d'y chercher le moyen d'augmenter les recettes do
fisc, se montra uniquement préoccupé du désir d'accroître l'activité
commerciale, et, par suite, la prospérité du pays.
C'est en partant de cette base qu'il s'efforça d'appeler dans les ports
de rile la concurrence des divers pavillons étrangers, qui assuraient no
débouché aux récoltes, tout en conservant , d'ailleurs , au pavillon e^-
gnol les facilités d'écouler ses approvisionnemens particuliers.
Dans les premières années de l'époque que j'examine, dit l'auteur, le
nombre et l'activité des corsaires, sous le pavillon des nouve^iux étati
indépendans de l'ancienne Amérique espagnole, avaient tellement pan-
(i) Brève idea de la adminutraeion del eommhvîo y de las tentas ffostôt de
Jb ista de Cuhm, durante les annos de iS»6 a i8i4 , par D. BjtinoQ de laSasf*-
Parif, i836. .
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EEVUE. — CHRONIQUE. Si9
lysé les commanications maritimes entre la métropole et Ftle de Cuba ,
qae le gonvememeot de Madrid se vit forcé d'accorder des licences poar
rinirod action des produits espagnols sous pavillon étranger. Cette mesure
eût été un véritable arrêt de mort pour le pavillon espagnol , si lo gouver-
nement local de Tlle de Cuba n'eût mis en œuvre toutes ses ressources pour
en atténuer les inoonvéniens , soit au moyen d'escortes respectables qui^
pendant les années 1827, 1828 et 1829, protégèrent les bâtimens espa-
gnols, soit en réduisant à 3 pour 100 pour le pavillon espagnol le droit
d'entrée , que le pavillon étranger acquittait sur le pied de 24 et de 30
pour 100 y et même de 60 pour 100 lorsqu'il s'agissait de protéger le pla-
cement des farines espagnoles.
L'impulsion donnée à la navigation nationale par ces mesures fut telle,
qu'elle commença par affecter les ressources du trésor.
En 1826, les importations nationales directes étaient descendues à la
somme de ... , 409,353 pesos.
Et les exportations ne dépassaient pas 500,000
Dans la même année, l'importation générale n'excé-
dait pas 2,858,793 p. f.
- £d 1828, cette importation s'éleva à # . . • 4,523,302
En 1829, elle fut d'environ ^ 5,000,000
Le pavillon national, si rare en 1826, introduisit en 1830, en produits
e^Mignols de la Péninsule, une valeur de. •....•• . 3,224,268 p. t
Et exporta pour TE^pagne une valeur à peu près égale.
Le pavillon étranger^ à la même époque, n'introduisit plus, en produits
et la Péninsule, que pour emtiron . • . • • • 1,500,000 p. f.
en opérant un retour d'un peu plus de. ... • 750,000
Les progrès de l'industrie nationale continuèrent. En 1833, le com-
meree espagnol, sous pavillon espagnol, introduisit pour une valeur
de 3,134,071 p. f.
La navigation étrangère, en produits nationaux, se
trouva réduite à une introduction de • é ....••.• « 51,710
et à une exportation de ••...... • • 10,561
En 1834, l'importation sous pavillon espagnol fut de. • 3,407,094 p. f.
Celle provenant de la métropole, sous pavillon étran-
ger, de. ... • . 5,393
U faut avouer que, parmi les mesures citées par l'auteur oomme ayant
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2!M EETUK ABS IMSUX MONUES.
contribué à la profl|iérité réceote de la Hafane , il en est qui témoii^Mat
encore bien plus de l'ignorance profonde de Tamcienne administratki
que des progrès de la nouTelle» telles que Texisience d'anciens droiuii
83 lj2 pour 100 pour rimportation et de 17 pour 106 sur l'eairaciiia
des sucres; telles encore les entraves lisealea mises aux transactioiis <ii
commeroe intérieur de l'Ile ou à la {réqueniaiioD des perla , autres qsi
ceux de la Havane et de Saiot- Yago , ièrinés au eomnaerce extérksr
jusqu'en 1826.
Parmi les améliorât ions qu'il signale se trouve comprise la rédnctiai
du droit sur les sucres à la sortie , qui , de 17 peur 106, sur une èvalni-
tion de 16 réaux l'ârrobe, n'est plus que de 3 réaux (i titre d'impit
municipal) sous pavillon espagnol , et de 4 réaux sobs pavillon étrav^er.
La valeur ofGrielle, servant à la perception de cet impOt, a été réduite
de 16 réaux successivement à 12, à 8 et à 7, alors que le prix véoai
est moBtéde 8 réaux l'arrobe à 16 réaux (1) et au-delà. On a égalenrot
exempté de tout droit de tonnage le&bàtimens entrant etsorta^ sur kH;
la réduction au droit de tonnage est de 20 réaux à 12 réaux par tonneaa
de marchandises, en faveur du pavillon étranger. Une prime de 2 pesoi
est accordée par sortie d'un tonoeau de mélasse sous pavillon étraogec
D'heureuses réformes opérées dans les di0èrentes braocbea de l'ad-
nistration concoururent, avec les modifications apportées au système dei
douanes, à produire une augmentation de recettes, telle que, de 1825 à
Mi<i,lepfltncipBl revenu puUies*élevade3,826^ô&2 p.Là 4,2B4,S28p.f.
En i82f7, il était-de. 5,255,860
Ainsi, en deux années seulement, il y avait une aug-
mentation de I,629,aû8
D'autres branches de revenu donnèrent également de notables aogas»-
tationa, en aorte qu'en trois années, de 1826è 1828, l'augmentation totali
des recettes sur celles de 1825 fut de 6,957,832 p. f.
La progression ne s'est point arrêtée là.
le moavement général da commerce maritime fut.
En 1826, de 28,735,522 p. L
En 4827, de ... • 31,639,047
En 1828, de 32,649,285
(i) En i835, le sucre de la Havane s*ett élevé jusqu'au prix de 9 donrof (aoit
lo francs rairobe] en sucre dit qmefraJo, c*esi à-dire moitié terré et meitièbral.
n faut m chercher U rtisott daas les d'unies que le bill d*éaianei^tioa a fut i
flir ks produits .iUtéci«ar».d«f f Imlaiions bftlanDJqma^
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REm. — CHMiif«a» mt
Les années 1820 et 1830 se tinrent à peu près à ce ni*
Teau ; 1831 et 1832 éprouvèrent quelques réductions ;
1833 remonta au niveau de 1830.
Bn 1834, le mouvemeot commereial s'est élevé à. . . 33,051,255 p. f.
Dans ces dernières années, dit Tauteur, le comaidree maritime de l'île
doit ôtxe estimé sur le pied d'une importation de. . . , 19,000,000 p. f»
et d'une eiportation de 14,000,000
dont la vatear réelle est de plus de 20 millions, ainsi qu'il l'observe,
puisque celte évaluation Qst celle du tarif officiel, inférieur aujourd'hui
pour le socre de beaucoup plus ée moitié à la valeur vénale de celte
4enré«.
Son résumé des exportations de 1834 entre dans le détail ci-après :
Sucre, — 8,408,231 arrobes.
Café, — l,8n,315 (en 1833, 2,500,000 arrobes )•
Miel , — 104,213 boucanis,
ions parler des antres produits dont rexportation eroissante est prouvé»
par Teiemple ci'^après :
Tabac en feuilles exporté en 1828 70,000 arrobes;
en 1830 160,000
Quant an tabac travaillé (cigares et râpé), Texportslion s'est acccrue^
de 1828 à 1834, de 210,000 livres à 616,020 livres; ce qui pron^
qu'abstraction faite de l'énorme consommation locale de ce produit, la
culture en a triplé dans l'espace de six années.
Sous le régime de la ferme, et à l'époque la plus florissante de ce ré-
gime, la fabrique de la Havane n'exporta jamais plus de 110,000 arrobes
par an de tabac en poudre ou en feuilles.
Cette riche culture est susceptible d'un accroissement incalculable
(le septième seulement de l'Ile de Cuba est en culture] , en l'associant à un
sage système de colouisatiou blanche, si nécessaire aujourd'hui à l'Ile de
Cuba pour sa sécurité présente et sa prospérité future. C'est an gouver»
nemeot de couvrir ce système de sa protection diF«cte et^'une coopéra-
tion efficace. Il en résultera de grandes améliorations dans l'état de
Fagriculture , et ce résultat peut seul résoudre les questions aussi con-
troversées que mal posées de la culture confiée à une population libre.
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S32 EETIS HBS DEUX aOHDBS.
REVENUS ET DÉPENSES PUBLIQUES.
Eq 1825, le revenu de Vt\e s^élevait à la somme de. . 5,729,198 p. f.
Ed 1826, après les réformes de son tarif et de ses
autres impôts, à celle de 7,097,986
En 1827, ce revenu s*élèva è 8,460,974
En 1828, — — — à. ... • 9,086,407
En 1829, — — — à 9,142,612
Le revenu des années suivantes s'est toajours maintenu
à peu près sur le pied de 9,000,000
L'intendance de la Havane proprement dite et la sub-
déiégation de Matauzas entrent dans celte somme
pour » • • • 7,000,000p.f.
Ce résultat fut obtenu par une simplification et une réduction des ta-
rifs qui augmentèrent l'importance du mouvement commercial et de k
tonsommation intérieure. On a déjà vu quel accroissement avait pris il
production du tabac Cet accroissement date de l'époque de la suppressioa
des impôts qui grevaient spécialement cette culture»
Don Ramonde laSagra rappelle ici les proportions des diverses aooroes
de revenu public de Cuba, telles qu'il les avait déjà établies dans son grand
ouvrage statistique :
67 2|3 p. 100. Fournis par le commerce maritime, c'esU
à-dire les tarife de douane et les droits
de navigation;
24 1(2 — Contributions territoriales;
2 2|3 — Retenues sur le traitement des fonc-
tionnaires;
t 2(3 — Retenues exercées sur les rentes et re-
venus ecclésiastiques;
8 1|2 — Droits divers.
TOTAt . . 100
En 1834, les droits d'entrée donnèrent 4,405,314 p. f.
Les droits de sortie 692,974
En partant de la base des valeurs officielles , l'importation se
trouve ainsi chargée, sur toutes provenances, d'un droit moyen d'en-
▼iroo , u p. 100
Et l'exportation d'un droit moyen de 4 7(10 —
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EBTDB, — CBaONIQUI. 255
Dans rhistoire statistique de 1*lle de Cuba, écrite en 1831, l'auteur es-
timait le produit net de Tagriculture et de l'industrie locale è la somme
de 32,808,622 p. f.;
supportant un impôt de 5 p. 100.
Aujourd'hui que les produits annuels se sont accrus et que l'impôt a
éprouvé des réductions, le fardeau fiscal ne peut être estimé au-dessus
de 3 p. 100.
L'auteur avait également calculé en 1831 que la consommation de l'Ile
de Coba , tant en prodoits locaux qu'en produits étrangers à sou sol, pou-
vait s*étever à une valeur de. • . • 53,326,406 p. f.
L'auteur fait ici un Calcul d*oà il condut que Fimpôt général ne s'élève
pas au-delà du sixième de la valeur des consommations; mais, d'un autre
côté, il parait que dans ce calcul ne figurent, bien qu'étant à la cliarge
delà colonie, ni les frais d'eutretien du clergé, ni les frais de la corres-
pondance maritime (celle-ci doit rapiiorter), ni les produits delà loterie,
ni les taxes municipales, ni certaines charges attachées à certaines pro-
priétés.
De 1825 à la moitié de 1828, les caisses de la Havane fournirent à l'en-
tretien de Tescadre près de 4,000,000 p. f ., et en outre remirent à la
Péninsule plus de 2,500,000 p. f. : on se trouvait alors menacé d'une dé-
pense annuelle de près de 10,000,000 p. f.
Pour y faire face sans recourir à de nouveaux impôts, on fit de
grandes réformes administratives, et on réduisit les frais de perception à
305,053 p. f., c'est-à-dire à 3 3i4 pour 100 du total des contributions.
En 1829, l'entrée en caisse de la Havane fut de. . . . 7,115,788 p. f.
Mais l'escadre absorba près de 1,500,000
Les traites de la métropole plus de 500,000
La solde des troupes 2,136,714
Enfin les frais de la légation des États-Unis, habituellement défrayée
par le trésor de Cuba, et les dépenses des autres intendances portèrent
le total de la dépense à 9,140,550 p. f.
Dont le service de terre absorba. • . 40 pour 100
L'escadre 17 li4
L'administration civile et autres dé-
penses locales 11 ll4
L'auteur ne spécifie pas remploi du surplus.
En 1830, les dépenses générales de l'Ile s'élevèrent à. . 8,838,214 p. f.
Dont l'escadre et la garnison absorbèrent. • 5,385,826
L'année 1830 termina la période quinquennale de la nouvelle admi-
i^stration, qui ne put réussir à faire face à ses dépenses extraordinaires,
68 1(2 poor 100
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SSS RBVUB DES DBVX MOflDBS.
qu'en raifon de raogmeotailon de 14,444,180 p. f. que les imp^ de
mttt période produisirent par comparaison avec la période de 1821 à
i9S&.
Dans les années suivantes, la réduction des forces navales et des troopes
tfetCinées auparavant à des expéditions en terre ferme permit d'appliquer
«ae partie du revenu public à des dépenses locales commandées par k$
besoins du pays.
£o 1831, le trésor de File remit à la métropole 176,929 p.L
En 1832 339,450
En 1833 823,270
Il existe en outre à la banque d'escompte une réserve de 1,300,000 p. L
L'intendance de la Havane n*a rien épargné pour développer l'india-
Irie particulière, et son concours a été d'autant plus utile, que Ytipiit
d^association a fait peu de progrès dans Ttie de Cuba; Tautorité loctiea
dierché à Tencou rager par des avances.
C'est en partant de ce principe que l'intendance de la Havane a favorisé
rétablissement de paquebots correspondant avec la métropole, a secouru
rintendance de Porto-RIco, a fondé ia banque d'escompte, eia faitbeio-
coup d'autres avances selon le besoin des temps.
Entre les dépenses publiques, l'auteur cite encore et la fondation (fan
grand nombre d'écoles, la création d'un jardin botanique, les prinef et
aecours pour la culture de l'indigo et pour l'extension de celle do cacao,
l'élévation du vers à soie, l'introduction des meilleurs instrumens aratoires
et machines industrielles connues en Europe, la création d'un jooroal
destiné à la propagationdes découvertes utiles, celle d'un «mphiiMre
d'anatomie, d'un cours de clinique, celle d'une école navale, et beaucoup
d'autres dépenses faites en faveur du cabinet d'histoire naturelle de la
nétropole; la reeonsiruction de l'aocienae intendance, la eonsimctioe des
■Mgasins de la douane, celle des cafemes de Guanajay, de San Aatooie,
otBayamo; la vaste caserne de Maianzas et l'hdpital de la Charité da
même lieu; enfin des chemins et des ponts en grand nombre; riotrodoc-
tion des bateaux-dragues dans la baie de la Havane et le port de Matao-
Ms; nne conduite d'eau en fer destinée à fournir aux besoins de la nil^
et qui, à elle seule, mériterait à son auteur une renommée immortelie;
il faut encore ajouter le chemin de fer qui s'exécute en ce moment, da
ehef-lieu à la vallée de los Guiiies. o
Nous terminerons cette notice en donnant un tablean comparatif da
«ommeroe des pOfts dont l'entrée est permise*
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.— caaoïHQaB»
2»
[COMMBaCE DES PORTS DONT L'ENTREE EST PERMISB.
' NOMS DES PORTS.
ZMPOBTATIOVS
BXPOKTATIOV8.
TOTAL
tôt PISUt 9.
HabaoB .
13,374,343
1,151,851
1,278,597
195,515
702,255
32,191
112,111
42,845
67,805
9y609,«56
1,997,852
1,412,359
83,573
627,313
15,921
80,532
81.838
35,186
S2,9»(,201
3,149,703
2,690,955
279,088
1,329,568
48,112
192,643
124,683
102,991
Maianzas. . . ,
1 Cuba
Pac'to Principe
1 Trinidad • • . .
I Baracoa
' Manzanîilo. •••.•.••
1 Gibara
Jagua
IMPORTANCE DU COMMERCE DE CHAQUE NATION
COMMERÇANT AVEC L*1LB OE CUBA.
PAVILLONS.
RAPPORT
avec
LB COMMKRCB TOTAL.
BAPPORT
avw:
oimitikiM.
1 National
États-Uois
France. . . . •
115
1|3
1|15
1|9
1114
1|24
1|6
113
1|18
1|7
lie
1|10
Angleterre
1 Allemagne..
Pays - Bas
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396 RB10B HBS DEUX VOlfDBS.
Chaque individu de la population de 111e exporte
des produits de Ttle pour une valeur de. • . . 15 pesos. 0 réalo*
H reçoit des produits étrangers pour une valeur
de. 22 S
H consomme de ceux-ci pour 19 0
' Il en réexporte pour S S
Et il consomme des deux espèces de produits
pour 73 0
Ainsi y chez une population qui ne dépasse pas de beaucoup sept osot
mille âmes, parmi lesquelles on compte trois cent mille esclaves, le chiflire
de la consommation individuelle doit se calculer sur le pied de près de
400 francs; on peut juger par là combien la consommation des daseï
aisées, dans les diverses colonieS| doit être supérieure à celle des dasiei
analogues en Europe.
y. BULOZ.
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LE MAROC.
I.
AQantpar terre de Cadix à Gibraltar, je me trouvais Tannée
dernière à Tarifa , petite ville plus arabe qu'espagnole , célèbre
par ses voleurs, vrais Bédouins , et par ses belles femmes aux
yeux bleus et aux cheveux blonds, comme les Yalenciennes. As-
sise au point intermédiaire et le plus resserré du détroit, eUe
est à égale distance des deux mers et n'est séparée de TAfriquo
que par quelques lieues. C'est la ville la plus méridionale du con-
tinent européen. Une jetée naturelle, moitié sable et moitié roc,
forme un promontoire aigu à la pointe duquel une petite tie
drculaire est amarrée par un pont; sur cette île est bâti le châ-
teau qui, par sa position, ressemble un peu au château deVOEuf à
Naples. Sentinelle avancée de l'Europe, Tarifa, ville autrefois for-
tifiée, est là comme une vedette placée en observation par la civi-
lisation occidentale, afin de surveiller les mouvemens du monde
africain ; son nom rappelle ce Gusman-el-Bueno, le Junius Brutus
TOME vu* 17
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espagnol, qui aima mieux voir, du haut des remparts conGés i sa
garde, son jeune flls égorgé sous ses yeux, que de livrer la placée
rinfidèle. De tels noms méritent de figurer au livre d'or de l'ho-
manité.
J*étâis là me promenant sur la jetée, par une belle et frakdif
matinée du mois de mai ; le soleil illuminait TQcéaa et teignait (l*on
violet foncé le nuif niique tmplithéâtie des montagnes d* Afrique.
La ville de Tanger brilTail au pfed comme un point blanc. Lèvent
soufflait de Test et assez frais ; la mer d*un bleu ravissant était
grosse ; le détroit bouillonnait comme un large fleuve écumeoL
Malgré la morgue de notre patriotisme occidental, nous ne sau-
rions, nous autres enfans de l'Europe, aborder froidement une
autre partie du monde; c'est du moins ce que j'éprouvai, quasd
a veille j'avais tout d'un coup , et au sortir d'un bois de carrasm,
découvert pour la première fois la côte africaine.
Le cours de mon voyage ne me candhiisait pas en Afrique, mais
de là elle paraissait si belle et j'en étais si près que je fus tenté. Tan-
dis que je dévorais le rivage opposé d*un œ 1 de convoitise, j'aperçus
un faluchoy espèce de felouque à voile latine, mouillé au pied du châ-
teau. Cétait le courrier espagnol de Tanger ; il avait touché i
Tarifa pour y prendre le vice-consul d'Espagne qui se rendait i
son poste, et il levait l'ancre à l'instant même. La tentation était
trop forte, j'y succombai, et me voiià voguant veca l'Afeiiiue.
Deux heures après j'étais dans la baie de Tanger*
Un voyage prémédité perd tout le charme de l'impiéYu; on s'y
préparc d'ordinaire par des informaiions. oirales et par des kcta-
res; cest une méthode détestable^ et qai tue la spontanéité des
impressions; même avant k départ^ les sens sont émott3sés;oB
bien, et c'est pis encore, le spectacle de la réalité £ait regretlcr
les rêves brillans de la fantaîeie. Ici, grâce à Bieu^ je n'avais i
craindre ni désenchantement, ni mécompte : j'abordais l'inconaD
les yeux fermés; j'ignorais si complètement la topographie de res-
pire marocain, que j'avais tenu jusque-là Tang^ pocur un préside
espagnol, comme Ceuta. Une circon^ance prolongea mon erreff
jivqu'au port : d'aussi Imn qne je pus discerner lesobjets de la o6l«,
je vis le pavOIon espagnol flotter sur l'édifice le plus apparent de h
ville-; onponvsnt le prendre pcMir un signe de possession; c'éliîtk
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patviHondnoôBmild'Espagne, qoîi^poiHiaita» signal da courrier et
lui souhaitait la bien- venue : usage touchant dont on ne sentladou*
ceur qu*après avoir mis le pied sur ces terres barbares ; c'est comme
UB Mrremem de main ft-aterBel sur le rivage de FeiîL Une jfbis en
rade ledistingiiaî le oistsnie arabe des marms du pwt, et nés yeux
oefluneauèrent i se desdiler. Use altercation survenue entre les
gSBs de Féqoipage et quelques HwreB qui étateoM à bord du /a-
lucko acbefa de me tes otfvnr^^asequapellaitsiirleprixdupas*
sage, et les Maures avaîeiit le vwbe si haut, malgré leur mauvais
espagBcri, Ms IraitaîMH les cbrétiess de kulr^me^ et d*ewéwtero8
d'uae Tx>ix si hardie et si ralentissante , que je me dis à paît moi :
Ges^sa»^ sMt évidemment (Àm eux. Us y étaient en eÂfét , Ss le
siHtaiem, et pins les Espagnols lonrmieiit à la coMahatioa, plus
les Usures devenaieMt arrogans. Âmsi, en deux heures j'avafa passé
comme par enchantement du monde européen sm «KMule wien*
taly de Tempire de Jésus-Christ à l'empire de Mahomet.
La transition était brusque, et je contemplai d'un œil émerveillé
et tout-à-fait dépaysé les tatdeaux du rivage. L'aspect de Tanger
vu de la mer est bien celui d'une ville moresque telle que je me la
refM*éseiitais. 'Des UMaseas blan^es jetées péle*mâle sur la crête et
aox flancs d'une ooUkie; un minaret kûsaot et carré; des OMiraiBes
crénelées 9 des canons de £er entre les créneaux , des turbaM par-
dessus les canons ; un drapeau rouge, une plage aride, une mer
superbe, le tableau est tout fait. Mais quelque diose en détruit
l'originalité : ce sent les palais des ooasub européens qui écrasent
de leur lui» la ville afrieafaie ; celui d'Espagne, entre autres, a l'air
d'une forteresse et domine tout ce qui l'eatoure.
0 ne me fut pas iacSede prendre terre. Nid étranger ne peut
mettre le pied dans Tonpire de Maroc, sans rautorisation expresse
du sultan ou des oAiciers qui le représentent. Or cette autorisa-
tion se faisait attendre» la mer était grosse , je souffrais à lM»rd,
je per^ patteace : sautant de force du faiuchQ dans le canot,
je me fia conduire à terre à mes risques et périls» malgré les quinae
ou vingt canons braqués sur les murulles ; ils ne tonnèrent
point contre amI, faute de discipMne sans doute, et aussi de ca-
nonniers. Entrant dans l'eau jusqu'à la ceinture pour venir à ma
rencontre, un marin maure de six pieds de haut et à demi nu, me
chargea rigoureusement sur ses épaules pour débarquer. Allah
17.
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260 RETUB hES DEUX MONDES.
est grand et Mahomet est son prophète ! Dieu des chrétieiiSy proté-
gez-moi I
Je fus à Tins tant environné d*un peuple de matelots nus ou peu
s'en faut y qui me toisaient de la tète aux pieds d'un air farouche,
échangeaient entre eux des vociférations gutturales peu pro-
pres à me rassurer. Seul sur la grève infidèle , je ne savais trop
quelle contenance faire au milieu de ce troupeau sauvage dont le
berger me contemplait de loin, d'un œil tout aussi peu hospitalier.
Ce berger est le capitaine du port, Raïs-eUMarsa , Tun des hauts di-
gnitaires de la ville de Tanger. D était accroupi à l'écart sur une
natte de jonc, occupé sans doute à méditer dans sa barbe blanche
sur l'audacieuse infraction dont je venais de me rendre coupable
contre les lois de l'empire en débarquant sans licence; j'ai su de-
puis qu'il attendait mon cadeau.
Car on a beau prier et lever son chapeau.
On n'entre point chez lui sans graisser le marteau.
Comme j'étais là dans l'expectative, sans trucheman pour me
faire entendre et sans rien comprendre moi-même, un jeune Juif
vêtu du noir soulam^ comme ils le sont tous, perça la foule et
vint droit à moi. H m'adressa la parole en français, et jamais musi-
que ne fut plus douce à mon oreille. C'était un interprète du con-
sulat de France ; le consul, informé de mon arrivée, l'envoyait pour
me recevoir , en attendant qu'il vint lui-même avec la licence do
katd ou gouverneur. Le drogman me tira des mains des Philistins
et me conduisit dans une espèce de hangar où les nouveaux dé-
barqués font antichambre ; ce hangar est à c6té de la douane, dont
le chef, Amîn (1), autre grand fonctionnaire de Tanger, était ac-
croupi sur sa natte, au milieu d'une vingtaine de soldats indolens;
autant de longues escopettes de sept pieds étaient accrochées i la
muraille comme à un râtelier. La vue de ce corps-de-garde me
reporta à celui que M. Decamps avait exposé au salon l'année pré-
cédente, et qui dès-lors m'avait frappé comme par pressentiaient.
(f) VÀndn est à la fois administrateur des rentes, intendant des finances, pereeptesr
des Impôts, payeur provincial et directeur des douanes.
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LE MAROC. 3S1
Le chef de la douane, beau yieiflard septuagénaire, portait avec
dignité son grand haïk blanc et son turban de mousseline, sur-
monté de la calotte rouge. Je remarquai qu*il fumait seul ; Tusage
de la pipe est loin d'être aussi général au Maroc que chez les Turcs.
Le vieux renard me lorgnait du coin de l'œil, comme s'il eût craint
que je ne dérobasse à sa surveillance quelque trésor précieux.
Cependant il se montra plus poli que ne le sont nos douanes civili-
sées; fl ne me Gt point subir de visite, et procéda comme le vieux
botaniste de Goethe, oculis non manibus. L'inspection du reste eût
été fecile et bientôt faite : mon mince bagage de voyageur m'avait
précédé par mer de Cadix à Gibraltar, et je m'étais embarqué à
Tarifa comme je m'y trouvais, c'est-à-dire plus qu'à la légère et la
bourse assez plate. La perspective d'être volé fait qu en Espagne
on ne porte sur soi , d'une ville à l'autre, que tout juste ce qu'il
faut d'argent pour le voyage; si l'on change ses plans en route, en
est souvent embarrassé.
Notre consul, M. Méchain, qui est en même temps chargé d'affai-
res, ne tarda pas à venir me joindre sous le hangar où j'étais pri-
sonnier, et me tira de captivité. Si j'avais attendu pour débarquer
l'autorisation du kaîd , j'aurais attendu long-temps , car il était à la
campagne et n'en devait revenir que le soir. Le consul m'introduisit
dans la ville sous sa propre responsabilité. Je ne saurais assez me
louer des procédés de M. Méchain. Je tombais là du ciel , seul , assez
mal éqoipé, et peut-être même un peu suspect; il ne m'en fit pas
moins bon accueil, et durant tout mon séjour il poussa l'hospitalité
aussi loin qu'elle peut aller. Ma bourse épuisée, et elle le fut bientôt
sur cette terre d'autant plus avide qu'elle est plus misérable, il
m'ouvrit la sienne, sans autre garantie que l'honneur d'un inconnu ,
oiseau de passage qu'il voyait pour la première fois. Les voyageurs
sentiront le prix d'un tel service.
Si Tanger n'est plus un préside européen , il l'a été jusque vers la
fin du XVII* siècle , époque où il fut abandonné par les Anglais , qui
le tenaient des Portugais. Ds eurent soin, en se retirant, de ruiner le
môle, qui depuis n'a jamais été relevé, ce qui rend le mouillage peu
sûr contre les vents d'ouest. Protégé de l'autre côté par la pointe
de Malabatte, en arabe Aa«-e/-ilfefiar(capdu phare), il l'est beaucoup
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9âi RBTUE DBS MA MONDES.
pies €6fltre les vents moins dangereux de Test. A« départ desia-
glaisy Tanger rentra sohs Tobéissance des sultans du Maroc, et 7
est resté. Cest une yille de neof à dix mille babitans, dom un da»
qméme à pen près est composé de Juife. Les Joifs n y sont pas ren-
fermés, comme ailleurs, dans un quartier à part; ils sont libres et
Tirent confondus arec la population maure. Ds ne se distâigaeiit
d*elle que par le vêtement; toutes les couleurs vires leur saut
interdites; ils sont condamnés au notr, en signe d*opprobre etds
servitude. En Espagne, ils étaient condamnés au jaune; ils neit
fait que changer de fivrée, ils n*ont pas changé de cofiditk>n; et li
les musulmans ne les brûlent pas, ils les abreuvent d'outrages.
La première chose que je vis en entrant dans la ville infidèle M
un petit Maure de neuf à dix ans qui tirait par sa barbe Manches
vieux Juif bien humble et bien résigné; et comme le fils d'Isnél
n'Atait pas assez vite ses babouches en passant devant la mosqoée,
un soldat lui alongea un coup de pied sans se déranger de son che-
min, et une vieille femme souleva son voile pour liu eracher ta
visage. Le pauvre Hébreu souffrait tons ces mépris sans miinirare;
la moindre velléité de résistance pouvait lui coûter la vie ; on Fav»
rait assommé sous le bftton. Il s*échappa à travers un dédale <k
petites rues étroites et tortueuses, et mit ainsi fin à sa perséculioa^
Encore dut-il s'estimer heureux de s'en être tiré à si bon marcM;
il s'en fallut de quelques minutes à peine qu'il ne tombfti au anlea
d'une procession de lemàoncha ou Hamdoucha, et alors c'eût été
bien pis : le malheureux courait risque d'être massacré. Les lei»-
doucha suivent la loi de lemadscha; ils forment une secte poa»
santé et la plus redoutée peut-être de tout l'empire. Le ha*
sard me servait bien en me les faisant rencontrer dès le début,
quoique la rencontre ne soit jamais sans danger. On ne peut rien is
figurer de plus sauvage. Le chef, en maure mukaddeni, était «a
grand vieillard enveloppé tout entier dans un vaste haïk. 11 mon-
tait un cheval blanc et portait un étendard à la main, comme les
hermandades espagnoles, qui n*ont peut-être pas d'autre origine; 3
affectait une majestueuse nnmobtlité , tandis que 8e8 suivans, à pied
et demi-nus, exécutaient au son de la musette [aguat) et du tam-
bour (ttbel (1)) des danses ou phitAt des trépignemens de possédés.
M Mtaeuetemeatleèiiiêfiéilttitrcmeiisdaiif feroy&ii^ titUUkt
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Rangés an^oir du «nkaddeoi, et te t4t0 C0ttrb4f m avant ju«^
ga'aux jambea «if 9oa cheval, i}« s'abandoAaaiaiU, avac une furem*
qui alÛc jos^n^au vertige» aux mo^veiaew les plus boarres, et
toal leur ooi?ps se tordait en ceAtorsioas fo éoétiques* Au lieu d^
kfi ealmer, la auieique ne feiaait que les exciter, eo piiécipitaut la
Qiasare, et le peuple les aaioiaît enecH-e par aes oris.
Dans cet état ^'irritation, les lemdoucha devienseul féroces* Os
se jettent sur les animaux; ils les déchirent avec les dents et les
^es, et les aiangeat ainsi crus et sanglaos. J'en « vu dépecer
ds eette manière un mouton ; oa en a vu dévorer jusqu^à des àoea.
Cestli du reste lewr spéeiafité et leur auperstitiou particulière. U$
se vantent en outre» nouveaux Psyles et 61a peut-être des ancieua,
de touckM^ iavpunéiaei^ & to«s les poisons, et ils jouent sur les placent
pabliques avec des serpens. A défaut d'animaux, ils se ruent queV
qoefois sur les Jiuifs, pour lesquels ils sont, w le conçdt, un oki^
d'épouvante ; le pevqde d'Israël se cadie en tremblant, à la pre^
mière note de la formidable musette. U n'est pas prudent non plus
poor les chrétiens de se trouver sur le passa|;c de ces forcenés, et
ea les évke soigneusement. Leur rage est quelquefois telle qu'op
estoU^é de leur f«re une baie de deux rangs de soldats pour lee
contenir. H parait que toute cette fureur carnassière est jouée, eC
les esprits forts parlent dea lemdoucha cooune d'une secte qui
exploite par ces simagrées effroyables la crédulité du peuple.
Quoi qu'il ea scHt, Ss sont en grande vénération; et pressée autour
du mukaddem toujours impassible et muet, la population lui baisait
reKgieuseaient le g^AOu. n faisait, ce jour-là, son entrée & Tanger;
le soir il y eut de nouvelles processions aux flambeaux et foro^
coups de fusils» comme aux processions espagnoles.
Ces sectes ou confréries sont nombreuses m Maroci je ne sa%*
fais (fire en <pioi eUes diffèrent. J'ai vu une procession d'Àimout^
sectataura de Sidi Ben-Am; ils m'ont paru naoina féroces que
les lemdoucha, et on dît les GUala plus doux encore. Les Aîsaoua
ont un vaste sanctuaire à Fez; c'est la maison centrale de la
communauté; vers le mois de juillc^t» ils se rendent par grandes
tfipMli $mkaié. AiaatkMtaàHiûeflkM^, lUIs la BWNite MtNtanM as bomm
ekaramita. Peat-étre les orientalistes lui troaveroat-Us qœlqaa éljnMtogie araba qn»
Hffoea» Je afiwiiiae m pamat qna^laipfcteaet lafflMtd tawJbâarg la petit amurtaii la
■*ippeUe haUa,
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264 REVUE DES DEUX MONDES.
troupes dans la province méridionale de Sous; ils y font pro-
vision de serpensy et se répandent de là dans toutes les parties
de Tempire. Une quatrième secte, celle des Ahmaicha, a des attribats i
que j'ignore, et les Derkaoua sont des espèces de déistes qui coq-
rent les villes et les campagnes, habillés en arlequins. La déro-
tion des Gdèles se traduit en offrandes de toute espèce; les riches
apportent de l'argent, les pauvres des dons en nature.
A cAté de ces saintetés collectives, il y en a de solitaires, cesoat
les santons, sorte d'ermites qui vivent au désert et quelquefofa
dans les villes, mais seuls et à l'écart, n y en a de trois espèces: les
fous ou idiots, qui sont en grande vénération chez les Maures el
tenus pour saints (1) ; les fanatiques de bonne foi, et les imposteurs
comme partout. Tout leur est permis , et ils peuvent se passer im-
punément leurs caprices. Une nouvelle mariée, s'en revenant de h
mosquée, traversait la place de Tanger ; un santon s'approche d'eDe
et s'en empare; le mari, spectateur de l'événement, dut se tenir
pour très honoré: sa femme était béatifiée. Un autre santon fît son
choix dans un essaim de jeunes filles qui revenaient du bain;i(
tomba par hasard sur la plus belle, et très flattée de la préféreDoe,
la victime si brutalement immolée reçut les félicitations de ses
compagnes et de sa famille. Il parait qu'il y a aussi des santons
femelles : on en cite une qui avait dévoué sa beauté au service des
passans. La sainte courtisane tenait son mystique boudoir sor b
route de Saffi(2)I
Je rencontrais tous les jours à Tanger un vieu'x santon (cdoi-
là était imbécille] , qui courait les rues ses babouches à la main
en poussant des hurlemens féroces; ses poumons résistaient i
ce métier depuis vingt ans. Attirée par ses horribles cris, lapopo-
lation accourait, les femmes surtout, et elles baisaient cette main
sale et décharnée avec une piété fervente. Quand elles manquaient
la main, elles baisaient la robe. Leur action avait d'autant plm
(1) La même superstition s'attache aux crétins du Valais. On félicite la maison oàl
en nait, et il n'en naît que trop; cela doit lui porter bonheur. 11 y a quelque clMsede
touchant dans ce préjugé populaire , qui prend sous sa protecUon les êtres maltraités pv
la niture. Ce n'est au fond que de la charité. ' l
(t) En Justice le témoignage d'une sainte compte comme celai d'un homme, tandis^ |y
pour les simples morteUes, 11 en fitut six à sept pour faire on témoin.
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LB KÀROG. 265
de mérite qu'elles Texécataient presque au péril de leur vie, car
rkliot faisait le moulinet avec un long bâton, et malheur aux
têtes qu'il atteignait I Cependant il frappait de préférence les robes
noires, c'estrà-dire les Juifs; c'était chez cette béte fauve une
affaire d'instinct. Moi-même , un jour, je faillis être frappé en
descendant l'escalier du consulat de Suéde; mais le coup qui ne
m*était pas destiné, ne Gt que m'efDeurer et alla droit à son
adresse, c*est-i-dire sur la tête d'un enfant d'Israël. Je ne sais
quel blasphème la douleur arracha au patient, mais je le vis saisir
et tratner devant la boutique du muhtesibj chef de la police; pour
lui guérir la tête, on lui administra cinquante coups de courroie
sous la plante des pieds. J'eus le regret d'apprendre trop tard
qu'avec quelques onces (1) , j'aurais pu sauver du knout le pauvre
Hébreu.
Ce santon bâtonnier est le même, j'imagine, qui s'attaqua, il y a
environ quinze ans, au consul de France, lequel était alors
M. Sourdeau ; terrassé en pleine rue d'un coup de bâton sur la
tête, le consul demanda satisfaction à Muley-Suleiman qui régnait
encore, et exigea que le coupable lui fût livré aGn de venger sur
lui cet outrage au droit des gens. Le sultan répondit au consul
par une lettre restée célèbre dans le corps consulaire; en voici la
traduction :
ff Au nom de Dieu clément et miséricordieux. D n'y a ni puis-
sance, ni force, sinon avec Dieu très haut, très grand, ameni
Consul de la nation française, Sourdeau ! salut à qui marche dan?
le droit sentier I Comme tu es notre hôte, sous notre protection, et
consul d*une grande nation dans notre empire, nous ne te pou-
vons souhaiter que la plus haute considération et les plus sublimes
honneurs. Tu comprendras, par là, que ce qui t'est arrivé nous a
paru intolérable, quand bien même c'eût été par la faute du plus
cher de nos fils et amis. Quoiqu'on ne puisse faire obstacle aux
décrets de la divine Providence, il ne peut nous être agréable
qu*un semblable traitement soit fait, même au plus vil des hommes,
pas même aux bêtes; et certainement nous ne manquerons pas.
Dieu voulant, d'en faire sévère justice. Toutefois, vous autres
(f) L'once du Maroc est une mauvaise petite monnaie d*argent, mal frappée et toute
taUlftdée» qui vaut 35 centimes. 11 ne jEaut donc pas la confondre avec Tonce espagnole,
qui vaut S4 Drancs.
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mO BBYUE DBS mKji kOMDBS.
fjhrédéàs, Hf(m atezle coètir evràf à k p9A6, et t6«s «les M»
^àUens Mt Injare», i FeÉéiliple dé rotré proj^èM i(tte Biet lil
èii ^oilré, ft^tt^, fils de liane, lelq«èi, daA^ te liVire ^H vMflip-
poiia an noih de tHeti, Votiâ àMtoaAdé , si qticl[}ii*ifn v^as frâfpe
ÈfOLT tme jôue, de pirésenler ràutre. Lui-lî^éftie, que Diai bé&îae
êtertieDeittdiit, ne se défendit point quand tes Jnifis tiàrem pour fc
tner, et c'c* ptmrqnoi Wen le retira à !ni. Dais notre livre, 9 M
dH pat la boncfae ùt Autre pt'ophètè que nni penpte ne se rappiv-
clrera plus des rrais croyans dans la diaritèqne ceta ^ri dbétt :
Motis Sommes chi^éHens ; et cela est très vrai, poisqn*!! y a pinA
tfùx des prêtres et saints honnnes qni ne s'enflent point d'orgid.
Kotre prophète nos(s dit encore qu'il est trois sortes de peMiflÉ»
doint il ne fknt pàintfmpnter à crime les actions, savoir : llftsené
jusqu'à ce que le bon sens lui revienne, le petit enfant, et riiaimiiê
qui tlort. Maintenant cet boÉime qui t*a outragé est insensé et il
ti*a pas de jugement. Cependant nous avons décrété que jnsdoèle
toit feite de son ttrtné. Si pourtant tu lui pardonnes, tu fer»
tMvre dtiomme magnanime et tu seras récompensé par le très
tiriséricordieux. Mais si tù veux absolument que justice te soit
Cïite dans ce monde, cela sera en ton pouvoir, afin que personne
^ans notre empire ne craigne ni injustice, m voies de fah; «fec
l'aide de Dieu, etc. Le 12 djumàdWl-Uam 1235 de Fhégire (28 flttrs
1820). »
Que pouvait le consul après un sermon si adroitement magiB-
nime? D dut se rendre à la clémence sous peine de perdre le ton
chrétien dans Fesprit du barbare, et voilà comment, quinze ans
plus tard, le même bâton, conduit par la même meSn, m'eflMra
la tête au même lieu.
On parle, sur toute la côte de Barbarie, d'un consti angNs
Ireaucoup moins endurant, c'est delui de Tripoli. Un corsaii^ tri-
potitain était accusé d'avoir couru sur un bâtiment britanniqae;
rédamé par le cot^sul, il hfi fàt fivré ; en vain le malhetireux ôqpi-
taine affirmait-fl qaH s'était trompé de paviBon et qu'il avait ré-
paré son erreur atfssitôt quH l'aVait reconnue ; en vaSik M f^BODie
et ses enfens vttfrent-fis se jeter aut pieds du constd , l%ilèsUe
Breton fit impitoyablement pendre le coupable à la vergue de son
propre navire. Uactioa est durey mais peulrêtre était-dle nécei*
saire ; ces barbares ne connaissent d'autre frein que te
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LE MAROC. 'WT
D parak, poor en revenir à Suleiman, que 8*flaTaît des imfmm
de perMaaioo sur lee oonsub, il n'en avait pas de moina puissaw
aor levure moitiéa. Un conaul seirouvant i Fez avec sa tenme, qv
était jeniie et jolie; le sultan leur fit en personne les hmnenrs do
son pakûs avec «me courtoise tout-i-fait chevaleresque. BientAt on
s'aperçut que madame la coasule était restée en arriére , elle s*étidt
sans doute oubliée dans quelque appartement du harem; mais le
èasard voulut que sa miyesté marocaine eût disparu en oiéme temps.
Labs^K» se pr<dongea, et quelle qu'en fût la cause, le ooiqde
égaré reparut ensemble ; la belle étrangère avait au cou un riche
oolier de perles. Du reste, Suleîman se piquait peu d'orthodcoûe eo
feit d'amour ; en même temps qu'il passait des colliers au oou des
chrélieunesy il rendait hommage à la beauté des filles d'Israël. D se
trouvait i Tanger en 1821 ; deux jeunes Hébreux se présentèrent
devant loi pour vider un différend assez bizarre : ils étaient amou»
reux de la même femme , et comme elle hésitait entre eux, Isis
deux poursuivans demandèrent que le sultan intervint et la fixât
dans son choix. La jeune fiUe en litige était belle, Suleiman s'en
aperçut; il passa avec elle dans un appartement voisin sous pré-
texte de l'examiner {dus i son aise , et fit dire aux rivaux qui
atteadaieiii son arr^ avec anxiété, que, ne voulant pas sacrifier
Ton des deux à l'autre, il gardait pour lui la pomme de discorde.
Plttsorthodoxes que le monarque,les santons ne pousseraient pas
^ loia la oonvoidse, ils craindraient de compromettre leur sainteté
60 sacrifiant aux femmes étrangères. C'est qu'aussi leurs faveurs
sont plus précieuses et leurs dons trop magnifiques pour être pro-
digués aux filles des idolâtres . Ce ne sont pas des colliers qu'ils
doouent en échange d'un instant d'ivresse, c'est la clé du paradis
et des brevets de béatitude, n est vrai qu'ils donnent aussi des coups
de bâton. Biais c'est encore là une grâce particulière, et quand le
blton sacré tombe sur un croyant, le croyani baise avec grati-
tude la main qm a daigné frappe r.
Tous les santons ne eool pas fous ou vdi^ytueux, la majorité
exerce des industries moins excentriques; ils font, en général, le
laétier de prophètes et d'inspirés ; leur rèle les rapproche beaucoup
de nos meiges, ou sorciers de viUages. Bs ont des paroles magiques
pour co^urer les esprits malCsisans, et d'infaillibles recettes con^
tre les maladies des bestiaux et des hommes. On vient les coa^
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368 EEVUE DES DEUX UONDES.
sulter de loin» et on ne vient pas les mains vides. Tour à tour
sur le trépied ou dans l'écurie, hier ils purgeaient un chameaa,
aujourd'hui ils prophétisent les destinées du monde. Dans rin-
tervalle de leurs fonctions, ils prient, jeûnent, et se livrent aui
douceurs de la vie contemplative , sans souci du lendemain. Chose
étrange I leur sainteté est héréditaire! —on a vu qu'ils ne foot
pas VŒU de célibat; — elle passe du père aux enfens comme m
titre de noblesse; le flls d'un santon est santon, comme le Ok d*QB
marquis est marquis; c'est le trait le plus curieux de cette singu-
lière institution. Peut-être n'est-ce là qu'une application du prin-
cipe des castes héréditaires de l'antique Egypte. Je ne sache ries
d'analogue dans les coutumes religieuses de l'Europe.
La demeure des santons est réputée sainte ; un drapeau rouge
la signale à la vénération publique, et les Juifs doivent passer
devant, pieds nus, conune devant les mosquées. Leur mort est
regardée comme une calamité publique. On les enterre tantôt ao
bord des chemins, tantôt sur les montagnes, et dans les lieux
retirés et solitaires; leurs tombeaux, également ombragés d'un
drapeau rouge, deviennent des lieux de pèlerinage dont l'approcbe
est interdite aux infidèles. Ce sont aussi des lieux d'asile au seuil
desquels expirent toutes les lois humaines, et qui rendent inviolable
quiconque s'y réfugie. Le plus audacieux tyran n'oserait en arra-
cher un criminel. C'est le droit d'asile des temples de la Grèce et
des églises du moyen-&ge. Partout l'homme a senti le besoin d*é-
chapper à la tyrannie de Thomme; poursuivi par la sodété, il se
réfugie au sein de Dieu.
La vénération du peuple maure pour ses santons prouve la vira-
cité de sa foi et son attachement aux croyances religieuses. Der-
nier rameau de l'arbre musulman, et le plus éloigné du centre, 0
est séparé par l'Afrique entière du tombeau de son prophète, mais
l'épouvantable distance et les innombrables dangers du voyage De
l'empêchent pas de faire, lui aussi, son pèlerinage à la Mecque.
Un simple coup d'œil jeté sur la carte peut donner une idée des
fatigues et des périls de cette gigantesque entreprise. Chaque an-
née la sainte caravane part de Fez sous la conduite de Vernira"
hodjahs, espèce de dictateur investi, durant tout le voyage, d'une
nutorité absolue. Elle franchit le petit Atlas et pénètre dans k*
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LE HAROC. 269
désert d'Angad; laissant sur la gauche Alger, Tunis et les antres
villes de la c6te, elle marche droit sur Tripoli et de là sur TËgypte
à travers ce périlleux désert de Barca, peuplé de Bédouins tou^-
jours prêts à dévaliser les pèlerins. Enfin la caravane passe l'isthme,
elle entre en Arabie, et, après un voyage de près de deux mille
lieues, elle arrive à la Mecque pour la grande fête du Korban.
Chaque pèlerin, quels que soient sa fortune et son rang, prend alors
et garde le reste de ses jours ce titre honorifique de hadji, dont
les musulmans sont si jaloux; il a le droit aussi de porter un tur-
ban particulier.
Certes, il faut une foi bien forte pour arracher à leur indolence
naturelle ces tribus paresseuses et les emporter ainsi à travers la
terre, et cela pour une idée; mais toute puissance n'appartient-
elle pas à Fidée? N'est-ce pas l'idée qui fait les miracles?
Toutefois, depuis que les Wahabites, espèce de Sociniens maho-
métans, ont pris la Mecque et pillé ses trésors, le pèlerinage est
moins fréquenté; les Maures qui le tentent sont de jour en jour
moins nombreux, et si quelque révolution ne vient pas rendre le
tombeau du prophète à l'orthodoxie, le pèlerinage finira par tomber
tout-à-fait en désuétude.
Quoique le centre de l'islamisme soit déjà livré à l'incrédulité, les
extrémités sont encore croyantes; les Maures sont dévots jus-
qu'au fanatisme. Attisée par le voisinage et par de vieilles ran-
cunes, la haine du nom chrétien est ardente et vivace au cœur des
Maures. Tanger est, sous ce rapport, une ville d'exception; la
présence des consuls dont elle est la résidence, a accoutumé les
yeux de la population à nos habits et à nos usages. H y a plus de
vingt ans que l'esclavage des chrétiens est aboli dans toute l'éten-
due de l'empire.
Indépendamment des consuls , on compte une vingtaine de fa-
milles européennes établies à Tanger à Fombre des pavillons con-
sulaires, n y a même un couvent desservi par deux franciscains
espagnols, lesquels constituent tout le clergé chrétien du Maroc.
Les deux moines sont d'humeur fort dissemblable, l'un est un
homme du siècle qui mène joyeuse vie et boit comme un templier ;
l'autre fuit le monde et vit dans la solitude. Il s'est construit au
milieu du cimetière chrétien une petite hutte de feuillage, et c'est
dans cette Thébaïde qu'il passe toutes ses journées en méditations
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370 REVUE ras racx mondes.
et ettpriàres. Janais les cafmes du sert wm wémànm dans m
missîM commune deuxctrtctères plus opposés. B os'a pmrs qie les
llaares oui plus de respea pour le solîtaire; les dirons aineot
raieud le aMndaiflb
La première chose qw frappe Tceileiiropéen dans une riDe artbe,
c'est le eosluise. Celui du Maroc est piaoresque, nais skmph, H(ê
cela il diffère de edui des Algériens, qui est rielie et somptseoL
Les Maures oocidentaux sont restés j^hs près de ranSique simpii-
cité; ils ne portent sur eux ni or ni pierres précieuses. La pièce
principîde et vraiment origifiale du costume marocain, ceHeqsiloi
imprime son caractère particidier, est le kaïk , longue robe de iain
blanche, très amj^, qui envelop^ tout le corps, qui ressenUe
exactement à la toge romaine, et unit comme elle la grâce à la mi-
jesté. Le haïk est fait d'une étoffe souple, qui suit les mouvemens
sans les gêner, et donne à la démarche je ne sais quoi de grave e(
de posé qui sied mieux , disent les Maures, à la dignité de rhomme.
Cette toge appartient à toutes les dasses, depuis le sultan jusqu'il
dernier manœuvre; mais coumie die est assez chère, eHe n*est guère
portée que par les gens aisés, et annonce une certaine fortune. Ob
porte dessous un large caleçon blanc et un caftan serré aux flaics
par une ceinture de soie. La chaussure est la babouche jaune sa la
botte de même couleur. La coiffure est le turban.
Le vêtement du campagnard et du citadin pauvre se compose
d'une grosse robe de toile ou de laine, qu'on met par la tète,
comme un sac, et qui descend un peu plus bas que le genon. Oo
n*a là-dessous ni cheuùse ni caleçon; aussi la toilette d'un ifaore
est-elle bientte faite. Ce sarrau rustique se nomaie dpéaM;'ûes^
d'un usage universel. Les Juifs portent le soulam moir, agrafe sur
l'épaule, et vottt nu4ête.
Les femmes maures portent toutes le haïk, les riches coaune
les pauvres; elles s'en couvrent la tête en guise de vo3e, de na-
nière à ne laisser hbres que les yeux. Vue par derrière, cette coif-
fure rappelle un peu celle qu'on prête à nos antiques druidesses.
Quelques-unes portent un large chapeau de paille. Souvent les
femmes n ont pas d'autre vêtement que le haïk ; et comme le hA
des femmes est d'une étoffe plus Gne que celui des hommes, quoique
ample et onduleux^ ce costume n'en accuse pas moins fort souvent
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éÊê "tatnmB k yrm dirG ^mi utirsyantes. On màt que rembcm-
point est la première condition de la beauté norescpie; les plus
grottes soBt les phu belh». Pour adie^^r de «e défigurer^, elles
s'«arf«eloppeitt les jambes de ^tasMielettes de toile affreuses à voir.
Je ne :8a«rais porter ^e des ^feannes que j'ai pu rencontrer dans
les rues on dans les ^champs. Les mystères de rintérieur sont
iaascessiUes aux Européens eneore pliw qu^aux enfans da pro^
{Hièle.
La diose qui frappe le plus^ après le costame, c'est le sflence. II
est tel qu'on se croin^ au rillage; encore le yillage a4^{l sa cloche,
h Tille musufanane n'en a poinu De deux heures en deux heures, le
nauétin monte sur le minaret (soma); il arbore un étendard blanc,
et appelle le peuple à la prière d'une voix monotone et tremblottante.
On ne peut rien entendre de plus triste que cette voix aérienne,
surtout la nuit. Tanger n'a qu'une mosquée un peu apparente, qui
est sunncHitée d^nn haut minaret carré, recouvert de briques
T»tes, qu'on voit reluire au soleil comme les écailles d'un lézard
gigantesque. La mosquée n'a pas de porte. Les croyans y pénètrent
à toute heure du jour et de la nuit en laissant leurs babouches à
rentrée. Je n'ai pas remarqué que le prêtre portât un costume
particulier; n^see qui ne m'a point échappé, c'est le regard dé-
vorant qu'il jetait sur moi toutes les fois que je passais devant sa
mosquée; ce qui l'indignait le plus, c'était de me voir garder mes
bettes. Quanta s'introduire dans le sanctuaire, il n'y faut pas même
songear; im chrétien qui entre volontairement dans une mosquée est
ausilAt conduit chez le kadi, et n'a d'autre alternative que Tab-
jiralion-ottta mort. Là-deesus la loi mahométane est si rigide,
que c'est jpur une laveur toute spéciale que les ambassadeurs ob-
tisaBem du sultan de Constantiiiopie de visiter une fois Sainte-So-
phie. B est d*u«sge d'en ftÉre la dmnande à l'audience de réception.
Le peuple turc ne voit pas -sans horreur cette profanation; on con-
naît ee trait d'une femme qui sauta furieuse à la face de l'am-
bassadeur russe et le SMffieta, parce qu'étant dans la mosquée,
il avait, sans y prendre garde, craché par terre. AuHaroc, ce
israit bien pis, et il n'y a pas d'ambassadeur, si puissant fût-il,
qid osât flores la consigne. D fallait voir l'attitude menaçante des
ftossaus lotv^n je me permeuais seulement d'approcher du seuil
impé pMT aiiMx votr l'intérieur. Je ne itérais pas resté là impu-
\on
»^
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Goc
272 REVUE BBS DEUX MOIfDES.
nément, et Tanger pourtant est de tout l'empire la ville la plus
familiarisée avec la vue des chrétiens.
Tanger, en arabe Tangia, n'est pas une belle ville, tant 8*en faut.
Les maisons sont basses, irréguliéres, mal bâties et totalement
dénuées d'architecture. Elles sont toutes taillées sur le même pa-
tron : c'est une grosse masse carrée, sans jour extérieur, avec
une terrasse pour toit, le tout passé à la chaux; on conçoit que
ces grands cubes blancs et uniformes ne soient pas fort gais i
voir et qu'ils ne jettent pas beaucoup de variété dans une viBe.
Les maisons se ressemblent à l'intérieur , comme elles se ressem-
blent au dehors; elles ont toutes, ainsi qu'à Pompm, une cour
carrée sur laquelle s'ouvrent un rez-de-chaussée et un pronier
étage, soigneusement clos par de lourdes portes ferrées et ver-
rouillées. Quelques-unes de ces cours sont ombragées de vignes
ou de figuiers.
Les rues, ou plutôt les sentiers qui serpentent entre ces jalouses
forteresses , sont étroites , tortueuses , pleines de cailloux et d'im-
mondices. Une seule rue passable et assez droite traverse toute
la ville du haut en bas, et descend à la marine. Cette rue est
coupée en deux par une place, la seule de Tanger, et bordée
dans sa partie supérieure de deux rangs de boutiques. La phoe
en est aussi environnée : c'est le Palais-Royal de Tanger. Hiis
quelle saleté 1 quelles odeurs I La boutique maure est une espèœ
d'antre noir et profond, creusé dans le mur, sans porte, aYec
une fenêtre à hauteur d'appui où la marchandise est étalée, et
par laquelle on sert le chaland qui reste en dehors. Gravemeot
accroupi sous Tauvent, le flegmatique vendeur attend la prati-
que en fumant le kif ou le hachichia, deux plantes qui rempla-
cent le tabac chez les Maures. Toutes les boutiques sont tenues par
les hommes ; les femmes ne sont pas jugées dignes d'un si haut
emploi. Véritables bétes de somme, elles portent l'eau et. le bois;
on s'en sert aussi pour tourner la meule des moulins, et mémeoB
en voit à la charrue, attelées à côté d'un âne ou d'un mulet, et
partageant avec eux le dur labeur et les coups d'aiguiUon.
Ce qu'on prend souvent pour une boutique. est un tribunal ou on
bureau public. Les hauts fonctionnaires siègent accroupis àlafenétre
comme le boutiquier : c'est là que le keuii rend la justice, et que le
muhiesib fait la police. On amène le délinquant, le cas est exposé
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LE KÀROC. 273
sans phrases 9 et, la sentence prononcée, eUe s'exécute sur place,
irinstant même, sans appel. Dans les affaires correctionnelles,
les riches s*en tirent d'ordinaire au prix d*une amende. Ne pou-
vant payer de leur bourse, les pauvres paient de leur personne,
le knout et les étrivières sont leur partage; suivant la gravité
du délit, on les frappe par devant ou par derrière; linstru-
ment du supplice est un nerf de bœuf appelé asfil, que les exécuteurs
ont coutume de porter sur T épaule comme les caporaux autrichiens
portent la baguette de noisetier pendue aubaudrier . Dans aucun cas,
on ne peut infliger au patient plus de neuf cent quatre-vingt-dix-neuf
coups ; on les compte sur un rosaire. Si c'est un voleur, on lui coupe
la main. Il y a, du reste, au Maroc une grande variété de supplices :
tantôt on jette le condamné en Tair de manière qu'en retombant il
se casse un bras , une jambe ou la tète , suivant la sentence , et les
exécuteurs sont si bien dressés , qu*ils ne manquent jamais leur
coup; tantôt on Tenterre jusqu au cou , livrant sa tète à tous les
outrages des passans. D'autres fois on renferme vivant dans un
bœuf mort, ou bien on l'attache à la queue d'une mule au galop.
Souvent encore on lui remplit de poudre le nez, la bouche et les
oreilles, puis on y met le feu. Le pal, Tauge, la mutilation des
membres, le croc, sont autant de genres divers de cette effroyable
pénalité. Mais la loi par excellence, la loi deprédUection est toujours
la loi du talion ; on ne manque jamais de rappliquer toutes les fois
qu'elle est applicable. On en cite un exemple récent dont l'idée
seule fait frémir. Un charcutier, convaincu d*avoir vendu de la
chair humaine frite à Thuile, fut coupé en petits morceaux; et jetés
un à un dans une chaudière bouillante, ces affreux lambeaux
étaient donnés aux chiens à la vue de l'agonisant.
Nul homme ne pouvant mettre la main sur une personne de l'au-
tre sexe, il y a une exécutrice des hautes œuvres pour les fenunes;
elle se nomme, par anti-phrase, ahrifa, c'est-à-dire tolérante, conune
bs Grecs appelaient les furies, Euménides, bienveillantes. L'Eumé-
nide africaine arrête les femmes, les fouette, les décapite, leur
coupe les oreilles ou le sein; et plus elle est vieille et laide, plus
elle se platt à torturer la jeunesse et à défigurer la beauté. Les
exécutions féminines se font en secret.
Le hasard, qui, le jour de mon arrivée, m'avait fait tomber au
milieu d*une procession de leipdoucha, me rendit témoin, le jour
TOME VII. 18
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^4 REVUE D8S MtJX HOIfDES.
atf^âBt » d*md «ttè^ttikm i wmi. &m -Meifilult tero la pirte et
nmrdié ^em ^fttr^yaftdiers 4tt BME. b étaknit cMriétrès
cottniiê coepaM66 d« làse^n^e^é pour «roir frwitré le sMVQrài
de «es droits de 4ofMriie , «t wmnie tels, on leur tranclMtt faltie
tetitement avec^OBiBWTais ck)ateaudepoche^, en commengsMifar
l&'ntiqiie. Lesititrépides montagnards sabir em^ette twiareMpooe
apyec un stoidsnie liëroîqHe ; ils ne proférerait pas nne {dGÉtee^et
]lMmrtnr€fnt en silenee. Quand les lètes furent séparées dvitnnic, ai
les fitsaler par un Inlf en signe dignottinie, «t dans cet éiift^les
ftnrem accrochées à la muraille pour servir d'e&emple à la ieale,
idfisi quecela se pratique en Italieet dans Jes autres eldorados deii
dvflisation chrétienne. L*eiécution terminée, les botnrreanKa^^iiAih
rent à toutes jambes, poursuivis à coups depierres par le peuple*
Cest toujours ainsi que les spectateurs paient leurs places à cm
horribles tragédies. Là encore je trowve Vorigined'im usage espi*
gnol. A Grenade, la dernière viUe d'Europe arrachée à rcmpN
du croissant, le bourreau a une garde à sa porte et ne sort jamii
sans escorte. Ces précautions ne prouvent-cdios pas que les Qwu^
ditts sont restés Maures sur ce point, et que reacéouteiir est expcMé
aux mêmes dangers que ses collègues d'au-^elà dm détroit?
Quelque barbare que soit la législation maroeaine, il Aiut dira
eependant que la vie des hommes n*y est jamais livrée à Tarbitrâîre
des autorités subalternes; on réfère au sultan de toutes les ces*
damnations cnpitdes, et aucune ne peut recevoir d'exécution sans
son ordre exprès. Il est vrai que cet ordre est généralement ftn^
mule en termes vagues, ambigus, et toujours sujets à interpré'
tation. Cest là une ruse machiavélique; le isukan obscurcit à
dessein sa pensée, afin de pouvoir, au besom, rejeter «ur la té»
d-un kaïd ou d'un bâcha qu'il veut perdre, la responsabilité d'^n
ordre mal compris parce qu'il a été mal exprimé. U semble qn'irii
despote aussi absolu que le chérif des chérife ne devrait pas avoir
besoin de prétexte pour se défaire d*un homme ; mais il est toujours
plus prudent, même en Afrique, de mettre de son côté, sinon te
droit, du mohis les apparences du droit, et de couvrir la cupidité
du masque de la justice et du bten publie.
On ne dit pas que le sultan actuel, Muley-Afod-er-Rabman, use
volontiers* de ces moyens perfides; c'est un homme doux, d'un^es-
priijudideox , d^un «cMir dr^t, et l'an dés «eiUeurs-souvwite
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A» éefdê lûBi^mps» ak tenu le sceptre daMaiM. Avant é'itf%
iperew» il avail éié long-leaipa bâcha deMoggjdor tt a'éuôi iiét
r daaa «eagouYerBeneM. Let exécmiMa capkalea ft^ont jattati
étèaî Tares» et l'empire jouit d'une proapérité natérieUe qui ravi-
rait é'me aos plus fougae«x tribuas. D »*e«ARit qoe Sutekaan (1),
OMie et {urMéeeMeiir d'Abd-er-RahaaaB^ qiMMqu'fl bû fftt Ùm
avpérieor par les lumiàreaet par le caractàre, ait joiii d'an règae
aussi prospère; la fin de sa vie fat orageuse et eofaagjaiitée par
Mae fennidable iaswreetieades Anazirgnesy race aberigèiie qu^on
désigae i tort en Europe aous le double mom de Berbires et de
ScheUelLSy et dont bous aurons r^ecadon de parler uae autre léia.
Puis(|ae le nom de Suleimanest revenu sur ueCracheniii, void
au aatre trait de lui qui trouve ici aaturelieHieBt sa place. SideimaD
était campé au pied de F Atlas dans la proviuee de Tedla; c'était
peadaut la tévdite des Amaiirgues, en 1819 ou 20; un cbekk
arabe découvrit qa*un inconnu s'introduisait , la nuil» dans sa
tente et déshonorait son lit. Soupçonnant que le ravisseur de son
honnear étak un chérif, il n'osa le châtier lui-inéine; il porta
{AttBte au sidtan et lui confia sa veng^aace. Suleiman s'an chargea;
3 pénétra sous un déguisenient dans la tente de l'Arabe outragé,
surprit l'adidtère et le tua de sa propre main dans les ténèbres»
sans savoir qm ee pouvait être. On reconnut, au joor, que c'était
un officier de la gsffde^u-corps; alors le sultan se prosterna la
lace contre terre, rendant grâce à Dieu de ce qu'appelé, par lui,
àpanir un aï grand attentat, il n'avait pas eu le malheur de frapper
un chérif de sa famille ou même son propre fils. U y a dans ces
actes de justice instinctive je ne sais quelle grandeur sauvage qui
étonne etquî séduit. Si ces formes barbares répugnent à nos nusurs,
i nos doctrines, on ne peut dire que dans ce cas, cependant, les
lais de la morale éternelle aient été vidées. Guidé par sa droiture
naturelle, le barbare ici s'^ve à rhéroïsme.
La seule partie de Tanger qui ait du caractère est le château ou
Kassaba, bâti au sommet d'une colline» et qui domine toute la ville.
(f) n arait usurpé le trtoe svr son ncreii en bas ftge, exaetemeat comme Manfred en
«mH i# STec Cooradin ; nAls U le liU/eodit à sa mort , tt IWS.
18.
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376 REVUE DES DEUX MOIfDBS.
On y monte par un rude sentier en zig-zag ^ et une des portes
donne sur la campagne. Ce ch&teau a pu être fort autrefois ; les
bàtimens sont maintenant tout-à-fait délaissés et tombent en ruines.
Mais malgré son état de «dégradation , c'est un monument d'ardû-
tecture moresque iui^t^ssant à étudier. On aurait de la peine i j
reconnaître un plan, il y règne une confusion complète; donjons,
murs et parapets , tout semble avoir été bâti au hasard ; c*est un
grand pèle-méle où Tœil se perd.
On pénètre de Tintérieur par un couloir oblique et obscur; oa
entre dans une première cour ornée de colonnes évidenmient ro-
maines, et sur laquelle s*ouvrent plusieurs appartemens dans le
style de TAlhambra de Grenade , et plus exactement de FAkazar
de SévillOy mais bien moins spacieux et moins ornés. Les plafonds,
qui sont concaves et sculptés en bois avec une délicatesse extrême,
sont encore charmans, quoique à moitié tombés. Le temps aura
bientôt achevé d'en consumer les dorures. Les lambris étaient
tapissés d'arabesques peintes , mais on a tout passé à la chaux. Les
arabesques elles-mêmes ont beaucoup souffert; le mur est lisse en
plus d'un endroit. Les portes, qui ont été sculptées avec le même
art que les plafonds, sont vermoulues et hors d'emploi; du reste,
il n'y a rien à fermer, car tous ces appartemens sont abandonnés
aux hirondelles et aux palombes. Quand on y entre , elles s'envo-
lent par nuées. Les cours sont pavées de dalles de pierre, quel-
ques-unes avec assez de goût. Je n'ai pas besoin de dire que toutes
les portes et toutes les voûtes sont taillées en trois quarts de cercle^
coupe sacramentelle de Tare moresque.
Un escalier dégradé, comme tout le reste, mène aux terrasses
supérieures. L'ascension est difficile, mais on est dédommagé de
sa peine, en atteignant le faite, par Tair pur qu'on y respire et le
vaste horizon qu'on a sous les yeux. Ces terrasses, dont quelques-
unes ne sont pas sans élégance, ne forment point une plate-forme
unie, mais sont échelonnées en gradins inégaux , et séparées par
les cours intérieures. Comme j'étais là sautant de Tune à l'antre,
une de ces cours m'arrêta. Mon regard plongea par hasard au fond ;
un spectacle inattendu l'y retint. Cette cour, quoique fort resserrée,
était plutôt un jardin ; il y av ait au milieu un jet d'eau et de la ver-
dure tout autour : à l'un des angles, un vieil Arabe, accroupi sur
ses talonS; fumait gravement sa pipe, et il était si complètement
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LE MAROC. 277
immobile sous son grand haïk, qu'on Taurait pris pour une statue;
en fece était une femme accroupie comme lui sur un tapis du Dou-
calla, et plongée dans la même immobilité. Autant que j'en pus ju-
ger à vol d'oiseau, elle était jeune et fort belle selon le goût maure,
c'est-à-dire fort grasse. Elle ne portait pas de haïk, mais un caftan
bleu brodé en or, et une espèce de Yoile de soie rejeté en arrière
comme celui des nonnes. Ses pieds nus étaient chaussés de pantou-
fles rouges, et il me parut qu'elle roulait un rosaire entre ses
doigts. D'autres femmes allaient et venaient dans l'intérieur; c'é-
taient sans doute des servantes; parmi elles était une négresse. Les
deux statues de la cour se regardaient sans parler ; et perchée
sur une pale au coin de la terrasse, une cigogne semblait dormir
au soleil. Un lourd donjon carré couronnait le tableau de sa masse
jaunâtre.
L'immobilité de la scène était telle que j'aurais fort bien pu pren-
dre pour une toile inanimée la réalité vivante que j'avais sous les
yeux. J'aurais voulu que le téte-à-tête s'animât un peu; ce n'était
pas la peine que le hasard eût soulevé pour moi le rideau du
harem, si je n'en devais pas voir davantage. Posé là comme la ci-
gogne ma voisine, j'attendais qu'il se passât quelque chose et qu'il
plût au couple silencieux de sortir de sa quiétude impassible. Je ne
sais combien d'heures j'aurais attendu, si un cri rauque, poussé
derrière moi, ne m'eût fait tourner la tête : le soldat noir que le
kaîd m'avait donné pour me servir de guide et d'escorte, avait
découvert ma profane indiscrétion, et il accourait vers moi tout
épouvanté , en faisant avec la main le geste de la décollation. Il fallut
bien se rendre à un argument si plausible , d'autant plus que le cri
du nègre avait fait envoler la cigogne, et le bruit des grandes ailes
de la fugitive avait sans doute réveillé le couple endormi. Si , levant
les yeux, ils m'avaient aperçu, quel coup de théâtre! quel scan-
dale! quelle admirable occasion de rançonner un chrétien!
L'Arabe que je venais de surprendre dans le mystère de son in-
térieur, était un prisonnier d'état, un ancien kaïd d'Azamor, en-
fermé là avec ses femmes pour crime de concussion. On lui avait
déjà fait suer 200,000 piastres; il en a encore autant à rendre;
après quoi on l'enverra peut-être, comme cela s'est vu, balayer
la ville qu'il a pillée. Le Maroc est le règne de l'égalité parfaite :
d'un savetier le sultan fait un bâcha et d'un bâcha un savetier.
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sens REYUB DE8 DEUX HONDES.
Excepté le donjon oocopé par le captif, et an aatreqvi «rtii
prison pour les femmes, et dont mon gnidfi eut grand aom de ■•
tenir éloigné, le château eat inhabité ; les cigognes ea ont pris ^im-
session ; c est Toiseau sacré des musulmans , et les tuer est un a-
crilége. La garnison actuelle se compose d'un corps de garde di
trois ou quatre soldats qui n*OKit rien à faire qu*à dormir. Quel-
ques masures groupées autour de la forteresse en ruine, formsBt
une espèce de faubourg qui a sa mosquée particulière. L*herbl
croit dans Tenceinte , comme dans la eour d*un cloître désert.
Du château on domine, du même coup-d*oûl, toute la ville; je
découvris de là un quartier ou le hasard ne m*arait pas condvt
et qui est le plus misérable de Tanger. U n'y a pas même de mai-
sons , mais des huttes de roseaux recouverts de boue en guise ds
ciment. C'est comme un village ou plutôt un adouar au milieu ds
la cité. Vue ainsi de haut, la ville est pittorescpie; le rapprochement
des maisons moresques et dos palais consulaires forme un contraste
piquant, et quand les pavillons flottent dans Tair, toutes les cou-
leurs de Tar&en-ciel ondoient au soleil. Les œnauls sont fort Jaloux
de leur droit de bannière, c*est à qui éleveca le plua haut la sienne^
et les deux puissances encore aujourd'hui tributaires du llaroc,
la Suède et le Danemarck , ne sont pas sur ce point les moins sa»-
ceptibles et les moins fastueuses. La mer ajoute à la beauté da
coup d'œil; cette mer, la plus belle, la plus poétique du monde,
est le détroit de Gibraltar. Ce n'est déjà plus la Méditerranée, si
ce n'est pas encore l'Océan : c'est la grâce de l'une, son auir lioi-
pide et argenté; c'est la majesté de l'autre, ses longues lames et
ses grands coups de vent. La c6te d'Europe est inq>osanta; Tanfii
blanchit au pied des montagnes d'Andalousie, conmie un nuage
vaporeux.
La vue de terre a aussi ses prestiges; la canquigne de Tanger
est riante, sinon grandiose. Les jardins des consuls^ sitnés autaur
et très près de la ville, l'environnent d'une ceinture de verdare
fraîche et parfumée; mais la végétation n'est guère plus africaine sur
cette rive que sur l'autre. Je n'y ai pas vu un seul palmier; seule*
ment les Gguiers de Barbarie , appelés par les Maures figuiers des
chrétiens, karmaus-al-Ansaran, prennent un développement prodi*
gieux; il y en a un, entre autres, dans le jardin de France, dont
le tronc est énorme; et en fait d'arbres exotiques, le jardin de
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tmbàa possède uà ûkéfétnonim âû PttoVL qêi di>riv% M fikmé matii^
rilé et prodeit des firuitu Orè» MtiéBteilx. Vtà&ès^ get^ian, attietiit,
comme ie figuier d*ItiAe) de$ ^mënsieiis {|<gaMe9ti[ires. H y a çà et
là quelques grosses touffes de genêt , et des lauriers-roses partout
«É i ^ à'éé i*eau. On se s^é^ po^ Tinrigatioii de ht noriû [puiserandé),
si répandue en Eépagtie, et dbnt Torigitie est maure eotnme le nom,
funtran* Cest ttft de» meilleurs t^s que lés Espagnols «îènt réçtid
ée leurs pères les Arabes, et ils Font gardé soignefùsement.
A qfuelques tniiles de la ville, en aSIMt au tàp llalabatte, est une
ruine romMne qu*on appelle le vieux Tanger, mais qui n^'est autre
qu'une ancienne station ou M eliantiér de griètes. Les Maures en
avaient feit une batterie qui cominaildait la baie, et qvA est aujour-
d'hui rédoite à un canon sans affftt. L'ancienne Tîngis, capitale de
la Tingitane, occupait le même site que le moderne Tanger ; seule-
ment le sol paraît s'être élevé, soit par retttassement dés décom-
bres, soit par Teffét de quelque tremblement de terre. On y décou-
vre de temps en temps defs àntiqititéél romaines: le consul d'Espa-
gne venait de déterrer, en creusant un puits derrière la grande
ino^qpDée, une mosaïque et un autel; mais r aveugle pioche des ou-
vriers avéte tout fnis en pièces.
Ainsi les civilisatiolrô îse superposent, et la terre les couvre l'tme
après l'autre de son frOid li^cetd. La voix du Muedzin résonne aux
lieux oiù fumait Véttcens des Flaminles, la mosquée du prophète à
détrAné l'autel de Jlipitèfr, et le croissant brille à te même soleil où
brillait l'aigle des légions rom»nés. Là où les galères de la répu-
Miqoe venaient aiguiser leurs roitra nsès par la victoire, le pécheur
maure vient aitiarrer son frêle canot ; et descendu de la colline, le
chamelier, assis sur le caiion rouillé, fait retentir la plage déserte de
aon cri rauque et discordant. Toutefois il est à reînarquer que ces
terres barbares n'ont pas d'originalité historique: labourées par la
oonqdéte et dévouées à un esclavage éteriièl , elles ti'ont aucuns sou-
VMtrs qtti leur soieift propres ; leur individualité disparah dans l'au-
réèle éblouissante dès conqiiérâns; hier c'étaient les Romains;
n^jdtird^liui c'est Mahotnet; demain qui ^era-cè? Trois nations à
la foiSKMit l'ofiletdéjà le pied silr ee ridie ^érita^e : TEspagne
csmpe à Geuta, l'Angleterre à Gibr^Itlir, Alger colifihe aU Maroc.
Quel que soit le choix de la Providence, à qtkektu'une des trois rir
Trtn qu*«Ae CMMe son m^àêtA Biàptétm, l'aVetrir dé ces peuples
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280 REVUE DES DEUX MONDES.
ii*est pas douteux; ils sont promis à TEurope, ils lui appartiennent
fatalement par le droit de Fintelligence; la civilisation occidentale
doit les entraîner tôt ou tard dans son irrésistible tourbillon.
Je redescendis du ch&teau par le même sentier raide et tortueux
qui m*y avait conduit^ et je rencontrai sur ma route plusieurs fem-
mes chargées de lourdes cruches d*eau et de fagots secs. Elles
gravissaient péniblement la c6te, et quand elles étaient jeunes et
jolies, elles ne manquaient jamais de me le laisser voir en soulevant
un coin de leur voile. Arrivé au bas de la colline et rentré dans le
cœur de la ville , je fus attiré dans une rue voisine par un grand
bruit de tambour et de musette. Je pensais trouver là des Aïsaoua:
c*était une noce ; les parens et amis de la mariée lui donnaient Tau-
bade, et comme il faut toujours du sang à ces sauvages y ils venaient
d*immoler un bœuf à sa porte. Les gens de la fête trépignaient dans
le sang en poussant des hurlemens de joie à faire fuir tous les Joi6
à la ronde. Sans Fescorte de mon soldat nègre, qui devait répondre
de moi au kaïd, je n*aurais pas été moi-même très rassuré. Encore
fallut-il tourner la noce, car la rue était étroite, le bœuf inunolé
gisait sur le carreau, et je n'aurais pu passer sans mettre le pied
dans une mare de sang. Toutes ces cérémonies sacramentelles,
toutes ces allégresses de circonstances sont tarifées et se paient i
beaux deniers comptans; les formalités matrimoniales sont les plus
chères. De là sans doute ce proverbe indigène que les chrétiens
dissipent leur argent dans les procès, les Juifs dans les fêtes reli-
gieuses, et les Maures dans les fiançailles. Un autre usage, auquel
on ne manque jamais, c*est de faire constater authentiquement la
virginité de l'épouse, et même d'en donner des preuves publiques;
si le fait est douteux, le mari a le droit de renvoyer sa femme à ses
parens ; le mariage est rompu.
lin peu plus loin je tombai dans un nouveau rassemblement, mais
celui-là n*avait rien d*inquiétant; je me trouvais devant la maison
du kaïd, lequel donnait audience, accroupi sous son vestibule. D y
avait foule à sa porte; chacun passait à son tour; tous attendaient
patiemment. On voit que rien n*est plus simple que les autorités
marocaines : le muhtesib et le kadi siègent sous l'auvent d'une
boutique, le kaid au seuil de sa maison.
Le kaid^ou bâcha ( bossa), car c'est la mémejdigoité sous un autre
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LE HAROO. 28f
nom, est éla par le sultan et le représente directement. C'est un
{M'éfet; investi de l'autorité executive , il n*a rien à voir dans les
affaires civiles : les peuples les plus barbares ont un instinct na-
turel qui les conduit à cette grande loi de la séparation des pou-
Toirs, qur est le fondement et la sauve-garde de toute justice. Le
kaïd préside à la sûreté publique et commande les troupes de son
gouvernement. Il forme à lui seul une espèce' de tribunal à la fois
politique, criminel, municipal et militaire; et comme il n'y a pas
d'autre code écrit que le Koran et les commentaires fort élastiques
de Malek-Ben-Anès (1), l'arbitraire le plus absolu dicte ses sen-
tences. C'est bien ici que le caractère du magistrat et ses lumières
naturelles influent sur ses arrêts ; non-seulement il prononce sur le
fût, mais sur la peine ; bien plus, il fait la loi, c'est-à-dire qu'il est à
la fois législateur, juge et jury. Malgré tant de confusion, tant d'ar-
bitraire, U règne dans les villes maures une sécurité qui étonne :
toute la nuit des patrouilles de soldats font la ronde, sous les ordres
d'un officier, kaïd-ed-daur, commandant de la ronde; ils veillent à
la sûreté des rues, et, pour quelques onces, Us gardent les boutiques
sous leur propre responsabilité.
Quoique je fusse entré dans sa ville sans sa permission et que
j'eusse enfreint les lois de l'empire^ le kaïd ne paraissait pas s'en
souvenir; quand nous nous rencontrions, il répondait à mon coup
de chapeau européen en portant la main sur son coeur, et au lieu
du simple salama (salut) qu*on donne aux chrétiens, il me donnait
gracieusement le salem alikom (la paix soit avec vous). C'était de
sa part une distinction particulière; il fallait qu'il espér&t de moi,
au départ, un bien beau cadeau. Avant d'être gouverneur, cet
homme avait été condamné, je ne sais pour quel délit, à la baston-
nade, et la sentence fut exécutée, à Tanger même, par un sol-
dat qui est aujourd'hui soldat d'Espagne (2). Il ne lui avait pas
gardé rancune le moins du monde, et ne lui avait jamais témoigné,
(f) LecodedeKalekconlient, en quarante chapitres, tonte la Jnrispradenee canons
qne et eodéslastique, laquelle s'applique à tout. U existe aussi en matière civile et conv-
merdale une espèce de bulletin des lois ; c'est un recueil de préceptes et un formulaire
pour les écritures publiques. L*auteur de cette compilation est Mohamed-Ben-Ardùn.
(3) Chaque consul a à sa solde un soldat qu'il reçoit des mains du gouvernement en
signe de protection et qui ne le quitte Jamais. Il l'accompagne partout, soit à cheval, soit
à pied , et couche sur une natte à la porte du consulat. Ces soldats finissent par s'atta*
cher «u consuli et leur sont quelquefois dévoués.
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fn RETUE tm MUX MONDES.
l^aM^ 4«'€]|e renfi phiosophe; U wêmBwmp 4e dé qvi fall tf if
fiûlcbu UD kaid Uil 4*w knïd lui suidai, ai oetia perfiétoeUe iantr
hUM est 1100 I^oQa pat maneote d^inpi^Milé ei da madératiot.
Le iraÀteiQeiU Sxe du katd est d'wimmk liM fruos par iBoii
(90 piaatf ea), et ik dok an trésor «q tanbul annuel da dmible oi
triple* Tout estloewdé sur eeprioe^pe, d*a& il réaiAe que lomfiBaip
tiaeQaire est w oeocmswiaoaire publie. Quand im kaMi a bwo pri^
variqué et furesanré }€tfEig-teo^ le peuple, le sultasa le deaiisai H
confisque toat ; nous eo avons ¥u vm exemple dans le kald d'AOL*-
mor. AAa de prévenir les sonpçons» les gottvernenrs les pins »-
ches afSeotent une grande «mplksité; jî» aKclienl la pauvreté^
comine on affiche aWenfs Fopalenee, Le kaïd de Tanger liabite m»
des maisons les plus siaiples de la vîUe; fl a nn petit jardin i io
inîUe des murs, et il y va toi^nrs secd, monié snr un bîdai» st
neoon^pacné d*un soldat A pied, avaoqui il fisk la conversation ien^
la long du chemin. Cesl quand je le renfcontraîs ainsi qn'3 m
gr^îfiait du tmlçm «rfilpam.
Ce soir-là il y eut une procession aux ftambeanv. Le malin ftr
vais vu un holooanste matrimonial; le soir ee fot un baptême, je
veux dire une circonciaiQn. On portait Venfont à la mosquée afec
une pompe eiiraoï^kiaire et un vacarme effroyable. La ftisffltde
était si bien nourrie, q«*0A pouvait se eroirei une altai^ie de Bé-
douins; e'étmt un fdu de file nan^imerrompu; et je croie qu*i est
de la prudence, non^^eulement pour les Juifs, mais même ponrhp
chrétieni, d'éviter pareille rencontre s rien ne 'aetait pins br
oie à un de ces fanatiques que de vous lâcher un oeiip de f ns3 dans
Tombre.
Au pied des murs de Tanger^ du cAté de la eampagne, et ik
porte même de la ville, net une place tonte «reniée de mafeaioivit
fosses profondes et eifcnknres nii Ton eonaefve le blé» ainsi que
cela se pratique en Calabre et ailleurs. Le sol résonne et même
iiuelqueftâs s^nnfanee sens le pied des cberanx, m eoaMneonae
se hâte pas de refermer les trous, en risque de s'nMmer, la nuit,
dans les entrailles de la terre. C'est sur cette place que se tient
deux fois la semaine, le lundi et le jeudi, le mafché on Mmk. Cest
tm xx>up-d'œil pittoresque qui mérite qu*t>n s^y arrête. On ne veni
rien là de bien précieux, mais on y vend de ton!» etlon penl y pcen-
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LE UkfiÔC.
étn ttM ttâM jMte itlte <iePfndfi9tr{0 et tle la cirffisatkm hnfigèn^*
B f règBê motos de eosfaskyftqm^on ne pourrait croire; les diyer-
M» denrées sont rangées par ordre, et Ton circule d*nn point à
Taiicre sans trop de difficnlté. Des soldats, armés de fnsils on de
bftta»s> Toat de gronpe en groape, et un officier spécial préside la
cérémoaie. Tout individu qui enfreint les ordonnances de la police
est chftdé sur place, de même que ceux qui ttompent sur les poids
el mesures ou sur la qualité et le prix des marchandises. Cette jus*
tke écoMmîqoe a ses avantages si elle a ses abus , et c*est la seule
qm conyienne à ces peuples barbares ; leur abjection est si grande»
qu*fls n*en comprendraient pas d*autre.
La place du marché est deaninée par une colline au sommet de
kqoeHe est une mosquée otfverte et sans toft, c*est-à-dif e quatre
mors blancs. Cest là qu'on célèbre la fftte du mouton. Au mois de
mai de dMque année , on égorge un mouton devant la mosquée ;
u» des assistans, cehri d'ordinaire qui a les meflleures jambes»
iterge sur son cou ranimai saignant, mais virant encore, et se met
à courir avec son fardeau du côté de la ville; il y entre , courant
toujours» et s'3 arrive à la grande mosquée avant que l'animal mori-
bond ait rendu le dernier soupir , c*est un signe que Tannée sera
féconde et les récentes abondantes ; si au contraire Tanimal meurt
en reute^ c'est un présage de stérilité, et Ton voit aussitôt la po-
pulation pousser des cris et des gémissemens sur les calamités an-
BOQcees*
Non lom de la mosquée ouverte est le tombeau d'un santon»
ombragé de son drapeau roi^. Comme j'étais là me promenant
à fenlour, je vis un Maure gravir la eoHîne à toutes jambes et
s'élancer d'un bond vers le sanctuaire; il j entra, car tout sanc-
tmre est ouvert, aucun n'a de porte ; une fois dedans, il s'ac-
crovpît tranquillement sunr lea talons tout près de rentrée, de
manière à jouir de la vue ettérieure el à être vu du dehors.
Cé«ait un assassin qui venait de tuer son homme en plein marché et
quîétiAaceouru se mettre sous la sainte profeetiott dudroit d'asHe.
Une fois là il était inviolable, et mrik forée humaine» pas même, je
crois» l'fn^m suprême» ne pouvait l'arracher du saint lieu. Les sol-
dats arrivèrent» mais trop tard , le fugitif était à l'abri de leurs pour*
1$ quoiqu'ils pussent le toucher en étendant seuleawnt la m^a»
I un n'aurait eu la témérité de la porter sur M; ttti qu'H étail
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iSlk RETUB DBS DEUX MONDES.
là, sa personne était sacrée; on n aurait même pas osé le murer
comme le grec Pausanias. Certes, jamais constable anglais ne s'ho-
milia plus religieusement devant le texte de la loi. Cependant les
soldats ne l&chèrent pas leur proie; ils s'accroupirent à quelques
pas du tombeau, et y restèrent en observation, tout en foisant la
conversation avec le prisonnier. En le tenant là bloqué indéfini-
ment, ils espéraient le réduire par la famine et le forcer à sortir
de sa retraite. Mais il n*était pas près de se rendre; et soit d'une
façon, soit d'une autre, il aura bien fini par se tirer d'affaire. Quel-
ques onces reçues, n'importe de quelles mains, suffisent pour endor-
mir les Argus. Du reste, j'ignore la fin de la pièce, étant parti avant
le dénouement. Le meurtrier n'était point un assassin vulgaire; il
avait frappé, il est vrai, mais par vengeance et pour satisfaire à
une de ces inimitiés héréditaires si vivaces encore parmi les Arabes,
et qui ne s'éteignent que dans le sang du dernier survivant.
Mais le Sauk m'appelait; je redescendis la colline, qui était cou-
verte de chameaux agenouillés dans la poussière et de chevaux
entravés, qui attendaient la fin du marché pour regagner leurs
pâturages. Ds étaient venus chargés d'une marchandise, et de-
vaient s'en retourner chargés d'une autre, car le commerce se
fait le plus souvent par échanges, selon l'antique loi patriarcale.
Pourtant il y a du numéraire, mais \en petite quantité, et on le
cache afin de ne pas éveiller la convoitise des gouverneurs. Un
homme avait fait reblanchir le mur de son jardin : cr II faut que
tu sois bien riche, » lui dit le kaïd en lorgnant déjà l'héritage de
Naboth. Qu'eùt-ce été si Naboth eût laissé voir des pataquès (1)1
Cet amphithéâtre oriental avait un grand caractère et dominait
la foule qui ondoyait et bruissait au pied de la colline. Quelques
chevaux portaient des selles écartâtes à larges étriers, tout-à-bit
semblables à celles dont on use encore en Andalalousie et labou-
raient la terre dans l'attente du cavalier; les chameaux atten-
daient plus patiemment leur charge en remuant leur long cou
pelé. Des tentes dressées çà et là ajoutaient à l'effet ; l'ensemUe
donnait tout-à-fait l'idée d'une halte au désert.
(i) La pataque marocaine est une monnaie d'or qui vaut à peu près 10 francs. Le mol
français n'est qu'une corruption du mot arabe, bou-taka, qui veut dire père de la force.
On l'appelle aussi bu-fkL
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LE MAROC. 285
Toutefois, le marché m'intéressait moins en lui-^éme que par
les scènes populaires dont il devenait Toccasion, et les saltimbanques
dont il était le rendez-vous. D*un côté tournait un carrousel à
bascule, où les petits Maures faisaient la culbute avec des éclats de
rire perçans; plus loin, deux b&tonniers, noirs et nus, se donnaient
de grands coups de b&ton sans se toucher, et en faisant des con-
torsions épouvantables. Ailleurs, c'étaient des lutteurs du Riff, qui
me rappelaient ceux d'Interlacken, autant que la Barbarie peut rap-
peler la Suisse. Mais le spectacle le plus original et le plus vraiment
africain était celui d'un sectateur de Sidi Ben-Aïsa, dont le corps était
tout chamarré de serpens, et qui dansait tantôt sur un pied , tantôt
sur l'autre, au son de la musette et du tambourin. D chantait, pour
s'animer, une cantilène sauvage et monotone, qui ressemblait au
grognement prolongé d'une béte féroce. Le danseur d'ailleurs
n'avait pas mal Tair de ce qu'annonçait son cri; l'homme et la voix
étaient en harmonie. Il portait au cou un énorme serpent, et le for-
midable collier se repliait sur lui-même et lançait à la foule des
sifOemens aigus. Le Psyle caressait son reptile avec amour, le bai-
sait, le mettait dans sa bouche; et, pour une once que je lui jetai,
fl se mit à le dépecer avec les dents, en passant, en une seconde,
de la tendresse à la férodté. Son œil était rouge, et le sang décou-
lant de ses lèvres, il les essuyait avec les autres serpens, victimes
dévouées à la même fin.
Parmi les spectateurs se trouvait une folle absolument nue qui
erre ainsi dans les rues de Tanger, depuis je ne sais combien d'an-
nées. Elle parait, du reste, d'humeur fort douce, plutôt mélan-
colique que furieuse; n'était sa nudité, on la prendrait pour tine
promeneuse ordinaire. Le soleil a donné à sa peau une couleur
brique foncée, et cette masse de chair ambulante était hideuse à
voir. J'ai oublié de demander si on la tient aussi pour une sainte.
Les Moresques et les Juives passaient près d'elle sans être le moins
du monde décontenancées, même en présence des hommes. D est
vrai qu'une pareille nudité est plus propre à étouffer qu'à inspirer
les pensées équivoques. Je remarquai que le beau sexe était
presque aussi nombreux au marché que l'autre. C'est que les
femmes ne sont point à l'index du Sauk comme des boutiques ; on
ne les juge pas indignes de vendre en plein air, et elles paraissent
s'en acquitter tout aussi bien que leurs maris.
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9H RETUB Mft MEra «01IDB8.
fievxavtréf speolatrioes^ aussi mwites fse to Mleelphuaf-
fr«Mes àToir, c^éuient les deux lAtescMipéts la rsiUe; txéwnmm
sanglantes aux crocs de la nuraîlle , eBes domimâent le marché, et
planaient sur la muMlvdey destinées i iapriaier la terreur tes
r«Be du peuple assemblé. Leur crAne^ ras et nu, brMhnt au soleii,
d^ presque i demi dessédié , et leur loofpae mèche de dieraJot
noirs pendait le kmg de la ■MU'aille et flott«^ au veut. Quelqtes
groupes se succédaient sous ces épouvantables tr<q>liées; ib
se les montraieut du doigt eu devisant longuement; le Juif q«
m'aocompagnaît en qualité d'interprète ne me traduisait qu*irapar-
ftîtement leurs conmentaîres, attendu qu'il savait également mal
le français et FespagnoL J*en oemprcnafis autant p«* les gestes que
par la traduction.
Au«desstts de Ibl phree duSunk, et on penchant supérieur de k
ceUîney est le dmeci^re maure* Rien de pins simple : pas une in-
scription y pas un ornement. Nulle part la mort n'a de temple plus
austère. De petks murs d'un on deux pieds de haut marquent
seub les divisions du funèbre empire, et les longues herbes y
croissent en liberté. H est tout ouvert comme les mosquées et le
tombeau des santons; nuBe clôture ne doit séparer rhomnede
Bien, ni les morts des vivans. Tous les vendredis, — c'est le<fim»>
che des Maures, — les femmes sortent de la vâle, et, gravissant len-
tement la colline, dies vont visiter les tombeaux. Enveloppées da
grand baik blanc, eltes errent en sBenœ au milieu de la verdure
tumdaîre ; on les prendrait elles-mêmes pour les ombres qa'eBes
viennent pleurer ou consoler. Les hommes respectent ose péhvi-
nages du sépulcre, et ils se tiennent tout le jour éloignés du champ
funéraire. C'est peut-être la seide heure de liberté dont jouisseot
les Moresques , et c*est à la mort <^'ettes la doivent. Le moment est
bon peur les voir, cardlesnese cachent pas des dirétiens quaid
elles sont sûres de n'être pus aperçues des Manres.
Le cimetière cfaréden est un peu pins bas et afttenant au jar^
de Suède. Nous avens vu qu'il avnit, lui aussi, son pèlerin dans te
mélancolique moine de saint François.
Le cimetière àeê Mfs est de Fautre eftié de la plaee, au pied
iléme detamuraiBe^entre la porte du Sauk et la petite porte ëw
des Tanneurs, qui mène à la plage. Bus skn^ enoom <pie câi
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des moBulmanSy il est oayert comme le lear et exposé A tons leurs
outrages. Les femmes maures ne manquent jamais de se détourner
en passant aOn de Tenir souiller les tombes des mécréans. C'est chez
elles une affaire de dévotion et presque un article de foi. Ainsi le
fanatisme poursuit jusque dans son dernier asfle le peuple infor-
tuné dlswêl. A qwlqnedirtanos du cimutièra^ ifierstlarmer, il y a
de beapx maaiiCs de nsrduffeicoapé» de g^néfô». de cbèwefeuille et
de hauts aloès. Tout ce c6té de la ville est très pittoresque, et il a
de brusques échappées sur la baie bleue et tranquille , et sur le
détroit toujours bouilbataiiC
Quoique bien barbare encore par les croyances et par les mœurs ,
Tanger est cependant déjà altéré dans son originalité primitive;
on y sent le contact des Européens, et je désirais voir, sans m'en-
foncer dans les terres, une ville arabe qui eût mieux conservé
son individualité et son cachet natif. On m'indiqua Tetouan, qui
n'est qu'à douze lieues de Tanger, et qui est une des villes impor-
tantes de l'empire, par son étendue, sa population, son commerce
et sa position Tosins^de ki Méib/evfaaè«,. i ptoiMlé de Gibraltar.
Mes préparatifs furent bientôt faits. Le consul demanda et obtint
pour moi du kaïd un soldat pour m'accompagner, — c'est le passe-
port du pays, — et il fit rédiger par son taUb (érudit) une belle
lettre arabe pour recommander au bâcha de Tetouan YiUustre et
savant voyageur français. L'épttre fut pliée en long, suivant les lois
de rétjqoette iadisine» et année au centre et aux deux extrémtés
du sceiatt consulaire. Ainsi confecttoiméc» la dépéobe n'avait suàre
vmoa- d'ua pied, forme pluftinposaote que coniroode. Nos poches
europAennes ne sont paiS taillées pour cda»
Qiieli|nes jeunes gens de» consulats m'avaient risniTindf iétse da
«Ofagn; nou8parrtnesi|Mlte.
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SOCIALISTES
MODERNES.
I.
IU28 SXiIISni8»8iniM)liaQBDS«
Tant que le saint-simonisme est demeuré debout avec ses pré«
tentions exclusives et ses allures étranges, nul bon esprit, en dehors
du noyau des adeptes, n*a pu avoir ni le désir, ni la pensée de
s'occuper à fond de ses théories. Alors toute louange eût été prise
en mauvaise part; touje critique se serait trouvée en concurrence
avec les réquisitoires du parquet. L'église nouvelle était d'ailleurs si
fière d'elle-même, elle se présentait avec un tel aplomb, eOeanit
une foi si robuste dans son excellence, une si parfaite naïveté à 8*ad-
mirer, qu'on n'osait pas se commettre au sein de ce monde de fée-
ries, encore moins verser des paroles de désenchantement sur ces
jeunes et ardentes convictions. Ensuite, comment aurait-on posé
les termes du débat? sur quel terrain aurait-on porté TexamentSi
l'on niait ou si Ton marchandait la prémisse saint-simonienne, on
était récusé; on restait désarmé si*on l'admettait. La discussion
devenait ainsi une hnpasse.
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SOaAUSTBS H0DBRIIB8. 289
Un antre obstade existait. La religion fonctionnait sans doute;
elle ayait ses prêtres , elle avait ses temples; mais sa loi lui man-
quait. Le Moïse de cette révélation n'avait pas écrit ses tables. Il
avouait lai-méme que la grande inconnue du problème sodal n'était
pas dégagée» ne pouvait pas se dégager encore. H se disait Messie
sans doute y mais Messie incomplet, obligé de chercher, en dehors
de lui , ce qui manquait à sa formule synthétique de l'humanité.
Avec lui et comme lui, ses néophytes usaient leurs veilles à ce tra-
vail d*élaboration mystérieuse et de gestation préparatoire. Lors
donc qu'on voyait ces hommes si jeunes, si éclairés pour la plupart,
presque tous si consciencieux, s'unir, se grouper pour la décou-
verte des grandes vérités morales, philosophiques et religieuses;
s*embarquer sur l'océan orageux du doute, dans l'espoir d'aborder
un jour à un monde nouveau; quand on les voyait mettre en com-
mun leurs pensées en même temps que leurs biens, poursuivre au
travers d'un frottement de tous les jours et de toutes les heures
l'étincelle qui devait éclairer cette nuit de théories confuses, on
attendait, on espérait, on observait. On savait que, dans leurs
suprteies collèges, ces palingénésistes échangeaient entre eux une
monnaie d'un titre plus élevé que le billon qu'ils jetaient à la foule;
on doutait toujours, et avec quelque raison , que tant d'efforts, tant
d'énergie, tant de dévouement, tant d'inspirations originales et
aventureuses vinssent aboutir seulement à des résultats négatifs*
On se taisait, on devait se taire.
Aujourd'hui ces divers moûfa de réserve n'existent plus, au
même degré du moins. D'un côté, la phase active et militante du
saint-simonisme s'est changée en une propagande sourde et mysté-
rieuse. La religion n'offusque plus l'œil du profane par une bizarre
mise en scène; elle n'éveille plus ses craintes par des aphorismes
mquiétans. On ne la voit plus promener dans la ville son travestis-
sement puéril; elle s'est retirée de la politique courante, et quoique
isolément infiltrée dans la presse, elle n'y a plus d organe excen-
trique et spécial; elle peut enfin, comme les autres questions de
morale et de philosophie, être prise au point de vue spéculatif, sans
que nos préjugés si tenaces, et nos intérêts plus tenaces encore, y
trouvent le moindre prétexte à s'effaroucher. D'un autre côté, le
saint-simonisme a dit aujourd'hui à peu près ce qu'il pouvait dire,
hii ce qu'il pouvait faire, formulé ce qu'il pouvait formuler. Sa
TOHB VII. 19
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;8yDiliè8e est complète-en eeitiCi>s*qtt''élie^<tmp6g^^80Mia»tPto
-deaforee»niiee»'eii «ommiui »^tntt>il>e^vt<wielté/ilam Bm ttetrtèm
denltttiyesy à la tinrite de TmpwisMHioel Tenue» ^é théories (yiél l"
A)i iioarelie poav«it procUmier ont éiè |M^edm}éeSy^4e84lRe#%a^ 1^
tàmani y leg-ootres tiîridement; IMei^r'^tt élè;^fl>feq» s&rnivm w» IF
îyenir» d?wifr maniAre ode pour ^la tfWwwie* Ae»€OPri<feë ■ moéènm\ '
4aiv in'eiii6eiit*eUe9 «ien , ees^kéerîes , dHnraiMiflleineRt applkeUk,
€i)es aurom du iioinS) et o^^eetian'erand^féeito ^^mmmé^êiim
sommeil la propriété et Bhérilafle ,:poiMeoteoiûiattiaqoéeà jiB^il
cejmr. Béformaâaeans doale^iiiHeoideidnttriiertA asi»âir4en
<lriiit8)defreloasvaiir les divovs éléiunside t^oeibiié4NHdaiflei'4Stt
deu despotes de la riehesse tendrontà sefofldr^eti^se^eoaAiset
av^eeleiravaîly. piYOtpcobabiejdo'iaaraaHHitm è^^emr*
: Ile8t:daas;notre oonvictionipiie tessint isimuMSUit sMra ili^
iprofitaUe et ipbis fécond coornie mnaoeiqne^^Qoaniiotiippeli Ûk
rallié pfltt de Jsynipathiese»deliorgdesa>petite>ep>èi o àmééafktf^
on reyanche ila ofifiray é bien^des)pnyiié9es^uis'é^emproa»>ae
aaarche calme etJentovers dos'eavahissemeosïOitérievrs.iVifiNMi
WFviceJefdiis téel>qa*ftattreiMki;tIliaito«t critiqué aaroo^vefv^im
ttient^arecsopériorité ;>mais il ^eot «ootvé tmpoissaA^ir'lfOvm
mid bomM et œmpiète fermole dVnr9ani8e[tion..l9o«9ipon&ni9iDS^
quer ce fait ayant d*eiitrer dans son histoire. NonsrtdésirioBS'te-
Uir aussi que rfaeureaottteUe»étailsbionteboisie^fio«r oiisoiansotk
ses travaux. On doit aux morts la Yéfiié^ai>entièro.
I. — SAWT.«HION.
e Levevyoïis, JHMosieurle^iomie^TOMiaTBz doograMleaJbeBiÉi
Caire. » C'est arec ces Biotsx|«0'safiGnsÉitéveiller, àidia»«ept «m,
SaintHSimoDy issu,'S*il faut renicsoice^ide Cfaavlemagae/otiiMm»
iaUemont poitteur d'un des pins beawx noms de notre hîslain.
Nulle viene Sat, eneffèt, plus tourmentée queodteidttolMFposdmBt
de la religion nonreHe. «Soldat de rindépendance améneame,!!
serrit sous Washinfl^on et passa colonel à yingt^^rois ans. rii
f guerre, en eUe-méme, ûe m^intéressait pas, dit-il, mais le sesl
e but de la guerre m- intéressait rivement, et cet intérêt m*en ftiaà
<t>sap{iorter les travaux sans répugnance.. ..«..• Ma Tooation n'étiit
aqpoiat d!ésreaoldat; fêtais porté 1 un genve d'.actfrité Uendiif^
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(
«OCUUSnS VOIlERHBfl* 201
«UQB&i#e&4^piiiauilire>coiilraire. Etudier la-marcha de Tesprit hu-
m mtm, pour irjyailUr ensuite au perfectiounement de la civilisa-
9 tiûa, tel fat le but que je.rae propoeaL j»
Lajé¥Qtation.feaaçMaft trouTaSaintrSimou-en Espagne. Se re-
KHm; à.£asi8».etf iidln^.à se tenir à l'écart des affaires politiques» il
tourna son acrifitA.yers desâpécnlalions et trafiqua sur lerdomai^
nés nationaux » en compagnie d*nn Prussien , le comte de Rœdem»
Saiai^âimoaxlédare dans son.aHto4)iogjrapkie^ et .s&yie justifie ce
d0e»^*il m désîraitt.pas la.foDiune ooaime but^ mais seulement
conmiemofen^a Fonder una^rande école sdentifiq^e et un grand
9 . étaMisiieinf nt industriel y voilà quelle iut mon ambition» » écritriL
luirftttma -
Sa.preanéreiaaiOciati(Mi.ue.fiit: ni loague ni heureuse. Ea 1797»
iLae^eticades a£Eûre8».|iapi)enanÉ ppur ja part que.l^MyOOO livres*
Lfr.refltev qu*il laissa- asi. comte, de Rœderii, fut perdue Dès<4ors.
Stiint4Sîmoik.s*interdit -toute, autre entreprise du^ même- genre; La
Période- cemmerdale de^sa vierélaitrcktte; il abordait la période.
aciamifii|Be. et. expérimentale, lapIusTude» la plus opiniAire de.
toulesy xelle où le Christ nouveau devsni ceindre lacouronne d'ér
pîn«8..Pottr s'initier aux irudimens de la science, il se fit écolier àla
ouBitee^des^ands «eigneujBS^ eu attirant les proCasseurs^chez lui, ,
an liao. d'aller chez eux.. Logé d'abord en facedo TEcole Polytech*
niqMe, il reçut i. sa-table des physiciens, pour, ajqprendre la physi**
^pe,, des astroDomes.pour appcendre .Fastromiuie ; il sema çà et là,
dans toatk corps-enseignaat, des piàces*d'or qu'on oubliait de lui
rendre. Qpandil eut^cquisxle la^oiteiMsaz.de notions mathéma-
tiques, il se rabattit sur les phy6iologi3tes, et déménagea pour s!é-
taidk-près de l'Ecole de. Médecine» Ainsi il -étudia, non sans queir
que» frais, mais avectoutes ses aises, d'une part la science des.
ctmgê Jwttts, d'autre part la.sdenoe.dea corpsranimés. .
L'expérience qui suivit fut ceHe de& voyages. SaînirSimoa par-
courut r Angleterreet V Allemagne, ne renoontrantdaBs la première
aucune idée capitale et neuve, surprenant Fautre au milieu de sa
{(hnosophie mystique , état d'enfance de la science générale. H ne
rapporta rien de cette expérience, si ce n'est la preuve personnel-
lement acquise d*une situation arriérée et confuse. Cest à Tépoque
de cette. tourna européenne qU'iLfaut rattacher la visite étrange
qfefiaintrâimon fit àli"* de Staftl» et sa proposition plus éteange
19.
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i
292 REVUE DES DEUX MONDES.
encore. De passage à Genève , le philosophe demanda la fevenr
d*étre reçu à Coppet ; et à peine entré : — cr Madame, dit-fl à laba-
<r ronne, vous êtes la femme la plus extraordinaire du monde,
(T comme j*en suis Thomme le plus extraordinaire : à nous deux
cr nous ferions sans doute un enfant encore plus extraordinaire.»—
M"* de Staël eut l'esprit assez bien fait pour prendre la chose en
bonne part. Elle en rit.
Au retour de ce pèlerinage, Saint-Simon réalisa sa demièreet déci-
sive expérience; il épousa M"« de Champgrand, aujourd*hui M^^de
Bawr. a Je voulais user du mariage, dit-il lui-même, comme d*an
or moyen pour étudier les savans, chose qui me paraissait nécessaire
<r pour Texécution de mon entreprise ; car pour améliorer Torgani-
<r sation du système scientifique, il ne suffit pas de bien connattre
<r la situation du savoir humain: il faut encore saisir Teffet qnela
<x culture de la science produit sur ceux qui s'y livrent; il faut ap-
9 précier Tinfluence que cette occupation exerce sur leurs passions,
<r sur leur esprit, sur Tensemble de leur moral et sur ses différentes
e parties. » Cette étude fut la plus coûteuse de celles que Saint-Si-
mon avait réalisées jusque-là. En bals, en dtners, en soirées d'expé-
rimentation , il dévora toute la somme qui lui restait de sa liquida-
tion avec M. de Rœdern. Ce fut une sorte de va-tout seigneurial, qui
dura douze mois. Calme au milieu de ce bruit, jugeant les autres
sans en être jugé, pratiquant tout, le mal et le bien, le jeu, l'orgie,
l'entretien décent, la discussion élevée, pour avoir l'expérience de
toutes les choses et de toutes les positions; gastronome, débauché,
prodigue, mais par système plutôt que par instinct, Saint-Simon
vécut en un an cinquante années ; il courut dans la vie au lieu d'y
marcher, afin d'acquérir avant le temps la science du vieillard ;fl
usa et abusa de tout pour pouvoir faire, un jour, tout entrer dans
ses calculs; il s'inocula les maladies du siècle, afin d'en fixer plos
tard la physiologie complète. C'était là une vie purement expé-
rimentale : la juger sur l'étalon des autres eût été folie.
a Si je vois un homme, disait-il, qui n'est pas lancé dans la carrière de
la science générale fréquenter les maisons de jeu et de débauche, ne pas
fuir avec la plus scrupuleuse attention la société des personnes d'une im-
moralité reconnue, je dirai : Voilà un homme qui se perd; il n'est pas
heureusement né; les habitudes qu'il contracte l'aviliront à ses propres
yeux et le rendront par conséquent souverainement méprisable. Mais si
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SOCIALISTES MOBBMBS. 295
cet homme est dans la direction de la philosophie théorique; si le bot de
ses recherches est de recti6er la ligne de démarcation qui doit séparer
les actions et les classer en bonnes et mauvaises; s'il s'efforce de trouver les
moyens de guérir ces maladies de l'intelligence humaine qui nous portent
à suivre des routes qui nous éloignent du bonheur Je dirai : Cet homme
parcourt la carrière du vice dans une direction qui le conduira nécessai-
rement à la plus haute vertu. »
Vertu ou vice, Saint-Shnon s*y ruina complètonent, et alors, an
lieu de pouvoir héberger et nourrir la science , ce fiit au tour de la
sdence de l'héberger et de le nourrir. Elle s'y prit moins magnifi-
quement que lui, car elle destinait le'philosophe à une dernière ex-
périence, celle du besoin et de la misère. Pressentant cette phase
décroissante, Saint-Simon avait déjà jeté le plan d'une rémunération
populaire pour les savans et les hommes de génie, dans ses Lettres
d'un habitant de Genève à ses contemporains, morceau bizarre et neuf
qui trahissait le tour de ses idées, a Ouvrez, disait-il, ouvrez une
tf souscription devant le tombeau deNewton, souscrivez tous indis-
e tinctement pour la somme que vous voudrez. — Que chaque
e souscripteur nomme trois mathématidens, trois physiciens, trois
a chimistes, trois physiologistes, trois littérateurs, trois peintres,
or trois musiciens. — Renouvelez tous les ans la souscription; parta-
<r gez le produit de la souscription entre les trois mathématiciens,
a les trois physiciens, etc., qui auront obtenu le plus de voix. — Les
« hommes de génie jouiront alors d'une récompense digne d'eux et
e de vous. »
Tel était le thème. Le développant dans une série de lettres,
Saint-Simon partageait Vhumanité en trois grandes catégories,
cherchant à prouver à toutes, et avec des argumens appropriés à
chacune, Texcellence de sa méthode de rénounération; puis il éta-
blissait la formule suivante: le pouvoir spirituel entre les mains des
sarans; le pouvoir temporel entre les mains des propriétaires; le
pouvoir de noqumer les individus appelés à remplir les fonctions de
grands chefs de l'humanité entre les mains de tout le monde : pour
salaire aux gouvernans, la considération. — Tout ceci, on le voit^
a peu de valeur; c*est du Platon et du Bernardin à l'état d'amal-
game; c*est un rêve après mille rêves, une innocente utopie qui se
termine par une sorte de prosopopée, épilogue du morceau : a Rome
a renoncera à la prétention d'être le chef-lieu de mon église; le
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391 REYUE DES DEUX MONDES.
« pape, les cardinaux, Tes évéques et les prêtres cesseront de par*
€ 1er en non nom , etc.... j» Le seul farit qni résulte de cet opnscalé,
c*est la tendance théosophique dû réformateur, déjà fortement ac-
cusée. Cette tendance se caractérisa mieux par la suite, lorsque
8^ travaux de philosophie et d*économie industrielle semblëreDt
appeler la religion conmie leur dernier corollaire.
Mais d*autres ouvrages devaient jalonner cette route* Le prCTiier
fut une réponse à un programme de Napoléon. Napoléon avait dit à
riiistîtut? (T Rendez^moi compte dôs progrès de la science depid»
a i9S9 ; dites-moi quel est son état naturel et quels sont les moyens
«r à^^mptoyer pour lui faire faire des progrès. i> A cette question
ainsi posée, Saint-Simon avait répondu d*abord par son Introduc-
tion aux travaux scientifiques du xix« siècle, vaste étude qu*il se sen*
tit lut-mémB incapable d'aborder, et qu'il réduisit à des propor-
tions phis académiques dans ses Lettres au htrean des Longitudes.
L&, comme on le pense, il n*accepta le programme de l'Institut qoe
comme prétexte et comme cadre. Au Keu d'y recevoir rimpulsion,
il'la donnait ; au lieu de régler le passé, il arrangeait l'avenir ; il ftî-
saR de la prophétie quand on lui demandait de la statistique. La
pensée fondamentale de ce travail, c'était toujours de pousser les
stvans vers une œuvre de réorganisation. Il y était dit : or Depuis le
«r xv« siècle jusqu'à ce jour, Finstitution qui unissait les nations ea-
«Topéennes , qui mettait un frein à l'ambition des peuples et des
a rois, s'est successivement affaiblie ; elle est complètement détruite
a aujourd'hui, et une guerre générale, une guerre effroyable, une
<r guerre qui s'avance comme devant dévorer toute la population
o^européenne, existe déjà depuis vingt ans et a moissonné plusieurs
«r milKons d'hommes. Vous seuls pouvez réorganiser la société eu-
a ropéenne. Le temps presse, le sang coule ; hâtez- vous de pronon-
or'cer. j> Comme gage d*tmion et de progrès, Saint-Simon concluait
eu demandant une sorte de magistrature inteltectuette, magistra-
ture d'où est issue , comme dérivation logique , la Mérarchie des
capacités, base de la famille saint-simonienne.
Ce travail n'est pas le seul qu'ait laissé Saint-Simon sur ces ma-
tières philosophiques. Les Lettres sur C Encyclopédie, \ès Mémoires
9ur la Gravitation et sur la Science de l'homme, se rapportent i cette
époque et à cette série d'études.
Jhândant que lé rèformatear poursuivait ainsi tme tâche péiâfle
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etmcomprise/dégraildsévèiiémeTis^Iîtiqties agitaient la France
et l'Europe. La Restauration venait d'arriver, et avec elle un re-
tour vers les noms d'une importance historique. Saint-Simon,
, pauvre alors, vivant de secoure, et simple copiste au Mont-de-
Piété, à raison de mille francs par- an, eût sans doute été admis
aux faveurs de la cour nouvelle, si la direction étrange de ses
idées n*eAt éloigné de lui toutes les offres et toutes le» avances. On
ne fit rien; on ne pouvait rien faire pour un norateur pareil; il
resta conf»lèteaient oublié. Aussi , i peu d'années de iè , en 1819,
fit-il paraître une brochure sous le titre <le : Parabole, dans laquelle
le bout d'oreille du grand seigneur méconnu perce sous Tenvetoppe
de l'économiste radical. Rien de plus hardi, de plus bizarre, et de
plus vrai au fond que ce pamphlet, expression d'une rancune plutôt
que d*un système.
« Nous supposons, y est-il dit, que la France perde subitement ses
cinquante premiers physiciens, ses cinquante premiers peintres, ses
ciaqoaQte premiers poètes, etc., etc. {suit la nomewlainre) , en tout,
les trois mille premiers sa vans, artistes et artisans de France.
c Comme ces hommes sont les Français les plus essentiellement pro-
ducteurs, ceux qui donnent les prodoits les plus imposans, ceux qui di-
rigent les travaux les plus utiles à la nation, et qui la rendent productive
dans les beaux-arts et dans les arts et métiers, ils sont réellement la
fleur de la société française; ils sont de tous les Français les plus utiles à
leur pays, ceux qui lui procurent le plus de gloire, qui hâtent le plus sa
civilisation et sa prospérité. Il faudrait à la France au moins une géné-
ration entière pour repousser ce malheur; car les hommes qui se dis-
tinguent daiBS les travaux d*nne utilité positive, sont de véritables ano-
malies, et la nature n'est pas pr^i^ue d'anomalies, surtout de cette
'espèce.
c Passons à une autre stippôsitton. Admetlons que la France conserve
lOQS les hommes de génie qu'elle fiossède dans les sciences, dans les
beanx'^rts, et dans les Itrtset métiers; nais qu'elle ait le malheur de
perdre le même jour. Monsieur» frère du roi, monseigneur le duc d-An-
gouléme, monseigneur le duc de Berry, monseigneur le duc d*Orléans»
monseigneur le duc de Bourbon, madame la duchesse d*Aagouléme»
madame la duchesse de Berry, madame la duchesse d'Orléans, madame
la duchesse de Bourbon et mademoiselle de Gondé.
a Qu'elle perde en môme temps tous les grands officiers de la Cou-
tonne, tous iBs ministres d*état, tous les mattres des requêtes, tons les
maréchaux, tous lesca!Minattx,>archeTèqaes, évéques, grands-tittiiW
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296 RSYUB DBS DEUX MONDES.
et chanoines, tous les préfets et sous-préfets, tous les employés dans les
ministères, tous les juges, et en sus de cela, les dix mille propriétaires les
plus riches parmi ceux qui vivent noblement.
a Cet accident affligerait certainement les Français, parce qu'ils sont
bons, parce qu'ils ne sauraient voir avec indifférence la disparition subite
d'un aussi grand nombre de leurs compatriotes. Mais cette perte de
trente mille individus, réputés les plus importans de l'état, ne leur cau-
serait de chagrins que sous un rapport purement sentimental, car iln'eo
résulterait aucun mal pour l'état.
<r D'abord par la raison qu'il serait très facile de remplir les places qui
seraient devenues vacantes. Il existe un grand nombre de Français en
état d*exercer les fonctions de frère du roi aussi bien que Monsieur; beau-
coup sout capables d'occuper les places des princes tout aussi convenable-
ment que monseigneur le duc d'Augoulôme , monseigneur le duc d'Or-
léans, etc.
a Les antichambres du château sont pleines de courtisans, prêts i
occuper les places des grands-officiers de la couronne ; l'armée possède
une grande quantité de militaires aussi bons capitaines que nos maré-
chaux actuels. Que de commis valent nos ministres d'état! Que d'admi-
nistrateurs plus en état de bien gérer les affaires des départemens que les
préfets et sous-préfets présentement en activité! Qu^ d'avocats aussi
bons jurisconsultes que nos juges! Que de curés aussi capables que nos
cardinaux, que nos archevêques, que nos évêques, que nos grands-
vicaires et que nos chanoines! Quant aux dix mille propriétaires, leurs
héritiers n*auraient besoin d'aucun apprentissage pour faire les hooneun
de leurs salons aussi bien qu'eux, d
Cette moquerie, si douce et si Gne, fut prise en mauvaise part.
Les grands noms mis en scène, et trouvés si légers de poids auprès
des noms industriels et scientifiques, ne passèrent pas condamna-
tion immédiate , et voulurent qu'un procès criminel décidât de leur
importance sociale. Ce fut étrange de voir alors le comte de Saint-
Simon, le petit-fils du grand-seigneur de la cour de Louis XIV,
venir se défendre, devant des juges, d'avoir avancé que la mort du
comte d*Artois et celle du duc d'Angouléme feraient moins de vide
en France que celle d'un grand manufacturier. Singulier procès
dont un acquittement ne fit qu'accroître le scandale!
Du reste, cette Parabole que nous venons de citer ne fut aux
yeux de Saint-Simon qu*une boutade spirituelle, dont ses disciples
ont toujours contesté T à-propos et la valeur. Il acheva, vers ce
temps, des travaux plus graves et plus complets : La Réorganisa--
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SOCIALISTES MODERNES. 297
lion de la société européenne y l'Industrie, COrgamsaleur, te Politique,
le Système Industriely le Catéchisme des industriels. La publication de
ces divers ouvrages, d*un débit difficile, n*eut lieu qu'à la suite
de démarches humiliantes et longues. Méconnu alors, Saint-Si-
mon se voyait, presque toujours obligé, d*aller quêter, de porte en
porte, TaumAne d*un éditeur. Ces peines ne furent pas les seules.
Plus d'une fois Tunique héritier d*un des plus beaux noms de
France se vit réduit à Tordinaire du pain et de Veau ; plus d'une
fois il se passa de feu Thiver pour arriver, à Falde de privations
personnelles, aux honneurs d*une coûteuse et ingrate publicité.
Toutes ces douleurs, leMessie nouveau les avait prévues, il ne recula
devant aucune d'elles. Un jour pourtant, un seul jour, la tristesse
le vainquit; l'homme écrasa le dieu. Saignant sur sa croix, il de-
manda grâce ; et comme pas un ami ne se trouvait là pour le percer
d'une lance, il se rendit ce service à lui-même avec l'arme plus mo-
derne du pistolet. Les têtes puissantes résistent mieux, à ce qu'il
parait, que les têtes vulgaires. Saint-Simon survécut au suicide. La
balle n'avait atteint aucune des parties organiques, il en fut quitté
pour la perte d'un œil. S'il était mort de son fait, son autorité à
venir en restait singulièrement compromise. D'ailleurs le complé-
ment de sa doctrine eût manqué à ses apôtres ; le Nouveau Christia-
nisme n'existait pas. Le Messie en revint donc, valétudinaire et dé-
figuré.
On^ vu Saint-Simon débuter par l'expérimentation personnelle
pour arriver à la publication par la voie de la presse, et d'homme
du monde devenir ainsi polémiste. Voici maintenant qu'il quitte
l'une et l'autre méthode pour le rûle d'évangéliste et de prophète.
n déserte la pratique de la vie, la tribune de la publicité pour les
prédications delà chaire, a En attaquant le système religieux du
4rinoyen-ftge, disait-il à M. Olinde Rodrigues avant de mourir, on
tt n'a réellement prouvé qu'une chose : c'est qu'il n'est plus en har-
ff monie avec les progrès des sciences positives; mais on a tort d'en
a conclure que le système religieux devait disparaître en entier ;U
a doit seulement se mettre d'accord avec les progrès des sciences. »
Puis il ajoutait par une sorte de retour vers la réalité: crLa der-
cr<nière partie de nos travaux sera peut^tre mal comprise. »
Cette dernière partie des travaux de Saint-Simon, c'est le Nou-
^au Ckrittianisme.
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298- HEYUB 1>B$ DEVX MONDES.
On a taat jpa^é de ce morceau » on Ta exalté avec une affectation
si épiqpç ^ ^ii^ffi p9n^ setoWe utile de ramener les choses dans le
y];i^^ Lapenaée4^^?4p(-SÛQ»QV^» AV^ ^^V) évangile contemporain,
n^eattnisaill^^, ni nçuy^.^11 3*agit toiyour^ d*un plan de réforme
reUçieuse , bia^ée su^p cet argument à Tus^ge des schismatiques de
toutes les époques, d^uis Ar^is jusqu'à M. Vabbé Chàtel^ en pas-
sant p^ Luther : qii^^, le chnatji^isme;a.été détourné de ses voies,
et. que la profanation esV aujourd'hui flagrante dans toutes les
églises. L'auteur, ap^ès quarante autres,, coiini;nence par établir la
grande scission entre la parole divine et la parole humaine , entre
les révélations et les commentaires» entre le texte et la glose; puis,
ces prémissefs posées» il se réçume en concluant que le christianisme,
progressif de sa nature, n'aurait pas dû s'immobiliser dans des
emraves canoniques; et qu'au contraire, recevant autant d'impul-
sion .qu'il en donnait^ agissant sur le siècle, comme le siècle agis-
sait sur lui , il aurait dû se mçdifier suivant les mœurs , suivant
les pays, suivant les peuples, suivant les âges, et ne conserver
d'éternel que cet adage évidenunent divin : cr Aimez-vous les uns
les autres, d Le Christ n'avait pas dit autrement.
Quand il arrive à la démonstration, Saint -Sin^on rencontre
pourtant sa nouvelle et belle formule, celle qu'on aurait compro-
mise en expériences maladroites, si elle n'était pas une vérité
hors d'atteinte. De l'adage : a aimez-vous les uns les autres, » il
tire le principe suivant : <r la religion doit diriger la société vers
<r le grand but de l'amélioration la, plus rapide possible du sort de
c( la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. » Tout est là
selon le maîu*^. Unité reli^eusé^ infaillibilité sacerdotale, durée
du culte, sa moralité, son inQuençe, tout, est là. C'est le nouveau
christianisme en trois lignes. S'agit -il en effet de trouver les
prêtres du culte régénéré? H v^ ss^isdire que les prêtres seront
forcément et naturcjllememt les hommes les plus capables de con-
tribuer, par leurs travaux, à Taccroissement du bien-être de la
classe la plus nombreuse et la plus pauvre. Seulement il reste à
régler le choix et Téchelle ^iiérarchigue des hommes les plus capa-
bles. Sur ce point ^ Sa^nt-Simon n'avajit rien ûxé, rien prévu ; il po-
sait sa religion à l'état purement spéculatif. Dans la pratique,
l'organisation hiérarchique d^ plus capables a été u](ie difficulté
presque insoluble. Saint-Simon tournait la difficulté sans l'aborder;
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SOCIALISTES HODERNES. «299
3 faisait de la poésie et nondeJalogiqiiey^qiiaodilchaatait unèpise
anj^ puissans» aux philosophes, auxsaTUs, j«x artisteaeniloat
,çemre ^ pour qu'ils se nissent à la ftète 4u cuke régéoévAyipoiir
qu'ils le readisseot m^eslueux et beau, pour ipi'ilsle reUv^ssoDi
aiLmçyen de tous les prestiges et 4e toutes Us m^gnifioeaces. Galte
théorie péchait par les4eux hases, car il fallait toat à la foia^ne
les privilégiés du génie voulusseatconinmider, -et quelastaotres
se réaigoassent à obéir*
Si cette 4>cganîsatioB indécise et ¥4porease laissa beaucoup i dé-
sirer* enreyanche, toute la, partie critique du Nauveaw Christ*
n'ume est un travail d'une étude profonde et d'un beau caracttee.
S*attaquant d'abord au cathdicisme, Saint-Simon accuse «le pupe
et .son égli^ d^hérésiesur troischefo : l» l-^nseignement hideux
des laïques ; 2» la mauvaise direction donnée aux études des sén*
naristes, et,, par suite, Tignoranceet Tinc^padté religieuse des
desservans du culte ; 3^ l'autorisation occulte^ ou patente acoer*
dée i deux. institutions diamétraleaient <9pposées à l'esprit da
ehristianisme , celles de Tinquisition^t des jésuites : trois erreui s,
trois hérésies capitales du catholicisme, deetructiiEeB duifnaoipe
fondamental de la révélation chrétienne : «aimez^vous les ugs
les autres; » trois 4>bstacles;dirimansià l'améliovatian du sort de
la classe la plus nombreuse^ et la plust pauvM.
Site psqpe esthérétique , Lntherne l'est pas moins j Luther, mx
jeux de Saint-Simon, esthérétique au premier chef, pour av^lr
xjuand il était mattre de sa formule , quand il avait table pase de-
Tant lui , proclamé une morale très inférieure a celle qui peut oon-
yenir aux chrétiens dans Tétat actuel de leur civilisaden ; il l'esten-
core pour ^n'avoir pas, comme Jésus le disait, organisé l'espèee
humaine dans rintérét de la classe la^phis nombreuse < et la {dus
. pauvre. Au second chef ,( Luther est hérétique^pour avoir êé^ifHé
un mauvais culte, pour n'avoir point'appelé,>à Taidede sa réforme,
tous les arts qui charment la vie , la poésie , la* musique y la scv^
lure; pour avioir prosaïsé les sentimens chrétiens; pour s'éM
privé de lillusion sensuelle , de Téinotion scénique , qne le cathoK-
eisme avait si bien mises en cenvre^ En fin , Luther est hérétique au
troisième chef, parce qu'il ordonne de lire et de ne lire que la Bible»
lecture exclusive, immorale souvent, féconde en révélations sur
les turpitudes humaines , nommant de ces vices dont rexistencd
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300 âSTUB DES DEUX MONDES.
même devrait être ignorée; lecture trop métaphysique d^aillearsy
et qui n*e8t pas une des causes les moins actives du dévergondage
nébuleux des philosophies allemandes. Donc, sur ces trois cheEs,
Luther est hérétique conmie le pape Ta été sur d*autres chefis. Lan
et Tautre ont dévié du grand axiome religieux , du but essentiel de
toute loi et de tout dogme : Tamélioration de Fexistence morale et
physique de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre.
Pour rétablir le christianisme dans ses voies , il fallait , toujours
suivant Saint-Simon , lui restituer un côté matérialiste dont Tabsenoe
le frappe de stérilité dans son action sociale. Le mot de Jésus-
Christ : Mon royaume nest pas de ce monde , mal compris et plus
mal pratiqué» avait établi, dans la religion ancienne, une lutte
éternelle et indéfinie entre la matière et rintelligeoce , le corps et
Tesprit. Cette lutte devait cesser ; le culte nouveau devait être on
feit à la fois social et religieux.
Tel est le Nouveau ChrManisme, dans lequel Fauteur a mérité
qu'on dit de lui ce qu'il disait de Luther: /( a bien critiqué , mai»
pauvrement doctrine. De cet opuscule ont découlé, pour les disciples
de Saint-Simon , d'abord les deux ou trois épigraphes de la foi
nouvelle, puis l'appel aux capacités pour qu'elles eussent à concou-
rir au grand œuvre de la rénovation religieuse et sociale ; puis
encore cet apostolat, tout de persuasion et d'amour, cette nouvelle
communion de martyrs à laquelle il n'a manqué que des bourreau
plus farouches ; enfin le principe vieux, mais oublié, de l'aflectioa
fraternelle entre les hommes, base de la nouvelle organisation so-
ciale qui remplacera la force militaire par l'union pacifique, qui
dissoudra l'armée pour enrégimenter les travailleurs.
— Jésus-Christ a préparé la fraternité universelle , dirent les
successeurs du prophète ; Saint-Simon la réalise. L'église vraiment
universelle va paraître : le règne de César cesse. L'église universelle
gouverne le temporel conmie le spirituel, le for extérieur comme le
for intérieur. La science est sainte, l'industrie est sainte. Des prêtres,
des savans, des industriels, voilà toute la société. Les chefs des prê-
tres, les chefs des savans, les chefs des industriels, voilà tout le
gouvernement. Et tout bien est bien d'église, et toute profession est
une fonction religieuse, un grade dans la hiérarchie sociale.— A
CHACUN SELON SA CAPAUTÉ ; A CHAQUE CAPACrrÉ SELON SES OEUVRES.-'
A c6té du texte de Saint-Simon, telle est la glose saint-simonienne.
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SOaÀLISTES KODERIfES. SOI
Quand Saint-Simon eut écrit son Nouveau Christianisme, sa santé
alla dépérissant chaque jour. Réduit à vivre d^emprunts, en proie
au besoin et criblé de dettes ^ il n'en conservait pas moins un calme
et une sérénité impassibles. En 1825, le mal redoubla; pendant
deux mois il ne vécut que d'eau et de bouillon. Le corps s'en al-
lait, mais la tête n*avait rien perdu de son activité. Malgré ses
souffrances, Saint-Simon s'occupait alors de la fondation d'un
journal qui continuât ses doctrines , et préchant son œuvre, la sui-
vit dans ses développemens. Ce journal était le Producteur que le
moribond n'eut pas même la joie de saluer comme le vieillard du
cantique. Le 19 mai , il mourut dans les bras de quelques disciples :
H. Auguste Comte, son Benjamin, son vase d'élection, qui depuis
renia le maître, et M. Olinde Rodrigues, qui glorifia Saint-Simon
avec MM. Bazard et Enfantin, puis avec M. Enfantin seul, pour se
retirer dans sa tente au jour de la rupture.
Cette mort de Saint-Smon serait demeurée sous le voile, si , plus
tard, les disciples alors présens n'en eussent révélé les détails.
Leur pieuse affection n'a pas, on doit le croire, rapetissé le héros.
Peut-être même a-tron eu le soin de le draper pour mourir. N'im-
porte , il faut raconter ici comme ils racontent ; le moment suprême
a des solennités qui désarment le doute. Saint-Simon sentait la vie
le fuir, il rassembla autour de son lit les confidens de ses pensées,
et leur dit :
« Depuis douze jours , je m'occupe, mes amis, delà combinaison la plus
capable de faire réussir notre entreprise ( le Producteur ) ; depuis trois
heures, malgré mes souffrances, je cherche à vous faire le résumé de ma
pensée. Vous arrivez à une époque où des efforts bien combinés parvien-
dront à un immense résultat La poire est mûre; vous pouvez la
cueillir La dernière partie de mes travaux, le Nouveau Christianisme»
ne sera pas immédiatement comprise. On a cru que tout système reli-
gieux devait disparaître, parce qu*on avait réussi à prouver la caducité
du système catholique. On s'est trompé : la religion ne peut disparaître
du monde; elle ne fait que se transformer Rodrigues, ne l'oubliez
pas! et souvenez- vous que, pour faire de grandes choses, il faut être
passionné Toute ma vie se résume dans une seule pensée : assurer à
tous les hommes le plus libre développement de leurs facultés, b
D se fit alors quelques minutes de silence, après lesquelles
ragonisant ajouta ;
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RfiTtnK mn* oeui.*'iriii0B8*
i^'^ftgnttte^hcil heures 'iipr es* notre Meoudo piAfNeiitlOD y -le^pitttMes
traTriiUeors^«era eoBstHué : r«fieoir ffs^ à noos;'»
Ces motsridits , 'û porta la main à sa tête, etmointit.
Ainsi, ' pour Té8amer''^alm-Sinion, îl 'ftnt le Toir soastrdb
aspects ssfllans et bien distincts : comme «xpérimentateiir/ixniime
publiôiste/ comme réformateur religieux.
Comme expérimentatear, 11 partit de ce feit, qnefersealmoyeirtte
pousser la philosophie dans des Toies progressires ^étàit de s»
livrer à des expériences successives et personnelles. Cfaerdiam,
combinant des actions étranges etinouies , ou de nourefles séries
d'actions ^il s^abandonna sciemment à "beaucoup d* épreuves folles;
il fat extravagant selon ' le ~monde , 'bizarre , immoral ; mal 'femé;
choses qui lui importaient peu , car il tévait une mortittènouteDe.
Voiciix>mment il définir lui-même cette phase expérimentale :
a lo Mener, pendant tout le cours de la vigueur de Tàge, la vie la plas
originale et la plus active possible.
a 2^ Prendre connaissance , avec soin , de toutesies théories et de toutes
les pratiqes.
et 3« «Parcourir toutes les classes de la taolété , se plaeer penanoeiie»
ment ^ans les positions weîlksi tes fiasidifttreiiteB,''el'ni«ae«réeriées
relationsqui n'aient point axitté.
a 40 Eoftn ^ employer* sa vieUltee à céaomer .las -abservalkos sar'>lii
effets de ses actions pour les autres et pour soi, et à établir deafinoqfMS
sur ces résumés. j>
Dans 4a seconde phase de sa vie, Saint-Simon résuma, comme
puUiciste^ les impressions xfa*ik avait ^icquises dans sa vie expéri-
mentale; il cherchai les rendre profitables et praticpies pour le
monde industriel, sctentifiqne et politique; 11 essaya, par lambeaux,
son système de doctrine et d'application générales , dont la syn-
thèse ne devait se trouver que plus tard dans le Nouvem Chmia-
nisme, attique de son monument.
Enfin , comme révélateur rel'gieux, il couronna ses travanx an-
térieurs, travaux incomplets et préparatoires, par la théorie
d*une socialisation chrétienne; il donna la formule qui résumait,
suivant lui, le seul principe révélé du christianisme, le seul artidc
de foi qui fût d'inspiration divine : <r La religion doit diriger la
or société Ters le grand but de l'amélioration la plus rapide pas-
a sible du sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre; 1
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sqntmgft^dii pauwfrdo frateinkA, d^msiem ^ d'iufem, qti vaut,
à.aUe s^ula, ioiU^iOrCod»' 4e;iDgrak; masuBe aakce, dwaat hk**
qncJle Yjenmnl MS^amartir etra^-Aleioëar toi giaad^ et baïUieMi m^-^
bilM4lea.fûciélé8 maderiiM, TégMleaia^ la hai»e^ riaotomeai, 1»
daula^ ledécourasunant» Ia>Biaiivakft Cm ; dog«i6 déji {Mresaeati
par. le pbilosq>be danr les JUures'd^êifkbaUiënè iU Gmèveel daaa ht:
PwpfiboU; iBieBxaopiMé4>toalagd par laAhwyowitgiiDii rfg to ^octAér
etu:0péettne^ et par isaa autres ominraga^ d^économie iaduMMIe^
mais articulé senlawant4.yn» maaiAre formelle et prioiee dane le*
NomwKtm CértrtmwîMWf »ce ieeiaiaeiit.de<fiaiiit<rSiiBOiib
IL —«lEIlIB&E ÉPOQUE.
L^ ProdneWor.
jLe Producteur, on vient de le Yok, fut fondé aur le lit de mori
de Smnt-Siinon. Légataire plus spécial de. la pensée du maître»
M. Olinde Rodrig^es-chercha.à s*aatûcier quelques esprits sympa^
thiquctf à la doctrine nouyelle; il trouva alors , et successivement^
MHi. Bazard (qui signât SaintrAmand), Enfantin, Cerdety Bur
chez, et d'autres encore» qui ne suivirent pas ou laissèrent ensuite-
à mi-chemin Tœuvre de propagande saint-simonienne. Le Produc-
teur, ne pouvait pas, ne devait pas être une chaire exclusive pour
la religion encore dans ses langes. Les disciples que SaintrSimon
avait laissés n'étaient ni assez nombreux, niassez riches pour poiK
voir repousser une rédaction et une organisation étrangères.. Une ^
sodété en commandite se forma pour la. fondation d'une feuille^
destinée, en grande^partie^à des articles de technologie et de «ta*
tistique industrielles. L'intention des principaux eoopérateurs était '
bien de fonder une école; mais le plus grand nombre se bornailjà
exprimer des sentimens individuels et des opinions isolées.
Cétait d'aflleurs à une époque où Ton avait à se. défendre sur-
on autre terrain que sur cehti. des idées spéculatives. Comme la
réaction d'absolutisme marchait alors dans une phase d'ascension
et de triomphe, la résistance des sentimens^t des. intérêts contre
dea empiètemens scandaleux s'organisait à l'jombre du hbér séisme;
Cette formule, dont.on^ reconnu plus tard le vague et l'impuis^
sance, régnait, alors M passionBait les esprits..L!un.dea chefs fo^
turs du aaintr^îmamaniey^oebii qui devait prêter à la doetriae
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S04 REVUE BES DEUX HOlfDES.
TappUi d'une dialectique vraiment puissante, M. Bazard, était loi-
môme un chef de carbonari, échappé comme par miracle i cette
échauffburée de Colmar et de Béfort, où Lafayette joua si bravement
8Si tête. Les forces vives de la France étaient alors tendues de ce côté.
Placés de la sorte entre deux camps acharnés, les disciples de
Saint-Simon auraient été fort mal venus à faire entendre une ph
role toute pacifique. Enseigner alors le dogme du maître , prêcher
l'autorité à une époque où Ton abusait de l'autorité, parler d^nn
christianisme nouveau à des populations que fotiguaient les prétm,
déployer le drapeau d'un schisme en face des susceptibilités ortho-
doxes du moment, c'eût été se vouer à une prédication stérile et
dangereuse. Le Producteur tournarécueil. H réserva pour des temps
meilleurs la doctrine sociale et religieuse, et ne s'occupa que da
développement industriel et scientifique de l'humanité, d'après h
théorie de Saint-Simon. Des plumes vigoureuses et exercées, des
talens pleins de jeunesse et de verve, des hommes d'élite, parmi
lesquels nous ne citerons que M. Carrel, restèrent alors associés,
pour la rédaction de la feuille, au petit noyau des saints-simoniens
primitifs ; et le succès qu'elle obtint parmi les esprits sérieux, ré-
sulta en grande partie de ce concours d'intelligences élevées.
Bientôt pourtant, un changement survenu dans le format et
dans le mode de publicité ramena le Producteur à son unité origi-
naire. De journal hebdomadaire il devint recueil mensuel. Ceoi
qui ravaient fondé, puis transformé, le soutinrent pendant quelque
temps encore, après quoi il s'éclipsa un beau jour, faute de
5,000 francs annuels pour le continuer. Les apôtres n étaient pas
opulens, et les mains qui jusque-là avaient feit les avances, étaieot
lasses de donner. Le Producteur mourut.
Dans sa courte existence, bien qu'empêché par des craintes de
saisies judiciaires, il avait posé, en fece du gouvernement le plus
ombrageux, une foule de questions hardies et radicales. Il avait
parlé de l'affranchissement de l'industrie, quand régnaient, dans
toute leur gloire, les théories de M. de Mayrinhac et les tarifs de
M. deSaint-Cricq; il avait convié et excité à une œuvre d'orga-
nisation nouvelle les savans , les artistes, les financiers , ces puis-
sances indépendantes que l'on craignait tant alors. Le Producteur
avait fedt plus encore : il avait prêché l'union et l'oubli à l'opinion
dominante, et hasardé des mots de réforme sociale, précoces et
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SOCIALISTES MODERNES. 305
aiidacieux. Cétait beaucoup que de se déclarer neutre en temps de
guerre, que de se mettre entre deux armées qui se battaient, au
risque de se voir frappé par Tune et par Vautre, et avec la certi-
tude d'être impuissant à les pacifier. Ce dévouement opiniâtre, cette
patience à éclairer les questions de Tordre industriel, que dénatu-
raient alors les desservans de la statistique; cette persévérance
désintéressée dans une œuvre calomniée et méconnue, tout cela
caractérise et honore les jeunes philosophes pour qui le Producteur
fut une espèce de prologue àTapostolat. La tâche solitaire qu1Is
poursuivaient avec une obstination consciencieuse était d'autant
plus méritoire, que Téclectisme doctrinaire remplissait alors le
monde de ses mérites, et qu'à côté de leur feuille, pauvre et mo-
deste, débutant comme le maître avait fini, par Tindigence et un
ai^l à des bourses profanes, rayonnait un journal semi-périodi-
que, organe de cette philosophie transitoire qui vulgarisait tout sans
contrôle, quelquefois sans discernement; philosophie de beau style
et de belles formes, qui n'eut guère que des vertus négatives, même
au jour où elle prévalut.
ffl. — DEUXIÈME ÉPOQUE.
Enseignement de la me Taranne. — Ezpoiîtion de la Dootrîne.
Quand le Producteur tut mort, on put croire que le saint-simo-
nisme avait fini en même temps que lui. La presse philosophique
le crut; elle sonna, avec le zèle et la grâce d'une rivale, les funé-
railles de la doctrine nouvelle. Mais il en est de la parole répandue
dans le monde comme de ces semences que le vent promène d'une
zone à l'autre, qui traversent les mers dans le bec de Toiseau, et
vont germer loin de l'arbre qui les vit mûrir. La publicité du Pro-
ducteur avait eu un rayonnement borné, mais choisi : un petit
nombre de lecteurs attentifs s'était mis peu à peu dans le courant
d'idées de la doctrine, et avait senti à son unisson. Des sympathies
réelles étaient acquises aux principes ; le désir de voir les hommes,
de les connaître, d'apprendre de leur bouche le complément de la
philosophie saint-simonienne , tourmentait quelques têtes plus en-
thousiastes que les autres. On s'écrivit, on se visita, j[>n s'aboucha;
des correspondances s'organisèrent; des réunions eurent lieu; des
centres de propagation se formèrent sur divers points. On pro*
TOME vu. SO
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30ft, REyoB DBS f^mpL xamsAi
céda mém^ dè«-lar6 à un syatàme d'afgliatîMi^ mvio^alMaini
br^uees^ Quoique. les ap^ites euaseni éié oblî^ de fenoweriJbi
presse , coiQfl^e infkieiiee périodique, ils s^ea «ervireul p«riaAnN^
railteiiee, poiv prâcher leurs idtes daas des brochwe» er d«M.
di^ livres, Ces ouvrages n'éiiii^t poini wx^piv»: compte! de It^
phj]i<»âaphie de Saini-Sîioon , mais^uJeiiient de» théoMS indostiists.
oujM^ien|ifiques> dé^eloppte diaprés la. méthode ^.^eklfiiMi^
rium de la doctrine^
Bi^ntÀt anAsi^» en^igi)9»(ep4i0ral s'owrii4ai»B une aalle^rae;
Taraoi»^» et M. jBas^cd j poiHrswril, dans une longw suîfte de^oi»
férenioes^ LEjcpmt'tan ^ompiH^ide luifoi 9ai9Utsimoniemi€M.Akms}imi
iojtàatîoQi» aUèremcbaqw jour eiiai«giReQisuit;J*éQol6^ere(ma.
surtout parmi les hommea qiiîvse paient le moius à» rèyenis,
permi les élèves de TÉcole Polytechnique, ce sanctuaire deasaor
ces positives. C'est à cette date qu'il ifojiii rappoiDler les afifiliaiioM)
de MM. Garnot^ Miabel Chevalier, FourueU, Pugied, Bacraok^
Charles Duveyrier, Talabot» et quelques autres^qui, av^o MMi Bu*
zardy Enfantin et Rodrigues, premier trinAme saiat^siaKMiieny
composèrent le noyau de philosophes et de prôtres qui devaient
plus tard constituer, ce que l'on nomma le grand collège.
L'enseignement de la rue Taranne fit faire un grand pas à la
doctrine. Les matières se trituraient en commun entre MM, Bazard
et Enfantin; ce dériver pr^e^sant toujpui*^ Fautre^ éveiUiuit les
qupsfjp^sjuxi^ à UQ^, et les livrapt < ensuite i la^ déduction in»'-
Yonsf^f à la sagacité didactique, «de son^coilégiie. Après aroir ptr^
co^U et réglé dans le Produolteur la sâri^ di^a £»it8 indu^triisla, kti
esprits jn^pulsifs de Técole expliquèrent, dana i'£^paMiîM orafe,
les autres phénomènes de Vactivité bumaimp et direntr la loi qui-
devait féconder son avenif^ Ce n'était plus alor^une démoiisitraiîeB<
étriquée et partielle; c'était^lasçiencei générale qui,all»| dérouler
ses magnificences^
La première, partie de cette EjçposiUon de ladoi^ne n^ conte-
nait que fort peu d'indications or^^aniqnes. La critiqpey dûmkuà.
le reste ; elle s*y était fait.une large part. Céuit le view imBd» m
présence du pouveau ; Vun^sur la sellette, Tautr^sur un fouteuil dt
juge. Dans uq dé^at ainsi ppsé, on devine quel deyaitéf rye^ vaioeo^
r£j77p.si/îpn commence par déplorer la|^t|uatjapi doiiloureuw
dans,laq\iel}ejieirouy^Ja /société ^uropéeni^ ]^ hitte ai Fi
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mCIÂlf STES MODEKIVES. 'SO?
Igoiibiiie soiit pattoiit^ la o6bésîon efla concordene soûtniille patt.
Tons les^Jens^seTélàchent; le regret et la crainte,' la déflance et
ia hakte; le charlatanisine'et laruse apparaissent aussi bien ^ans
TwrTdatioftsgénérrfcstpietlans les rapports individuels. Ce désoi^
•tffe, cette anarchie, se retrouvent dans la politique qui nous divise
•an nom du pouvoir et dcf la liberté ; dans les sciences que rien ne
ïeetttredles, quf marchent ^disjointes et nu hasard; dans Findus-
trie que ronge la lèpre de la concurrence; dans les beaux arts tpii
languissent, privés d'inspirations vastes et fécondes.
^^QnMàdV Erpontion a amsi caractérisé , à son point de' rue, les
^sociétés modernes, elle convie Thumanité à une autre nature de
rapports ; die indique aux mortels divisés or urilien d*affection, de
^'doctrine etd'activité^tpii doit les unir, les foire marcher «n paix,
^avec ordre, avec amour, vers une commune destinée, et
a donner à la société, au glèbe lui^^méme, au monde tout entier ,
xr un caractère d'union, de sagesse et de beauté, jd
l^ur arriver à la démonstration de ce feit, TExpontûm' procède
par la méthode historique relie ouvre le livre des tradition^'ei
fiait voir -comment rfaumanité a marché vers Saint-Simon parles
périodes d'-égoîsme et d^^béisnie; elle formule et fonde son sys*
tème annaliste sur la science de Tespècc humaine ; elle y trouve la
justification d'une tendance irrésistible vers Tassociation unîveF-
seHe, puis elle cherche à deviner quel sera le père de cette* race
- ftitiire, BHede Fassodatton , quMe sera la^viUe inittatidoe iki geiif«e
humain ,• la Ville du progrès TOodcme, comme l'ont été, aux temps
anciens, 'iémsalem, la^Kome impérriklett^'la^Bome chrétienne.
'Passant àrTautres intérêts, rBjrpowfian constate par«(ueMibus
du*foit r homme a été jusqtfiti, toujours et partout , exploité par
Phomme : tfHe proclame le droit nouveau : « A chacun suivant sa
tf capacité; à Chaque capacité suivant ses ceuvres; » droit qui «est
appelé à détrèner les privilèges de la conquête et de la naissance.
Personne désormais n'aura recours à la' force, caria force n'est
utile que pour imposer un abus. D'où il suivra que l'ancienne or-
ganisation, militaire et oisive, fera place à l'organisation active et
padliqtte des travidleurs, classés selon la hiérarchie.
De cet appel aux travailleurs conviés à un droit nouveau, l'Ex-
posiiien arrive à Texamen de la loi constitutive de la propriété, ici
la doctrine tranche dans le vif de la richesse actuelle : Jésus a
20.
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308 EEVUB DES DEUX MONDES.
ïit : a Plus d'esclavage! » Saint-Simon s*écrie : a Has d*lièri-
ff tagel o Après quoi conune la nature , qui &uche des honmies
chaque jour, exige un système quelconque de successibilité, tEx-
position y pourvoit et adjuge aux chefs de la doctrine le letoor
de tous biens, devenus ainsi à la fois communs et mainHoortt-
bles, à la charge seule, pour le suprême collège, de faire èlevw les
enfans dans une direction professionnelle, de les doter, de les
surveiller, de leur tenir lieu de père et d'héritage.
Des vues de législation assez étranges, des critiques générales
ou minutieuses sur Tétat actuel des sciences humaines , complètent
cette première partie de l' Exposition. La seconde partie est [dos
sérieuse, plus travaillée, plus vaste: elle aborde, quoique toujours
sous des termes mystérieux et emphatiques, les problèmes de
l'organisation future. C'est là que M. Bazard écrivit et écrivit seul
les prolégomènes de la doctrine qui allait passer à l'état de refi-
gion. Le dogme, la morale, le culte, s'y trouvent sinon formulés
nettement, du moins indiqués de telle sorte, que plus tard cet écrit
put fournir une longue série de thèmes aux enseignemens da
Globe f aux prédications de la salle Taitbout, et aux orageux dé-
bats de la famille de la rue Monsigny . Quand M. Bazard mettait ea
ordre ce beau et lumineux travail, si nourri de faits et d'études, il
ne se doutait pas que le texte en serait plus tard invoqué contre lui,
et qu'au bout de cette longue traite, épuisé autant qu'épouvanté
du chemin parcouru, il trouverait son collègue Enfantin qui lui
crierait : or Marche I » quand il eût, lui, fait si volontiers une halte.
C'est, du reste, ici le moment, à la veille de la transformatioii
retentissante que va subir le saint-simonisme, de résumer sa foi,
telle qu'elle résulte de l'Exposition et des œuvres qui en sont la
glose. U faut seulement laisser à l'écart, comme réservées, les
questions qui, dans la suite, soulevèrent des tempêtes.
Commençons p^r la tète du système : Dieu. Voici le Dieu saint-
simonien dans une première définition :
a Dieu est un. Dieu est tout ce qui est; tout est eu lui, tout est par lai;
tout est lui. Dieu , l'être infini , universel , exprimé dans son unité virante
et active, c*est l'amour infini, universel, qui se manifeste à nous sons
deux aspects principaux, comme esprit et comme matière, ou, ce qui
n'est que l'expression variée de ce double aspect , comme intelligence et
comme force, comme sagesse et comme beauté» L'homme, représeau-
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SOCULISTBS MODERNES. 309
tioD finie de Fétre iofiol ^ est , comme loi, dans 60d unité active , amonr;
et dans les modes , dans les aspects de sa manifestation ^ esprit et matière,
iotelligence et force , sagesse et beauté, b
Plus tard M. Enfantin, pour aider les mémoires paresseuses,
abrégea cette longue et nuageuse définition. Voici la sienne :
« Dieu est tout ce qui est ; tout est en lui , tout est par lui.
c Nul de nous n'est hors de lui , mais aucun de nous n'est en lui.
c Chacun de nous rit de sa vie , et tous nous communions en lui , car il
est tout ce qui est.»
Après le Dieu y lé Messie.
Saint-Simon était ce Messie. Il ne relevait que de sa nrisnon di-
Tine. Comme Jésus, il avait été envoyé pour annoncer au monde
une doctrine bien plus complète, bien plus sympathique que le
christianione. Écoutez :
c Le monde attendait un sauveur.^.... Saint-Simon a paru,
c Moïse, Orphée, Numa, ont organisé les travaux matériels.
t Jésus-Christ a organisé les travaux spirituels,
c Saint-Simon a organisé les travaux religieux,
c Donc Saint-Simon a résumé Moïse et Jésus-Christ.
«Moïse serait dans l'avenir le chef du culte, Jésus-Christ le chef du
dogme ; Saint-Simon serait le chef de la religion , le pape. »
Pour édaircir tant soit peu ce mythe, cette fusion du travail
matériel et du travail spirituel, absorbés l'un et l'autre dans le
travail religieux, U faut avoir la clé de ce que l'on a nommé, dans
Técole, le dualisme catholique, le combat de l'esprit contre la
chair, de Tintelligence contre la matière. Au lieu d'adopter cette
division consacrée jusqu* alors, le saint^imonisme s'annonça comme
devant l'annuler, l'heure étant venue. Ces deux principes, dé-
mens d'une lutte éternelle , an lieu de se combattre allaient désor-
mais se OHiibiner , recevoir une impulsion unitaire, se sanctifier
lun et l'autre, et l'un par Vautre. Avant notre époque, cette cause
de conflit, introduite dans les diverses reliions régnantes, les
avait rendues, disait Técole, vicieuses et incomplètes. Le prindpe
du bien et du mal proclamé par la Genèse, les dieuxbons ou mauvais
du paganisme grec et du fétichisme hindou, avaient amené ce dua-
lisme interminable, cet antagonisme dogmatique qui se résumait
pour Fhumanité en révolte des sens contre la raison, révolte fu-
neste, qui tenait l'ame et le corps dans un état d*irritation et d'hos-
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■JSM MmiB BB8 BBirX «OlIDES.
•tilité oonMtBteSy et qniy passant de l'ordre idéal dans Fordie
«positif, réagissait sur les lois, sur les mœurs, snr les habitodei,
sur rorganisation sociale et politique; créant ainsi, d'une part^ks j
t haines entre individus, dé l'aimre les guerres entre nations.
Donc il faBait, pour^^se Thumanié arritfttâ la oompUtéb»- \
monie de ses forces, que la chair et la matière fassent réhalNitéei.
Il fallait Mre justice, dans une loi nouvelle, de toutes les abomi- ^
nations et de toutes les erreurs île la loi ancienne; des suppBoi i
volontaires du fakir hindou, comme des macérations et des jeûaei
du cénobite chrétien. Les devises catholiques: e'Ifortifiei-feQs;
a abslenez-YOus,» devises négatives et vie3Ues, deraîent sereli*
Ter devant c^e^â :'« fiaoctîiee-inous dans le travail et daas'b ^
a plaisir. »
Ce dualisme, admis une fois comme élément et eomnefonw,
avait dû se glisser jadis et suinter, par miHe fiisiires inpetoep- i
tibles, de la base au sommet de Thamanté, a^ialHaer daas^les
mœurs et dans les institutions, dans les peuples et dans les goafe^
nemens. Ainsi la distineiion entre la chair et l'esprit avait conduit
à reconnaître deux directions, l'une temporelle, l'autre spiritodk,
à proclamer deux maîtres, un empereur et un pape , chacun arec
sa hiérarchie et ses attributions distinctes. Les paroles : < Ifon
a royaume n^est' pas de ccnonde. ---Rendez à César ce qme^i
9 César^etàDieuee quiest àDieu, j» avaient étalArpour le diris-
lîanisroe cette préansse orageuse, dont la eonséffuenoe apparais-
sait *d»s unet|Kuerre de dii^tiifitcenta «as, entre letemrporèlecle
spirituel.
Le samt^^iBonisne'tt'iMimettàlt pas ce thièl; il n'admettait fos
que Ihimanité dût *écre ainsi à tout jamais écartelée , tirée àdrcîte
par la chair , tirée à gauche pai^Vesprit, ne safchant que croire on
de ses instincts ou de ses idées ; il n^ admettait pas ces deux forces
rivales s'annulant dans le choc, ces deux glaives toujours prêts à
ae croiser ; ces deux prmdpes obligés de vivre ensemble et de lot-
1er toujours. Le prêtre de Saint-Simon devait reMer , d'après son
expression, la chair et l'esprit, et sanctifier l'un par l'autre.
Cette sanctification, cette réhabilitation de la chair n'était for-
mulée toutefois dans l'œuvre de M.'Bazard que d'une manière im-
plicite ; mais M. Enfantin sut la dégager du fond même de la déinoih
stration et se servir de cette arme contre celui qui l'avait forgée.
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aocuusTKs uovwmt S|4
Huod phis tard la controverse se fut engagée^ enlre saînt-si-
loniens, sur les questions de morale, on argua» pour battre les
iisâjdeas, de cette partie du dogme, qui n'avait eu d*abord,ec
[«■s la pensée même de rapAtre ,. qu'une sigmfication politique.
Ce qu'on voulait en effet, vers ce temps, avant que la Camille de
a rue Monsigny eAt été fondée , c'était la constitution de l'autorité,
a la règle de la hiérarchie. On entendait prouver Futilité d'un cu-
m), la puissance d'une fusion entre deux pouvoirs jusqu'alors
tiraillés et distincts. On voulait dire : a H n*y a plus un empereur
r et on pape ; il y a un Père. » On méditait un régime qu'à défaut
d'autre nom on peut appeler théocratique.
Cette théocratie ou association , comme on voudra, divisait l'hu-
nanitéen trois classes ; savans, artistes et industriels ; hiérarchi-
quement soumis aux premiers industriels, aux premiers savans»
aoxpremierd artistes. Ces chefs devaient administrer les intérêts
matériels et intellectuels delà société saiiit-simonienne, dans les
voies et selon Tesprit de la formule du maître : a l'amélioration du
« son moral , physique et intelIect^el de la classe la plus nombreuse
a et la plus paavre. » Ds devaient le faire suivant le mode de répar-
tition fixé par la deuxième formule : a à chacun suivant sa capa-
<r cité; à chaque capacité suivant ses œuvres, d
Ainsi par la foi nouvelle et i l'aide de ses organes, la cité, comme
le département, comme l'état, comme l'humanité, marchait vers un
but unique j but immense et fécond ! Hais par quelles lois allait-on
tendre vers cette ère d'harmonie universelle et de sublimes ma-
gnificences? Quelle allait être la règle fixe et reconnue des nouveaux
rapports de l'humanité? Le droit romain et français périssant en up
jour, qu'allaiton consacrer à sa place? Aux époques critiques,
comme le sont toutes celles que le mondé a traversées jusqu'ici, Thu-
manité pouvait et devait se contenter de lois mortes ; mais une épo-
que organique, l'époque saint-simonienne appelait la loi vivante.
«Uloi vivAXrg (i),— c'e^j^M^Ba^iarA^ g«rl9rr*1M fe trottFc qu'aux
époqoef organiques; et ^Xon la loi» c'eç), rhûf;oq^{ tovlo^ra ell^ A un
nom^et ce no^n est ce^ui de^on auteur. Et d'aji>ior,4çeUe q^l di)ipine toutes
les autfQs, celle qui a fondé, la société, c'est, selon l^.tem{(S.| ou la Ipi de
Numa, ou {a loi de Moïse, ou celle duXhrist, cqmmf^ .dwis l'avenir, ce
(<) tj^iitifn, tome n.
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512 RETUE DES DEUX MONDES.
sera celle de Saint-Simon. Bien loin alors que la société s'efforce de
mettre dans Tombre le législateur suprême dont Tamour prophétique hd
a donné naissance, elle s'empare de son nom , elle Fincame en elle; c'est
par ce nom qu'elle est, et c'est en lui qu'elle se glorifie d'être. Touto
les lois qui, dans la suite des temps, se produisent comme l'interpréu-
tion, le développement ou le perfectionnement de la loi révélatrice, de-
viennent également inséparables de leurs auteurs.
«C'est toujours le législateur qu'on aime; c'est à lui qu'on obéit
Dans l'avenir, toute loi est la déclaration par laquelle celui qui préside
à une fonction , à un ordre quelconque de relations sociales, fait connaitrr
sa volonté à ses inférieurs, en sanctionnant ses prescriptions par de;
peines ou par des récompenses. »
Voilà doncle prêtre, non-seulement chef spirituel et temporel,
mais législateur et juge. Il sera plus encore. H sera le manutentear
et le distributeur de la fortune sociale : il la recevra par voie d'hé-
ritage, pour la rendre à chacun et à tous en instrumens de travafl.
Ainsi tout sera concentré dans les mêmes mains; action impolsiTe,
action coërcitive; tout marchera dans une pensée et vers un bol
uniques. Il y aura des millions de bras, il n'y aura qu'une tête, l'o
honmie résumera rhumanité. Toute lumière viendra converger en
cet homme pour rayonner ensuite, hors de lui, plus vive, plus fé-
conde, plus pure. Cet homme, ce pontife, ce sera le plus fort Je
plus sympathique, le plus généralisateur de tous les êtres vivans;
il embrassera dans son amour et l'amour du prêtre de la science et
l'amour du prêtre de Tindustrie; il reliera socialement les théori-
ciens et les praticiens. C'est lui, la loi vivante, qui, d'un coap<<l*cul
et par une sorte d'intuition, se posera à sa place et réglera ensdie
l'échelle des vocations et des aptitudes, la hiérarchie des capacités,
et le tarif des salaires; c'est lui qui sera l'angle lumineux de U
création nouvelle, qui, abreuvé de l'amour de tous, s'épandraen
tocrens d'amour ; c'est lui qui donnera de l'unité au travail général
par la direction harmonique de tous les travaux.
Telle fut la préface du saint-8imonisme;tel fut son easeigoe-
ment public avant l'heure de la pratique. Ces travaux préparatoires
portaient l'empreinte d'une conviction lentement acquise. Obscurs
souvent, parfois déclamatoires, ils se présentaient, enyehppié
d'études si fortes et si vastes, qu'ib devaient provoquer de la part
des critiques une attitude d'estime et de réserve. La chose se passait
d'ailleurs dans on petit oerde d'esprits élevés, sans retenlisseineot
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S0CUU8TE8 MODERNES. . 313
extérienr^ sans édat, sans scandale. Vers le milieu de 1830, ce
Ibéâtre parut trop étroit aux saint-simoniens. Leur pièce était trc^
belle, pour qu*Os se résignassent à la jouer toujours entre deux
paravens et devant des amis. Il leur fallait une scène plus vaste et
plus orageuse : Os avaient soif des bravos, peut-être même des sif-
flets de la foule : ils voulaient se produire, attirer à eux, convertir,
grandir en puissance, se faire aimer, réunir toutes les pensées en
une pensée commune ; enseigner au monde Tamour, Tharmonie et
la paix. Ce fut alors que Técole devint une famille, puis une église.
IV. — TROISIÈME ÉPOQUE.
I/Orgaaisatear. — > FanûUe de 1a me MonsIgBy. — Le Globe. *-
P^édieatioas piiblM|«ef .
Le premier retour à une propagande ouverte fut la fondation
d'un organe spécial du saint-simonisme. L* Organisateur parut avec
une périodicité hebdomadaire, et cette fois rien d'étranger à l'école
n'eut accès dans la feuiUe. L'Organisateur fut une chaire purement
saint-simonienne.
La fondation de la hiérarchie remonte aussi à la même époque.
Dans l'ordre des dates, H. OUnde Rodrigues, le disciple direct de
Saint-Simon, aurait dû être le premier pontife de la religion. Hais la
loi hiérarchique n'admettait ni droit d'héritage, ni priorité d'avéne-
ment ; die ne saluait, ne reconnaissait, n*acclamaii que la capacité.
MM. Enfantin et Bazard se posèrent donc, en leur qualité de plus
sympadiiques et de plus capables, comme les chefs de la doctrine.
On les accepta comme tels. En effet, nul n'avait qualité pour mar-
chander leur couronne : la date de leur initiation, leurs travaux
longs et gratuits, leurs belles et savantes facultés, tout les portait
à ce poste, à l'exclusion d'autres prétendans.
On a beaucoup disserté , dans le temps, sur le mérite comparatif
de MM. Bazard et Enfantin ; on a cherché, en eux, quelles étaient
les facultés analogues , quelles étaient les facultés dissemblables.
Pour notre part, il nous a semblé que la nature de leur organisation
excluait, chez ces deux hommes, la pensée d'un long accouplement,
d'une solidarité durable. M. Bazard, élevé à l'école de nos luttes
politiques, ayant souffert par elles et pour elles, aimait encore,
malgré lui et à son insu, la cause révolutionnaire qu'il avait défen-*
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^Si4 METtrE *MS Mt/X^MMES.
'}énéyyag^mnapB. iPlus d^M fois , fMir Jttgêr fe Aàïrfe
<aieiHie,'il se mit âo^pOkit-de vue'durinoridé^fofàfte dontfl «èt^
ia louange etdMt il nédotiteit le sarrf^e.'Bbn togideii d'aites,
peDsenrinftttfgaMe, vulgHfisaVfttir habile tH^ttine peu le sotit,1tli-
~lMrdtii>iiyait, atfr^tmHhémedtmné; m^ Tenfénmitdeft-
duictieMr6tdeâét^3l<yppemef!s: n^dnrà épuîsiittes
' beeognedparHélies^tde détaQ; D-seTepo^iCYbhMitSers qumlchi
^étaient>ft«ies,«deMandamdti loisir pour en einbrasserd'avitresyptr
fetigne pen^^nrey'peiitMfttre^anssi partage aàaù.
M. Enfantin était d'une nature tout-à-fait opposée à odlni
S*étanttenuconsMnmieHtàl^6cartde*la politique courante, fli)
avait rattaché aucun souvenir de 0ympatbie*ou de haine; ilaMitait,
neutre et indifférent , à se^péripéties^les-plus éclatantes; il nesoi-
geait au monde que pour l'attirer à ses convictions, et non pour s oc-
cuper des siennes; fl ne tenait à lui que par les points d'ttta-
:<ehe arecravenir saint^imonien:*8a'téte était en travaflcoaMt
^de transformations expérimentales. On eût dit on fiiboratdke
d'idées, utieiM^ge d'ei elles sortaient br utes'pour passer au lui-
noir de M. Bazard. L'un était plus manipulateur, Vautre pfattCki-
iBiste.Ge)«ii^i^crit«it'miettxqu'iliiepaÂrit;cdm-4à pariaitnieox
qu'il »'écriT«dt.^. Bàfàntin trouvait la^pensée, M. Bazard k for-
mulait.
Si l'on voulait tapproftmifirMeepan^me, il serait' fMk ><fti
• 'foire résdltx^ ce regret,' 'que ces deux esprits émimns ae srfetf
pas demeurés --dans ^un poste où ils^ s'aidaient, eè 3s se m-
|>éraie«it Tan l^mre. M.^EhfaAth hansetaut M; Bâtard thiq»
-jour, à toute heure, pour qu^à uni théorème 'démontré soccédâi
^on tfaéorèfme nouveau; le-pr^oquant à des hardiesses lecc»-
eives et 'infinies ;" lui disant sans tesse cren avant, «qatHd ce-
lui-ci voulait attendre et voir;' M. *Enfamni, 'frappant cottp'W
coup, sann^éserve^et cfansr iwensofe , étaîtla pereonaMteittondi
monde- wmtiBati, ^yressé d'awiter, pressé de -jouir, prc«é*
•régner, pressé de s'installer dans une place prise. M. Batri»
cherchant des biais, critiquant beaucoup et doorrinant peu, Wtf
l'organe d'un procédé transitoire, une voix de condKatîen eow
l'ordre nouveau et l'ordre ancien. M. Enfentin se tenait §w h
*Toie de l'taiagîaation fet de la théorie, M. BataM sur cdte *
ia logique et de la pratique; l'un devait sf adresser auaentte*^»
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sogii.isTKg Mûiniivuu . Silir
rame», à la raiaon. Que M. Bazacd.so* retirât» dt.H. Eafintân,,,
livré à Iai-inéni«| devenait.. trop hardi et trop expérimentateur;.
if» M. Enfantin fit le premier sa reU'aite > et 11. Basard restait
sana force dénwt set doutes et ses hésitations : ce n*était plus un
dKf d'émise, mais seulement un philosophe dans la plus belto
acception de ce mot.
Oiehfues germes de ditision que couvassent ces deux esprits
sf anomaux y au jour de l'organisation de la hiérarchie, ils senn
blaieot ne foire qu*une tête et un cœur. On fonda le collège dans
lecpiel entrèrent les initiés de la première et de la deuxième
époque, les hommes du Producteur et ceux de F Organisateur.
Has tard, le siège de la doctrine fut transféré rue Monsigny,
où, i quelques mois de là, devait se grouper et s^installer la
famille.
Ceci se passait à la veille de la révolution de juillet. Quand*
la victoire eut émandpé les idées et les affiches, les saintrsimo-*
meos en profitèrent pour se donner une publicité de rues. Ua
élraage placard, signé Basard-Eafaniin, vint se coller hardiment
sur les murs de Paris, à côté d'une proclamalion de Lafoyette
et- d'un appel à la branche d'Orléaas; Le peuple en rit^ mais
ladnusbre des députés , qui était alors en train de s'effrayer dé
tett, porta graveiaent l'affoire à sa barre. MM. Dtipiit et Mauguin
signalèrent, do haut de la tribune, une secte qui prêchait la com-
mnnaaté des biens et la communauté des femmes; imputations
anxqaelles MM. Fazard et Ehfanlin crurent devoir répondre le,
1* octobre 1830. Voici comment ils le foisaient dans une bro-
chure adressée à la chambre des députés. Aux formes, aux pré-
tentions assoE modérées de cet écrit, il est facile de voir qu'il»
prévenait plutôt de l'impulsion de M. Bazard que de celle de son
coBègue.
c Oui, sans doute, les saînt-simoniens professent sur Tavenir de la pro*
Ffiélé et sor i'aveoir desJèmmes , des idées qui leur sont pacticulières et
9nJS rattachent à des vues toutes particulières Jiusii et toutes nouvelles^,
iOT U religion^ sur ie pouvoir, sur la.liberté, et enfin sur tous les grands i
Problèmes qui 8*agitentai:yoord\)ui dans toute l'Europe d*une nuinlère
sidésordonnée<etsi violente; mais il s'en faut de beaucoup que ces idées»
«>ient celles qu'on leur attribue.
^l^ Sf stèipft.de coffunupauté . des bieDS.s'entend« univeneUemenl du
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316 unns des deux moiidbs.
pattage égal entre tons les membres de la société, aoit da fonds hû-
môme de la production , soit da frait du travail de tous.
a Les saiot-simouiens repoussent ce partage égal de la propriété, qoi
constituerait à leurs yeux une violence plus grande, une injustice plus
révoltante que le partage inégal qui s'est effectué primitivement par la
force des armes, par la couquête.
ff Car ils croient à rinégalité naturelle des hommes, et regardent cette
inégalité comme la base même de l'association, comme la condition in-
dispensable de l'ordre social.
a Us repoussent le système de la communauté des biens , car cette com-
munauté serait une violation manifeste de la première de toutes les lois
morales qu'ils ont reçu mission d'enseigner, et qui veut qu'à Faveoir
chacun soit placé selon sa capacité et rétribué selon ses onivrcs.
a Mais en vertu de cette loi, ils demandent l'abolition de tous les pri-
vilèges de naissance, sans exception, et par conséquent fa de^trturttoiidf
Vhéritagey le plus grand de ces privilèges, celui qui les comprend tous
aujourd'hui, et dont l'effet est de laisser au hasard la répartition des
privilèges sociaux , parmi le petit nombre de ceux qui veulent y préten-
dre, et de condamner la classe la plus nombreuse à la dépravatioD»i
l'ignorance, à la misère.
a Us demandent que tous les instrumens du travail, les terres et le
capitaux qui forment aujourd'hui le fonds morcelé des propriétés parti-
culières , soient exploités par association et hiérarchiquement de manière
à ce que la tâche de chacun soit l'expression de sa capacité , et sa richesse
la mesure de «es œuvres.
a Les saint-simoniens ne viennent porter atteinte à la constitutioo de
la propriété , qu'en tant qu'elle consacre pour quelques-uns le privilège
impie de l'oisiveté, c'est-à-dire de vivre du travail d'autnii; qu'en tint
qu'elle abandonne au hasard de la naissance le classement social des in-
dividus.
»
« Le christianisme a tiré les femmes de la servitude; mais il les a con-
damnées pourtant à la subaltemitè, et partout, dans l'Europe chrétieoae,
nous les voyons encore frappées d'interdiction religieuse, politique et
civile.
<r Les saint-simoniens viennent annoncer leur affranchissement défi-
nitif, leur complète émancipation, mais sans prétendre pour cela abolir
la sainte loi du mariage, proclamée par le christianisme; ils viennent,»
contraire , pour accomplir cette loi , pour lui donner une nouvelle sanc-
tion , pour ajouter à la puissance et à l'inviolabilité de l'union qu'elle
consacre.
a Ils demandent, comme les chrétiens, qu'un seul honmie soit vm i
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SOCIALISTES MODERNES. 317
ime seule femme; mais ils enseignent que réponse doit devenir l'égale de
l'époux, et qne, selon la grâce particulière que Dieu a dévolue à son
sexe 9 elle doit lui être associée dans Texercice de la triple fonction du
temple y de Tétat et de la famille; de manière à ce que Tindividu social »
quijusqu*àce jour, a été Tbomme seulement , soit désormais l'homme
et la femme.
ff La religion de Saint-Simon ne vient que pour mettre fin à ce trafic
hoDteuXy à cette prostitution légale , qui , sous le nom de mariage , con*
sacre si fréquemment aujourd'hui Tunion monstrueuse du dé?ouement
et de régolsme, des lumières et de l'ignorance , de la jeunesse et de la dé-
crépitude.
«( Telles sont les idées les plus générales des Saint-Simoniens sur les
chaogemens qu'ils appellent dans la constitution de la propriété et dans
la condition sociale des femmes* d
Cette profession de foi , assez explicite, est l'acte le plus net et le
plus précis que nous ait légué le saint-simonisroe. Cet acte est d'au-
tant plus précieux qu'il établit , à cette date , sur quel terrain et
dans quelles limites les deux pontifes entendaient circonscrire leurs
débals avec le monde extérieur.
Cependant Téglise était constituée , et qui plus est, elle prospé-
rait. Des apports d'argent avaient eu lieu ; les membres du collège
ayant donné Texemple, on commençait à pratiquer la mise des
biens en commun après l'avoir professée. C'est dans cette période
ascendante que le saint-simonisme crut utile d'avoir de nouveau
une feuille à sa dévotion, feuille dans laquelle l'enseignement oral
serait résumé , à côté de la prédication écrite et quotidienne. Le
Globe se présenta ; le Globe , si fier quand le Producteur était si
hnmble, le Globe s'offrit par l'intermédiaire de l'un de ses proprié-
^res, M. Pierre Leroux, homme de convictions fermes et d'un
talent élevé, penseur profond , écrivain sincère, revenu de la théo-
rie républicaine à la formule du saint-simonisme. Un acte de cession
eut lieu le 18 janvier 1831, et les jours suivans le Globe parut avec
le sous-titre de: Journal de la Doctrine de SainhSimon y laquelle
«ait résumée en première page :
RELIGION.
SCIENCE. INDUSTRIE.
ASSOCIATION UNIVERSELLE.
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3IA- EETUB DES DBOX ¥0IIDB8.
a Toutes les institations sociales doiveat avoir pour bat l'améliOTate
morale y intellectuelle et physique de la classe la plus nombreuse et la plas
pauvre.
a Tous les privilèges de naissance » sans exception , sont abolis.
a A chacun seloa sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres. b
Un vaste élan de prosélytisme sui\it rapparition da GMe des
SMôt^Smoniens. Les imaginatiotis inquiètes et carienses, les têtes
réveases et enthoasiastes allèrent vers eux. La religion recruta
des poètes y des philosophes , des artistes , des industriels. A cette
date se rapportent une foule d*initiations, celles de MM. Rajoand
Hoart, Emile Pereire, M"""Bazard et Saint Hilaire, et succesâ-
vement, à quelque distance les unes des autres, celles de HILLan*
bert, Saint-Chéron, Guéroult, Charton, Gazeaux, Dugueit, ei plis
tard encore, Stéphane Flachat-Mony. Nous ne citons q^e les noms
de quelque intérêt. En revancHe, la religion fit alors une perte,
celle de M. Eugène Rbdrigues , enfant chaste et naïf, mort trop
vite pour sa gloire, th'éosophe enthousiaste qui laissa toute soa
ame dans ses Lettres à Bums sur là politique et la religion. Comme,
vers ce temps, les initiés étaient devenus trop nombreux pour qa%
pussent tous forcer à la fois les portes du collège, on établit, comme
une sorte de noviciat, deux collèges préparatoires du troisik^el
du second degré, se déversant l'bn dans l*^utre, et formant aioa"
deux pépinières où se recrutait le grand et suprême collège.
Cette ère de propagande ascendante se résuma par la -constitutioo
définitive de la famille, et par son installation dans la rue Monstgny.
Ainsi Tassociation était introduite dans la vie bourgeoise. On avait
fifaidè le ménage à frais communs, la fannille en grand pour le
monde, la famOle en petit pour Saint^imon; un spécimen de Yhn-
manité future.
Au dehors pourtant, là religion feisait du bruit et presque da
scandale. Diverses voies avaient été simultanément ouvertes à Ta-
postolàt. Prédications, missions, brochures, polémique quotidienne,,
tout rayonnait au loin dans un but de propagande. Sous la direc-
tion de MM. Hyppolite Carnot et Dugicd j renseignement avait été
ouvert dans quatre locaux différons : à la salle Taitbout , à l'Athé-
née, dans la rue Taranne et dans la me Monsigny. D'hebdoma-
daires, les prédkaÉH)ii».étaient devenues quotidinmea; on les appro*
priait à l'intelligence dePanditQire^.oalesLfaidait.vulgaires et sim-
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•j^ponr'jlM uasiimB , pcvétiqaes ei Mimées peur le^ arfbtes , ré-
vères et iptèckts pour les Mvans. Be9 centres d^organisaliM
tfaieat été organisé» par les soins de^M^Bmii Foumel ëaniles
doQzvarnwKssaiie» de Paris. Enfin» six égKaes^déptftieiwelitales,
iToolowe^ à Moiilpdlier/i Lyon, à Meiz, à Dijon; s^éfaient'déjà
iAes^enr rapport arecf étabKssementmdirDpolitain.
Doaon^dté) le 4ï/o^4igissait commeiiin levier incessant snrtiM
nassedef Isnieiirs que la nuriostté eondnisait parfois à l'examen , le
sarcasme i la réiexion^ >Au nombre des choses remarquables qui
panireat dans cette feuille, W'fyvt dtertine Économie fHjlUifiueéù
M.'EnflMatin^ qm encmit dans les -queetions courantes, et, sans les
prendrei au point de vHe exdo^f et absolu de-Ia doctrine, les résu-
ttsit enooitibinaisons judicieuses et'pratiqnesJ Le chef saint-simo-
iritn descendit nvême alors jusqu'à proposer, dans l'organisation
économique, quelques réformes transitoires.
Il€dnmiençait par poser ce principe :
ff La société ne se compose que d'oisifs et de travaitteurs; \^ politique
*Ht SToir ponr but Pamélioration morale, physique et inteîiectaelle du
Mrtder travailleurs, et la déchéance progressive des oisifs. Les moyens
•Mit, ipanfjanx'oisili, la âsMtuction'de'tous'les privilèges de la nefs-
■R)ce,'«t>tipnat aBz*lnrvaill«on,'le'claflwni8nt sekiirles capacités et la
attntNMisirevkm leastm^ras^^
CeciétaMi,lll.Enf9nfin'Oon9email<à ne pas exiger totitâ*un coup
la réaKsMion absolue et complète de cette théorie. Il admettait des
procédés <Ie transition ; il les créait, il les développait.
ïami-les rèfspmes proposées parle^t^hèf^sain^-simomen , 4a phis
8éci8ive4lait l>abolftion4e8 aucœssions collatérales, prolégomène
^ent de Paboiitionide r héritage. La succession collatérale, avec
9^ fractioanemensi'wùlliples, ^ivec son eortége de procès, plus
rainenx encore peur laiseciécé qvepour les^individus , la succession
<'onatéralei douce -degrés surtout, était une loi civOe d'un^inérite
fort contestable, qu*oir pouvait modifier sans que la société enfftt
ébranlée autrementqu'à la snrfece.Ily ataltutiKté'et convenance
àdi^mter si cette succession, appliquée en toutou en partie au dé-
^rtvement de TimpAt , ne serait pas'un instrument beaucoup phis
«cttf , beaucoup plus direct, beaucoup plus fécond qu'il ne Test au-
J^viti'hui daas'sa répartition chanceuse; à discuter encore si 46
''••pect pour les privilèges péouniaires «de la fomiÛe devait s'étendre
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3S0 RBYUB D£8 NSUX MONDES.
si loin qae Ton dût préférer, à Tintérét de toud, l'intérêt de quel-
ques parens éloignés, inconnus au défunt, souvent ses eanemis,
n'ayant pas, pour combattre des désirs impies et avides, Taffec-
tion qui fait patienter un héritier direct, Tamour filial plus fort
qu'une pensée de survivance. Ce retour au trésor public de succes-
sions fractionnées les aurait empêchées , comme elles le font, d'^
jouter quelques cent mille francs de plus à Tépargne d'un oisif, et
les aurait rendues profitables à tous et à chacun comme réductiaft
des taxes, n est vrai que le drame et le vaudeville aoraiem été
privés de la grande péripétie d'oncles et de cousins morts dans 1^
Indes, oubliés et millionnaires ; il est vrai encore que la sucoessioii
Stephen Gérard, ce leurre qui a duré dix ans, n'aurait plus la h-
culte de remuer tous les Gérard de France, au nombre de deux
cent soixante-et-quinze. Mais les Gérard et les vaudevilles se se-
raient résignés avec le temps.
C'était donc là, selon M. Enfantin , une perception toute finte,
une rentrée facile et variable seulement, comme le chiffre de U
mortalité annuelle. Que si l'on trouvait un inconvénient et une oc-
casion d'abus à ce que le gouvernement héritât, gérât, admimstrâc,
vendit des propriétés main-mortables, il était facile d'imposer
tel droit progressif et presque équivalent sur les successions, ea
les frappant d'une manière d'autant plus lourde qu'elles résulte-
raient d'une prétention plus lointaine. La conséquence de la même
réforme, son complément obligé devait être une forte augmentation
de droits sur l'héritage au premier degré. Entrer dans cette thèse
avec M. Enfantin, c'est toucher une plaie vive, c*est froisser bien
des espérances, contrarier bien des loisirs àTavance rêvés; mais 3
n'en reste pas moins comme un fait évident, que le droit sur les suc-
cessions, si énorme qu'il puisse être, sera toujours l'impôt le {dos
juste et le plus rationnel , parce qu'il prend la fortune là oà elle est ,
au moment où elle change de mains, oii elle se déplace, souvent
pour arracher à un labeur productif des hommes qu'elle voue dé-
sormais à une oisiveté ou partielle ou complète.
Après avoir indiqué ce nouveau mode de perception , M. Enfm-
tin aime à en suivre les résultats et à en indiquer les emplois les phs
fructueux. Grâce à Tabolition des successions collatérales et i
l'augmentation des droits de succession en ligne directe , on pou-
vait supprimer, d'après lui, l'impôt sur le sel, la loterie et les ooa-
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SOCIALISTES MODBBlfBS. ^Sl
tribntions indirectes, oa bien encore employer le fonds commun
qui proviendrait de cette mesure à des destinations productives,
comme rétablissement d*écoIes publiques, l'amélioration des voies
de transport, l'embellissement des villes, la prc^agation des bons
procédés agricoles, etc.
Placée sur ce terrain, Téconomie politique du Globe rendit, il
font savoir l'avouer, des services essentieb à la cause de l'émanci-
pation industrielle, que d'autres écoles avaient déjà chaudement
et utilement poursuivie. Les débats de l'amortissement, de Tem-
proot, de la dette publique, de l'impôt, dont la presse et les cham-
bres étaient alors saisies, trouvèrent de beaux et rudes jouteurs
dans la feuille saint-simonienne. K toutes les solutions qu'elle
présentait n'étaient pas acceptables et pratiques, toutes ses criti-
ques étaient profondes et justes, armées de chiffres et de preuves.
NoDe part la mobilisation de la propriété et l'institution des ban-
ques ne trouvèrent des promoteurs plus zélés. Une banque, pour
M. Enfantin, n'était pas une caisse d'escompte triant et classant
son papier; c'était une société commanditaire de l'industrie, char-
gée de distribuer les instrumens du travail, de la manière la plus
fevorable aux producteurs et à la production.
A c6té du chef de la doctrine, d'autres polémistes, d'autres sa-
vans surveillaient les autres thèses politiques et industrielles.
Déjà H. Stéphane Flachat-Hony poussait l'industrie vers des voies
nouvelles et progressives. Doué d'une patience admirable d'in-
Testigation, d'une lucidité onctueuse et impulsive, il éclairait tout
à la manière de Franklin, en s'élevant de la recherche des faits
aux combinaisons théoriques. H. ÉmUe Pereire préludait aussi à
cette réputation que le National lui continua : le premier, il ven-
^t la statistique, tant de fois profanée; il en refaisait la langue,
3 en réhabilitait l'emploi; il lui rendait sa conscience de chiffres et
«a loyauté de déductions.
D'autres cerveaux élaboraient la poésie, l'éloquence et la philo-
wphie saint-simoniennes. M. Barrault évoquait l'orientalisme avec
ses formes pompeuses et ses vétemens drapés. M. Michel Chevalier
donnait sur le monde en périodes si sonores et si belles ; il lui pre-
ssait une ère si pleine de gloires et de magnificences ; il lui donnait
^soleil si beau, des moissons si dorées, des fruits si savoureux,
^ populations si épanouies, tant de canaux et tant de chemins de
TOMB VII. 21
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71» ftKia.
foi:, taal.da nohassM/ec imuéîAnlMimw, de
teUfia^¥oIiipt(é%. da teUe» hamnoiiiMi» «^Me las ptu»tii
i^eaieot les yeuai el ka orftittM,^ fr*<iiMiiiMnit dftMfriAvnsvdPc
9e kûssoieiit becett par C8»geniftB*d»«dMMnat.ekdloiy.qn>'a> nÉ»
dit détachés des mille contes de '^ihi'lK'rnTiflni Iiiii phillMnphfiiniliki
novalislAs se demeuraioin. )f(ÀBl <riià.«rTièM« .li&l« JLeaeoiiv J<*mi
ftajaaud, Chérie» Buvey'rier^a&taqueieiit, ée hmk et I
k^earde-éterusl dans lequel raoleat lee milapbf B^pMs
et moderne, Dieuet rboHmie;.ilfi'ej|9liq^aieiilîHiiftet Kuafie per h
théorie sâint^eimfiBieBiie ; ils dweutaientJa hiiide laiegOfattBOylaJai
de k hiérarchie ; ilsexplquaieiU tbttOiaiiit&atADB'lMBlQve^ee pat^
fectibilité infinie, sa progressioii lenle,. maia sike, .wretiuiaieMr
tCMijours meiUemr. Nobles et coneoians travaux,,€|û oai e» mKLÂê
guoi payer ceux qnî les abordent, mrtmn qnmri iln r rmfnBf ineti
pris-etoéfionnasl
Cettepérioded*hannomeet,d!iiBioB natqsa^ quoi cpitoi^ aàL^
dire, Tapogée du saint^simonisme* Quand, .au premier didnr»'
ment intéiieur, Fanarchie éclata entre ceux qui e^en étaient iA
un argumeot contre le monde,, quand on. .les vil a»lgavdàB|iir
leur doctrine contre les faiblesses vulgaires.; locsqui*ea*i
lafratûrnîlé universelle eut brusquement déchiré son]
il y eut, parmi les profites ^ un indéfinissable mewrmnnnf d'«fî-
JÛDB réactionnaire, et un tenipetd'aaFAa daa&le paoeélyliwne d"^
dce supérieur. €e qui survint ensuite, eft kil dn.progreeaMe-^
de conquêtes, résubait de i:élai^primitif ;^*éaMtpffeefi«e KaoeMiplii
aeraent d'une loi dynamiquet.
V. — QDATRIÈHB ÉPOQmS.
'S^kisme. — tMiiionf de 1a Thmifle* "Retraite ée HJémlHieat— 1« —
Le lâlrre newesu.
Depuis long-tenaps, les deux tètes qui soignaient k.méowiiare,
-.au la même couronne, comme on voudra, œs deux tèles
tcavaiUéeB de pensées divergentes. M. Baiard, tout en
à passer de Tétat d*écoie à celui d'égbse, avait arrâté, daan aan
.plan, de s'abstenir d'éclats immédiats. Il voukit que les tfaéoriis
eussent pénétré dans lesosprits avaat de hasarder la pratiqBaJ
'désitfaiteouTaiwceet non enthousiasmer; il s'adreaseir nwr he»-
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iOGtAUSTSS HOMmiC». 3K.
iiMn de .diaenssMi et d^exameiu il. EnfMUia ne se ringaatl pas à
œile pr^Minakm lente et chaooease. De toutes les façons par
lesquelles on agit sur les organisations hmnainesy il savait qne' la
plus promptoy la^plu^dAcisivei la^diia triemphanto^ e*est rengone-
mant Décomptait sur le cosnr phis que sur resprit, s«r le senti-
ment plos^qne sur la raison ; il voulait passionner les artistes et les .
ppàlesk Qoe lui iinportait sa petile Eannlle, à lui qui^vait la fanile
onverselle, à lui qui* conpUit. réaliser de son vivant une supré*
nmie éclatante et complète, une royauté politique et religieuse?
Auasiy dès qur'ilnt que Bazardne pouvait plus, ne voulait phisse
UMttre è son pas» il résolutde le laisser en -route et de continuer seuL
Par quels moyens il resta le maître dans ce <;onflit d'autorité^ .
cela »*axpiique» cela «e conçoit.. M. Enfantin , demeuré seul^. avait
eaD0i:e:un rôle è josier ; M; Bazard n*'en avait plus. Poussé jiMMjpy»-
là dans des- voies hardies^ œ dernier n'avait pas même la décision
nécessaire pour se maintenir au pomt où on Tavaitcondint. Ueil
reculé sans doute; et reculer en rase campagne quand on a contre
sei le nombre, quand on n*a pour soi que son audace, c'est être
vaincu* M. Enfonlin devait donc détrôner, absorber son collègue ;
c'était dans Tordre.
La rupture éclata au sujet de deux questions capitales, Taffran^
cUssenoent du prolétaire et raffranchissemeat de la femme. L'af^
franchissement du prolétaire pouvait se poursuivre et s'avouer en
faoe de runivers« Seulement, il venait s'acboppec contre l'article 291
du CkKle pénal, et, comme vers-ce temps les sociétés populaires^fa-
tiguaient le gouvernement et la bourgeoisie, il était possible que le
parquet prit Taffranchissement du prolétaire en assez mauvaise
part. M. Bazard recula devant cette expérience chanceuse. Quant
à l'affranchissement de la femme, non-seulement il présentait des
dangers plus grands encore, mais, en outre, il froissait M. Baiard
dans une corde personnelle. Soit que M, Eafentin laissât à la mora*
lité future une latitude peu édifiante, soit qu'il dit. trop ce^u'îl
voulait faire ou qu'il ne le dit point assez, toujours est-il que son
collègue ne voulut pas encourir la solidarité d'un scandale proba-
Ue. Après de vives discussions, qui prirent un caractère récrinû-t
natoire^ NL Bazard se retira, profondément navré de te lutte, souf-
firant- dans ses aCEsctions,. triste^ Messe* au coeur., devant mo«rir
àp6adBjooia4e.li»
21.
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5ik REVUE DBS DEUX MONDES*
Alors une scission eut lieu. La hmiRe de la rue Monsigny se si-
para en deux camps , Tun aux couleurs de H. Enfantin, ayant fin
en lui, quoi qu'il advint ; l'autre dévoué à M. Bazard, et prêt à le
suivre dans sa retraite. Le 19 et 21 novembre 1831 survmrent
deux réunions générales de la famille^ épisodes caractéristiques
dans la vie saint-simonienne. M. Bazard refusa d'y assister ;fl se
résignait, il s'avouait vaincu. Dans la première séance, H. En£antiii
parla d'abord. H développa la théorie qui le divisait de M. Bazard,
l'appel à la femme, conviée au sacerdoce en même temps que
l'homme, et à titre égal ; il déclara d'une foçon solennelle que A k
saint-sûnonisme avait combattu énergiquement et rayé de son évan-
gile l'exploitation de l'homme par l'homme, on ne pouvait ni ad-
mettre ni tolérer davantage l'exploitation de la femme par rhomae.
Le christianisme, suivan lui , avait émancipé la femme, mais l'aviit
tenue dans la subalternité : le saint-simonisme devait affranchir b
femme, et la poser comme l'égale de l'homme.
a L'homme et la femme, voilà l'individu social, disait M. Eofantin;
l'ordre moral nouveau appelle la femme à une vie nouvelle : il faut que la
femme nous révèle tout ce qu'elle sent, tout ce qu'elle désire, tout ce
qu'elle veut pour Tavenir. Tout homme qui prétendrait imposer une loi
à la femme n'est pas saint- simonien , et la seule position du saint-simo-
nien à l'égard de la femme, c'est de déclarer son incompétence à la
juger, j»
Passant de là à la théorie du couple-prétre, de l'individu sodal,
homme et femme, M. Enfantin ajoutait :
<r La mission du prêtre est de sentir également les deux natures, de ré-
gulariser et de développer les appétits sensuels et les appétits charnels»
ainsi que sa mission est encore de faciliter l'union des êtres à afTections
profondes en les garantissant de la violence des êtres à affections vives, et
de faciliter également Tunion et la vie des êtres à affections vives en les
garantissant du méprb des êtres à affections profondes. »
Et plus loin :
<r Qu'elle sera belle la mission du prêtre-social, homme et femme!
qu'elle sera féconde! Tantôt il calmera les ardeurs inconsidérées de rin-
telligence, ou modérera les appétits déréglés des sens; tantôt, au coo-
traire, il réveillera l'intelligence apathique ^u réchauffera les sens en-
gourdis; car il àevTà connaître tout le charme de la décence et de h
pudeur, mais aussi toute la grâce de l'abandon et de la vohipté. d
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SOCIALISTES MOMIHBS. 39S
JoMpie-U raaditoire, bien que remué par des sentimens ânrers,
arait écouté en silence ; mais , à cette dernière définition , M. Pierre
Leroux ne se contint plus : <r Vous exposez U, dit-il à M. Enfantin,
« une doctrine que le collège a unanimement repoussée; je suis
<r venu ici pour tous le dire ; je vais me retirer. » A quoi M. Enfon-
tin répondit : «r La preuve de la vérité de mes paroles , tous la
<r voyez. Voilà Thomme (et il montrait M. Pierre Leroux) qui repré-
«r sente le mieux la vertu, telle qu'elle a été conçue jusqu'à présent;
<r et, vous le voyez, la vertu de cet homme ne peut pas comprendre
(T ce qu'il y a d*universel dans mes paroles. »
Nous le croyons certes bien.
La discussion continua ainsi dans la première séance, mêlée de
récriminations et de paroles très vives, et suivie de la retrrite en
masse des dissidens, parmi lesquels figuraient MM. Leroux, Ray-
naud, Cazeaux, Pereire et autres. Mais dans la seconde séance»
M. Enfantin ne souffrit plus le débat. Après avoir congédié les pro-
testans d'une façon assez brutale, il s'adressa aux fidèles qui lui
restaient, et leur montra le fauteuil de H. Bazard, resté vide à ses
cAtés, comme le symbole de l'appel à la femme. H. Rodrigues se
leva après lui, et fit un autre appel, l'appel à l'argent, dont il vou-
lait installer la puissance morale. Ce jour-là, la hiérarchie se modi-
fia nne fois encore : H. Enfantin fut déclaré, par M. Olinde Rodri-
gues, l'homme le plus moral de son temps, le vrai successeur de
Saint-Simon, le chef suprême de la religion saint-simonienne; puis,
avec le même sérieux, M. Olinde Rodrigues se posa lui-même comme
le père de l'industrie et le chef du culte saint-simonien.
L'aspect de la religion se modifia en même temps que la hiérar-
chie. On laissa de côté le dogme, travail favori de Bazard, pour se
tourner vers les questions de culte et de morale. On passa de la spé-
culation à la réalisation. La chair fut solennellement réhabilitée ; on
sanctifia le travail , on sanctifia la table, on sanctifia les appétits vo-
luptueux, le tout en se servant de termes assez lestes, car on atten-
dait que la femme vint donner à la religion le code de la délicatesse
et de la pudeur. Cette venue de la femme, cette attente d'un Messie
de l'autre sexe fut le long rêve de la dernière période saint-simo-
nienne. On ne pouvait pas marcher sans elle; on l'invoquait chaque
jour; on la voyait partout. La femme manquant, le couple sacerdotal
demeurait incomplet; la religion cheminait b<riteuse. Aussi, pour
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REVUS WÊê'umow womwm
déddei^ eeMe rtnéklMi nout^Hr» MqployÉ<^t-oflr4Ms tel itoyiMi
Taideéês^fielrM âgitsiMT TîmligÎBMioli «t «iir iavaMSi L'bhM 4»
183S Alt une loniguefète dms la r«e Mbnsigny. La reKgteiMetsi»'
TOMa de roèes, eHe se saiietifa à la fa«éa du pvneh et ««s dai-
sanleéi hartlloliies de TordieaCre; elle oonvia tout Paria i aeafttt%
bieâ sAreque Paris ne hii nendrali pas ses potilesses. A oes ré—hat
pailireiH'qvelqiiesfeiiiiiies^ élégantes^ jeunes, graeîefises, frakèsi^
joKes^ <{DÎ dansaiedl pimr danser, riaient pour rîre^ le umt A'wm^
fafon mondaine» et sans entrevoir le eAté profondément reGgicaa
de ces danses et de ces riresi La religion yonnsnoia^ea demièrsa
ressources, sans que la femme répondit è son appeL
I^wC soutenir ee hiM, pour solder oes bris, pour nMltre l'ordi*^
naîre de kr religion sur un pied qui^t à la hauteur des profeCsnai-^
veaux» il Mlait de Targent^ beaucoup d'ai|(ent. LeGU^^ discrftai
Çratia^ absorbait une senlne MUuelle fort importante, et les S(k
ports avaient diounué depuis la rupture. MMl Alexis Petit, H•«Fba^
neH d'Eidital , OHiWerv Rîgaud , Toché , Barrault» et BL Enfinti»
lui-même fr*ét«ent peué peu dépouillés pour la religion. En crisM^
il ne restait rien, ou il restait' pieu de cllose eli numéraire; ierpfé*
priétés qui formaient le solde du fonds txNmnun n'ét»ent paaftcBt*
mefft réalisables. Le budgl$t> au 31 juillet 1631» préiseuttiit une bl^
lanee presque parfeite entre Tactif ^ le passif: les dooa en a^gsn
étaient de 218»e00 francs; lea dépenses feitea de âSO^eoe. On m
senai trouvé en déficit si une somme de 60Q,iMM fraiioa envîroa» en
titreadHnmeubles, ne fûtpas démeuiréeliblt^.
Voilà qudle était la «ituatioa finanoiène duaaint^sinlbnianie quiid
M. OiîlMie Rodrigues lan^ son appel à Vargent. <r Rotsdddv
a Aguado, LafiBtDè, dit-il» n^ohtrien entrepris d^ausst grand iiaesÉ"
crqto je viens entreprendre; Tomite sont veiius^ après la ^ueiT^*
ff donner au vaincu le tn^éditnéœssaire pour 'satisfiure le vainque
a Leur mission périt et la mietme commence.- On eaoompta A It
a bourse de Paris» de Londres et de Berlin» Tavenir peitâius H
a fiaancier de Tassodatioki des travàflleurs. l'entrepreadadeto^
<r dèr lé crédit saint-simonienk bIM acte fut enofifet paatfè par'dè-
vattl^M« LelH>n » qui consCituaft la société t;oUeotiv<e BeqanMi^Qlindi
Rodrigue» et compagnie» sour rattoriaatkm et nveu. Mda ds)
M. Bnfianlini Des aoliona et dea coupons d'aotionr fiÉrent étowai
csjpM nbnnial tlo IMO «panes» et a* ûÊfitÊk rM^ étmùrtmm
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ftMaciéte réaaRl ma), niftle^ré les^Mks powpoolivoa qv'eUe pré-
saaftait &«x proaeoffs. Un patit nembre d'aetkms se -phça dans le
eevole VmM des partisaiis de la deelffiiie;-nais cetle^oMBsion par-
tieUe fèf plas airisible qu'utile» eav onAnsaH une afMre d'argent de
ce qm arail été jusqu'alors «ifkfire de déveuemenl. Ceux qui
avaieni tant danné au samt-smenisnie n'a¥aient ))as spéculé sur
leors dons. Le mobile changeait : on s'adressât à la cupidité hu-
maifie ; eHe répondit moins que le désmtéressement.
L'organisation du traraO social ne ht guère plus heureuse.
M. Stéphane Flachat était demeuré fidèle à la fortune de M. Eafim-
tin , plutôt par affection que par eonrietion. B espérait toujours que
la lumière morale luirait , d-un jour à4* autre, au sein de cetle nuit
de doutes, et il s'était déroué, en attendant, à une mission qui eAt
réussi par-lui, si elle avait eu la moindre chance de réussite. Quatre
niUe eurriers avaient été afflKés : as iravaillaiem dans des maisons
spéciales pour le compte de la communauté religieuse. Ces^easais
avortèrem» Ici la certitude du bieiFétre matériel rendait les ou-
rriers nonchalans; là des divisions intérieures sa glissaient panni
eux, el il f^dlail intervenir pour foire respeeler la hiérarchie. La
masse des saintrsimomens avait augmenté sans doute ; l'i^ppel aux
prolétaires avait attiré quelques hommes indigens; oo se prête 1
teus les essais qumid on souffre. Mais pour les retenir, pour en
augnenlerle nombre, U eAt foUu que l'améKoration promise se réa-
lisAt; autrement les prolétaires s*en allaieat «n à un. La seule for-
UHrfeintoKgiblo pour ces ouvtiers, c*était détre mieux. Elle leur
BUUM|ua bientôt. Ainsi, des deux.parts, c*étaft un tort et une ineon-
aéqueuce davoir déplacé Taetion saint-simonienne, d'avoir tenté
une réidfaation qui devait échouer, et qui, en échouant, laissait le
reole de la doctrine sous la prévention d'impuissance.
Cette époque fat d'ailleurs ftconde en disgrâces de tout genae*
A« moment où la salle Taitbout jetait son plus vif éclat oratoire> au
fort des réconciliations publiques et des confessions de MUs Julie
Fanfemaut, quand la mise en scène la plus raffinée donnait à ces
rénnons un imprévu ^fue n*offrent plus nos théâtres, une brusque
mesure de police vint chasser les fidèles du temple, et les mettre à
iadiserëtion des baïonnettes municipales. D'autrespoursuilea ai-
Mhanéeo avaient «Ken dans la maison de la rue Monsiguy , 0à la
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328 REVUE DES DEUX MOIOIES.
saisie des papiers de la fomiDe forma la base de plusieurs 'uâet-
rogatoires et d'une instruction criminelle. Ce n'est pas tout encore.
Des dissensions étaient surrenues entre M. Enfantin et M. Oiiiide
Rodrignes, au sujet de la question morale. H. Rodrigues accusât
M. Enfantin de promiscuité religieuse, et disait : a J*ai affirmé q»
a dans la fomiDe saint-simonienne tout enfent devait pouTcnr cot-
er naître son père. M. Enfantin a exprimé le vœu que la femme fb
a seule appelée à s'expliquer sur cette grave question. » Là-dessos
il se sépara en appelant les fldèles à lui, comme au seul disci-
ple et à rhéritier direct de Saint-Simon. La brutalité de la rupture,
son inopportunité à la veille de persécutions judiciaires, laisskeiK
sa sortie sans contre-coup. Seidement, avec lui, s'en aHèrent ks
dernières ressources. Sa retraite discréditait l'emprunt dont Q état
le titulaire contractant; et, au lieu d'opérer desplacemens nouveau,
il Mut rembourser, çà et là, sur les 82,000 francs d'actions rét-
lisées, quelques porteurs de coupons, moins résignés et plus tv-
bulens que les autres. Faute de fonds suffisans, le Globe rnoorot
d'abord, puis les ateliers se fermèrent; enfin la femîDe de la me
Monsigny fut dissoute.
Alors une dernière transformation eut lieu. A Hénilmoiitant, ai
point culminant de la côte, M. Enfantin avait une propriété patri-
moniale, qui dominait Paris, une vaste maison avec jardin d*ia
demi-arpent. II résolut d'en faire le dernier asile de la famîBe, si
maison de refuge contre le monde. Là on pouvait s'inspirer dans
le recueillement et dans la retraite, attendre la venue de la Femoie-
Messie , si lente à répondre, pratiquer en petit l'association conte»
plative et partielle, jusqu*à ce que l'heure eût sonné de Tassocia-
tion universelle et laborieuse. Quoiqu'il fût étrange, après une
suite de prédications contre les oisifs, de se vouer ainsi i la vie
stérile de l'anachorète, cet état nouveau et purement transiteôe
avait aussi son aspect saintrsimonien. Il s'agissait alors d*abolir h
domesticité, en faisant participer les plus hauts et les plus fiers i
la tâche du prolétariat; il s'agissait de former à une discipline de
costume et à une vie de continence quarante jeunes moUies chex
qui la vie débordait; il s'agissait d'éprouver s'ils soutiendraient
jusqu'au bout la gageure, et s'ils seraient aussi forts contre les
huées de la foule qu'ils l'avaient été contre les sarcasmes des beanx
esprits. Dans un factum net, clair, indsif, intitulé : A toos;
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SOCIALISTES MODERNES. 529
M. Enfantin donnait la clé de cette expérience : or J*ai voulu, disait-
ff il y appeler la femme et le prolétaire à une destinée nouvelle. »
Puis U expliquait comment sa parole, semée dans Paris, y continue-
rait sa germination mystérieuse, et comment il n'y aurait bientôt
plus d'autre politique que la charte d'avenir qu'il avait fondée.
A Ménilmontant, tout s'organisa ainsi qu'il l'avait dit. Quarante
nouveaux Horaves se cloîtrèrent dans ce jardin, le bouleversèrent
en tous les sens, taillèrent les arbres , bêchèrent et sablèrent, ni-
velèrent et arrosèrent, émondèrent, échenillèrent , se firent indis-
tinctement et à tour de rôle chefs d'office, cuisiniers, sommeliers»
échansons. On organisa le travail par catégories ; on fit des grou-
pes de pelleteun, de brouelteursy de remblayeursy et pour que la
besogne fût moins rude, on l'accompagna d'hymnes composés
par un membre de la communauté. Plus tard, quand le public eut
ses petites entrées dans le jardin, on lui servit des concerts de
cette musique locale, puis, par une insigne et dernière faveur, on
l'admit au spectacle du dtner du Père, comme à celui d'un souve-
rain. Tout ceci se faisait d'ailleurs avec les formes voulues et en
costume. L*uniforme était simple et coquet : justaucorps bleu à
courtes basques, ceinture de cuir verni, casquette rouge, panta-
lon de coutil blanc, sautoir autour du cou, cheveux à Tinspiré,
rejetés et lisséaen arrière, moustaches et barbe à l'orientale.
Nous ne voulons pas accepter au sérieux cette phase de l'existence
saint-simonienne. La prise du costume, au bruit de la canonnade
de Saint-Méry , la lutte entre la famille qui appelait les visiteurs et
la police qui faisait croiser devant eux la baïonnette ; les harangues
en plein air; les syno